L'auteur : Inspiration Trail
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 19/10/2018
Lieu : Saint-Pierre (Réunion)
Affichage : 1970 vues
Distance : 167km
Objectif : Terminer
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Le début d'une aventure.
Jeudi 18 octobre à Saint-Pierre. Je suis arrivé quelques heures avant le départ qui est donné à 22h. La première étape consiste à la vérification du matériel. Et puis c'est l'attente. Les visages sont fermés, déjà concentrés sur le défi hors norme qui nous attend. Les coureurs sont assis, allongés, ferment les yeux pour essayer de se reposer et d'évacuer le stress. Je suis plutôt serein. Plus en tout cas qu'il y a quelques heures. Je me sens prêt et j'ai hâte que la course commence !
22h arrive. Le départ est donné. C'est la fête à Saint-Pierre. Des dizaines de milliers de personnes sont là pour nous encourager sur tout le front de mer. Un feu d'artifice est tiré. L'émotion est bien présente.
Je pars vite avec mes 2 compagnons d'aventure avec qui j'ai prévu de passer le début de course. Je file à plus de 12km/h alors que je pars pour plus de 40h de course... Le but est d'éviter les bouchons lors des premiers sentiers. On commence à transpirer mais mes jambes sont là. Le souffle est facile. Je rentre petit à petit dans la course en profitant de tout ce qu'il y a autour de moi. La course est lancée :).
La première nuit.
Après l'euphorie du départ, et la fête à Saint-Pierre, il faut réussir à rentrer dans sa course. La première nuit sera constituée en grande partie d'une interminable montée. Il faut grimper les 2000m qui nous emmèneront à la limite du volcan !
La route commence à s'élever mais je continue à courir. Seulement lorsque que le pourcentage devient trop important, je me mets à marcher. Chaque passage de village est l'occasion d'une ambiance de folie. Une foule digne du tour de France est présente. Et puis arrive enfin le premier sentier. J'ai la bonne surprise de ne subir aucun bouchon. Mon allure rapide depuis de départ est récompensée.
Ça monte, ça monte. Sentiers, champs de canne, prairies... la température se refroidit et il faut enfiler des couches supplémentaires. Je ne le vois pas à cause de la nuit mais je suis en train de longer le second rempart du volcan. Au loin sur ma droite, le piton de la fournaise recrache sa lave.
Pas le temps de regretter l'époque où le Grand Raid passait par le volcan. J'avance bien. La longue montée de 40km est enfin terminée. On peut trottiner dans la descente vers Mare à Boue. Le terrain est sec, et mes jambes répondent plutôt bien. L'aube va bientôt se lever. Ma première nuit s'est très bien passée. J'ai hâte d'enfin pouvoir profiter de la beauté de la Réunion !!!
Le jour se lève sur le Piton des neiges.
Mon premier lever de soleil de la course arrive vers le ravitaillement de Mare à Boue. La lumière du petit matin sur la plaine des Cafres est magnifique. Je garde encore un très beau souvenir de cette partie de course. Enfin, je commence à profiter de la beauté que peut apporter le Grand Raid !
Après avoir traversé la plaine de Cafres, il faut attaquer la montée qui mène en haut du coteau Kerveguen. Les vues sont magnifiques. Sur la photo, on peut observer le majestueux Piton des neiges. A gauche se trouve la limite du cirque de Cilaos. Nous sommes en haut du rempart menant abruptement en bas du cirque.
Sur le sommet du coteau Kerveguen, j'en prend vraiment plein les yeux. Et puis, il est temps de tomber dans Cilaos. Je dis bien tomber car il faut descendre 1000m de dénivelé en à peine 2-3km. La descente est hyper technique, avec des échelles métalliques et des énormes rochers. Elle est crainte par beaucoup de raideurs. Mais moi je m'éclate. Je descends à un bon rythme. Mes jambes répondent présentes et se plaisent à sauter de pierres en pierres. Je double pas mal de monde. Et surtout, je décroche mes deux compagnons d'aventure avec qui des petits écarts avaient commencé à se former dans la montée. Dans ma tête, c'était le début de l'aventure solitaire. Je ne m'attendais pas à rester avec mes compagnons toute la course, mais je pensais plus fermer la marche car leurs ambitions semblaient supérieures aux miennes. C'est donc une bonne surprise d'arriver devant eux en bas du cirque.
L'arrivée à Cilaos est assez émouvante. C'est un gros ravitaillement avec énormément de gens pour encourager. Le passage de la Diagonale des fous est une fête pour les réunionnais. Mais surtout c'est l'occasion d'y retrouver ma chérie pour la première fois de la course. J'ai un sourire énorme quand je la vois au loin. Mes jambes me permettent encore de courir vite pour la rejoindre. Je suis arrivé bien plus tôt que ce que j'avais prévu mais elle est quand même là. Ces 65 premiers kilomètres sont parfaits. Mais la course ne fait que commencer. Je suis encore plutôt en forme, pour l'instant...
L'arrivée dans Mafate.
À Cilaos, je fais une bonne pause pour me changer un peu et bien me ravitailler. Le but est de repartir le plus frais possible. Malheureusement, ça ne se passe pas de cette manière. Un peu avant de repartir, je ne me sens pas top. Très mauvaises sensations. Mais où sont parties toutes les forces que j'avais encore en arrivant ?!!! Tant pis, il faut repartir et espérer que le machine se remette en route. Mais je ne suis pas rassuré car j'ai connu ça à la Maxi Race et la fin de course a été horrible. Et surtout, on va attaquer la montée vers le Taïbit pour sortir de Cilaos et plonger dans Mafate. C'est clairement la 2e portion la plus dure du Grand Raid, après la sortie de Mafate par le Maïdo !
J'attaque effectivement l'ascension avec de mauvaises sensations. Et qu'est ce qu'il fait chaud ! Gérer toute la montée comme ça va être très très compliqué... Mais j'y vais. Pas vite mais j'y vais.
Et là, c'est Robin, un de mes compagnons de départ qui me rattrape. Je lui souhaite bonne course car je ne peux le suivre. Mais plutôt que partir seul, il me dit quelque chose qui a vraiment permis à ma course d'être si réussie : "allez, lâche pas, emboîte moi le pas". Je ne sais pas encore comment j'ai fait mais j'ai réussi à accélérer suffisamment pour lui emboîter le pas. Et puis les forces sont un peu revenues. La montée était dure bien sûr mais on a réussi ensemble à bien passer cette difficulté. Et en haut, c'est la découverte de Mafate, ce cirque si isolé et si magnifique. Une merveille !
Au final, Robin et moi ne nous séparerons plus de toute la course. Merci énormément Robin pour cette petite phrase lancée alors que j'étais dans le dur. Notre aventure a ensuite été si belle ! Ma course aurait clairement été très différente si tu ne m'avais pas donné le courage de te suivre dans cette montée du Taïbit !
La traversée de Mafate.
Arrivée en haut du Taïbit, j'ai la chance de pouvoir découvrir pour la première fois Mafate. De poser mes yeux sur ce cirque isolé et magnifique. J'en rêvais et ça y est j'attaque la partie de course que j'attendais le plus et que pourtant je sais très compliquée.
Une petite descente et c'est le ravito de Marla. Premier îlet de Mafate visité et une incroyable surprise : des vidéos d'encouragement de ma famille projetées sur un écran au ravitaillement ! Rien de tel pour se reboosterIl est beaucoup plus tôt que l'heure à laquelle je pensais arriver ici. Je vais pouvoir profiter d'une bonne partie de Mafate de jour ce qui va me permettre de profiter à font de cet endroit incroyable.
Direction le col des bœufs pour flirter rapidement avec le cirque de Salazie. Puis c'est le sentier scout qui offre des vues spectaculaires sur Mafate. On avance d'un bon pas, on trottine même quand le chemin n'est pas facile. On a trouvé notre rythme dans cette course incroyable. On franchit la mi-course en 16h alors qu'au final on bouclera notre diagonale en 42h. C'est dire à quel point le chemin qui nous reste à parcourir va être compliqué !
La fin d'après-midi approche. Il est temps de penser à ressortir les lampes. Je redoute la nuit qui s'annonce avec la plus grosse difficulté de ce Grand Raid : la sortie de Mafate par le Maïdo. Mais nous avons bien avancé pour se retrouver au crépuscule quasiment au pied de cette énorme difficulté. Et à deux, on va forcément réussir à surpasser cette épreuve !
La terrible montée du Maïdo.
Le Maïdo, terrifiante porte de sortie de Mafate. Un rempart à franchir, un mur vertical à dominer. Le sentier qui mène en haut débouche à plus de 2000m d'altitude.
De loin, en pleine journée, la paroi, comme on peut voir sur la photo, parait infranchissable. Roche Plate, le petit village en bas est un ravitaillement réconfortant avant d'attaquer cette dernière montée dans les cirques de la Réunion.
Pendant la course, je n'ai pas vu le Maïdo de cette façon là. Il faisait nuit. Je ne pouvais pas me rendre compte de l'immensité du rempart. Mais j'en avais peur... seules quelques lumières pouvaient parfois être observées bien au dessus de nos têtes.
Mais avant de pouvoir attaquer l'ascension finale depuis Roche Plate, il faut atteindre cet îlet. Et la montée a été terrible pour moi. C'est un sentier long, raide, composé d'énormes marches. Et avec cette deuxième nuit, le sommeil devenait de plus en plus présent. Je suis comme un zombi qui heureusement a un compagnon sur qui calquer ses pas. Je suis incapable de prendre le relais pour mener la marche. J'ai tellement envie de dormir. Mais j'arrive à avancer. Un pas après l'autre. Et après un temps qui semble interminable, nous apercevons les lumières du ravitaillement de Roche-Plate. Nous avons grimpé 700m, il nous en reste 900 avant d'arriver en haut du Maïdo !
A Roche-Plate il faut que je me réveille. Cafés, Coca, sucres, tous les moyens sont bons. Et je mange un peu pour reprendre des forces. Beaucoup de gens dorment ici sous leur couverture de survie. Nous décidons de ne pas le faire. Nous repartons avant de trop se refroidir.
Ça va un peu mieux, mais je parle beaucoup pour ne pas m'endormir. Avec Robin, nous nous relayons pour ouvrir la marche. Nous grimpons lentement mais régulièrement. Nous croisons quelques bénévoles descendant pour prêter main forte au ravitaillement. Leur mot d'encouragement fait du bien !
La montée est si longue ! Et puis à 1h30 du matin, nous entendons plus très loin les ovations des spectateurs qui passeront toute la nuit au sommet du Maïdo pour encourager les coureurs. Ça y est, nous sommes sortis de Mafate !!!
Après Mafate, encore de beaux défis.
À 1h30, en haut du Maïdo, on a réellement l'impression que l'on en a fini avec la partie la plus dure de ce Grand Raid. On attend avec impatience le ravitaillement pour reprendre quelques forces avant de continuer. Mais voilà, il n'est pas juste au niveau du sommet. Il faut commencer à descendre. Qu'est ce que j'ai pesté qu'il ne soit pas plus proche !
On n'est pas resté trop longtemps au ravito car on commençait à greloter. Et oui ça caille en haut du Maïdo à 2h du mat ! On attaque donc rapidement l'énorme descente qui doit nous emmener de 2000m à presque le niveau de la mer. Dur dur cette descente. Pas parce qu'elle est raide, mais parce qu'elle est longue... 14km qui si l'on marche paraissent interminables. Tout au moral pour se remettre à trottiner alors que les pierres, les marches mettent littéralement HS les jambes. Et les piles de ma lampe qui commençaient à vraiment s'épuiser ne m'ont pas aidé.
Et puis c'est le gros ravito de Sans-Soucis. Un repas, un massage, 1h de pose avec nos proches, le soleil qui se lève, j'étais en forme. Une forme étrange avec tout ce qu'on avait fait avant et les deux nuits blanches passées. Tant mieux mais pourvu que ça dure.
On repart. Robin est un peu moins en forme. Je vais mener la course. Ce n'est pas la partie la plus intéressante de la diagonale : montée dans des champs de cannes, petites traversées dans des jungles bourrées de lianes où s'aider des mains est obligatoire, chemins peu raides mais encore avec des pierres qui font mal aux jambes... Et nous avons eu une grosse grosse averse. Pas longue mais qui trempe bien, et surtout qui transforme la terre en boue. Une terre qui colle aux chaussures. Nous nous mettons à courir avec des semelles de 5cm de haut. Ce n'est pas facile. Et encore nous sommes dans les premiers coureurs à passer sur ce terrain après la grosse averse. Ça glisse déjà, mais ça va être encore plus dur, plus les raideurs auront labouré le terrain... Les heures passent mais nous avançons bien. Fatigués mais pas trop nous enchainons les ravitaillements. Plus rien ne peut ôter de ma ligne de mire l'arrivée au stade de la Redoute !
Les dernières difficultés d'une aventure hors norme.
Le Chemin des Anglais, portion devenue mythique de la Diagonale des Fous. Un chemin pavé qui monte et qui descend. Mais surtout un chaos de dalles. Aucune pierre n'est alignée. C'est comme si un séisme avait retourné le terrain et fait sortir de leur emplacement chaque rocher. Il est quasiment impossible d'avoir des appuis surs, notamment dans quelques descentes raides où seules les arrêtes des pierres semblent vouloir accueillir le pied.
Mais plus que la difficulté du chemin, c'est l'énorme chaleur qui m'a vraiment fait souffrir sur cette portion. Un soleil de plomb, un ciel sans nuage, des pierres noirs qui emmagasinent la chaleur, un vrai désert ! J'ai peur du coup de chaud. Et, à l'arrivée au ravitaillement, je suis obligé de m'asperger longtemps et complètement pour faire redescendre la température de mon corps. C'était dur, mais au final, je suis bien content d'avoir traversé ce chemin des anglais !
Après le ravito, qui nous permet de reprendre des forces, il ne reste qu'une montée et qu'une descente. Le moral ne peut être que bon.
900m de dénivelé à avaler avant d'avoir le droit de descendre vers l'arrivée. Nous arrivons à puiser des forces au fond de nous pour relancer dans la première portion bien raide de la montée. Plusieurs sections différentes s'enchaînent ensuite. Bien sûr nous n'avançons pas très vite, mais nous achevons cette dernière ascension un peu plus vite qu'espéré.
En haut, nous profitons du dernier ravitaillement rien que pour nous. Les coureurs devant n'ont dû quasiment pas s'arrêter. Nous, nous faisons une rapide pause pour attaquer la descente réputée très technique dans les meilleures conditions.
Et puis c'est parti ! Je dis à Robin qu'il faut qu'on fasse une belle descente. Les jambes font mal quand on relance la machine. Et puis tout devient facile. L'adrénaline de la ligne d'arrivée sans doute. Je maîtrise parfaitement cette descente raide et caillouteuse. Mes jambes supportent des appuis souples et rapide. C'est tellement génial de finir dans ces conditions !!!!
Un fou permis les fous.
Une dernière belle descente. L'adrénaline de l'arrivée alors que je me sens si en forme. Les clameurs du stade au loin. La joie de vivre cette arrivée. Et pourtant cela signifie que tout s'arrête là. Que l'aventure est finie. Qu'il n'y a plus besoin de se dépasser. Que le cycle des courses et des entraînements entamé il y a plusieurs mois est terminé.
Je suis en train de réaliser un rêve. Je suis en train de devenir un fous parmi les fous.
Il faut profiter de ces derniers instants. Tout imprimer dans sa mémoire pour s'en souvenir longtemps, très longtemps ! Le stade de la Redoute n'est clairement pas les rues de Chamonix à l'arrivée de l'UTMB. Mais ça reste une arrivée mythique d'une course incroyable !
Dernière ligne droite avant de rentrer dans le stade. Je vois ma chérie au loin. J'ai les larmes aux yeux. Je la prends dans mes bras et l'embarque avec moi pour rentrer dans le stade. C'est avec elle que je franchirais la ligne d'arrivée mais c'est également sous les yeux de tous mes proches qui sont scotchés à la webcam en métropole.
J'ai survécu ! Et juste derrière moi arrive Robin avec ses trois enfants. Un compagnon d'aventure. Un soutien de tous les instants. Un ami avec qui j'ai partagé un rêve. Un réunionnais venu habiter à Paris avec qui j'ai découvert une île qui restera à jamais dans mon cœur !
La Réunion, tu es si belle !
Et si vous voulez en lire encore plus sur mon aventure, allez jeter un coup d'oeil sur mon blog :
www.inspirationtrail.fr/diagonale-des-fous-2018
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1 commentaire
Commentaire de Shoto posté le 30-10-2021 à 04:30:01
Merci pour ce beau récit de ta course très réussie. Beau chrono !
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