L'auteur : poucet
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 18/10/2012
Lieu : St Philippe (Réunion)
Affichage : 2503 vues
Distance : 163km
Objectif : Pas d'objectif
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Voila déjà bientôt un mois que j’ai passé la ligne à La Redoute. J’ai lu des dizaines de récits, de champions et d’anonymes, de rêves et de cauchemards. La Diagonale des Fous c’est tout ça à la fois. Tout le monde s’accorde à reconnaitre la dimension hors normes de cette épreuve. J’ai un peu de mal a me lancer à mon tour, à aligner quelques lignes, comme anesthésié devant l’ampleur et la difficulté à raconter cette course.
Car l’histoire de ce Grand Raid ne se limite pas à 50 heures à gambader sur les sentiers réunionnais. C’est une idée qui me turlupine depuis quelques années, et qui a vraiment débuté il y a un an, lorsque je me suis senti enfin prêt dans les jambes et dans la tête pour m’investir dans cette aventure exaltante. Restait à convaincre ma moitié qu’un petit voyage à La Réunion en Octobre 2012 nous serait profitable … Ce ne fut pas très difficile !!!
Lorsqu’on est coureur et citoyen lambda, on ne peut faire abstraction de la dimension financière d’un tel projet. J’ai horreur de “gâcher” et il n’était pas question de queuter ce RV. J’ai donc pioché les informations et bâti ma saison en fonction de cet objectif, en esperant pouvoir vivre la course et non la subir, pour que cette Diagonale soit une réussite, un plaisir partagé.
Sur la route de La Réunion j’avais coché trois étapes : l’Ultra Ardéchois, la MaxiRace et le Verbier St Bernard. J’ai loupé mes objectifs chronométriques (probablement trop ambitieux) sur chacun des test, mais pourtant mes sensations ce sont améliorées à chaque fois. J’ai terminé les 110 bornes et 7000 D+ dans le Valais plutôt bien, ce qui m’avait donné une confiance au top. Avec un chrono suisse de 22h, je pensais qu’un objectif autour de 40h était réaliste pour les 170 bornes et 10000 D+ du Grand Raid.
Question tuyaux j’ai pas mal pioché sur Kikourou, mais également sur le forum du GRR sur lequel j’avais trouvé notamment une base de plan de course à 40h. A l’arrivée des Crêtes Vosgienne j’étais aussi tombé sur l’ami Manu Conraux qui m’avait longuement reconté la gadoue de Mare à Boue, la galère du chemin des anglais ou l’improbable descente de La Redoute …
Mais c’est comme si mon cerveau avait zappé quelques détails merdiques pour ne retenir que le coté mythique et l’illusion d’une course de rêve. D’ailleurs, en collant le plan 40h à coté du profil officiel, j’avais un peu de mal à comprendre pourquoi certain passages y était si comptabilisés si longs …. Notamment le “plat” entre La Possession et La Grande Chaloupe, ou la descente finale sur la Redoute … Ah ce profil …. Il est vraiment très approximatif, et si on ne connaît pas le coin, c’est un vrai piége. Je suis tombé dedans.
Pareil pour le terrain … je pensais m’être fait les pattes dans la caillasse de la Maxi Race, sur les rondins et dans les tourbières des Crêtes … Il y a juste que La Réunion c’est dix fois plus difficile, c’est unique, et ça vous lamine autant le mental que les guiboles.
Pour ce qui concerne le mental, la mise en condition avait déjà commencé avec le grand bazard de l’inscription sur internet, un site complétement saturé avant même l’ouverture officielle. Je m’en suis sorti grace la patience la disponibilité de Danièle qui avait miraculeusement pu se connecter dans l’après midi …. Un coup de bol, parce que les billets d’avion, le gite et la bagnole étaient déjà reservés !!!!
Le deuxième coup de chaud eu lieu la veille de la course, à la remise des dossards, tout aussi bordélique …. Quand on voit la communication énorme et quasi pro balancée autour de cet événement, à la télé et via les sponsors, ça parait incroyable de trouver une organisation aussi à la rue … Mais pas stressé pour autant … “les sacs assistance ne sont pas arrivés, pas grâve … on verra demain” Ai-je vraiment l’esprit trop carré ??? Là encore, le calme de Danièle m’a évité un pétage de plomb prématuré
Le Jeudi a été consacré au repos et aux derniers préparatifs ? Cela fait bien longtemps que je ne m’étais pas senti autant stressé au départ d’une course. Nous avons choisi d’utiliser nos sacs personnels pour l’assistance plutôt que de compter sur une hytpothétique remise à l’arrache au départ. Donc un sac pour Cilaos et un autre pour Halte Là, avec un équipement complet dans chaque : paire de shoes, chaussettes, chevillère, short, sous maillot, maillots, buff, casquette, manchette …. Crèmes en tous genre, gels, barres, piles de rechange.
Avec l’épisode Anaïs, la météo est très incertaine …. Mais il est certain que nous allons prendre la sauce à un moment ou a un autre. J’ai été attentif à ce que j’avais pu lire sur les différences de température, importantes, entre Cap Méchant et le volcan. Je choisit donc de partir en corsaire avec un maillot court sur un sous maillot cyclo pour faire la montée. Par mesure de sécurité j’enfile une chevillière coté gauche …. Dans le sac j’ai mis un second sous maillot plus chaud pour le haut, des manchettes, un buff, un coupe vent et un imper. Je prend également la casquette étanche et, pour la première fois, je porte des gants cyclos sur un trail. J’avais lu que c’était très utile pour s’accrocher dans les descentes et les montées … Ca, je confirme !!! J’ai 1,2 litres avec de la poudre dans le camel, et un bidon vide …. destiné à recevoir une dose de 640 au premier ravito. Des gels, quelques barres et de la poudre energétique pour faire les niveaux.
On décolle des Avirons vers 17h, direction le sud et Cap Méchant … Danièle conduit, et j’envoie les premiers SMS aux copains en m’enfilant le début du GateauSport. Je chope encore quelques sueures dans les gros bouchons du coté de St Paul … Mais finalement on arrive assez bien au grand parking, que nous étions allez reconnaitre quelques jours avant. Comme d’habitude, aucune indication, pas un signaleur … mais bon, globalement ça ne se passe pas trop mal. Il est un peu plus de 19h, le départ est fixé à 22h. Nous avons largement le temps. On décide d’aller voir comment ça se passe, si éventuellement il y a les fameux sacs assistance, etc …
Les quelques bénévoles rencontrés ne peuvent nous répondre concernant les sacs, puis nous découvrons un agglutinement à proximité d’une enceinte clôturée, ou se mêlent coureurs et spectateurs …. Personne ne sait vraiment ce qu’il se passe, mais il semble que ce soit par là qu’on rentre. Inutile de tergiverser, on retourne vite fait à voiture pour récupérer mon équipement. Un bisou à Danièle et je hop, je plonge dans la marée humaine, chargé comme une mule …. Tout le monde traine plus ou moins facilement ses différents sacs. L’entrée est filtrée par de gros balaises, ce qui dissuade vite les pressés de faire les marioles. Il me faudra une bonne demi-heure pour passer le goulet.
Les bénévoles sont nombreux ensuite à la vérification des sacs, et ça se passe assez vite … Je m’interroge toujours sur la réelle utilité des fameuses deux bandes de 2,5 x 5 m minimum !!! Par contre la fille est surprise quand je sors mon gobelet pliable, alors qu’il est lourdement spécifié sur le site qu’aucun gobelet ne sera fourni sur les ravitaillements …. Balivernes là encore, l’organisation s’assoit sans sourciller sur ses engagements.
La pression retombe instantanément dés que j’en ai fini avec les formalités … Il reste une bonne heure et demi avant le départ et je suis surpris d’apercevoir Christophe Le Saulx, si tôt dans le Sas au milieu de la masse …. Ce gars est incroyable et force l’admiration : 3ème sur le Tor des Géants un mois plus tôt, le voila parti pour une superbe 5ème place sur cette Diagonale !!! J’aurais bien fait quelques photos, mais mon appareil ne veut rien savoir. J’avais pourtant pris le soin de mettre des piles neuves ….
Je renonce à mon p’tit pipi d’avant course … trois WC pour tout le troupeau, ça fait un peu short. Et on m’interdit de simplement dépasser de la ruralise pour une vidange express dans les fourrés. On verra donc après le départ …
Finalement on a du bol, il ne pleut pas et il fait doux. Je ne suis pas très loin de la ligne, assez bien placé. Je me pose dans un coin et je termine tranquillement mon Gatosport et ma boisson d’attente, en écoutant distraitement les gentils animateurs qui appellent et présentent les coureurs élites …. Encore quelques SMS échangés, le temps défile très vite. Ca y est, on allume tous les frontales et on a droit un double hymne du GRR …. PAN, c’est parti.
Ces premiers kilomètres sur la route sont trop bons …. De chaque coté de la route la foule est énorme, l’ambiance de feu, digne d’une arrivée du Tour de France en montagne.
Il commence à pleuvoir des les premières foulées … Je suis parfaitement serein et relâché, tellement heureux de pouvoir enfin dérouler les guiboles. Il faut un peu slalomer, mais je trouve très vite un rythme de croisière correct … Il me faudra juste patienter quelques kilomètres avant de trouver enfin un p’tit coin pour soulager enfin ma vessie.
Après 5 kilomètres rapides, le premier raidard au cœur des cannes à sucre nous fait rentrer vraiment dans le Grand Raid. J’assure tranquillement sur la route forestière qui suit …. En revoyant ma fiche coureur après coup, le premier pointage me place en 89ème position … ce qui est évidement complètement farfelu. Au ravito de Mare Longue je prépare mon bidon de 640 en prévision de la grosse étape à venir ….
Cette ascension du volcan est difficile, très technique et raidasse au possible. Mais je suis agréablement surpris car a aucun moment je ne suis bloqué les bouchons qui étaient annoncé sur les forum. Il faut juste temporiser un peu dans les passages délicats, mais la progression est fluide. Ma casquette étanche protège bien mes lunettes …. Aucun souci pour trouver la voie, la vitesse est faible et il suffit de coller le gars qui me précède.
Ca se gâte un peu plus haut, lorsque l’on commence à renter dans le brouillard. La pente s’adoucit et les gars recommencent a trottiner. Pour moi c’est le début de la galère …. Le brouillard colle sur les lunettes. Je les enlève et c’est à peine moins pire. Un gros myope la nuit dans le brouillard, même avec une bonne frontale, c’est carrément tatillon …. Je perds beaucoup de temps dans ces derniers kilomètres et j’atteins Foc Foc au radar, encore tout juste dans mes prévisions. C’est génial d’apercevoir cette grosse boule lumineuse dans la nuit et d’entendre la musique annonçant le ravito …
Je suis trempé, et la température s’est considérablement rafraichie …. Je me dessape, j’enfile le sous maillot sec, les manchettes, le buff et le kway. Je fourre le reste au fond du sac, et je repars sans trainer. C’est normalement une partie “facile” qui arrive, et je préfère continuer jusqu’à la route du Volcan pour profiter du prochain ravito, a l’abri du vent. Mais la galère continue de plus belle …. Je suis incapable de trouver mes appuis, j’ai beaucoup de mal a repérer le sentier, je patauge dans les flaques et ça double de tous les cotés. J’hésite à sortir ma seconde lampe pour la prendre à la main … peur d’être dans la mouise plus tard. Le moral en prend un coup. Heureusement les ravitos sont toujours très chaleureux et je m’enfile enfin un premier bol de soupe au Volcan.
Le jour se lève enfin lorsque j’arrive au pied des Remparts de Basaltes. En haut, au passage à l’Oratoire Ste Thérèse, j’ai déjà une heure de retard sur mes prévisions. Je comprends que c’est mort pour les 40h …
La suite nous conduit à Mare à Boue …. Je distingue enfin le terrain, mais c’est tellement gadouilleux que la moyenne ne progresse guère. Nous traversons une zone de vertes prairies ou la piste se limite souvent à une mare d’eau gluante entre deux lignes de barbelés. Un rayon de soleil me donne l’occasion de tomber temporairement le K-way et de repasser le maillot …. Je remplace les piles de l’appareil photo, mais le truc a tellement pris la sauce toute la nuit qu’il ne veut toujours pas me faire une image …. Le téléphone est à peine mieux, l’écran est imbibé et j’ai du mal à lire les messages d’encouragement.
Je m’éclate un instant sur une longue portion de bitume, ou je peux enfin trouver un vrai rythme de coureur. Ca ne dure pas très longtemps, la pluie refait son apparition en arrivant au ravito tenu par les bidasses. C’est un poil moins festif que les précédents, mais néanmoins on trouve tout ce dont on a besoin pour se revigorer. Il fait vite froid et repars vite, direction le Gite du Piton des Neiges … A ce moment je manque déjà un peu de lucidité, je ne regarde pas ma feuille de route qui indique une étape prévisionnelle de 3H. J’entends une indication fantaisiste qui annonce 6km jusqu'à la caverne Dufour …
Sur cette étape je vais toucher le fond. Le sentier me parait être un torrent qu’il faut remonter, je vois des gars me doubler sans arrêt, je ne prends aucun plaisir, mentalement je suis out, et je pense sérieusement à bâcher à Cilaos. Tout cela n’a tenu qu’a quelques SMS …. Puis je me suis dit que ce serait trop bête d’avoir fait autant d’effort et de “sacrifices” pour être là, et ne pas aller au bout.
Un peu dépité de ne rien trouver à manger au Gite, j’embraie bon train vers Cilaos …. Là, miracle, je commence à retrouver quelques sensations dans cette belle descente. Et même de bonnes jambes lorsque le soleil fait enfin son apparition sur le bitume qui nous conduit au stade. Je retrouve Danièle qui a déjà récupéré mon sac assistance au milieu du tas … C’est déjà ça de gagné. Je vire tout ce que je porte et j’enfile du sec, me tartine les pieds et passe la seconde paire de Trabuco. Je fais également le tri dans le sac et je me débarrasse de l’appareil photo inutile. C’est à ce moment que je pourrai échanger quelques mots avec les copains Bricolo et Bridou, qui m’expliquent que ça chauffe sur le forum CCK, et qu’il faut y aller. Jamais je n’aurais imaginé un tel engouement ….
Dans mes plans, j’avais prévu de repartir de Cilaos avant midi … il doit être dans les 16h lorsque je sors de la cantine. Mais le moral est revenu pour partir à l’assaut du Taibit et de Mafate. Je repars en trottinant avec deux jeunes militaires réunionnais, nous échangeons un peu sur la suite, puis je les laisse filer dans le descente de Bras Rouge … Ca court vite les jeunes, mais on se croisera plusieurs fois avant l’arrivée.
Encore un gros morceau ce Taibit. Je me trouve dans un petit groupe lorsque nous arrivons au sommet à la tombée de la nuit et je me surprends à mener le train dans la descente, qui nous mène rapidement au chaleureux ravitaillement de Marla. J’avais envisagé de dormir vingt minutes, mais il n’y a pas de place. On verra plus tard … Je prends juste un peu de temps pour me faire soigner les pieds et c’est reparti.
La suite est très agréable à courir … certes on trouve encore quelques beaux rondins vers la plaine des tamarins, mais rien à voir avec ce qu’on a connu avant. Le ciel est étoilé, il fait relativement doux, je passe d’un groupe à l’autre, on papote, là je profite vraiment de l’aventure.
On arrive ainsi au départ du Sentier Scout, avec son ravito également tenu par des militaires. J’ai une grosse envie de dormir, mais là aussi c’est complet … Après le rituel bol de soupe, je me pose assis sur un rondin et je ferme les yeux. Je m’endors instantanément et je me réveille aussitôt, dés que j’ai la tête qui tombe … Combien de temps ai-je dormi ??? A peine une minute probablement, mais pourtant j’ai l’esprit complètement clair, prêt à repartir pour Ilet à Bourse.
Ca roule tout seul jusqu’à Ilet à Bourse. Enfin presque … le terrain est bien glissant, et on a vite fait de se retrouver sur les fesses. Les petites chutes sont fréquentes, et voila que je pars pour une une “spéciale”, glissade non contrôlée et en moins de deux je me trouve planté dans le fossé en contrebas, au milieu d’un champ de fougères. Heureusement mes compagnons du moment ont du entendre quelques jurons. Un grand balaise me tire de là énergétiquement … Tout ça pour dire qu’un accident est tellement vite arrivé. En écrivant ces lignes, j’ai bien sûr une pensée pour Thierry Delaprez, qui a malheureusement laissé sa vie par ici.
La suite nous emmène vers Grand Place les Bas, je progresse au classement et c’est un formidable stimulant. Je commence à sentir un petit point douloureux en bas du dos, je prends le temps d’aller me faire soigner : un petit massage au synthol, et hop on ne sent plus rien … A tout hasard je me renseigne sur la disponibilité d’un matelas. Il n’y a rien de libre, mais on me propose un grand cabas a matériaux en guise de sac de couchage … Parait que c’est chaud et qu’on y dort très bien. OK ça roule … j’enlève le sac à dos et je rentre dans le truc sans même enlever les pompes. Je règle le réveil à ½ heure et hop, direct chez le marchand de sable !!! Je n’entends pas la sonnerie et je me réveille finalement une heure plus tard …. Bah, j’en avais surement besoin.
Bien sur j’ai perdu quelques places, mais peu importe …. Je repars tout frais, le jour se lève et je vais pouvoir apprécier Mafate. Je trouve immédiatement un bon rythme et j’arrive rapidement à Grand Place les Hauts. Je discute un moment avec un local qui m’explique que la descente à venir vers La Roche Ancrée est périlleuse …. Je me sens super bien et je me lance sans retenue pour un énorme moment de plaisir. C’est technique certes, mais bien plus courable que quelques portions précédentes. Et en plus il fait jour !!! Encore un super passage en bas, avec la traversée de la rivière ….
Ensuite c’est parti pour le gros morceau annoncé, avec la grimpée vers Roche Plate suivi de l’ascension du Maïdo. Ca grimpe par à-coups, l’arrivée sur Roche Plate permet d’allonger la foulée et je reprends logiquement les places perdues pendant mon sommeil. Au ravito je remplis le Camel au taquet et j’attaque le Maïdo en marchant, avec en fond musical, la symphonie des hélicos venus tourner quelques images sous le soleil. Il y a toujours comme un air de Tour de France, je suis limite euphorique, c’est dur, mais qu’est ce que c’est bon !!! L’ambiance est monstrueuse lorqu’on débouche au Ti Col. C’est génial, j’ai l’impression d’avoir fait le plus dur et les jambes tournent encore. Encore quelques kilomètres vallonnés et on arrive au poste du Piton des Orangers. C’est l’heure de la soupe.
Un trailer arrive quelques minutes plus tard en faisant tournoyer un K-way orange …. C’est le mien, perdu dans la montée alors qu’il séchait accroché à mon sac. Merci camarade.
Je mate le profil … pas de doute, c’est bien 13 bornes de descente qui arrivent. Je prends encore dix minutes pour un nouveau massage du dos et je repars gonflé à bloc, toujours chaleureusement encouragé par les nombreux spectateurs. Mais la descente attendue n’arrive pas … je me trouve sur une crête, faiblement balisée, avec un enchainement incessant de coups de cul. Les jambes assurent toujours, mais le mental est en négatif. Mais ou est ce qu’elle est cette p… de descente ???? Heureusement je rattrape toujours du monde ….
Puis c’est enfin la longue descente vers Sans Souci. C’est roulant, les gros rondins en travers du chemin ne sont pas très marrants mais je passe bien. Je rattrape beaucoup de gars qui marchent. Je suis doublé en bas, par un lascar qui sautille comme une gazelle, super léger, avec juste un bidon dans la main. Probablement un coureur du Bourbon.
Ensuite on trouve de longue portions linéaires, relativement plates, ou le balisage est inexistant … a priori c’est tout droit, il n’y a aucune raison de se perdre, mais pourtant je ne peux m’empêcher de gamberger. Je suis content de trouver un groupe de gamins qui me confirme que “c’est bon” … Ouf. Comme à chaque fois à l’approche des postes de ravitaillement, j’ai cette impression que ça ne fini pas.
Je n’avais pas prévu de m’arrêter à Sans souci. Selon mon plan de route, le ravito suivant est à Halte Là, à peine 3 km plus loin, ou je dois y trouver mon second sac assistance. Pourtant, quand je pointe le bénévole me dit qu’il y a des crêpes … Des crêpes ???? Arghhh, ça change tout … je fais donc un petit détour dans l’école pour me goinfrer quelques délicieuses gâteries. Avec le petit verre de coca qui va bien … Génial le ravito de Sans Souci. Je repars remplir mon Camel puisque j’ai noté 20’ pour boucler les 3 kilomètres à venir. Donc ça doit le faire avec le fond de la poche.
Dans un virage à la sortie de Sans Souci je reconnais instantanément le célèbre Schuchu du forum GRR, planté en supporter sur le bord de la route. Le garçon ne doute de rien, il me propose un canon de rouge … Allez, un clin d’œil à Schuchu et je plonge vers la Rivière des Galets, que l’on suivra un long moment sur une triste piste poussiéreuse. Un passage vraiment pas marrant … Mais c’est plat et roulant, nickel quand on a des jambes en état, ce qui est encore mon cas. Je ramasse des hordes de trailers plus ou moins laminés. Mais c’est long, bien plus long que prévu.
C’est là que j’entends “ Hé Gilles …”. Incroyable, c’est le p’tit Franck, mon “chauffeur”, rencontré sur la Maxi Race en Mai dernier. Franck est bien entamé, il ne peut plus descendre. On fait la fin de l’étape ensemble … On monte une première fois vers Halte Là, puis on redescend par un sentier improbable, puis on remonte au milieu de nulle part. Ca flaire la rallonge “gratuite” et ce n’est pas très drôle. Sans compter que cette fois je suis vraiment à sec avec la flotte. Ouf, on aperçoit enfin les spectateurs … Les encouragements sont réconfortant. Danièle m’attend en haut. On termine les 200m jusqu’au stade en marchant, avec Franck. J’aurai finalement mis une heure pour faire les soit disant 3km annoncés !!!!
Je repars super confiant, en trottinant. Quelque bornes plus loin, je fais un brin de causette avec une famille qui pique nique au bord de la route et m’offre un grand coca frais. Puis on rentre a nouveau dans la canne a sucre, le sentier se cambre et il recommence à pleuvoir …. J’ai chaud et froid en même temps, je regrette déjà de ne pas avoir mis de sous maillot.
Mais les sensations sont toujours bonnes, je m’éclate sur la portion de bitume qui suit, je saute le ravito de Ratineau et plonge dans la descente de sauvage, parsemée d’embuches et d’obstacles de toute sorte. Je n’aime pas du tout, mais je m’en sors plutôt bien, je continue de doubler … Tiens d’ailleurs je repasse Franck et on se souhaite bonne chance pour la fin. Grosse ambiance encore lorsque j’arrive à La Possession ….
Je recharge vite le Camel, et m’enfiles un double bol de soupe …. Ca va ch… !!!! C’est tout plat en repartant le long de la nationale, je cours “facile” et suis encouragé comme jamais. L’émotion m’envahit, j’ai les yeux humides, une boule dan la gorge, je plane !!! C’est LE meilleur moment de mon Grand Raid …
J’arrive au Chemin des Anglais, je suis heureux et excité d’arriver sur ce lieu emblématique de la Diagonale, une sorte de Carrefour de l’Arbre, avant les pavés. J’attaque la montée bille en tête … Les gros pavés sont nikel, ça passe impeccable. Je me marre intérieurement, je me dis que le Manu m’a raconté des conneries. Ca ne dure pas longtemps, je suis vite remis dans la réalité …. Le terrain se fait très irrégulier, piegeux … C’est le haut, je peux quand même embrayer en courant. Enfin plutôt en sautillant de pavés en pavés. On aperçoit furtivement la mer, le soleil est au couchant, c’est le dernier moment de plaisir pour moi ...
Surprise lorsque je reconnais la silhouette de Filip, clopin clopan … Danièle m’avait signalé son super classement au passage à Cilaos, mais là le jeune champion est blessé et est contraint à la marche forcée. On échange quelques mots …. Filip pense terminer vers minuit. Il terminera finalement au courage à 4h44 … Bravo Filip !!!
Le Chemin des Anglais se transforme progressivement en terrain miné. Il n’y a plus de pavés, juste quelques gros cailloux explosés en vrac, n’importe comment. Le but du jeu est de ne pas y laisser une cheville. Bien sur ça continue à monter et a descendre (plat sur le profil officiel) et ma frontale donne quelques signes de faiblesse … Ah, si je n’avais pas bêtement laissé ma lampe de secours à Halte Là. Il me faut tenir jusqu’à Grand Chaloupe pour assurer le changement de pile.
Ouf, nous y voila enfin … le moral a pris un gros coup de bambou. Je continue avec le programme double soupe, en me réjouissant d’en avoir fini avec ces p… de pavés. Le gentil bénévole m’indique doucement qu’il y en a encore un peu, un tout petit peu …
Tu penses, dés la sortie de Grand Chaloupe ça repart de plus belle … Du paveton bien pourri et une montée interminable. Je fulmine intérieurement …. Quel intérêt à courir sur ce merdier ??? Quel plaisir peut-on y trouver ??? Lorsque l’on sort enfin du traquenard, je me dis qu’il serait bon d’accorder un break au cerveau qui ne veut plus se mettre en positif. Je règle le réveil à dix minutes et je m’allonge en vrac sur le bitume, espérant trouver le marchand sable. Mais le sommeil ne viendra pas.
Après les infâmes pavés explosés, le parcours nous propose une longue portion de bitume. Ce tracé est vraiment étonnant, déroutant, et il faut bien le dire pas très attrayant. Je voudrais bien relancer, mais le Poucet commence à couiner de partout … J’ai les pieds laminés par les anglais, et inévitablement, avec le frottement du short trempé et salé, j’ai les burnes en feu. Le sentier qui nous grimpe au Colorado est un enfer … Les jeunes qui sont avec moi me disent qu’il y en a pour 45’. Sur le coup je crois qu’ils bluffent … Mais non, c’est au moins ça qu’il m’aura fallu pour me trainer la haut. Je n’ai jamais vu la fameuse boule blanche qui annonce la fin, mais par contre je les avais bien au fond … les boules !!!
D’habitude j’aime bien les épreuves qui se terminent par une bonne descente …. Là, on avait 5 bornes pour rejoindre le Stade. Et j’ai mis 1H30 !!!! Ce final m’a anéanti mentalement et privé d’un plaisir que j’aurais trouvé mérité. Pour tous les finishers … Euh pardon, c’est vrai … il n’y a pas de finishers sur le Grand Raid, mais des survivors !!! Inutile de gémir, c’est l’état d’esprit voulu par l’organisation, il faut le avoir. Maintenant je sais.
Donc pour passer la ligne à La Redoute, il faut descendre de la montagne par cet infâme parcours du combattant, à peine balisé, qui ne ressemble que de très loin à un sentier, en essayant de ne pas se blesser … J’ai eu droit a un roulé boulé final à deux bornes du stade qui m’a valu un petit passage à l’infirmerie des la ligne passée
J’étais bien sur content d’en finir, un peu aprés minuit, aprés finalement 50h12' d'efforts ..... Soulagé mais frustré, terriblement frustré de n’avoir pu savourer le final de cette épreuve hors normes. ENORME.
Désolé de vous avoir fait veiller si tard sur le net .... Je voudrais encore une fois remercier tous les ami(e)s qui m’ont suivi et encouragé via le forum, FB, SMS ….. J’ai vraiment été profondément touché en relisant le live. MERCI MERCI MERCI
La Réunion est une ile merveilleuse ; Les Réunionnais sont formidables ; MERCI pour cette ambiance de feu sur le Grand Raid.
A bientôt pour d’autres aventures sur les sentiers
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5 commentaires
Commentaire de Françoise 84 posté le 18-11-2012 à 21:27:01
Ca, c'est du récit!! Mené tambour battant (comme ta course??!!), pas le temps de souffler et de se poser trop de questions!! Bravo, survivant!!
Commentaire de Bacchus posté le 18-11-2012 à 21:53:34
Bravo pour ta course, merci pour ce récit très détaillé.
Apparemment le Jeudi t'as beaucoup marqué :-) tu nous en parle deux fois
Encore bravo "finisher"
Commentaire de francois 91410 posté le 18-11-2012 à 22:16:50
A la lecture de ton magnifique récit, on comprend qu'il faille quelques jours pour décanter toutes les émotions, les hauts et les bas, ressentis tout au long de ta traversée. Mille bravos pour ton abnégation et ta course !
Commentaire de dragondefeu974 posté le 19-11-2012 à 15:51:23
nerci pour ton récit captivant. tu as une belle mentalité, pleine d'humilité et de simplicité. bravo pour ta course, ta préparation. merci pour le compliment à la fin du récit. un bénévole de grand place.
Commentaire de PhilippeG-638 posté le 15-09-2014 à 10:41:53
Bravo pour ta course et ton récit Poucet !
Merci pour toutes ces infos, on s'attend vraiment à un truc difficile (surtout la fin !)
A partir de ce fameux chemin des anglais, ça à l'air dur pour le moral et aussi pour les cannes :-)
Philippe
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