L'auteur : willynt
La course : Saintélyon
Date : 2/12/2007
Lieu : St étienne (Loire)
Affichage : 5225 vues
Distance : 69km
Objectif : Terminer
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Et pourquoi pas la SaintéLyon ?
Août 2007. Ça ne fait que quelque mois que je cours plus ou moins régulièrement (sans prédispositions particulières, loin s'en faut), et déjà l'idée de m'y frotter me trotte dans la tête. La faute aux récits dévorés par dizaine sur le web. Des histoires magiques qui me laissent des images plein la tête.
Puis l'inscription (en prenant quand même l'assurance annulation, au cas ou...).
Puis l'incompréhension totale de mon entourage.
D'ailleurs je ne sais même pas pourquoi je désire tant y participer ? Défi personnel ? Tester mes limites physiques et mentales ? Pouvoir dire "je l'ai fait" ? Certainement un peu tout ça à la fois...
Ces derniers temps, j'ai essuyé quelques échecs cuisant dans ma vie professionnelle, le moral n'est pas au beau fixe. Pas grave ! Tout cela ne fait qu'augmenter ma motivation et mon envie de rallier la ligne d'arrivée de cette envoûtante course. Je serais à l'arrivée, j'en suis convaincu !
Et puis sans même que je m'en aperçoive, nous sommes déjà le samedi 1er décembre.
Je ne savais même pas comment me rendre à Saint-Etienne. Navette ? train ? voiture ?
Au dernier moment, un voisin se propose de m'emmener (merci à ma petite femme). Il passe me prendre à 21h15 et je découvre toute une équipe de joyeux drilles. Des habitués de la SaintéLyon. Certains courent, d'autres marchent. Les blagues fusent dans la voiture, bonne ambiance et franche rigolade.
Ça permet de ne pas laisser le stress monter, et nous voila déjà dans le hall des expo à Sainté. blindé de monde. j'ai jamais vu autant de mecs en collants moulants :)
Et puis le temps de trouver ou déposer mon sac pour le rapatriement à Lyon et j'ai perdu toute la bande. Tant pis, je ferais le départ tout seul (enfin tout seul, c'est façon de parler... seul au milieu de 4400 fondus).
23h57, 23h58, 23h59 et top départ. Étant en queue de peloton, je mets plusieurs minutes avant de franchir la ligne de départ. Et me voila enfin dans les rues de Sainté.
Je n'arrive pas bien à réaliser. La SaintéLyon ! j'y suis enfin. Finalement, c'est pas dur !!!
J'attaque vraiment tranquille, je tourne à 6'30 au mille. C'est l'allure qui devrait me permettre de tenir les 10h que je me suis fixé arbitrairement. J'ai dans la poche une copie du tracé, avec mes temps de passage prévus. Je dois être à StChristo en moins de 2h08. Moi qui n'ai jamais couru plus de 15 bornes d'affiler, c'est l'inconnu total.
Et puis le temps passe vite. Les 1ères montées en marchant, le ballet des frontales, la nuit étoilée et me voila à StChristo en 2h07. Jusque là, tout va bien.
J'essaye de ne pas m'attarder au ravito, trop de monde et repars après un thé et un morceau de chocolat.
Je me sens vraiment bien, je suis confiant et pense au plaisir immense d'être là, de faire partie du rêve ! Bien sur, je vais doucement, mais mon but premier est quand même de finir, alors je préfère y aller mollo (quelle naïveté de croire qu'on en garde sous le pied pour la fin !!).
Déjà Moreau, avec 5 min d'avance sur mon planning. Je suis super content. Je n'ai pas envie de m'attarder. J'avais prévu 6min d'arrêts aux ravitos, mais je n'y resterais jamais plus de 3 ou 4min. Je repars avec SteCatherine en ligne de mire que je rejoins à 4h06, avec toujours un peu d'avance. bien sur y'a la boue qui rend la foulée pénible, la frontale (petzl tikka) qui n'éclaire pas suffisamment, y'a les petites douleurs un peu partout. Bien sur je marche souvent (peut-être plus souvent que je ne courre), mais au moins je suis déjà là ! Ça me parait presque incroyable, trop facile (quel con !).
Au prochain ravito (StGenoux) je laisserais un petit message à l'amour de ma vie, pour lui dire que tout va bien. Mais StGenoux commence à me paraître bien loin, les douleurs aux jambes se font plus présentes, mais bon, je suis là pour en chier, alors je serre les dents et avance en mode "cerveau off".
J'arrive à StGenoux avec qq minutes de retard, pas grave, le plus gros du dénivelé positif a été fait, et je pense pouvoir refaire mon retard sur les parties roulantes de la fin. (mon pauvre, si tu savais...)
Comme prévu, petit message à ma chère et tendre, et je repars, mais bizarrement, rien ne va plus. Les douleurs deviennent trop présentes et surtout une nouvelle douleur au genou droit est apparue, une douleur aiguë qui m'empêche de trottiner et me fais boiter.
Je ne peux pas y croire et m'accroche encore à mon objectif de 10h. mais les kilomètres ne défilent plus et marcher tout seul, se faisant doubler par quasiment tout le monde est très dur pour le mental. Soucieu me parait bien loin, trop loin et chaque nouveau pas n'est que douleur. Il va bien falloir que je me rende à l'évidence, je ne tiendrais pas mon objectif de 10h. Heureusement, l'abandon n'a jamais été une option, je finirais en 15h ou en 20h, en rampant si il faut, mais je serais à l'arrivée, rien ne m'en empêchera. Je m'accroche désespérément à l'espoir qu'un kiné à Soucieu pourra calmer ma douleur au genou droit et que je pourrais enfin courir à nouveau (enfin courir, trottiner plutôt). Surtout qu'habitant à Chaponost, je suis le régional de l'étape. Je ne pense plus qu'au kiné qui me remettra sur pied !
Au bout d'interminables efforts et douleurs, je vois pointer Soucieu, en même temps que le soleil. Il est 7h15, d'après mon planning, je devrais traverser Chaponost à cet instant. Un gros panneau "Kinés" me remonte le moral.
Mais les kinés, je les cherche encore. pas de kiné m'annonce-t-on ! Bon, ben voilà ma lueur d'espoir qui s'éteint. Le doute s'installe... Comment je vais tenir les 24km qui restent ? un petit calcul rapide me dit qu'à 9'30 au mille (mon allure de marche), il me reste plus de 4h à tenir (sans compter les prochains arrêts ravito).
Je me fixe donc un nouvel objectif : midi !
Je repars alors en clopinant et réalise que le plus dur aura été de faire une croix sur mon objectif initial. Maintenant que j'ai un nouvel objectif "réalisable", je me sens mieux. Enfin dans la tête, car physiquement, les douleurs aux jambes et au genou sont à la limite du supportable. Mais comme on disait à l'armée "pas mal, pas normal !".
Alors, pour limiter la douleur, je déconnecte mon cerveau et pense à autre chose. A mon père qui j'espère me regarde de la haut avec fierté, à mes petits garçons qui doivent se réveiller, pas si loin, à ma petite femme qui ne comprends pas pourquoi je m'inflige ça. C'est aussi pour eux que l'abandon ne m'a jamais traversé l'esprit.
Puis, j'arrive à Chaponost, il est 8h30. Petit coup de fil à ma chérie pour lui dire que je ne serais pas à 10h à la doua, qu'elle ne s'inquiète pas, j'y serais à midi.
Il fait maintenant grand jour, et on croise encore et encore les mêmes zombies, jeunes, vieux, hommes ou femmes, blancs ou noirs, on se sent tous tellement en phase, que les mots sont inutiles. Le ravito de Beaunant parait inatteignable, moi qui pourtant connaît le coin comme ma poche. J'échange 2 ou 3 mots avec un compagnon d'infortune. Il me dit qu'il compte abandonner à Beaunant. Je n'en reviens pas ! J'essaye de le dissuader, je lui dit que c'est trop con, si près du but, il va forcément le regretter, qu'il serre un peu les dents et qu'on finisse ensemble. Je pense qu'il fait semblant d'acquiescer pour avoir la paix.
Puis le ravito arrive enfin. Je me dis que maintenant c'est quasi gagné et pourtant il reste encore 13 km, les plus longs. Je retrouve mon camarade qui me dit qu'il ne repartira plus. Je suis triste pour lui, mais ça booste ma propre motivation ! Je bois un coca, un thé et je repars pour tomber direct sur le "mur" de SteFoy. C'est le moment de sortir mon arme secrète : mon MP3 que je mets à fond avec ma sélection bien rock que je me préparais depuis des semaines, juste pour ce moment là !
Et puis la douleur au genou se fait moins sentir en montée, et du coup, cette montée si terrible est presque un soulagement. Arrivé au sommet (vers l'hôpital de SteFoy), je me surprends à trottiner à nouveau. La douleur est toujours là, mais j'ai envie d'en finir. Alors au diable les douleurs, si je veux arriver avant midi, je dois courir. Alors je trottine de plus en plus. Arrive la descente vers les quais puis les escaliers puis les pavés. Les km sont maintenant annoncés par des panneaux. Mais c'est pas possible, ils ont du se tromper en posant les panneaux et les mettre tous les 3km ! Le ravito de Bellecour est enfin là. Drôle d'ambiance, car on sait maintenant qu'on finira et malgré nos états lamentables, les sourires sont sur les visages.
Je repars avec une seule idée en tête, que ça se termine enfin. Ça y est, la SaintéLyon, j'ai eu ma dose ! C'est trop long, trop de souffrance, il faut que ça s'arrête !
Il reste 6km avant l'arrivée, 6km sur les nouvelles berges du Rhône. 6km qui n'en finissent pas et midi qui approche. Pas le choix, je dois courir pour tenir mon objectif. on terminera ces 6km avec quasiment les mêmes personnes qu'on double et qui nous doublent des dizaines de fois. On marche/courre avec les joggers qui semble aller à une vitesse folle. Ça n'en finit pas, que c'est long, très long, trop long.
On quitte les quais au niveau d'interpole, pour passer entre le parc et la cité internationale, et on passe sur l'herbe dès qu'on peut pour soulager les pieds.
Finalement, le panneau 2km, puis une éternité après le dernier panneau, "1 km". Des gens sont là pour nous encourager. on rentre dans l'enceinte de la doua.
L'arche d'arrivée est en vue ! il y a même des coureurs déjà arrivés qui sont là pour nous encourager. "50m", "20m" puis c'est la fin.
J'ai envie de pleurer. Mais une sensation bizarre m'envahie. C'est fini ? c'est tout ? pas de fanfare ? pas de pompomgirls ? Je fais quoi maintenant ?
Dur retour à la réalité... Récupérer son t-shirt de "finisher", rendre sa puce électronique, prendre sa douche.
Je ne peux plus marcher, chaque pas est un enfer. Je suis partagé entre le bonheur d'avoir fini et le dégoût de la course à pied. Plus jamais ça ! trop long, trop dur.
Après le repas chaud, je retrouve ma petite famille qui est venu me chercher. Quel réconfort !
Que le reste de la journée sera dur et demain faudra aller au boulot. Bizarrement, je n'ai jamais eu sommeil.
Le soir, je ne pourrais pas monter dans la chambre, les escaliers : impossible ! Pas le choix, je dormirais sur le canapé.
Le lendemain, faire semblant de rien au boulot (enfin à part la démarche de canard), puis la fierté personnel d'être entré dans la cour des grands.
Et au fil de la journée, je me surprends à penser à la SaintéLyon 2008...
Dingue ! il m'aura fallu moins de 24h pour passer de "plus jamais ça" à "vivement la prochaine".
En 2008, je tiendrais mes 10h!
Dossard 5552, temps de passage:
Saint Christo en Jarez | 02:07:08 |
Sainte Catherine | 04:06:21 |
Soucieu en Jarrest | 07:13:47 |
Arrivée | 11:52:34 |
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10 commentaires
Commentaire de seapen posté le 07-12-2007 à 11:58:00
Ton récit est captivant. finalement je l'aurai fait cette course... avec toi. bravo. c'est vraiment une belle perfomance. tu t'en est sorti avec le mental renforcé. Chapeau ! et salut.
Commentaire de sarajevo posté le 07-12-2007 à 13:58:00
chapeau pour ton récit.... il m'a donné la chair de poule. Bravo a toi pour ton courage, et rassure toi l'ultra c'est ca ... on se dit plus jamais pendant ... et une fois la ligne passée ... on se dit à l'année prochaine ....
a+
pierre
Commentaire de patcap21 posté le 07-12-2007 à 17:47:00
Bravo à toi pour cette première, tu as un sacré mental qui te permet d'être finisher sur cette sainté car entre objectif qui tombe à l'eau et douleurs surtout si prés de la maison;, il en fallait pour continuer...encore bravo à toi et merci pour ton récit.
bon récup
Pat
Commentaire de Belet posté le 08-12-2007 à 00:07:00
Bravo et merci.
Certain que si un jour je me lance dans l'aventure, au moment ou j'aurai mal, parceque "pas mal pas normal", j'aurai une pensée pour ton récit.
Arnaud.
Commentaire de akunamatata posté le 08-12-2007 à 10:14:00
bravo, j'avoue que pour un coup de tête la balle est belle et bien au fond des filets !
Joliment raconté de surcroit.
Commentaire de le_kéké posté le 08-12-2007 à 18:18:00
Bravo et encore bravo.
Très beau récit très touchant et très bien ecrit.
Se lancer sur la sainté avec une si petite expérience en CAP, c'est de la folie mais tu l'as fait et j'adore ça. Déjà maintenant je pense qu'il ne reste plus que le bon coté des choses.
Nul doute que l'annnée prochaine ce sera les 10h, vois moins.
A+ Philippe
Commentaire de Grain de sel posté le 08-12-2007 à 18:19:00
Bravo pour ta 1ère Saintélyon.
Ton récit est prenant... On se rend compte qu'on peut faire beaucoup de choses avec le mental.
Au plaisir de te lire à nouveau.
Laurine
Commentaire de vial posté le 09-12-2007 à 04:27:00
Bravo pour être aller jusqu'au bout en révisant l'objectif. Et puis passer si près de son petit nid douillet sans résister aux sirènes de l'abandon, pour offrir son effort aux siens, c'est super....
Commentaire de Gibus posté le 13-12-2007 à 14:42:00
Jamais + de 15 bornes et finisher, chapeau.
C'est vrai qu'il fallait déconnecter son cerveau sur la fin pour finir.
Commentaire de Jerome_I posté le 22-12-2007 à 22:17:00
Bravo pour cette "folie" douce mais dure pour ton corps... Bravo pour ce tshirt de finisher que tu mérite grandement... Sache que les jambes sont lourdes pour nous tous! J'avais du mal à marcher pendant toute la journée et j'ai la chance d'avoir l'ascenseur dans mon immeuble... 15km max avant la saintélyon, respect... L'ultra c'est ca mais je te conseil de faire un peu plus de km tu apprecieras encore plus.
Jérome
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