L'auteur : titok
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 23/10/2009
Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)
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Distance : 150.1km
Objectif : Terminer
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« Allo, c'est David, mi arrive, mi lé à coté out caze .»
Je me lève d'un coup de mon tabouret, ça y est la course contre la montre est lancée pour ma folle aventure du Grand Raid 2009. A peine a t il garé la voiture que je m'installe à l'avant, Nathalie est là aussi elle à décider de faire mon assistance le premier jour. Tout au long du trajet on rigole, on se chambre, vraiment relax. C'est vrai qu'après ma petite sieste de cette après-midi, je suis extrêmement détendu ( je savais que s'était bon signe ). On arrive à Saint-Philippe environ 45 minutes du départ, pendant que je m'habille David prépare mon sac.
« Le matériel obligatoire il est où? »
« la poche à droite »
« OK »
« Je pars avec seulement un litre d'eau dans le sac et une petite bouteille de potion ( miel + jus de citron+eau ) ».
« OK de toute façon, on fera le point à Mare Longue ! »
Hou la, que le temps passe vite, il me reste trente minutes pour rejoindre le stade de départ. David et Nathalie m'accompagnent sous quelques fines gouttes de pluie. A l'entrée du sas, David me rappelle mon objectif :finir mon grand raid. Une accolade, une bise et me voilà aux vérifications. La pluie se renforce soudainement au moment où je m'avance vers la foule des raiders déjà massés sur la ligne de départ. Je cherche quelques connaissances , un bonjour ici, un salut par là et voilà que Chicaud prend le micro. Toujours pas de stress ,c'est bizarre mais je sais que je vais réussir. Soudain des trombes d'eau s'abattent sur nous ,tant que l'on n'entend plus le décompte final. Nous voilà déjà partis sur le bitume inondé avec la foule qui nous ovationne sur le premier kilomètre, je profite même pour saluer David sur le bord de la route. C'est sous une pluie diluvienne que l'on attaque la route forestière, et cela va durer une bonne trentaine de minutes. Au cours de cette montée, j'alterne marche dans les portions raides et je trotte dans les plus légères. J'ai de bonnes sensations et avec la pluie qui s'est calmée je me mets à chanter : « demain nou va mont dan les hauts,demain nou va mont la forêt ... ».Quand soudain, je double mon frère Laurent avec mon cousin Vincent et un ami à eux Jean Louis. Ils ont décidé de le faire ensemble depuis plusieurs mois, je trouve qu'ils sont peut-être parti un peu vite vu leur niveau...mais bon chacun sa course. Après avoir évité quelques bourbiers, j'arrive à l'entrée du sentier ( PK 15)...il est 02h05 . Je fais le plein du camel bag , mange un biscuit, fais quelques étirements et me voilà en route vers le volcan. Dans cette rude montée, l'allure est régulière et je n'ai pas trop de mal à suivre le rythme. Ça monte dans la forêt,ça monte dans les racines,ça monte,ça monte. Au fur et à mesure la végétation se fait plus basse et plus rare,et on peut apercevoir au loin les frontales de ceux qui nous précèdent, et confirmation ça monte encore. A quelques encablures du sommet, je profite du lever du jour pour changer de chaussettes,je m'assoie sur une coulée de lave, je prend une barre de céréale, mes pieds sont tout fripés avec l'humidité...pour l'instant pas de bobos mais il faudra faire attention à eux. Je repars pour atteindre le ravito de « foc foc »( PK 23,7 ). Un demi verre de coca, un quart d'orange et je repars. Je respecte ma stratégie, je trottine sur le plat et les descentes roulantes,je marche dans les côtes et dans les descentes sales et cassantes. Je redouble mon frère et son équipe (Ils ont dû me dépasser à Mare Longue). Deux petits mots avec eux tout en admirant le magnifique spectacle que nous offre le Volcan. Le jour est maintenant bien levé et l'augmentation du public sur le bord du sentier me fais dire que le poste de ravitaillement n'est plus très loin. En effet le voilà le ravito du 30ème Km, là même ou j'ai rendu mon dossard lors de ma seule tentative en 2004. Cette fois, malgré une heure de retard sur mes prévisions pas question d'abandonner ni là ni ailleurs. Je pointe à 7h02, une soupe, un laitage. Je croise un ami journaliste qui s'étonne de me voir sur la course et qui me donne rendez-vous à la Redoute. Ici je n'ai pas d'assistance donc je ne m'attarde pas,direction une autre difficulté inconnue pour moi entre le Volcan et Mare à Boue.
Je trottine vers l'Oratoire Sainte Thérèse et j'aborde tranquillement cette difficulté encore bien en forme. Après trente minutes d'ascension j'arrive au sommet ( PK 37 ) où je croise un copain du frangin qui m'encourage.
« Ils sont juste derrière »
En effet, les voilà à quelques dizaines de mètres.
La descente vers le piton Textor ne me convient pas trop avec ces grosses plaques de laves et son sol glissant, heureusement que la pluie nous a lâchée, et la vue sur le Piton des Neiges et la Plaine des Cafres est magnifique. Je vois d'autres raideurs débouler à fond les ballons....très peu pour moi , je préfère descendre au pas, je n'aime pas les marches hautes. Au ravito du Piton Textor, je complète ma bouteille d'eau, mon camel-bag en contient encore un peu : cela suffira. Je prend un petit morceau de pain et c'est reparti. Cette fois, on aborde rapidement une portion plus propre où on peut trottiner en descente.
Bientôt des pâturages, une belle balade bucolique avec des vaches et des barrières : mon rythme est correct sans plus. De nouveau des spectateurs et déjà la route bétonnée du Chalet des Pâtres.
C'est passé très vite. Je téléphone à David pour le prévenir de mon arrivée imminente et lui donner les dernières indications : je veux me laver les pieds et prendre soin d'eux. Le passage jusqu'à Mare à Boue est fabuleux avec le public qui applaudit tout le long (J'ai du dire une centaine de fois Merci sur cette course). Ça y est je retrouve David et tout est prêt, une petite bassine, mes semelles de rechange et mes pâtes cuites sur place bien sûr. Je me lave les petons, séchage, vérification...pour l'instant rien. Pendant que David réapprovisionne mon sac avec des barres de céréales, des biscuits, de la potion...toujours la même chose. J'en profite pour faire une sieste de 15 minutes.
Lorsque je refais surface, l'équipe de mon frère passe sur la route et me salut de loin :
« Bonne route... »
Je fais le point avec David, pour l'instant j'ai mal nul part, mon genoux tient le coup, mon estomac accepte tout, tout les feux sont au vert. On fixe un nouveau rendez-vous au pied du bloc. Je remets mes chaussures j'ai enfin les pieds au sec, c'est un vrai plaisir. Au lieu des 30 minutes de pause prévue je repars après 45 minutes avec 1 H 45 de retard sur mes prévisions sans que cela m'inquiète, la course est longue. Après une centaine de mètres j'arrive au ravito de Mare à Boue ( PK 50 ) je pointe à 11 h 15. Je passe ce pointage sans m'arrêter direction le gîte du Piton des Neiges par le Kervéguen.
Dès la sortie du pointage, je sympathise avec un raideur, Cédric qui vient de la Saline, lui aussi n'a pas terminé son dernier grand raid et veut arriver au bout cette fois ( il y arrivera ). On décide de faire route commune jusqu'à Cilaos. De nouveau je repasse mon frère qui attend Jean Louis qui soigne une ampoule naissante. La montée se fait sous un ciel clément mais au loin, au niveau du Kervéguen cela se couvre. Cédric et moi montons à un bon rythme et on passe quelques raideurs qui cheminent par paquet. Le brouillard arrive et la pluie s'invite lorsque l'on rejoint le ravitaillement en eau à mi-pente ( PK 59,5 ), Cédric veut faire une pause, je m'exécute, ça ne va pas me faire de mal. On s'abrite sous la bâche de la Croix Rouge, un raideur est allongé sur un lit picot : il dort et souffre d'hypoglycémie. Je pense alors à la boisson énergétique qui se trouve dans mon sac, j'en prends une gorgée et j'en propose aux autres. Cédric partage avec moi ses biscuits à la figue et après quelques étirements on repart sous une fine pluie. Le reste de la montée devient de plus en plus pénible mais on s'encourage mutuellement ce qui nous permet de rester concentrer sur notre objectif : avancer. A quelques encablures du gîte, je rejoins de nouveau mon frère et je devine que son groupe a déjà le moral atteint, on décide de rester avec eux jusqu'au ravito. On pointe au gîte ( PK 62) à 15 H 56, une soupe vite avalée et je coure sur la terrasse vérifier l'état de mes pieds, toujours rien à signaler. On repart donc à cinq vers la descente du bloc.
Je prends les devants en me répétant de ne pas courir dans cette descente cassante, je reste concentré sur le fait de faire subir à mes genoux et à mes cuisses le minimum de chocs violents, le reste de ma course en dépend. Je descends tranquillement mais le reste de la troupe reste en retrait ( c'est la dernière fois que je les verrais ) et je me retrouve bientôt seul. La descente et longue et piégeuse, surtout avec cette pluie qui n'arrête pas. Le téléphone sonne :
« Allo papa tu es ou, »
« Je vais vers Cilaos mon gâté »
« Maman papa est à Cilaos........courage papa je t'aime »
« Merci mon poussin.. »
Je raccroche le cœur gros et poursuis ma route. Arrivé en bas, je pousse un ouf de soulagement, j'ai réussi à ne pas me faire du mal dans cette falaise que j'avais tant redouté. David et Nathalie m'annoncent au téléphone qu'ils vont m'attendre à la sortie du poste de Cilaos, je décide donc de ne pas trainer sur la route. Et me voilà parti en footing léger vers le stade. Je double une raideuse qui marche sur la route :
« Viens on roule tout doucement jusqu'à Cilaos.»
Elle hésite.
« Si tu marches sur cette portion tu vas perdre 20 minutes. »
Mon argument fait mouche et on trottine ensemble tout en parlant de notre début de course avec la pluie au départ, les chaussures mouillées, le froid au Volcan. Elle m'annonce qu'elle va se poser deux heures à Cilaos, moi je n'y ferrais que passer. Arrivé à quelque mètres du stade ,elle me met une tape dans le dos :
« Merci, j'ai eu raison de t'écouter c'est passé vite. »
On pointe ensemble à 17 H 02 ( PK 69,5 ), on se souhaite bonne chance puis on se sépare elle vers les kinés moi vers le resto. Une cuillère de pâte, un morceau de poulet, un laitage et hop je pointe à la sortie, le bénévole me reconnaît :
« Té ou c'est Radio Est non?Allez bon courage. »
Je le remercie et passe le portail au milieu de dizaines de spectateurs qui m'interpelle :
« Allez Philippe, bravo! »
Je lève la main pour les saluer et je fonce vers le rond point, je sais que David et Nathalie m'attendent, les voilà ça me fait plaisir de les revoir d'autant qu'ils sont plus que jamais motivés. De nouveau je vérifie mes pieds, une petite ampoule sous le droit, un coup d'aiguille, je vide, je désinfecte, un pansement : même pas mal. Les messages tombent depuis mon pointage à Cilaos, la famille, les amis, les collègues tous y vont de leur petit mot d'encouragement. Je ne reste pas insensible et je suis obligé de ravaler un peu de salive pour ne pas verser une larme. Derrière dans le coffre David s'affaire dans mon sac tout en me répétant les consignes :
« Oubli pas mangé ... prend les barres.... j'en mets deux...affole pas! force pas l'objectif ...c'est finir. »
Ces paroles me renvoient quelques semaines auparavant lorsque je préparais ma stratégie pour ce Grand Raid, je sais qu'il y a là dedans certaines clés de la réussite : j'en prend note. Comme d'habitude, je m'attarde avec eux mais il me faut repartir rapidement car la nuit va bientôt tomber et j'ai envie de faire au moins la descente de Bras Rouge de jour vu le danger qu'il y a. En deux temps trois mouvements je suis équipé, un salut à mon assistance, je traverse la route direction le sentier porteur. Le sentier y est roulant et je peux trottiner quasiment tout le long.
Mission accomplie, me voilà au fond de la rivière ( PK 74,9 ) juste aux dernières lueurs du jours, j'allume la frontale et entame la remontée vers le pied du Taïbit. Je connais bien ce sentier pas bien méchant et assez court. Il fait nuit noire à présent, le téléphone sonne, c'est ma mère qui prend des nouvelles ma gorge se noue à nouveau et je lui demande de ne pas s'inquiéter que je me sens bien et que je lui ramènerai la médaille que je lui ai promise. Elle raccroche et j'entends au loin le groupe électrogène du ravito. Un dernier faux plat et je retrouve le bitume, il est maintenant 19 H 28 ( PK 76,6 ).
Nathalie prend une photo et David me tire vers la voiture, au programme changement de chaussures ( je prends les quasis neuves que j'ai acheté pour l'occasion ) et de sac ( un peu plus grand) car je veux avoir un minimum de confort pour Mafate avec un petit équipement médical. David me prépare un jambon beurre pour le lendemain ainsi qu'une bouteille pleine de concentré de potion ( miel + citron ) à mélanger au fur et à mesure dans une autre. Je me lave encore les pieds , les sèche et les badigeonne copieusement de crème anti-frottement. Mon ampoule n' pas évolué et ne me fait pas souffrir je ne m'inquiète pas. Après 25 minutes de pause on prend encore quelques photos devant le départ du sentier, une accolade, une bise et je pars dans le Taïbit en sachant au fond de moi que je vais finir.
Je commence à grimper doucement à la lumière de ma frontale ( pas terrible ) et d'une lampe à main ( c'est mieux ). Je monte seul, d'ailleurs je suis seul depuis Cilaos, le téléphone sonne c'est ma sœur j'apprends qu'elle me suit depuis ce matin sur internet et qu'elle est à fond. Je vois des raideurs redescendre vers la route :
« On abandonne... allez -y si vous voulez ...mais nous on en a marre. »
Je leur dis que je suis désolé pour eux, mais j'essaie de les comprendre il faut se battre avec son mental et c'est pas facile quand on ne se sent pas bien. Je vais ainsi croiser une bonne vingtaine de coureurs à contre courant. Arrivé à mi hauteur, je m'assoie dans une petite clairière comme je le fais à chaque fois lors de cette ascension. Un texto de l'organisation m'indique que mon frère est arrivé au pied du Taïbit. Je finis mon biscuit quand un autre texto m'annonce son abandon. Je me rassoie bouleversé, c'est mon frère, c'est son rêve ( comme le mien ) après cinq Semi Raids et de nombreux grands trails il s'était enfin décidé à se lancer dans cette aventure. Le téléphone sonne, il m'explique, il n'a plus la motivation de continuer, il est arrivé au bout de son mental, ils s'arrêtent lui et Jean Louis et vont rentrer avec David. Un raideur qui passe à ma hauteur voit les larmes rouler dans mes yeux, s'arrête et me réconforte, je voulais tellement qu'il finisse. Je reprends mes esprits et continue ma route, Taïbit de nuit me semble interminable et les lampes tout là haut ont de quoi décourager plus d'un raideur ( je comprends mieux ceux qui redescendaient ). Vincent qui se trouve derrière moi, le seul rescapé de l'équipe ,m'appelle et me demande de l'attendre à Marla et de repartir avec lui, je lui réponds d'accord en n'étant pas sûr de vouloir suivre son rythme. Et puis au moment où je m'attends le moins j'atteinds le sommet. Le plongeon vers Marla peut débuter, toujours prudent je progresse à petits pas tout en faisant un bilan avant ma seconde partie de course, toujours pas de douleurs musculaires, les articulations ça va, pas de coup de fatigue, l'estomac tous va bien : on a bien bossé aujourd'hui, je suis content. Les lueurs de Marla apparaissent à mes pieds plus que quelques hectomètres et se sera le repos. Je reste avec deux raideurs, qui m'ont repris, jusqu'au pointage il déjà 22 H 49 ( PK 82,8 ).
Rodérick et sa copine sont là, debout juste à coté du petit stand où l'on pointe, ils sont emmitouflés dans des grosses vestes, il doit faire très froid mais je ne sens rien. Ils me conduisent directement au gîte qu'ils ont loué, je m'assoie, ils me regardent bizarrement un mélange de surprise et de crainte pour mon état physique. Rodérick me trouve, lui, frais par rapport à beaucoup de raideurs qu'il a vu passer. Cela me rassure une nouvelle fois.
« Tu va finir c'est sûr.»
Je ne réponds pas de peur de me porter la poisse, mais ma confiance est intacte comme au début. Je bois une bouteille d'eau pétillante, je me laisse aller je reste assis pas fatigué mais content de faire une grande pause. Après une bonne demie heure je me décide enfin à aller prendre une douche, l'eau chaude est un vrai cadeau pour un grand raideur à Marla. Assis à même le bac à douche je laisse l'eau me couler dessus pendant 15 minutes, je pourrai rester comme ça bien plus longtemps mais je me force et sort de la douche pour passer mes affaires propres que j'avais laissé a Rodérick la semaine précédente. Je suis Rodérick jusqu'au dortoir où tout le monde ronfle ( ce sont des amis de RER ), je me couche avec le téléphone réglé sur 00 H 15, cela me fera 45 minutes de sommeil. A peine ai-je posé la tête sur l'oreiller que le téléphone sonne, c'est Vincent il vient d'arriver à Marla, je marmonne vaguement que je dort et je raccroche. ZZZZzzzzzz!
Le réveil sonne mais je reste couché c'est Rodérick qui me bouge quelques minutes plus tard :
« Philippe lève toi, il faut que tu repartes! »
Je me lève descend du lit superposé : pas de courbature, chouette. On sort dehors cette fois ci je sens bien le froid, je me ré-équipe, bois encore de l'eau pétillante ça y est je suis prêt. Je remercie chaleureusement Rodérick qui m'accompagne jusque la sortie de Marla, une dernière poignée de main et me voilà qui m'enfonce dans la nuit noire il est maintenant 00 H 45.
Rapidement je tombe sur deux extérieurs à la dérive,qui cherchent le balisage. Je leur propose de faire la route avec moi vu que je connais le chemin jusqu'à Roche Plate,ils acceptent avec enthousiasme. On tape la discute et ils m'annoncent qu'ils n'ont pas encore dormi et qu'ils commencent à être fatigués, l'un d'eux m'a l'air assez mal en point. J'apprends qu'ils ont découvert cette course lors de précédentes vacances et qu'ils sont revenus avec femmes et enfants et six mois d'entrainement dans les Yvelines. Dans cette portion les montées et les descentes se succèdent avant d'atteindre un vaste plateau où une vache et son veau se protègent du froid en se collant contre le seul gros rocher de cette prairie, on passe sans dire un mots, c'était peut- être une hallucination. Dès qu'on sort de cette plaine on emprunte enfin le sentier qui descend vers la rivière, notre compagnon se sent de plus en plus mal cela commence à inquiéter son ami. Quinze minutes plus tard on atteint le poste de Trois Roches ( PK 89,7 ) il est 02 H 56 et l'accueil est particulièrement chaleureux. Je prends un morceau de chocolat un thé, mes compagnons de route m'annoncent qu'ils n'en peuvent plus et qu'ils vont dormir là. Je leurs dis au revoir et me dirige vers les passages de gués, je prends mon temps au moment de les traverser, j'ai pas envie de faire faire trempette à mes nouvelles chaussures mission réussie malgré la difficulté de la chose la nuit. Et puis la montée vers Roche Plate avec ses raidillons verticaux et ses cours d'eau à remonter. J'avais oublié la difficulté de ce passage où cela ressemble plus à de l'escalade. Je double un couple de raideur qui n'en peuvent plus surtout la femme, ils vont dormir sur Roche Plate ils se crient dessus car l'homme lui demande un dernier effort et elle ne l'écoute pas gérant une vilaine douleur au genoux. Ils finissent par se donner rendez vous au poste et se séparent. Je reste quelques minutes avec la femme pour l'aider mais elle n'avance presque plus je décide de partir. Enfin fini les montées et j'aperçois au loin Roche Plate, au détour du virage je vois un raideur le dos appuyé contre un gros « galet », son genou est bloqué avec une tendinite, il souffre atrocement. Bientôt d'autres raideurs nous rejoignent, j'ouvre mon sac, lui mets ma bombe réfrigérante dans les mains en lui disant que ça le soulagera un peu.
« Pars et préviens le médecin qu'il faut m'évacuer. »
Je ne réponds rien, tourne le dos et descends vers le village. Quelques minutes plus tard je vois quelqu'un de l'organisation remonter, ils ont dû téléphoner, je lui indique à combien de minutes de marche se trouve le blessé et poursuis ma route. Enfin j'arrive à Roche Plate ( PK 95 ) il est 04 H 59.
L'accueil est toujours aussi sympathique je me dirige vers le ravito je pends une soupe et un chocolat , je me déchausse rien de grave même si mes plantes de pieds chauffent pas mal. Autour de moi une rangée d'une vingtaine de coureurs en couverture de survie dorment à même le sol. Après quelques étirements je repars, le jour commence à pointer son nez. A peine sorti du village le téléphone sonne : c'est ma chérie. Je me mets sur un petit muret et on parle, on parle, elle sait que je m'éclate dans ce que je suis en train de faire mais le temps presse, au bout de 25 minutes on se donne rendez vous à Dos d'Ane et je décide de raccrocher à contre cœur. A présent me voilà parti vers l'inconnu, en effet je ne connais pas un mètre de sentier jusqu'à deux bras.
A partir de là Mafate s'offre à moi dans ses plus beaux habits. Le paysage est vraiment magique avec ses falaises, ses canyons , son silence et ses couleurs. Mais on est pas là pour faire du tourisme et la descente et assez piégeuse. Toujours fidèle à ma stratégie trottiner dans les descentes propres et marcher dans les descentes avec marches, j'alterne donc footing et marche rapide. D'autres raideurs me dépassent on se souhaite bonne chance et chacun continue sa route. Plusieurs passages de gués plus tard j'arrive enfin au pied de la Roche Ancrée, je décide de m'arrêter là quelques minutes, je mange mon sandwich ( c'était une bonne idée ça ), je discute avec un raideur en plein étirement :
« C'est combien de temps pour monter là haut, »
« 45 minutes mais aujourd'hui on va mettre 1 H 15... »
Il s'équipe et s'en va, je reste là prêt de la rivière encore quelques minutes bercé par les clapotis de l'eau, beaucoup de raideur passent et je me décide enfin à entreprendre l'ascension de la Roche Ancrée, passage devant la Croix Rouge un salut et je suis déjà dans ce mur. La montée est sévère mais régulière, j'essaye de ne pas me mettre dans le rouge, le temps passe et le sommet est encore loin, d'ailleurs j'ai décidé de ne plus regarder en haut tant cela est décourageant. Personne ne me double et au contraire je reprends d'autres qui ont dûs attaquer cette falaise un peu trop vite, ça grogne, ça s'arrête, ça jure...Je passe avec un petit encouragement:
« Allez courage et rendez-vous à la redoute. »
Cette montée est vraiment raide avec ses escaliers en béton, des marches des marches et encore des marches. Enfin le sommet : OUF!
La descente est assez roulante mais je préfère continuer à marcher, la chaleur sous mes pieds et une petite gène au niveau du genou me disent de poursuivre dans cette voie, préserver au maximum la mécanique. En bas j'aperçois le village de Grand Place, un raideur me dépasse et j'en profite pour lui demander où se trouve le ravito :
« Tu vois là bas, le toit rouge au loin c'est là. »
Et il continue sa route. Effectivement c'est encore loin, sur le road book ça avait l'air plus près. Vingt minutes plus tard j'arrive enfin à Grand Place ( PK 103,1 ), une petite tartine de pain pâté, un quart d'orange, une barre de céréale deux étirements et je quitte ce charmant bourg à 8 h 27.
Soudain je me sens l'envie de reprendre le contrôle de ma course qui est en train de m'échapper. Si je continue à admirer le paysage et à faire de ( trop ) longues pauses je risque de finir tard dans la nuit et cela je ne veux pas. Tout en marchant au milieu des filaos je fais rapidement les calculs dans ma tête, je devrais être sur saint Denis entre 21 H 00 et 22 H 00. Je relance la machine en ayant une marche plus dynamique dans les faux plats montants et je trottine plus régulièrement sur les portions propres ou plates mais je continue à faire gaffe aux descentes avec marches. Le téléphone sonne, c'est mon frère qui vient de voir mon pointage. On ne parle pas de son abandon, il me trouve frais et lucide, je lui réponds que ça va, que je vais tenir sans soucis. Je raccroche et me voilà déjà à Ilet à Malheur, l'évolution dans cette portion est vraiment agréable à l'ombre des filaos une petite brise me rafraichit le visage je me sens vraiment bien. Je double encore pas mal de concurrents et au vu des bandages que certains arborent je comprends que le grand raid a déjà fais de nombreux dégâts sur les organismes. Je me dis que j'ai de la chance d'être encore entier après plus de 100 Km. Je continue sur le même tempo, passage de gué, montée, descente, main-courantes, passerelle, montée, la route défile sous le soleil, maintenant bien haut, de Mafate. La fraicheur des ravines me fait un bien fou.
Je traverse une première passerelle bien ballante où je me fais peur lorsque David m'appelle il m'encourage, me demande si tout va bien et on fixe le rendez-vous de Dos d'Ane vers 16 H00.
« J'y serai à 15 H 00 pour être plus sûr »
Et il raccroche, j'entame maintenant la dernière portion vers Aurère, un passage vertigineux sur une passerelle et j'ai droit au dernier raidillon avant le village. La montée est sévère mais maintenant dans ma tête je sais que c'est gagné, à moins d'un accident, et cette difficulté passe sans problème. Au bout d'un quart d'heure je suis à Aurère ( PK 112,8 ), j'y suis accueilli comme une star tout le monde applaudi, c'est la fête au ravito, je pointe à 10 H 59.
Je fais le plein du camel bag, prends un verre de coca, une chaise de libre. Je m'assoie, enlève mon sac, il me reste une moitié de sandwich je l'avale en un clin d'œil. J'en profite pour inspecter mes pieds toujours pas de nouvelle ampoule, tandis que l'autre est indolore un coup de crème et c'est reparti. A la sortie je butte sur Eric Lacroix, je le salue il est en direct sur le satellite, je passe à la télé. Sebastien Follin me questionne sur mon début de course, je raconte et lui lance en partant au pas de course :
« Excuse moi, mais j'ai des choses à faire sur Saint Denis. »
On rigole et je m'éloigne je m'arrête plus loin dans un petit sous-bois, fais quelques étirements, plus que la descente vers Deux bras et je ne vais pas m'y attarder. Je reste là 10 minutes quelques raideurs passent je repars avec un père et son fils qui gèrent une grosse défaillance survenue dans la Roche Ancrée, ils s'arrêtent de temps en temps pour récupérer je me retrouve donc bientôt de nouveau seul. Les premiers du semi me dépassent pendant cette descente, en fait ils ne descendent pas si vite que ça mais techniquement c'est parfait, ça me servira moi qui a l'habitude de débouler comme un cabri. Je prends mon temps dans cette pierraille trop traumatisante à mon goût, la prudence m'a jusque là bien réussie, pourquoi changer de stratégie. Au fur et à mesure le chant de la rivière devient de plus en plus fort et celle ci apparaît enfin au détour d'un virage. Je passe le premier gué quand je me fais apostropher par un groupe de spectateurs.
« Oté Radio Est ou cour aussi d'on !!!»
Je me retourne il viennent vers moi, je reconnais des coureurs que j'avais croisé les années précédentes, cette fois ils ne le font pas et viennent encourager les gars de leur club. Avant de partir il me rassurent :
« Ou rentre la, lé gagné inquiète pu »
Je slalome dans le lit de la rivière entre les énormes galets, encore un passage de gué et j'atteinds une portion plus roulante, je trottine lentement et reprends des raideurs qui m'avaient doublés dans la descente d'Aurère.
Voilà Deux Bras plages (PK 121,2 ) la bien nommée avec tout ce qu'il faut pour un raideur en mal de confort. Mais je ne vais pas m'attarder ici, je prends quand même le temps de manger une cuillère de riz, un morceau de poulet et un laitage. Mon camarade de table va partir bientôt lui aussi mais redoute la montée de Dos d'Ane. Comme je suis encore lucide, je lui propose de le faire avec moi à un petit rythme sans s'arrêter. On se met d'accord et direction la sortie du ravito il est 13 H 24.
Cette montée est redoutée de tous et il y a de quoi avec la chaleur qui règne et le dénivelé le corps est mit à rude épreuve. L'ambiance dans cette partie est irrationnelle, il y a de nombreux spectateurs qui descendent d'autres qui remontent, des accompagnateurs des semi raideurs on se croirait sur un parcours de santé tant que l'on voit toute sorte de personnes. Pas à pas au rythme de l'escargot Elian et moi gravissons cette paroie tout en pouvant se parler ( d'ailleurs mon compagnon de route est un parleur invétéré et cela va durer les deux heures que dure la montée ). J'attends avec impatience les différents repères naturels qui m'indiquent la fin du sentier, les échelles, le gros roc au bout du virage, les bambous et la délivrance, de nouveau la civilisation depuis Cilaos. Une centaine de spectateurs se trouve là et ovationne chaque raideur, je cherche dans la foule David je ne le vois pas et c'est lui qui me trouve une bonne tape sur l'épaule.
« Eh! Mais tu es frais. »
Je suis heureux de cette confirmation, c'est vrai que je n'ai aucune douleur ni aucune gène, ça sent bon pour la fin. On marche dans une côte bien pentue jusque la voiture, qui vois-je ? Jessie ma cousine, on se fait la bise, on discute. David prépare ma potion à base de miel et de citron pendant que je récupère un peu beaucoup dans la voiture. Mes pieds ne me faisant pas souffrir, je décide de ne pas me déchausser comme j'en avait l'habitude ( se sera une erreur ). Je re-conditionne mon sac plus petit en buvant une boisson énergisante, comme depuis le début je m'attarde avec mon assistance sans me soucier du chrono. Je sais que je vais finir de nuit alors à quoi bon se presser. Je donne à David de nouveau rendez-vous au Kiosque d'Affouche et entame la montée vers le stade de Dos d'Ane où ma chérie m'attend. Mon téléphone sonne :
« Allo papa tu es où? »
« Dos d'Ane mon chéri »
« Ce soir je viens courir avec toi à la Redoute hein? »
« Bien sur mon gâté, à ce soir »
« Bisou papa »
J'accélère le pas, la traversée du village va durer une bonne demi heure il me tarde d'y arriver. Au stade beaucoup de personnes sont là et applaudissent chaque raideur.
« Merci, …....., merci ........... merci,... »
Géraldine s'avance vers moi, me fait un bisou prend deux photos, quand je pointe il est 16 H 18 ( PK 128,2 ). Elle marche avec moi un moment à la sortie du ravito, elle aussi me trouve bien, je vois dans son regard qu'elle est contente de me voir si près de mon but et heureux comme jamais.
« Je m'arrête là. » me dit elle. Elle m'embrasse et me donne rendez-vous à la Redoute.
De nouveau je suis seul, mais le dernier pointage a déclenché une nouvelle série de textos m'invitant à fournir un dernier effort. Je tourne à droite pour prendre le sentier abrupte qui mène aux crêtes de Dos d'Ane, le brouillard fait son apparition et ça s'est bien rafraichi. Dans la montée quelques semi raideurs me doublent sans trop de soucis. La grimpette parmi les goyaviers débouche rapidement sur de vertigineux passages de crête, ayant un peu peur du vide je fixe mon regard sur la bande ocre du sentier, je commence à me dire que c'est gagné, plus que le piton Bâtard et après la descente vers la Redoute. Dernier coup de téléphone de ma sœur pour me féliciter ( déjà ). Enfin l'intersection je décide de courir légèrement mais rapidement je sens une douleur sur le dessus du pied. Je coupe mon effort et reprends une marche dynamique pendant que beaucoup de raideurs me dépassent en courant. Me voilà au pied de la dernière difficulté, une montée courte mais sèche que j'avale assez facilement avant de plonger vers la route forestière. Je trottine quelque mètres mais la douleur devient de plus en plus vive, de plus j'ai la sensation que des ampoules sont en train de se former sur le côté de mes pieds, mon erreur de ma dernière assistance se paie cash. Je décide de garder quand même un bon rythme de marche car la nuit va bientôt tomber. La musique du poste au loin me redonne du cœur et j'accélère le plus que je peu. Le kiosque d'Affouches ( PK 134,8 ) apparaît devant moi quand il fait encore jour, je bois un coca, salut Stéphane un copain de la radio et cherche David, pas d'assistance. Je téléphone il est bloqué au niveau du sentier on ne le laisse pas monter, tans pis je serre les dents et entame la descente de la route forestière dans l'allure la plus rapide que je n'ai adopté tout au long du parcourt et cela pendant une vingtaine minutes. Lorsque j'atteins le sentier il fait nuit David m'attend je m'assoie sur un petit tabouret, je me déchausse effectivement j'ai deux ampoules sur le coté des pieds mais rien de bien grave, ce qui m'inquiète c'est la douleur sur mon pied gauche qui ne s'atténue pas malgré un petit massage à la pommade et un coup de bombe réfrigérante. Je mets ma carte sim dans mon téléphone de secours, l'autre s'est éteint lors du dernier appel, un texto de ma mère pour me dire qu'elle pense fort moi et qu'elle est fière de moi. Je me ré équipe et me dirige vers le sentier en donnant rendez vous à mon assistance pour le Colorado. Dès le début du sentier un raideur m'interpelle :
« Tu es un local? Ça te dérange si je roule avec toi j'ai peur de me perdre. »
« Pas de problème, reste bien avec moi et fais ce que je fais. »
Il me suit, et on commence à courir où cela est possible. Ma frontale ne me sert à rien avec les gouttelettes d'eau en suspension qui nous éblouie plus qu'autre chose, heureusement que nous avons des lampes à main qui sont beaucoup plus efficaces. Lui aussi souffre des pieds et pousse de petit cris à chaque faux pas, moi je fais le dur et continue à avancer même si l'envie de ralentir est forte.
« Je veux rentrer avant 22 H 00 pour faire mieux que Jaja; Tu crois que c'est possible? »
Je consulte ma montre.
« C'est juste mais on peut le faire si on lâche rien. »
On progresse bien mais la route nous semble interminable, au bout de vingt minutes ma torche rend l'âme, pas de panique je prends la frontale à la main, le brouillard a maintenant disparu. On alterne cote et descente dans le sous bois, on s'accroche aux branches de goyavier pour éviter de tomber, les appuis étant de plus en plus difficiles. A chaque intersection on cherche avec angoisse les rubalises mais on avance, comme des robots mais on avance toujours. L'ombre du radar météo apparaît au sommet d'une côte.
« Le poste est juste derrière le radar . »
« Chouette! »
Nous gravissons quatre à quatre cette pente, débouchons au sommet et manquons de ne pas voir les rubalises sur notre gauche. Nous traversons la prairie avant le parking, et retrouvons le bitume.
« N'oublie pas de passer ton t-shirt de l'épreuve. »
« Ah oui! C'est vrai ! »
Le public est toujours aussi nombreux à nous encourager, je pointe devant mon compagnon il est 20 H 34( PK 142,8 ). Il nous reste à faire 1 H 00 de sentier hyper cassant et au vu de notre état c'est 1 H 30 minimum, c'est pas gagné pour 22 H OO.
David et Jessie sont encore là, il me débarrasse de mon porte gourde, je n'en ai plus besoin. Je passe le t-shirt du Grand Raid, au moment de remettre mon dossard celui-ci se déchire au niveau des trous on prend bien 5 minutes pour le remettre. Mon compagnon m'attend patiemment. On repart rendez- vous à la Redoute à 22H 00.
« On est encore dans les temps? »
« Oui mais y faut pas trainer ça va être juste. »
Avant d'attaquer réellement le sentier on est rejoint par un autre coureur qui lui aussi cherche un guide.
« Reste avec nous c'est un local il connait le chemin. »
C'est donc à trois qu'on entre dans le sentier du Colorado, je les mets en garde contre la difficulté du parcours, cela n'a pas l'air de les rassurer.
Dès les premiers instants je sens que cela ne va pas être une partie de plaisir, ma douleur est de plus en plus forte et mes amis ne sont pas au mieux. Je suis obligé de les booster à chaques passages difficiles.
« Tu es sûr qu'on est sur le bon chemin, je ne vois pas de rubalises. »
C'est vrai ça fait un moment qu'on en a pas vu, mais je suis sûr de mon fait, je connais se sentier, j'ai pas pu me tromper, enfin je crois. En voilà une, je l'éclaire.
« Vous voyez c'est bon ne vous inquiétez pas. »
De plus en plus l'un de mes comparses hurle de douleur mais il avance tant bien que mal.
« Allez les gars faut tenir ça va être bon, on lâche rien »
Je les motive en même temps que moi. Mais moi aussi je n'ai plus la force de serrer les dents et commence à gémir à chaque saut.
Je n'ai plus de lumière, ma frontale m'a lâchée aussi.
« Prends la mienne je me mets entre vous deux... ça ira »
Je prends sa torche et repars de plus belle dans les galets. Mon camarade n'en peut plus il s'arrête une première fois, on l'attend le temps que deux raideurs passent.
« Allez p'tit frère c'est pas le moment de lâcher, on est encore bon pour 22 H 00. »
Il repart mais s'arrête à nouveau. J'ai envie de partir seul mais je m'y resouds pas.
« C'est encore loin... j'ai mal ….j'en peux plus. »
« Là bas il y a une citerne, quand on y arrive il nous reste 5 minutes, allez!!!... allons!!!! »
La ville est maintenant bien visible et au détour de certains virages on voit la Redoute.
« Tu vois c'est le stade là bas »
« Où ça? »
Je lui montre du doigt.
« Super! »
Et puis soudain, je lui crie :
« La voilà, la voilà la citerne c'est fini les gars plus que cinq minutes »
« C'est ça la citerne???? »
« Oui allez, on coupe par les raccourcis c'est autorisé cette année »
21 H 58 nous voilà tous les trois à descendre tel des commandos sur les fesses dans une pente impressionnante, nos douleurs semblent avoir disparues comme par miracle. Un dernier saut dans les rochers et on débouche sur la route, je me stoppe contre le dernier arbre content d'en avoir fini avec ce chemin de croix qu'a été cette descente, mon compagnon me tombe dans les bras :
« Merci, merci... »
« Allez cours..... tu vas y arriver pour 22 H 00!!!!!»
Il s'élance à toute vitesse en direction du pont quand je me rends compte que sa lampe est encore avec moi, j'essaie de le rattraper mais il est déjà loin je n'insiste pas.
Je passe sous le pont j'ai envie de pleurer je suis obligé de marcher tant l'émotion me submerge. Je le crois pas je l'ai fais avec si peu de préparations j'y crois pas.
« Allez monsieur ou lé arrivé »
Je me remets à courir le stade se rapproche, je salue le public toujours aussi présent. Je traverse la route je secoue la tête comme pour me réveiller, je crois rêver. Je sèche mes yeux qui commencent à se remplir, je ne veux pas exploser. Mon fils de 7 ans m'attend à l'entrée du stade, je le prend par la main et on coure. Les applaudissements me traversent littéralement, derrière les barrières je vois ma mère et ma sœur qui m'ont fait la surprise d'être là, mes yeux s inondent à nouveaux. Géraldine me prend par la main.... on fait quelque pas ensemble, je l'embrasse, plus que cinquante mètres 46 H 04 ' 30 ….je suis comme un fou! Je n'arrête pas de sourire la photo... la médaille...le t-shirt . David est là je vais direct sur lui.
« J'te l'avais dit que cette fois ci j'irai au bout. »
J'embrasse ma mère, j'ai envie de pleurer mais je me retients.
Je vais m'assoir sur la pelouse avec mon assistance, me libère de mon sac, me déchausse. La tête entre les mains je lâche une larme : je l'ai fais, je l'ai fais je suis un finisher du Grand Raid.
Dossard : 1607
Philippe HOAREAU
46 H 04'' 30s
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7 commentaires
Commentaire de brague spirit posté le 04-11-2009 à 08:48:00
Un long récit plein d'émotions,qui permet de "vivre" le grand raid.Bravo et merçi.A voter.
Commentaire de maï74 posté le 04-11-2009 à 18:11:00
Superbe, un grand bravo pour la course, bien gérée, le mental et le récit très bien écrit !
A un de ces jours sur les sentiers péï...
Commentaire de DROP posté le 04-11-2009 à 19:47:00
Merci beaucoup pour ce beau récit pleins de conseils pour , je l'espere, une de mes futures aventures. Bonne récup
Commentaire de akunamatata posté le 05-11-2009 à 10:29:00
super recit, bravo
merci pour les metros qui ne connaissent pas le chemin ;-)
Commentaire de Sprolls posté le 05-11-2009 à 13:57:00
Je ne sais pas pour la préparation mais pour la course on peut dire que tu as mis toutes les chances de ton coté ! Belle gestion et belle stratégie !
Bravo pour ta course et merci pour ce récit passionnant.
Commentaire de jepipote posté le 05-11-2009 à 17:51:00
pfffiou super CR, plein d'emotion, de conseils judicieux, de camaraderie... magnifique!!
Commentaire de samontetro posté le 08-11-2009 à 14:07:00
Impressionant! Tu es tout simplement impressionant par la rigueur de ton organisation, ta stratégie pendant la course, ton mental et ta manière d'aider les autres malgré la fatigue acumulée et la douleur.
Cette médaille de finisher tu l'as bien méritée!
Respect m'sieur!
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