Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2011, par pascalpenot

L'auteur : pascalpenot

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 13/10/2011

Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)

Affichage : 2557 vues

Distance : 163km

Objectif : Pas d'objectif

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Chapô la paille lé la!

 Vingt deux heures. Après 3 heures d'attente devant la banderole de la ligne de départ, la meute est lâchée. Ca pousse dans tous les sens… prendre sa foulée… courir au plus vite!
Devant moi un concurrent trébuche et manque de tomber.  Je le chope par le sac et le tire en arrière avant qu'il touche terre et m'entraine dans sa chute… Premier virage, enfin on peut "respirer" sa foulée… Je tripote ma ceinture, mon crane; tout est là : bouteille; frontale, chapeau… allons! L'ambiance aux abords est de feu. On est les stars éphémères d'une liesse populaire. C'est encore plus bandant qu'à l'UTMB à Saint Gervais. Ca durera pendant les 3,5km de nationale avant d'attaquer la nuit de la RF de Mare longue.
Je pisse dans le premier champ de canne et j'attaque la montée ipod à poste. Téléphone, U2, Cure, Bowie, Clash, Nirvana, Texas et Noir désir m'accompagneront jusqu'au Kiosque.

 

1h32! Merdre… trop vite pour ma vieille carcasse. 1h45 que je visais… Et pourtant le cœur est facile et les jambes légères… La musique, quel pain béni pour l'endurance…. Internet avait raison!

Je fais le plein d'Hydraminov pour 1,5 litres d'eau, avale 2 Vitalinov à base de tyrosine et j'attaque la montée du Foc foc en rythme rando.

Je baisse le volume de l'ipod pour entendre les pas des coureurs qui voudraient passer. Je pensais beaucoup gêner mais en fait non c'est plutôt le contraire. Je passe et je gueule "à gauche!", et je passe et demande le chemin "à droite!"… un merci et j'embraye sans accélérer. Je double pour marcher à mon rythme, rien qu'à mon rythme… Je réponds brièvement à quelques "Bonjour", "Hé Pascal", "Chapo la paille, koman ilé!" mais je garde mon rythme qui me plait. Je n'ai pas l'impression de forcer ou de souffler comme un bœuf, je monte, c'est tout.

Avant le puy Ramond, je retrouve une amie, Emilie Lecomte. On se deux trois mots, à bientôt et bonne course.

Arrivé au bord de l'enclos, le temps est bon… Jamais monté aussi vite sur un grand raid… et pourtant j'ai pas le sentiment d'être à bloc… Je trottine plus tranquille sur le plat de la plaine des sables. Je n'aime pas le plat… Le plat ce n'est pas bon quand on n'a pas de VMA… Sur le plat, je n'avance pas!... Je pointe au ravito de Foc Foc et embraye sans m'arrêter. La brume est là… plus épaisse pour moi avec mes lunettes embuées… Je fais un peu de hors piste rappelé à l'ordre par une frontale à droite ou à gauche.

J'arrive au parking du volcan en 4h39! Putain pascal t'es malade! Mais j'ai la patate… Je cours sans me prendre la tête et sans courir après le temps. Au feeling et du plaisir. Je décide d'embrayer de continuer sur ma lancée. L'assistance Déniv est aux petits soins pour moi. Je dis ce que je veux et je repars très vite, un bidon plein, l'autre avec de l'hydraminov en attente pour Textor et je retourne dans la nuit du sentier.

Au volcan, tout fringant (Photo Déniv)

La plaine de sables… putain de plat! Enfin les escaliers du rempart de basaltes. Toujours aimé ce passage. Enfin je trouve un rythme plus tempo, j'éprouve enfin le besoin de souffler et de faire un premier point. Je suis là pour faire un GRR de rando-course avec pour seul objectif de prendre mon pied sans traumatismes et je me retrouve dans un tempo meilleur que ma perf' de 2007 (22eme). Les sensations sont tout de même différence. En 2007, je piochais ma hargne pour faire un truc; là j'ai le sentiment de dérouler et manquant même de gnack à me faire mal.

Prudent dans la brume, avec  la nuit et ses pièges, j'arrive à Textor en 5h53 de course. Je rempli ma bouteille vide et direction Mare à boue.

Le sol devient glissant, la lampe faiblit, mais je m'entête. Première glissade, la nuit devient plus noire, l'allure plus grand père, deuxième glissade… STOP Pascal tu fais n'importe quoi!!!  Je me pose dans l'herbe, vide les cailloux des godasses, changent les piles, l'ami Panto me salue en passant puis j'embraye derrière un groupe de 4 qui descend les parties boueuses avec prudence… Ce rythme bien qu'un peu lent me rassure et me redonne du rythme, je resterai avec eux jusqu'au chalet aux plâtres.

Puis 5km de bitume avant le ravito… putain de plat!

Mare à boue. 5h20. La boue m'a ralenti. Le soutien du CSA base aérienne est la. Ils sont heureux d'être là et efficace. Hydraminov, gel, barre protéines et roule ma poule, direction Bélouve.

Le corps est enfin dans l'ultra. Marche dans les montées, rando course dans le plat et les descentes et besoin de souffler un peu. La descente sur la route de Bébour est glissante. Devenu peureux après quelques chutes en courses, j'me traine mais l'esprit est tranquille.

La route et du plat encore et encore… On me double pas mal. La ravine, de la route encore et la voila: la boue du sentier des mares et des bois de couleurs ! Après reco, j'avais prévu d'y marcher d'un pas dynamique… aucun rendu, c'est ici pire et plus épuisant que de courir dans du sable. Mais ça m'usera quand même, même en marchant… Dans les  coups de culs je cris maman, on me passe et me passe encore : "Mais comment y font, maman mais comment y font!!!"

Quand je sors de là un siècle plus tard… je retrouve la route et  me dis pour une fois que le plat….ben ça a du bon parfois!!!

Dans la descente de Bélouve, l'esprit compétiteur a totalement disparu et j'ai du mal à me motiver pour garder le rythme d'un  type qui a un dossard au ventre et qui fait une course qui s'appelle le grand raid. Finalement un peu curieux, j'embraye derrière la foulée d'une des favorites,  une allemande. Elle descend en petite foulées prudentes. J'arrive à la suivre en marche rapide. Ce rythme rassurant me convient et je ferai ainsi le suceur de roue jusqu'à Hell bourg. Nouvelle assistance Dénivienne, je change de chaussettes et de pompes et prend mon temps. Je papote avec les Déniviens, invite un  Delebarre égaré à picorer un peu (ce qu'il fait) et je repars après un bon quart d'heure d'oisiveté en compagnie d'une autre coureuse, Liliane Cleret. Elle est  partie en trombe dans cette diagonale… première féminine au Volcan… Je l'ai doublé dans la boue de Bélouve, elle était défaite moralement… Je l'avais encouragé mais sincèrement, je ne la voyais pas repartir après Hell bourg. On papote… Elle voudrait rendre son dossard mais son mari l'attend à Cilaos… Je l'invite à prendre son temps et du plaisir en attendant… J'essaye de lui faire comprendre que la course n'est pas fini… si les jambes sont bonnes, qu'elle passe en mode tourisme… Ce serait trop con quand on ne connait pas de louper Mafate! Elle s'inquiète du Cap anglais mais je la rassure: "le cap anglais te prendra comme il te trouvera… c'est trop raide pour le dominer, parfois on y met les mains… dans le cap anglais … tu prends le rythme que la pente veut bien te donner et t'avance à ce rythme là.

L'assistance Dénivienne à Hell bourg (Photo Déniv)

Un coucou à Magali Chambry qui me donne des nouvelles de son tête en l'air de bonhomme (il s'est paumé à Bébour)  et je démarre la montée en musique.

 Je monterai pépère en randonneur. De toute façon c'est le mieux que je peux faire. En haut du cap, je retrouve l'allemande à l'arrêt sur un galet. Ses yeux semblent hagards. Elle a regard de quelqu'un qui vit l'enfer. Je lui dis que la pente jusqu'au gite va être plus douce pour la rassurer et j'embraye.

Sans courir, je retrouve une bonne allure jusqu'au gite de la caverne dufour… dans le sentier les premières crises de sommeil apparaissent… La course n'a pas vraiment encore commencé que je passe déjà quelques morts-vivants.

Au ravito, je fais le plein d'Hydraminov menthe dans les bidons, avale 2 Vitalinov et bascule dans la descente de Cilaos.

Je coure doucement mais surement, les jambes sont toujours  physiologiquement aussi légères. Je dépasse pas mal de coureurs en crises de sommeils, mon ami Panto, et beaucoup de jambes dures. 1h20 plus tard, j'arrive au stade en ayant remonté pas mal de concurrents.

L'assistance Dirisiennedes collègues du boulot au petits soins à Cilaos (Photo Jonathan Costa)

L'assistance, les collègues du boulot sont là au rendez-vous… je resterai  10 bonnes minutes à me changer, papoter, manger des pates, papoter, refaire mon sac et papoter encore. Direction maintenant Bras rouge et le Taibit. La bonne descente du bloc m'a remis dans le rythme… je me dis qu'en me prenant un peu la tête je pourrais arriver Samedi en début de matinée. La remontée du Bras rouge se passe bien, je double un peu même si la fin est quand même un peu pénible.

Au pied du Taibit je recharge les bidons et sans attendre j'embraye…. Mais dés les premières marches, je suis un peu dans le dur…il est 16h passé et au fil des minutes, je comprends très vite que je suis en train de faire une crise de sommeil.  Je me traine jusqu'à l'ilet des 3 Salazes, y pénètre et  cherche de l'herbe épaisse pour faire un bon matelas. Je me couvre d'une polaire et d'un coupe vent et je me pose là, pour 45 minutes de somme.

Je me réveille en grelotant, je reprends le sentier et m'arrête 30 mètres plus haut boire une tisane offerte par les habitants de l'ilet en m'asseyant auprès du foyer. La tisane me fait du bien et le feu me réchauffe. Je repars enfin dans le Taibit.  Combien de places perdues pendant cette longue pause? Peu importe… Ma foulée a retrouvé de la légèreté et je monte le souffle agréable. Avant le sommet je recroise à nouveau Liliane Cleret. "Alors, envie de voir Mafate, je lui dis!" son mental a bien meilleur mine (elle finira 1ere sénoir femme). Elle me questionne sur les sentiers à venir, j'essaye de la renseigner mieux qu'un guide.

Je la laisse derrière moi dans la descente vers Marla… Au ravito, je retrouve un Ultrafondu Philippe Clerziou… on se croise régulièrement  sur les Ultras… Montagn'hard en 2009, Andorre 2011, maintenant ici… J'aime bien ce type, même dans les moments de moins bien il est toujours positif.

On va traverser Mafate ensemble jusqu'au Orangers ou il dormira…. Il me repassera avant le bras d'oucy ragaillardit. Quand à moi, je vois poindre une 2eme crise de sommeil avant d'arriver à la porte… Je me motive et me gifle même pour tenir jusqu'à 2 bras ou m'attend l'assistance du CSA de la base aérienne.  C'est de l'assistance de luxe : tente, lit, duvet, couverture, pates chaudes et tout le monde aux petits soins pour moi…j'ai l'impression tout à coup d'être plus important que le Dalai-lama!

Je repars après une heure de pause (dont 35minutes de somme) et je quitte 2 Bras sous la Ola de mon assistance! La montée de Dos d'âne après ce bon somme ce déroulera à une allure aussi facile que si c'était une rando. Je double quelques coureurs.  Au sommet, nouvelle assistance Dénivienne ou m'attendent mes bidons d'Hydraminov. Un merci et je repars illico. Les jambes répondent de manière parfaite sans courbatures ni douleurs. Je décide alors de me prendre la tête pour ne pas faire le fainéant dans le final et courir coute que coute dès que le terrain le permet. Bref je remonte régulièrement des concurrents par le simple fait de courir un peu.

A la possession, dernière assistance Dénivienne avec Philippe Noel… Je recharge à nouveau mes bidons, j'embarque des sticks d'Hydraminov menthe pour les ravitos suivants et je repars.

 

 Arrivée au ravito de la possession (photo Déniv)

La première portion du chemin des anglais se passe bien. Le soleil commence à taper mais je m'hydrate comme il faut et reprends 3 ou 4 coureurs. Ravito rapide à la grande chaloupe et je repars… La deuxième partie du chemin des anglais sera plus chaotique… Une nouvelle crise de sommeil semble poindre mais à quelques kilomètres de l'arrivée pas question de s'arrêter roupiller. Je veux finir au plus tôt... je fais donc avec et je me force à courir hagard quand ça descend ou sur le plat. Je rouspète après la route de saint Bernard qui n'en finit pas de monter toujours plus raide et je me motive comme je peux dans le sentier glissant qui monte à la fenêtre. Enfin la dernière descente… et arrivé au ravito du Colorado… Comme on dit… ça a sent bon la fin!!!

Malgré la crise de sommeil, je retrouve de l'envie, l'envie surtout d'en finir et sans trainer!... Je descends le colorado surement mais à bonne allure, en courrotant dès que je peux. Je double encore quelques concurrents des blessés de la Diagonale comme Laurent Delnard boitillant et que j'encourage entre 2 enjambées…

Je franchis la ligne un peu après 11h du matin.. Un camarade du boulot est la pour m'accueillir avec son appareil photo. Une interview sur la ligne d'arrivée, un coucou à Eric Lacroix, mon entraineur il y a  4 ans, et voila. C'est fini! Le cerveau est en manque de sommeil mais le corps semble encore frais sans douleurs, presque prêt à repartir. L'aventure du grand raid se termine avec un immense plaisir que je savoure… Je regarde la montagne encore une fois. Je l'entend déjà m'appeler et m'attirer vers elle pour de nouveaux voyages,  de nouveaux rêves, de nouvelles traversées!

 

 A l'arrivée, premières impressions avec Eric Lacroix (photo Fabrice Janitor)
 
 
 
A la remise des prix, retrouvailles avec l'ultrafondu philippe Clerziou

 


 Comme dans Astérix et Obélix, un grand raid se termine toujours par un bon festin! (Photo Déniv)

 

 Nous nartrouv l'année prochaine! (photo Déniv)

3 commentaires

Commentaire de Françoise 84 posté le 23-10-2011 à 20:12:05

Bravo, un beau Raid, rondement mené et bien joliment raconté, sans prise de tête!! Bises, Pascal, bonne récup et à bientôt, j'espère!

Commentaire de Cédric74 posté le 23-10-2011 à 22:16:56

Bravo Pascal !!
Je le dis sans flagornerie, tu es un modèle, j'adore ta façon de voir la course, simplicité mais en même temps pas de simplisme !!
Merci pour ce récit qui fait plaisir et qui fait envie !!

Commentaire de Free Wheelin' Nat posté le 24-10-2011 à 11:50:06

Très belles photos et récit qui donne envie , oui!
Tu ne sembles même pas marqué...
Je n'aurais pas dit mieux que Cédric, je me retrouve un peu dans ton "esprit trail" : laissons le lieu nous accueillir (ou pas), et écoutons, ressentons, partageons, je crois que c'est là qu'on trouve le meilleur de l'ultra.

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