L'auteur : lolo'
La course : TOR330 Tor des Géants
Date : 8/9/2019
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 1054 vues
Distance : 321km
Objectif : Terminer
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J’ai attendu 5 ans ces fameux tirages au sort afin que les astres alignent ces trois courses la même année.Ce sera donc 2019 (2+0+1+9 = 12, 2+1=3 , j’aurais du m’en douter !)
L'enchaînement de l’UTMB, du Tor des Géants et du Grand Raid de la Réunion tient plus du domaine de l'inconscient que du sport à part entière.D'ailleurs, peut-on encore parler de sport sur ce type d’épreuve et a fortiori dans l'enchaînement des 3 ?
Je préfère parler d'expérience que de sport à proprement parler.
Aujourd’hui ,tout ce mélange dans mon esprit, le nom des cols, les ravitos, les paysages, les arches de départ et d’arrivée, les rencontres….
Est-il possible de restituer des souvenirs relativement ordonnés quand ils ont été “enregistrés” en pleine nuit,dès potron minet , après 200 Kms ou en se réveillant en pleine montagne après une courte pause de 10 mn ?
Je m’estime assez lucide aujourd’hui néanmoins une restitution linéaire de ces trois épreuves serait futile et sans intérêt.
Certains flashes reviennent cependant et la volonté de laisser une trace de cette triplette est plus forte. Éviter que tout ceci tombe dans l’oubli, “...comme des larmes dans la pluie” *
3 expériences intenses dont la somme donne naissance à un maelstrom de sensations, de rencontres, d’émotions et de partage.
Je préfère donc vous relater quelques uns de ces moments intenses qui rendent ce “sport” si intéressant et donne envie de partager.
Après 2h de course et le passage du 1er col Italien dans la neige; un combat de taureaux sur un sentier arrête notre progression, le danger est bien réel : on attend qu’ils se déplacent pour passer...
Le départ de Saint-Pierre, 4 kms de bitume plat sur la promenade, une foule en délire de part et d’autre de la route; ça danse, chante,petite tape dans les mains ( je sélectionne les enfants).On a envie de les avoir avec nous tout le long de ces 170 kms de montées et de descentes.
Le col de la Seigne, la frontière entre la France et l’Italie.J’en avais un bon souvenir en 2007.
Ce coup-ci c’est une longue procession jusqu’au sommet, interminable, froid, venteux, pas de jus.
Dans ces moments , on se dit “un pas devant l’autre et on recommence car on a pas le choix “
Le choix on l’a fait en janvier lors de l’inscription; le cerveau se débranche, le milieu extérieur prend le pas sur la communion avec la nature , on subit , on endure ; c’est le coeur du sujet.
Ascension du col de Malatra, j’essaie “d’envoyer” un peu pour abréger cette course de 340 kms (!).L’envie d’en finir me donne du coeur à l’ouvrage et je me remet à jouer au pacman avec les concurrents qui me précèdent : moment de grâce.
Au détour d’une portion en lacet, je crois Kazumi : une concurrente japonaise qui me lance un regard désespéré “please,please, i’m out of water, please ; please “ Sans même réfléchir je lui laisse la moitié de mon bidon de 750 ml; le prochain ravito est à moins d’un kilomètre, elle me le rendra plus tard.
Le lendemain à la remise des prix, je la croise à nouveau “Laurent, Laurent , YOU SAVE MY LIFE ! “
Bref , j’ai gagné une visite guidée de Tokyo et le fameux “Esprit trail” a de nouveau frappé.
La forêt de Kerveguen.
Quelqu’un a du vraiment énerver la nature pour qu’elle se venge à ce point.
Cette forêt c’est l’anti- matiere de l’idée d’un endroit pour pique-niquer en famille.
De la boue, des pierres de toutes tailles dans tous les sens, des marches irrégulières certainement construites par une voirie créole complètement beurrée au rhum arrangé.On peut rajouter un soleil de plomb.Bref, le terrain d'entraînement idéal pour les forces spéciales mais pas pour ultra-traileurs.
Descente du col de Champollion, mon genoux droit me lance, la descente est facile mais je doit m'arrêter tous les 300m pour me masser à l’huile essentielle de lavande ( merci Eric Bonotte ).J’arrive devant un barnum abritant quelques tables pour se restaurer.Une odeur de polenta locale embaume ce lieu improbable; il est 2 heures du matin, un accordéoniste joue des airs Valdôtains pendant que les bénévoles locaux s'occupent des zombies/traileurs.
Je n’en mène pas large avec mon genou en vrac et mes 5 nuits blanches mais on me sert une plâtrée de polenta avec 4 sardines grillées.Ce plat restera gravé dans ma mémoire gustative à tout jamais.
Je chemine vers Saint Remy des Bosses, dernier point de chute avant le dernier col et la dernière montée, avant la dernière descente sur l’arrivée à Courmayeur.
Dans mon échelle personnelle des signes de fatigue cérébrale liée au manque de sommeil il y a :
Niveau 1 les hallucinations visuelles
Niveau 2 les hallucinations auditives
Niveau 3 la schizophrénie
Tout au long de ces 290 premiers kilomètres(!) mon inconscient ne ma pas laissé beaucoup de répit et pas, ou très peu, de sommeil. C’est la 6éme nuit passée dans la montagne et j’atteins mon niveau 3 du manque de sommeil.
C’est le côté obscur de ce genre de courses; Je m’imagine avoir passé l’arme à gauche et qu’on me passe un film devant les yeux.Nous sommes loin du sport mais cette expérience me fait franchir un nouveau pas dans la connaissance du soi.
Que me réserve le niveau 4 ?
Ascension du grand Col Ferret; le temps était annoncé très menaçant sans que le chef de poste à Arnuva ne choisisse de stopper les traileurs.De mon coté , j’ai experimenté à plusieurs reprise des épisodes orageux et pluvieux lors d’ultra trails , c’est donc sans vraiment d’appréhension que j’entame cette montée.
Après 20 mn, le ciel s’assombrit et il ne fait aucun doute qu’il va nous tomber sur la tête.Seul petit problème, ce col est vraiment très exposé et un orage terrible succède à la pluie battante qui vient de nous tremper jusqu’à l’os en l’espace de 30 secondes chrono.Pour la première fois j’ai peur et je me sens vraiment en danger; devant moi un longue procession de traileurs qui ne semblent pas mesurer le danger et avancent en essayant de faire abstraction de ce qui nous entoure.J'atteins un point de rupture ,une montée d'adrénaline me pousse à accélérer le rythme pour rejoindre le col vitesse grand V.
Saint-Remy des Bosses,
Après ma petite crise de schizophrénie, je me reprend et décide de dormir 1h30 à ce ravito afin de finir dans de bonnes conditions le dernier col , le mythique Malatra, avant la descente vers l’arrivée.
Le bénévole vient me réveiller pile à l’heure, j'émerge difficilement, m’habille et me dirige vers le barnum où je me restaure “grassement”.
Il est 3h du matin, nuit noire et fraîche . Je quitte le ravito, promptement décidé à attaquer cette dernière montée, signe avant-coureur de la fin de cette aventure.
Soudain je me rend compte que quelque chose ne va pas; mes jambes sont comme des piquets, impossible de plier les genoux.
Tout à coup j’ai 90 ans et mes bâtons se transforme en cannes ; je doute sur ma capacité à avancer et je ne sais vraiment pas ce qui m’arrive ; bref c’est la cata.
J’essaie de rassembler mes esprits et de raisonner sur ce que je dois faire :
continuer ? Impossible dans cet état
Abandonner à 30 Kms de l’arrivée ? humm ça me ferait mal au mental mais si mon intégrité physique est en danger pas le choix
Revenir au ravito et passer voir l’équipe médicale ?le choix le plus judicieux.
Je tombe sur un ange italien au poste de secours ( Chiara ) qui me remet d’aplomb après 20 mn de repos et 2 poches glacées sur les rotules.Oedème important sur les 2 jambes.
Je repars en douceur et le mouvement remet la machine à trailer en route pour le finish
Un grand merci à Chiara !
Voilà, quelques morceaux choisis parmis ces 700 kms de trail,10 nuits blanches et 10 journées souvent bleues.
L’aventure est au coin de la rue mais plus souvent en montagne
Que le vent vous porte
Pace e salute
Laurent l’Extremist
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1 commentaire
Commentaire de jano posté le 24-12-2019 à 16:18:12
Bravo pour l'enchaînement !
Beaucoup de TOR... Ça ne me surprend pas, je suis hanté depuis 15 mois
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