Récit de la course : Eco-Trail de Paris® Ile de France - 80 km 2010, par hellaumax

L'auteur : hellaumax

La course : Eco-Trail de Paris® Ile de France - 80 km

Date : 20/3/2010

Lieu : St Quentin En Yvelines (Yvelines)

Affichage : 3605 vues

Distance : 80km

Matos : Adidas Supernova Riot II. Sac Olmo 5l de Raidlight.

Objectif : Pas d'objectif

25 commentaires

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Premier ultra

 

 

-         Et le fiston, madame Corbin, il fait toujours du judo?

-         Ah non, il s’est mis à la course à pied. Il fait même une course demain.

-         Ah oui, quelle distance ?

-         Euh, 80 km, je crois…

-         Beuh non, vous devez vous tromper madame Corbin, 80 km, c’est pas possible !

 

Cette discussion, absolument authentique – je le jure ! – a eu lieu le 19 mars entre ma maman et notre vieux médecin de famille, qui m’a vu grandir, et que j’ai perdu de vu depuis plus de 20 ans.

 

Et je vous avoue qu’elle me fait bien plaisir, cette petite conversation ! Parce que je ne suis pas peu fier d’avoir bouclé cet Ecotrail 2010, et parce que j’adore depuis ce trouble que je perçois dans le regard de mes interlocuteurs quand ils apprennent que j’ai couru 80km, un truc à mi-chemin entre « il déconne ? »  et « il doit vraiment être malade ! ».

C’est sûr, c’est pas à vous sur Kikourou que je vais la jouer à la j’ai-fait-un-truc-exceptionnel : j’ai terminé en 11h13’ à la 857ème place, et pour reprendre un terme lu sur le forum « ce n’est qu’un trail de plaine ».

Mais pour autant, je ne vais pas bouder mon plaisir : c’est mon premier ultra, et arriver au bout n’était pas gagné d’avance !

 

En fait, l’idée a germé à l’arrivée de l’Ecotrail 2009, où, venu encourager les concurrents sur les derniers mètres du parcours, je suis reparti avec la furieuse envie de susciter, à mon tour, les sentiments admiratifs qu’ils avaient fait naître en moi.

Le coût de l’inscription m’a un peu refroidi : quasiment le prix de la boite de playmobil dont rêvait Baptiste pour son Noël… J’étais quasiment résigné (il allait comprendre, faut bien que papa s’amuse…) lorsque j’appris que mon employeur – la mairie de Paris – offrait une vingtaine de dossards à ses agents. Impossible dès lors de ne pas m’engager.

 

Je me suis ensuite équipé pour le trail (chaussures, vêtements, poche à eau, gels… merci Agnès pour les bons tuyaux !) et je me suis préparé un peu empiriquement, sans trop savoir à quoi j’allais m’exposer. Une certitude cependant : j’avais tout ce qu’il fallait pour affronter le froid !

 

Du coup, en voyant la douceur des températures annoncées pour l’arrivée du printemps, je ne savais plus trop comment m’habiller pour la course. En discutant avec LoicM au retrait des dossards, je me suis décidé : ça serait TS manche longue, et coupe-vent léger dans le sac à dos au cas où.

Je suis ensuite rentré tranquillement à la maison, en perdant au passage ma casquette kikourou toute neuve, moins d’une heure après l’avoir récupérée (si Baptiste m’avait fait un coup comme ça, je lui confisquais ses playmobils !)

 

Enfin, 9h30, samedi matin, rassemblement au pied de la Tour Eiffel et premières rencontres ou retrouvailles avec nombre de kikous avant le départ vers le RER, puis la navette vers la base de Saint-Quentin.

Le temps sur place passe relativement vite, je discute avec RTTH, Capcap, Land et les autres, puis l’heure du départ approchant, on s’avance tous vers la ligne où on évoque avec Alexandra (Supermassive) les petites larmes que nous ne manquerons sûrement pas de verser lorsque nous franchirons l’arrivée dans  quelques (petites) heures.

 

Et c’est enfin parti.

Enfin, pas très longtemps, car je profite d’un petit bouchon, pour aller soulager ma vessie sur un arbre accueillant à l’abri des regards.

Il fait plutôt doux, voire un peu chaud, et je ne regrette pas d’avoir laissé le coupe-vent dans le sac. Bon, d’accord, j’aurais sans doute mieux fait de fermer le sac, ce qui m’aurait évité d’éparpiller son contenu sur le parcours (merci à RTTH d’avoir récupérer mes affaires !).

Le temps d’enlever le sac, de ranger les affaires, de remettre le sac, de récupérer le portable tombé au sol dans la manœuvre, et de sourire bêtement au spectateur qui commentait ma mésaventure en ces termes « oh ben, si ça commence comme ça, ça risque d’être long ! », je lançais un petit coup d’œil pour constater qu’il ne restait … qu’un seul concurrent derrière moi.

Sans accélérer comme un fou, je vais assez vite rattraper le gros de peloton, d’autant que pas mal de monde s’arrête pour enlever des épaisseurs.

Je médite les conseils prodigués la veille au téléphone par Marioune : ne pas s’enflammer au début, et bien recharger la poche à eau au premier ravito.

Pour le moment je suis parti avec juste un demi-litre d’eau dans la poche et deux bidons de 750ml d’hydrixir, et je m’applique à boire, en alternance, une gorgée d’eau ou de boisson énergétique toutes les 10 mn (j’étais assis à côté du papy dans la navette, vous imaginez la honte si je m’étais mal hydraté !)

Je n’ai pas de souvenirs marquants de la première partie du parcours, si ce n’est qu’effectivement c’était plutôt roulant et qu’il faisait assez chaud. Je n’ai pas fait de zèle non plus : en voyant les concurrents m’entourant se mettre à marcher dès que ça montait un peu, et en repensant aux conseils d’Ouster dans son récit de l’an dernier, j’ai marché dans chacune des montées.

Je suis ainsi arrivé tranquillement (très tranquillement même) au ravitaillement de Buc après 2h17 de course. J’ai rempli la poche, je me suis bien ravitaillé, et j’ai vu Grandware traverser la zone de ravitaillement comme une flèche. Un petit coup de fil à Taz pour lui donner des nouvelles, un petit encouragement à Badgone qui venait d’arriver (et qui allait malheureusement repartir trop vite) et je rejoignais Land et LoicM juste avant d’attaquer une bonne petite côte, dans laquelle ils me lâcheraient définitivement.  

Un peu plus loin, j’ai rejoint RTTH, qui n’était pas au mieux, puis j’ai continué mon chemin que je trouvais de plus en plus difficile.

Au 30ème, j’indiquais pas SMS à ma chère et tendre que tout était OK, mais celui du 40ème disait sobrement « 40km dur ». Il est alors 17h30, ça fait 5 heures qu’on est partis, et il reste 13km avant le ravitaillement de Chaville, qui, dans ma tête, était le point à atteindre pour être sûr de finir (J’ai repensé à ce que tu me disais la veille,  Marioune !).

La succession des côtes, me fatigue, peut-être plus psychologiquement que physiquement d’ailleurs, et je prends comme un peu de répit le point de contrôle intermédiaire où on contrôle la couverture de survie et où on m’oblige à mettre le brassard.

Le ravitaillement n’a beau plus être très loin, ça me parait interminable. La nuit commence à tomber, j’ai un vieux refrain de Rick Danko en tête (don’t let me alone in the twilight, twilight is the loneliest time of day). Heureusement, RTTH me rattrape et m’accompagne jusqu’au ravitaillement. Il a récupéré la pêche, ça fait vraiment du bien de discuter et de ne plus être obnubilé par ses propres sensations.

Le ravitaillement lui aussi fait un bien fou. Mon ecotasse accueille tour à tour soupe aux vermicelles, eau, coca. Je mange du saucisson, du chocolat, du gâteau.

La nuit est désormais tombée, et avec elle une pluie battante. J’enfile mon coupe-vent, je passe mon bonnet pour me protéger de la pluie, je passe la frontale et j’appelle ma femme pour lui donner des nouvelles. Il est plus de 19h30, et elle réalise très vite que j’ai mis 2 heures pour faire 13km.

Je repars dans la nuit et la forêt, sachant que les 10km qui s’annoncent sont les dernieres vraies difficultés.

 J’en bave, sous la pluie battante, je me sens très seul, car les distances entre concurrents se sont considérablement allongées.

A 21h, alors que je ne suis pas encore arrivé à Jardy, j’ai un petit coup de fil de Taz. Ca m’a fait un bien fou de pouvoir me plaindre du relief, du terrain détrempé, de la pluie auprès d’une oreille bienveillante !

Enfin, j’arrive à Jardy, il est aux alentours de 21h30 et je retrouve Grandware qui se ravitaille ! Je prends mon temps, puis je repars une nouvelle fois dans la nuit, persuadé que maintenant ça devrait quand même être plus facile.

En tout cas, curieusement, j’ai une super patate, pas de douleurs, pas de fatigue. Je rattrape Grandware, on discute un peu et puis je l’abandonne égoïstement.

C’est une sensation bizarre à décrire, une forme d’euphorie ; je me sens bien, j’ai envie de courir « vite », de me « faire plaisir » pour reprendre les termes de notre conversation au moment de notre séparation.

Ce sentiment va durer jusqu’à l’arrivée sur les quais de Seine, que j’aborde, grisé par cette impression inédite pour moi, mais qui va s’estomper dans les immenses flaques qui ont inondé le chemin stabilisé auxquels sont accostées des péniches sombres et inquiétantes.

Mais le pire est à venir : je glisse ou trébuche lors du passage sur un trottoir étroit le long d’une voie de circulation et je chute très lourdement, le corps basculant sur la chaussée. Le choc, la surprise, la fatique ne me permettent pas d’avoir la lucidité nécessaire pour penser à me mettre aussitôt en sécurité sur le trottoir, et je reste, hébété, allongé sur le côté, dans le caniveau. Je sens des mains me saisir, et me retourner. Des voix s’inquiètent, je réponds que ça va aller, j’arrive à me relever. J’ai la main droite en sang, une douleur très vive dans l’annulaire et l’auriculaire droits. Mais il ne reste guère plus de 5km, alors ça va le faire. Je repars, mais plus question de prendre le moindre risque.

A deux kilomètres de l’arrivée, j’appelle Taz qui m’avait laissé un message, puis c’est l’allée aux Cygnes, le quai, l’escalier, la Tour Eiffel et les applaudissements des spectateurs, le passage sous la tente, Harry lit mon prénom sur mon dossard, et puis c’est l’ascension des marches et soudain, je vois la plate forme, c’est le premier étage et le passage sous l’arche : 11h13’13’’. Comme prévu avec Alexandra, les larmes me montent aux yeux.

Et j’aperçois Grandware, qui en termine, étonnant de fraîcheur !

Je fais observer mes doigts par les pompiers du poste de secours, ça n’a pas l’air cassé, mais ça a déjà bien gonflé quand même.

Il pleut toujours et j’éprouve une grosse fatigue le temps de rejoindre le gymnase pour la douche.

En ressortant, je croise Jean-Michel Touron,  Badgone et Martine, les nouvelles ne sont pas bonnes, et cela me désole vraiment, d’autant que j’apprends que le Bagnard a été bloqué au dernier ravito.

J’ai un bon coup de blues en sortant, au point de ne pas revenir vers la tente, alors que tous les kikous y sont réunis, et je n’ai même pas la lucidité de téléphoner à l’un d’eux pour savoir s’ils sont là.

Je rentre chez moi, le corps meurtri, l’esprit un peu confus, mais une putain de fierté au fond du cœur !

25 commentaires

Commentaire de Land Kikour posté le 25-03-2010 à 22:44:00

Merci pour ton récit juste qui nous replonge au coeur de cet Eco. En effet, tu peux être fièr de ta course. En te voyant à Buc, j'étais sûr que tu finirais. Bravo.

Commentaire de hagendaz posté le 25-03-2010 à 23:01:00

http://www.merci-facteur.com/voeux/103-Rasta%20fier%20de%20toi_maxi.gif

à+

Commentaire de shunga posté le 25-03-2010 à 23:06:00

Un très bon récit qui retranscrit bien ton parcours. Un plaisir de te lire. Bravo.

Commentaire de Natou posté le 25-03-2010 à 23:08:00

Merci pour ton récit et milles bravos pour ta course que tu as gérée avec brio !!!
Ravie de t'avoir croisé.
A tres bientot !!

Commentaire de loicm posté le 25-03-2010 à 23:11:00



Dommage que tu n'ais pas echainé avec nous. Pour une première bravo, je suis bien d'accord avec toi, tu peux être fier de ce premier 80 ... j'en parle en connaissance de cause, c'était mon premier aussi.

Commentaire de Epytafe posté le 25-03-2010 à 23:20:00

Bravo ! Juste bravo ! Et content de t'avoir serré la pince !

Commentaire de Astro(phytum) posté le 25-03-2010 à 23:50:00

Bravo laurent par ta course et pour ce récit pleins d'émotions .
J'ai tout comme l'impression que cette course va rester graver au plus profond .

Commentaire de Jerome_I posté le 25-03-2010 à 23:54:00

bravo pour ce premier ultra... Les doigts doivent fonctionner comme tu as pu écrire ce récit ;-) Bonne récup!

Jérome

Commentaire de agnès78 posté le 26-03-2010 à 00:28:00

eh ben juste à te dire bravo laurent...
bisous
agnès

Commentaire de tttao posté le 26-03-2010 à 07:41:00

Beau récit!
Je te souhaite une bonne récupération

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 26-03-2010 à 08:16:00

Excellente l'anecdote du début !

Bravo Laurent, je comprends que tu sois fier. C'est une belle course et à vous lire tous, j'ai presque envie de rééditer.
A une prochaine !

Commentaire de taz28 posté le 26-03-2010 à 08:35:00

Très très joli récit Laurent de ta course....
Je suis heureuse de t'avoir appelé au bon moment, d'avoir pu t'aider un peu moralement, quand tu étais sous les trombes d'eau !!!

J'ai presque vécu ton arrivée en live sous la Tour Eiffel, et c'était top !!

Bravo à toi pour ce premier ultra, réussi haut la main (même blessée.. :-))

Gros bisoussssssssssssssssssssss

Taz

Commentaire de Jay posté le 26-03-2010 à 08:46:00

bravo à toi .. et t'as fait ça tout seul avec tes 2 pieds !!!!

et tu vois ce que tu pourrais répondre au spectateur te disant : « oh ben, si ça commence comme ça, ça risque d’être long ! » ...
Long? peut etre ... et encore.. mais tellement bon !!

a la prochaine,
Jay

Commentaire de laurent05 posté le 26-03-2010 à 08:47:00

bravo Laurent pour ta course
merci pour ce beau récit ça donne envie...
ça m'a fait plaisir de te croiser
bonne récup
a+
laurent

Commentaire de eric41 posté le 26-03-2010 à 12:22:00

Bravo Laurent tu as fait une bien belle course si ce n'est cette chute.
Ravi de t'avoir rencontré.
Eric

Commentaire de Le Bagnard posté le 26-03-2010 à 13:12:00

BRAVO LOLO !!!! et bienvenue dans le monde de l'Ultra ;-) c'est quoi ton prochain ?

Commentaire de CROCS-MAN posté le 26-03-2010 à 13:24:00

BRAVO ULTRA LAURENT, il est ULTRA ton CR.
Merci et remets toi bien.

Commentaire de chris78 posté le 26-03-2010 à 14:49:00

Trop drole le debut, ca me rappelle lundi dans l'ascenseur, je croise un collègue "tu cours aujourd'hui ?" "non j'ai couru 80km samedi je vais me reposer un peu" "ah ok"....... et 2h apres je le croise de nouveau et il me dit "j'ai pas realisé sur le coup, je me suis assis au bureau, et je me suis dit j'ai mal entendu elle a dit quoi ? 80 ?"
lol
Bravo Laurent pour ta course !!! Beau chrono !!! Recupere bien
Chris

Commentaire de grumlie posté le 26-03-2010 à 18:41:00

Mon kiné me dit: mais on vous oblige à faire ça?!!
Chapeau d'être allé au bout de ce premier ultra en gérant apparement bien les coups de très bien et de moins bien. Bonne récup.

Commentaire de Mustang posté le 26-03-2010 à 19:21:00

Bravo Laurent!!!! Un récit palpitant comme ta course!!!

Commentaire de caro.s91 posté le 27-03-2010 à 20:26:00

Ce n'est peut être qu'un trail de plaine !!! ;-) il fait tout de même 80km et il fallait le finir. Tu l'as fait, bravo, en nous gratifiant d'un joli récit en plus!
A 2011, sans chute cette fois?
Caro

Commentaire de will36 posté le 27-03-2010 à 20:47:00

MOI JE DIS tu rentres dans la cours de l'ultra et des distances de l'irreelles... JE SUIS ADMIRATIF.

Commentaire de grandware posté le 28-03-2010 à 11:13:00

yo ma poule !!! à une prochaine...

Commentaire de RAPH91 posté le 01-04-2010 à 08:40:00

C'est un récit comme çà et ce que tu as fait qui me donne moi ausi à mon tour une folle envie de vivre de telles émotions l'année prochaine !

En espérant avoir cette force et volonté jusqu'au bout !

J'en frissonne !

Merci et Bravo

Commentaire de Papy posté le 01-04-2010 à 09:20:00

Nous t'avions attendu sous la tente, un peu inquiet surtout lorsque l'on a vu GranWare finir et toujours pas d'Hellaumax.

Vu ta chute, cela peut se comprendre, il y a manque de lucidité.

Au plaisir ! ;-)

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