L'auteur : godas
La course : Grand Raid des Pyrénées - Ultra 160 km
Date : 23/8/2024
Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)
Affichage : 888 vues
Distance : 160km
Objectif : Objectif majeur
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Ce ne sera pas pour cette fois !!!
Depuis que j’ai commencé la course il y a 25 ans et le trail un peu long, il y a pratiquement 15 ans, il y a un truc ultime que j’ai en tête, c’est de terminer un format 100 miles : 160km – 10 000 D+, c’est à dire passer plusieurs dizaines d’heure dans les sentiers….
C’est un vrai rêve, une quête dont je ne savais pas si elle est accessible…
En effet ma montée progressive en km se fait par à-coup, avec de belles réussites mais également des remises en cause. Je fais rarement les choses à moitié, je me suis souvent bien préparé, avec de grandes ambitions et au final de belles aventures et également de bonnes galères.
Mais là, c’est le moment, après un 130 km - 5000D+ réussis il y a 2 ans en 17h42, je me sens prêt.
https://www.kikourou.net/recits/recit-21832-grands_trails_d_auvergne_-_130_km-2022-par-godas.html
Depuis 15 ans j’ai pris de l’expérience et je pense pouvoir gérer ce type d’effort. Physiquement, je suis toujours en forme, même si les années passants, je ne progresse plus en vitesse. Mais j’ai appris,
appris à être moins impatient
appris à plus écouter mon corps, mes sensations,
appris à peut-être moins rechercher « la sécrétion momentanée d'adrénaline, mais la construction, sur la durée d'une vie, d'un état d'émerveillement et de sérénité »
Et (peut-être?) appris un peu l’humilité, qualité indispensable selon moi pour réussir dans l’ultra trail. J’aime beaucoup tout les champion-ne-s d’ultra trail car ils-elles associent toujours une grande force de caractère, une grande ténacité à une dose d’humilité.
Ce sera donc le GRP – Grand Raid de Pyrénées- le 23 août 2024
Pourquoi le GRP ? J’oublie l’UTMB, qui fait toujours autant rêver, mais dont les évolutions actuelles accentue encore plus le coté business et bling bling. Le Grand Raid de la réunion, cela pourrait être très sympa, mais bof au niveau climatique, je culpabilise à l’idée de traverser le monde pour une simple course
Le GRP, c’est le bon compromis, une organisation très sympa, associative et familiale, assez de monde au départ quand même pour ne pas se retrouvé trop seul, et un bon terrain de jeu : de montées, des descentes et surtout des cailloux, beaucoup de cailloux...
Je me prépare donc comme il faut : 80 km 4000 D+ bouclé en 10h25 au Pilatrail en juin, nickel, tout se passe bien avec -je pense pour la première fois sur cette distance- aucun moment de doute pendant la course. Un WE trail au sancy très sympa avec 2 copains début juillet, puis 12 jours en vacances tout début août, dans les Pyrénées, sur le parcours du GRP, ou j’accumule les km et le dénivelé en mode rando course et randonnée familiale. Super souvenir, des paysages pleins de yeux et des heures d’efforts en montagne avec que du plaisir…
Je n’ai jamais accumulé autant de dénivelé depuis 5 mois, poussant le vice pour un coureur des plaines à jouer au hamster pendant des heures sur une malheureuse côte de 45D+ à coté de chez moi.
Je me prépare mentalement , je dissèque le parcours, prévois mes temps de passage au plus juste…
Et vendredi 23 aout – 5h de matin, c’est parti…
Je pars très tranquillement – Moments magique, des paysages qui s’imposent à toi, même si tu ne prend pas trop le temps de regarder, tout concentré à la gestion de l’effort, de l’alimentation et surtout de l’endroit ou tu vas poser le pied, au milieu de ces cailloux…
Tout ce passe au mieux
Col de Sencours, 45ème km et 3800 m D+ avalé déjà en 8h, une petite pause de 15mn dans ce refuge calé au pieds du pic du midi de Bigorre, à 2300 m d’altitude. Les bénévoles ont installés des chaises à l’ombre, devant un paysage somptueux, où je prends le temps de déguster une soupe et une purée. Magique !!!
Les bénévoles insistent : prenez de l’eau, il va faire très chaud. Effectivement la température commence sérieusement à monter, mais je n’y fais pas trop attention. Je repars, il n’y a aucune ombre, pas d’air et il fait chaud, très chaud. Progressivement ma température corporelle augmente. Sans même y penser, comme tous les coureurs autours de moi, dès que nous traversons un filet d’eau nous nous aspergeons, et dès que ce filet ce fait petit ruisseaux, nous mettons la tête complète dedans. Mais cela ne suffit pas, ma température augmente j’ai mal à la tête, puis je n’arrive plus à boire, mon corps se bloque… Je bois l’eau par micro goutte… Alors que depuis le début de la course je bois environ 1/2 litre par heure, je me rendrais compte par la suite que je n’ai pratiquement rien bu en 3 h en plein cagnard. Je me déshydrate complètement. Heureusement, le parcours est plutôt descendant sur la fin de cette section, (excepté 2 « petites côtes » de 250 et 100 D+ quand même!!!) ce qui me permet d’arriver tant bien que mal au ravitaillement de Hautacalm. Mais je suis mal. J’y reste 45 mn, m’allonge après avoir réussi à boire uniquement une soupe et un coca. Je repars quand même ensuite, trop tôt sans doute. Mais le prochain ravito n’est plus très loin (2h de course quand même), c’est la base de vie, il y a de quoi dormir…, et surtout il n’y a pratiquement que de la descente pour y aller. Je ferrais une grosse pause là bas et je ne repartira qu’après avoir mangé. Cette partie est un enfer, je galère totalement et surtout n’arrive toujours pas à boire l’eau que j’ai avec moi. J’ai l’impression de ne plus du tout avancer, chaque micro côte est un supplice. (Et pourtant, je m’en rendrais compte uniquement le lendemain, j’ai quand même avancer sur cette partie, en mettant pratiquement le temps qui était prévu – toujours surprenant)
J’arrive enfin à Pierrefitte, essaye de boire sans succès un bol de soupe. Je ne suis sans doute pas très lucide et très fatigué alors je pars m’allonger avec un seul refrain en tête : ne pas repartir tant que je n’ai pas manger. Après avoir réussi à boire un peu (soupe et mélange d’eau pétillante et eau plate) Je me retrouve ensuite devant un bol de nouille, que je n’arrive pas à manger. Je me refais le film dans la tête, je ne me vois pas repartir pour 80 km, et je me répète sans cesse : on ne repart pas sans manger !!! (instant de survis sans doute, raviver par des hypoglycémies que j’ai pu avoir dans des courses passée). Le mental lâche un peu (ou plutôt la partie raisonnable du cerveau prend enfin le dessus ?), je vais rendre mon dossard. Çà fait 2 heures que je suis là, je suis seul, je n’ai toujours pratiquement pas manger, j’arrête…mon aventure s’arrête là.
2 heures plus tard, au alentours de minuit, j’attends avec les personnes qui m’accompagnait mon collègues Damien qui courent sur le 120 km. J’arrive enfin à boire correctement, j’avale plus d’un litre, je mange un peu. Je vais beaucoup mieux, j’ai retrouvé toute ma lucidité, j’ai la patate et même pas mal au jambe !!!! Je vois les coureurs du 120 km qui ont déjà couru 70 km et dont certains peinent à courir, souffrent et qui repartent quand même. Je m’interroge alors si j’ai pris la bonne décision. Bien sur quand j’ai abandonné, je ne pouvais pas repartir, car je n’avais toujours pas mangé, mais je pouvais rester encore 2 heures à la base de vie avant la barrière horaire !!!
Avec le recul, je me dis (ou me persuade?) que j’ai peut-être quand même pris la bonne décision, je pense que j’ai été quand même pas mal déshydraté et dans ses conditions, difficile d’envisager 85 km et 5000 D+, je ne sais pas si j’aurais pu finir…
Je reste quand même sur un grand sentiment d’inachevé…
Je n’ai eu strictement aucune courbature ni mal aux jambes suite à la course… Pratiquement, pour moi, la course aurait du commencer au moment où j’ai arrêté…
A la fois cela me rassure pour me dire que j’étais bien préparé et que je ne suis pas parti trop vite.
Grand sentiment d’inachevé par rapport à mon objectif initial, évidemment.
Mais cela, je passe assez vite dessus, en me disant que de toute façon, je le referai. Et, si possible je le referai bien, en me préparant correctement, et autant… Et c’est là que c’est plus compliqué, car j’ai organisé beaucoup de chose depuis 5 mois pour cela, en terme de temps d’entraînement, ce qui oblige à jongler entre ma famille, mon travail, et mes engagements divers. J’habite en plaine, et on ne va pas tout les ans organiser nos vacances en fonctions de mes objectifs de trail, même si ma famille a été contente de nos 12 jours passés dans les Pyrénées. Je le referais donc, même si ce n’est pas l’année prochaine, mais dès que je pourrais.
Un grand sentiment d’inachevé par rapport à mon état de forme du moment, que je n’ai pas « valorisé ».
Alors pendant 2 jours, j’ai essayé de me projeter pour les semaines à venir : le 63 km du sancy, mais c’est bien trop tard pour s’inscrire, refaire le 130 km du GTA que j’ai fait il y a 2 ans, d’autant que des places se libèrent justement ce 26 août, et que je pourrais le faire avec mon beau-frère qui habite juste à coté et qui fait précisément son 1er ultra sur ce 130 km…Je cogite... C’est tentant...
A la fin de chaque gros « objectif » que j’ai réalisé, il y a toujours un petit « blues », qui incite à se projeter rapidement dans un nouvel objectif, pour « combler » ce vide qui vient de se créer après une période intense en terme de concentration et de« charge mentale ».
Et là, je reviens chez moi, je retrouve ma famille, et me rappelle que ma femme avait un peu hâte que le trail soit passé, pas tant pour le temps que cela me prend (même si cela compte) mais surtout pour que je sois moins focalisé sur ma course, et plus disponible pour nos projets en commun, en couple et en famille. Depuis 2,5 ans, je n’ai pas trop coupé en terme d’objectifs de course longue distance, et avant le GRP, je m’étais dis que je reviendrais cet automne et cet hiver à des choses plus « raisonnables ».
Ces défis de trail longue distance sont de vraies aventures passionnantes, où on apprend à se connaître, avec beaucoup de temps d’introspection pendant ces longues sorties d’entraînement solitaire, et des moments d’émotions rares pendant la course. Malgré tout, et même si cette passion est partagée avec des collègues coureurs, cela reste un plaisir assez égocentré, et parfois un peu dévorant et exclusif…
Je ne vais donc pas m’inscrire tout de suite à un ultra, et à court terme, je vais essayé de baisser ma « charge mentale » autour de la course
Tout cela pour retrouver un équilibre un peu moins speed et qui laisse plus de place aux autres facettes de ma vie, qui sont tout autant passionnantes : ma famille et mon couple bien évidemment, mon travail, mais également mes relations amicales et mes engagements divers dans le monde syndical et associatif...
Et tout cela en continuant de courir avec des objectifs pour l’instant plus à court terme sur des distances plus courtes.
Puis d’ici 1,2 ou 3 ans, je viendrai terminer ce que j’ai commencer, à savoir franchir la ligne d’arrivée de ce GRP !!!!
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6 commentaires
Commentaire de Gilles45 posté le 27-08-2024 à 16:50:36
hello
Très intéressant et touchant ton récit ! il m'évoque plusieurs choses en vrac:
- je crois que nous sommes très nombreux à nous être fait piéger par la chaleur et la déshydratation. On le paie sur la montée à Sencours, mais le problème a sans doute commencé dès le début où il aurait fallu boire un peu plus et plus régulièrement
- je te rejoins sur un point. Quand on est pas blessé, il ne faut pas hésiter à perdre 2h à une BV et à totalement oublier ses objectifs. Tu seras plus heureux d'avoir mis 3h de plus que prévu qu'avoir abandonné. facile à dire, mais je sais que si je n'avais pas eu la cheville aussi en vrac je serai reparti de Pierrefitte car après avoir mangé j'avais aussi de très bonnes jambes. En 2022...je suis resté 1h30 à Cauteret...et j'ai fini 2h avant 2021 (reparti pleine balle)
- Enfin on est tous différents, mais j'ai décidé de confirmer 2 courses dont le Sancy 63 cette année. Objectif: que du plaisir, aller au bout, discuter avec les bénévoles.
En 2025 je serai sans doute à Vielle Aure
Commentaire de godas posté le 27-08-2024 à 18:15:39
Merci Gilles45, et peut-être nous auront l'occasion de nous croiser en 2025 du coté de Vielle Aure ???
Commentaire de shef posté le 28-08-2024 à 13:52:23
Merci pour ton recit.
C'est vrai que l'hydratation a ete un point cle sur cette edition. Le nombre d'abadons sur Hautacam/Pierrefitte/Cauterets est dingue.
Commentaire de laulau posté le 29-08-2024 à 09:44:57
Pour avoir échoué 2 fois sur cet ultra et pour les mêmes raisons, je comprends parfaitement ton ressenti. Et je suis en accord aussi avec cette "charge mentale" qui prend trop la tête par rapport au reste de la vie perso !
Commentaire de Miche posté le 08-09-2024 à 09:54:53
Pas facile cette section Sencours Hautacam, ceux qui l'ont déjà faite le savent et prennent l'eau en conséquence avant.
Pour savoir quand décider d'abandonner, j'ai fait la même erreur il y a longtemps de décider un peu trop vite en arrivant à une base vie où le bus était en attente. Je sais maintenant qu'il faut attendre et espérer que la forme et le moral reviennent
Commentaire de godas posté le 08-09-2024 à 12:47:22
Merci Miche pour l'organisation de cette course, qui est au top !!!! Les parcours sont vraiment bien, avec des cailloux comme on aime bien, et au final de la variété ce qui est toujours intéressant !!! La section Sencours Hautacam est vraiment magnifique en terme de paysage, je l'avais adoré en reconnaissance, mais cela a forcément été plus dur le jour de la course, surtout à cause de la chaleur, avec l'absence d'ombre, et la difficulté pour moi de m'hydrater, malgré le fait d'avoir de l'eau avec moi.
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