L'auteur : nat974
La course : Mascareignes
Date : 22/10/2021
Lieu : Hell Bourg (Réunion)
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Distance : 74km
Objectif : Terminer
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// Bonus Vidéo complémentaire - retour d'expérience : https://youtu.be/oMVY8YxVajk
Cette course est un vrai challenge pour moi, et j’en ai peur !
Oui, car malgré aimer les défis sportifs et la pratique de sport d’endurance depuis un moment (triathlon – cyclisme-raid), je n’ai jamais fait de trail. Je n’ai jamais couru aussi longtemps, avec autant de dénivelés (4 000 M).
En vérité, je trouve ce genre de course surhumain, des courses pour les fous, des courses pour les autres…
Je ne suis même pas fait pour courir ! j’ai des tendinites récurrentes au niveau des genoux et du TFL dès que je cours… Alors pourquoi faire cette course ? Parce que c’est une course mythique (même si ce n’est que la Mascareignes), parce que j’habite maintenant depuis 2 ans à La Réunion (c’est le moment ou jamais) et parce que j’aime les défis (je l’ai déjà dit non ?).
Grâce à ma présence sur l’île, je connais une partie des sentiers empruntés lors de cette Mascareignes 2021, je sais à quoi m’attendre, cailloux, racines, boue, single track, dénivelé extrême, chaleur… je n’aurai pas trop de surprise de ce côté-là.
Je sais par conséquence que la course sera longue et éprouvante.
Je décide dès mon inscription de faire cette course en « marchant », car mes tendinites se réveillent très rapidement en courant et que de toute façon le parcours est déjà assez dur pour en plus courir ahah.
Mon seul objectif sera de terminer avant les barrières horaires (BH) (21h pas gagner quand on marche) et de me faire plaisir si cela est possible ? Je n’en sais rien, je pars dans l’inconnu.
1 semaine avec le départ de la course, je suis prêt malgré une préparation très légère, je viens d’avoir une petite fille, et j’ai dû couper mon entraînement pendant 2 mois, je n’ai repris que le dernier mois avec mes séances fitness/crossfit très intenses mais courte (1h15 max). Cependant, je sais que ce genre de séance me réussit très bien, c’est la dernière ligne droite, j’adore car je fais du « jus » et l’excitation monte petit à petit
Le retrait des dossards à Saint-pierre (mercredi) est un peu long (1h30), heureusement, je peux dormir une nuit complète (ce qui est rare avec mon bébé) chez la famille. Ancien traileur et participant du grand raid, c’est toujours agréable de discuter « grand raid ».
La course a lieu de lendemain (vendredi à 1h00 du matin), je me repose et attends pendant 2h la navette qui nous emmène au départ (Hell-bourg à Salazie), j’aurais préféré dormir…au final, heureusement qu’on n’est pas arrivé avant car attendre dans le froid (départ à 900 M) n’est pas mon meilleur souvenir
Départ Hell-bourg :
Il y a une sacrée ambiance, lorsque les 3 vagues de départs sont ensemble sur le stade, le speaker et au top et nous propose de danser et de faire la fête, personnellement, je préfère garder mon énergie et ma concentration.
C’est l’heure de partir, je me rends compte que j’ai de la chance d’être là au départ de cette course, ça faisait un moment que je n’avais pas accroché un dossard !
Malgré l’heure (1h du matin) et le lieu (petit village) il y a du monde pour nous encourager sur les 500 premiers mètres.
Les 5 premiers Km sont sur la route, mais je garde ma stratégie au risque de réveiller mes tendinites… je marche, ce qui me fait vite passer dans les dernières positions de la course, je ne ferais que remonter des coureurs par la suite…
Bras Marron – km 5,8 :
Début des choses sérieuses et des sentiers réunionnais, attention à ne pas se faire une cheville, la suite est une longue montée de 10 km et 1 300 M D+, ça tombe bien j’adore les montées, mon poids « léger » me permet de crapahuter comme un cabri.
Je ne connais pas cette montée et de nuit, on ne voit pas grand-chose, le temps passe, je bois souvent et m’alimente toutes les heures avec une barre.
Je suis un coureur qui a un rythme inférieur au mien, ce n’est que le début de la course, je sais qu’en marchant, je n’aurai pas le droit à beaucoup de pause si je veux respecter les BH.
Sur la fin, je le double est me fait plaisir sur la dernière demi-heure, j’en vois certain déjà à l’agonie dans ces montées très raide qu’on a à La Réunion.
Plaines des merles – km 15,9 – 1 007 :
Le premier ravito est là, étrangement, et c’est un sentiment qui me suivra toute la course, je suis super heureux d’être encore en course et d’avoir franchi la BH avant la limite.
Il y a du monde, je commence à rattraper la queue du peloton, ça fait plaisir, je ne m’attarde pas, je n’ai pas de temps à perdre.
La suite, c’est le cirque de Mafate, et une longue descente de 10 Km, le jour se lève, c’est sublime.
Je respecte mon plan et me repose 10 minutes les jambes en l’air à l’entrée du sentier scout. Ça ne m’a pas particulièrement fait du bien, mais je me ménage…
La descente se passe lentement et on me double, je sens les coururent stressés par les BH, j’ai avec moi le papier indiquant toutes les BH à chaque point, il nous reste un peu plus d’1 H pour atteindre Aurère ça va aller…
La dernière remontée vers Aurère est bien raide, je kiff ces montées. Mais jusqu’à quand ?
Aurère – km 26,6 (pas de classement) :
L’accueil est super, je retrouve la civilisation, c’est un petit village mais qu’est-ce que c’est beau..
Je retrouve un coureur avec qui j’ai attendu la navette, il était vague 2 et semble cuit, j’apprendrais qu’il a été hors délais au prochain point chronométrique.
Je repars vite après avoir mangé que du Salé, de toute façon, je n’ai fait que manger lors de ce raid ! aucun soucis pour mon estomac 😊
C’est encore de la descente, ce qui n’est pas bon pour moi, car je perds du temps sur la BH, la fin du tronçon est dans le fond de la rivière sur le plat, mais que c’est long...pourtant ça ne doit faire que 2 ou 3 km…
Je croise un cousin qui rejoint sa femme bénévole à Grand-place (lieu où passe le grand raid et pas la Mascareignes), ça fait plaisir et c’est vraiment incroyable de voir quelqu’un que l’on connaît après pratiquement 8H de course…
Étant dans les derniers, je sens bien que le moral des coureurs que je croise est bas, ça peste contre le parcours et les BH.
Moi je suis juste super heureux d’être encore en course et je m’encourage pour continuer cette course folle.
Rivière des galets / 2 bras – km 33,3 - 1083 :
Me voilà enfin arrivé au « Gros » poste de ravitaillement (boisson, masseur, médecin), j’ai 40 min d’avance sur la BH. Dans mes souvenirs et comme sur chaque ravitaillement je ne traîne pas, préférant marcher que m’asseoir.
La montée de dos d’âne, 700 M D + en 4 KM nous attend, et je suis super heureux car ça monte !
Je décide qu’il est temps de lâcher les chevaux et je monte à un bon rythme, j’en garde un très bon souvenir, car je double beaucoup de coureurs et je me sens enfin dans une « course » et pas dans une « rando ». Le chemin est quand même étroit et je suis obligé d’attendre derrière des coureurs pour les doublés, je n’ai aucune douleur dans les jambes, ce n’est que du plaisir.
Je croise un coureur qui vient de faire un malaise, heureusement qu’il n’a pas glissé hors du sentier sinon la chute aurait pu faire très très mal, avec d’autres, nous essayons de lui donner à manger, mais son estomac refuse.
Je prends conscience que pour certains l’alimentation est un vrai problème sur des épreuves aussi longues, sans manger, je ne sais pas comment on peut faire…heureusement, je n’ai pas ce problème et je me reprends une barre de peur de faire une hypo comme le concurrent qui vient de s’écrouler.
Je me demande comment font ses concurrents pour sortir de cet enfer, au milieu de la montagne et en pleine détresse, il me semble que grâce à une application des « secouristes » peuvent venir les aider…
Nous voilà au sommet, j’ai mis quand-même 2H
Dos d’âne – km 37,7 – 950 :
Il est midi est la chaleur est à son maximum, heureusement, nous avons le droit à un robinet « public » pour remplir nos gourdes et nous arroser. Ça fait du bien.
La BH est à 1h30 je suis soulagé, j’ai un peu plus de marge. Maintenant, place à la descente, assez facile, je me permets même de trottiner.
Depuis deux-bras, nous sommes sur le parcours final de toutes les courses du grand raid, les supporters sont nombreux et nous avons tous le droit à nos encouragements, c’est exceptionnel.
Chemin ratinaud – km 42,4 – 934 :
S’annonce maintenant la descente vers la possession par le sentier kalla que j’ai reconnu la semaine dernière (dans l’autre sens), je sais normalement à quoi m’en tenir, des concurrents me demande si c’est dur, je leur dis que non.
J’aurais un peu honte en les croisant plus tard, car c’est quand même une belle vacherie, avec une belle bosse pour démarrer (et des bouchons) et un sentier casse pâte qui n’avance pas.
Je prends conscience que je ne suis plus très frais 😊
Je commence à manquer d’eau, lors du dernier ravitaillement, je n’ai pas rempli à fond mon camelbak (1,5 L), je m’en veux, car je vais devoir me rationner, heureusement un tuyau d’eau de source sur le sentier est percé, je prends 2 min pour remplir mes gourdes.
La fin du tronçon est sur la route et sur le plat, je commence à en avoir plein les pieds, je pense que j’ai des cloques.
J’arrive à la possession, 50,5 km de course, j’ai fait plus d’un marathon, je suis fier de moi d’être arrivé jusqu’ici et je m’encourage.
La possession – km 52 – 922 :
Au ravitaillement, je prends la bonne décision de me faire soigner mes ampoules, même si cela me fait perdre 15 minutes (j’ai l’impression de perdre 1 heure), je pense que ce genre de « bobo » doit être soigné, car une fois soigné, on n’e sent pratiquement plus rien.
J’aurais fait ce trail « tout seul » sans vraiment discuter avec d’autres coureurs, je ne le regrette pas, car je pense que c’est ce que je voulais, me confronter à mon même et aller à mon rythme.
Me voilà en face du chemin des anglais, je ne le trouve pas le début si dur que ça, sûrement parce que je passe vers 16h00 et que la chaleur a baissée, c’est raid et je double, ça fait plaisir.
Au bout d’un moment, c’est un peu long et ce sont les BH qui me font avancer, ça serait bête d’être hors délais si près de l’arrivée.
La fin du chemin des anglais est une horreur, pas une pierre est jointe à l’autre, si on voulait nous casser une cheviller, on ne pourrait pas faire mieux.
Je me demande encore comment je fais pour être aussi vigilant, avec le départ à 1h00 du matin, ça fait presque 36h que je n’ai pas dormi, mais apparemment, le corps s’adapte, ou alors c’est grâce à l’entraînement de ma fille ces 2 derniers mois ! Bonne nouvelle, je n’ai plus besoin de dormir !
La grande chaloupe – km 58,6 - 839 :
Enfin arrivée à la grande chaloupe, cela fait 16h00 que je suis parti quand même.
Dans ma tête, je suis super heureux, je me dis que je vais terminer cette course, alors que je n’en étais vraiment pas sûr en partant.
Je suis quand même limite au niveau des BH (1h d’avance), donc je ne traîne pas et repars pour la montée du Colorado.
J’ai clairement souffert dans cette montée, et j’ai commencé à sentir des « sensations » de crampes dans mon mollet, moi qui voyais arrivé, je vois 2 coureurs allongés dans une couverture de survie, cela me rappelle que la défaillance peut arriver à tout moment et que je n’ai pas la marge horaire nécessaire pour en subir une. Je reprends une barre de céréale pour éviter la fringale.
Je me fais doubler par les premiers du grand raid à une vitesse folle, moi et mes camarades n’avons même pas vu combien ils étaient, je saurais après que c’étaient Ludovic Pommeret et Daniel Young, mais franchement, ils nous ont passé comme des avions alors qu’ils ont fait 160 km…ça laisse rêveur et ça dégoute un peu 😊
La fin de la montée se fait dans le noir, j’essaye de ne pas me perdre, pour cela il faut éclairer loin devant et suivre les rubalises fluorescentes.
Ça me semble interminable, je n’ai qu’une crainte, qu’une crampe vienne tout gâcher, heureusement, elle n’arrivera pas et j’arrive au sommet du Colorado.
Le Colorado – km 67,5 – 797 :
Enfin, j’y suis, pourtant, je n’arrive pas à déstresser, je suis tendu comme un string.
Toute la course, j’ai marché pour éviter le hors délais et cette fois encore, je repars très vite car je n’ai qu’1 H d’avance sur la BH.
Si j’avais su que la dernière BH est au Colorado j’aurais plus profité (en effet, la BH de l’arrivée n’est pas appliquée, ce qui serait très dur après avoir fait tous le parcours).
Je prends des risques dans la descente, et frôle la catastrophe, j’arrive à reprendre mes esprits et à me calmer, cette descente est très technique, ma lampe n’éclaire plus très bien, c’est très dangereux, et l’idée de faire les 3-4 derniers km avec une entorse de la cheville ne me pait pas.
Tout en bas, je vois le stade la redoute chauffée à blanc, c’est normal les premiers du grand raid sont en train d’arriver.
Une fois sous le pont vinh-san à 600 M de l’arrivée, l’émotion monte, je ne pensais pas en être capable, ma femme m’attend avec des amis à l’arrivée pour la dernière ligne droite.
Saint-Denis - Stade de la redoute – km 72 – 798 :
20h19 et 15 sec, je franchis la ligne d’arrivée, c’est la folie dans le stade, j’ai l’impression qu’ils m’attendaient tous ! Franchement il vaut mieux arriver avec les premiers du grand raid que dans l’anonymat d’une centième place sur la Mascareignes.
Bref, après l’arrivée, la pression redescend et les douleurs arrivent, j’ai vraiment du mal à retourner à la voiture…
Pour terminer :
J’ai réussi le pari de faire toute la Mascareignes en marchant et j’en suis le premier étonné, ce qui m’a maintenu en course, ce sont clairement les BH, j’ai visé étape par étape, pointage après pointage, c’est ce qui m’a permis de me dépasser.
A partir de dos d’âne, les Réunionnais m’ont encouragé comme jamais sur une course, c’est assez extraordinaire comme cela m’a donné des ailes.
Je n’ai pas parlé des paysages qui sont extraordinaires, car j’en connaissait déjà beaucoup d’entre eux, mais cela n’empêche que c’est une île extraordinaire et magnifique que je vous encourage à découvrir.
Un grand coup de chapeau à tous les participants de La Mascareignes, du trail de bourbon et du Grand raid, vous êtes des gros malades !
Le lendemain je n’ai eu mal nulle part (à part aux ampoules) ! un miracle peut-être ?
Cette journée restera dans mes souvenirs comme un moment hors du temps et je suis content que le plaisir ait pris le dessus sur la souffrance et la douleur 😊
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