Récit de la course : Grand Raid des Pyrénées - Le Tour des Cirques 2023, par jujuhrc

L'auteur : jujuhrc

La course : Grand Raid des Pyrénées - Le Tour des Cirques

Date : 25/8/2023

Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)

Affichage : 1585 vues

Distance : 120km

Objectif : Faire un temps

2 commentaires

Partager :

137 autres récits :

Le Grand Raid des Pyrénées - Le tour des cirques 121 km

 

Suite à mon échec de 2022 sur l'ultra je me repose la question de mon planning 2023. Venir à 2 ou plusieurs à Vielle Aure est quand même plus sympa, le positionnement du GRP dans le calendrier et la multitude de format proposée va faire pencher la balance pour un déplacement en Août. Les alpes étant quand même bien plus éloignées pour nous autres bretons.

Je vais décider de me positionner sur le tour des cirques, motivé principalement par le nouveau parcours entre La Glère et Aygues Cluses.

Je reviens aussi sur une préparation qui m'avait réussi en 2021 à savoir l'ultramarin début Juin, avec sa préparation de 12 semaines, puis quelques blocs en montagne pendant l'été. Mes 3 semaines de vacances dans le pays Toys vont grandement m'aider.

L'ultramarin sera fait en 29h puis 2 bonnes semaines en montagne avec notamment la reconnaissance de la section Luz-lac de Nère au programme.

On va faire le déplacement à 7 coureurs pour ce week-end du GRP. Sur le 120 et sur le 80.

Les prévisions météo semblent assez incertaines pour la course. On va franchement se sentir chanceux lorsqu'on va apprendre l'issue des courses du côté de l'EB.

Nouveauté cette année, on décide de faire une course en duo avec un objectif de 36h. On établit donc un plan de passage avec Mickael. Je connais la difficulté de courir à 2 sur une telle distance car souvent les points forts/faibles et moments de doutes ne sont pas les mêmes et ne tombent pas au même moment. Mickael monte plus fort que moi, je descends mieux que lui sur les sections techniques, sur le roulant il est bien meilleur enfin j'ai une plus grande expérience de ces longs formats. 

Piau-Piau

Départ donc à 7h de la station de Piau pour une boucle sur le domaine. Lorsqu'on voit le parcours sur le domaine on s'imagine un truc un peu barbare et dénué de tout intérêt. Bien au contraire ce matin est fabuleux avec une mer de nuage dans la vallée sur fond de soleil levant entouré de la muraille des "3000" du Campbieil et de l'Estaragne. Comme notre prévision est large au début, on est bien en dedans ici et surtout Mickael qui s'étonne de ne même pas suer.

Temps: 1h40 Prévision: 1h50

Piau-Gèdre

On quitte ici la civilisation pour s'enfoncer vers le port de Campbieil. La montée est régulière dans un joli vallon avant de tourner à droite pour la rampe finale qui serpente magnifiquement jusqu'au sommet. Pas un nuage à l'horizon et donc la chaleur commence à arriver et les coureurs vont pouvoir rapidement profiter des ruisseaux dans la longue descente pour se rafraîchir. On va pouvoir courir régulièrement ici pour atteindre Gèdre en plongeant dans la mer de nuage.

Temps: 05h08 Prévision: 5:15

Gèdre-Gavarnie

J'avais prévenu Mickael qu'à partir de Gèdre il fallait ouvrir les yeux et on ne va pas être déçu. Alors que la progression se fait dans un sous bois qui va nous conduire hors des nuages sur le plateau de Saugé les premiers sommets du cirque vont apparaître. Le Marboré, le casque, le Taillon........Le fond d'écran est juste fantastique et le cheminement au milieu des estives aux verts changeant entre herbes hautes et fauchées nous fait oublier le chrono. Il fait quand même chaud et on profite du moindre point d'eau pour se rafraîchir. On alterne marche et course dès que possible pour finir à proximité de la vierge des neiges du plateau de Holle. On va finir cette étape dans l'indifférence générale du flux de touristes de la rue principale de Gavarnie. Tous les voyants sont au vert pour Mickael et moi.

Temps: 8h10 Prévision: 8h10

Gavarnie-Refuge d’Espuguettes

Je me retrouve assis aux côtés de Caro et Thomas (qui vient d'abandonner) avec qui j'échange sur la suite de la course autour d'un bon riz au lait. Sympa d'échanger avec la présidente. La suite est plus monotone jusqu'à l'hôtellerie certainement car je connais bien le secteur. Mickael lui court toujours avec les yeux dans les nuages et la cascade. Première petite baisse de moral, mais je le garde pour l'instant  pour moi. La suite n'arrange rien jusqu'à la sortie de la forêt et le panneau indiquant le refuge à 1h alors que notre plan ne nous laisse que 30 minutes. Sans raison, ce panneau m'énerve et je prends les devant dans ce dernier raidar en imprimant un bon rythme qui va profiter à un petit groupe. Et paf le panneau! L'affaire est pliée en 30 minutes (de l'orgueil vous dites.......). 

Temps: 10h25 Prévision: 10h20

Refuge d’Espuguettes-Gèdre

L'ambiance est bonne enfant ici. On plaisante bien avec les bénévoles et Caro qui nous à rejoint. La dernière pente vers la Hourquette d'Alan nous donnera l'occasion d'embrasser une dernière fois le panorama du cirque avec sa brèche de Roland et ses glaciers des Pailla agonisants. Pas de crainte, l'autre versant nous réserve encore de beaux panoramas avec le cirque d'Estaubé. Les marmottes ne sont pas loin et c'est dans une ambiance de fin du monde que nous approchons du lac des Gloriette complètement vide et recouvert d'un épais brouillard. La fraîcheur va quand même nous faire du bien et hormis une petite alerte au col de mon côté (début de vertige) tout semble bien se passer et nous sommes encore dans les temps de notre planning. La dernière descente se fera à la limite du crépuscule avec un très bon rythme. On double pas mal et la fin est juste un peu contrariée par un rallongement du parcours par la route de Héas.......c'est quoi cette affaire Miche?? ;)

Temps: 14h32 Prévision: 14h20

Gèdre-Luz

On va bien prendre le temps ici pour profiter de la soupe du ravito car on commence à avoir faim. On sort nos frontales pour attaquer cette étape que l'on croyait de transition. Il fait encore lourd dans ce fond de vallée et les deux coups de cul dans la forêt ne seront pas des plus plaisants pour nous. On doit scruter l'altimètre pour juger de notre progression. Le contraste est fort par rapport aux paysages de la première partie, ici il faut juste monter dans la nuit noire sans autre but. Heureusement le ravito non indiqué va nous faire du bien avec notamment leur thé très bon. On va quand même finir par rejoindre l'asphalte des faubourgs de Luz. Je ne m'en rends pas de suite compte mais Mickael est un peu en retrait et n'est pas tranchant de ses réponses quand je lui demande comment ça va. Depuis le début il est super enthousiaste à l'idée de tenir notre plan mais plus ici.

Temps:  18h57 Prévision: 18h11

Luz-refuge de la Glère

On a40 minutes de retard mais rien n'est perdu naturellement. On est pour moi au tournant de ce GRP, si on repars d'ici c'est presque fait. Mickael se précipite vers les masseurs et je vais le suivre après m'être changé entièrement. Rien à signaler au niveau musculaire ni au niveau des pieds. On va bien profiter du repas ici avec des pattes, de la soupe et beaucoup de pastèques. On est tout neuf et on repart sans se tromper dans le parcours à l'entrée de Luz. Je connais bien cette section qui monte très fort mais régulièrement jusqu'à 1300m d'altitude. Pour la première fois je suis devant et j'attends régulièrement Mickael qui semble de moins en moins bien. On atteint le premier palier accompagné des premières gouttes de pluies. La suite va se passer en balcon juste interrompue pour un nouveau ravito surprise vers Souriche. On arrive en groupe de 5 ou 6. Et là c'est le premier coup dur........Mickael en s'asseyant me fait des grands gestes de la main en m'indiquant que c'est fini pour lui. Je vais passer 5 bonne minutes à le convaincre que ça n'est qu'un coup au moral et que ça va passer. De toute façon on ne peut pas s'arrêter ici et il faudrait revenir à Luz et que ça n'est pas envisageable seul (donc que je l'accompagne si besoin). Notre voisin de rajouter qu'on avait déjà 6000m D+ sur les 7200 D+ au total. Finalement on va repartir et Mickael va prendre la tête du groupe en nous menant un train d'enfer jusqu'au Boulou comme pour nous faire payer ce tour de manivelle. On va progresser avec en point de mire les frontales sur la crête sommitale mais l'orage va nous forcer à nous équiper intégralement car la pluie est maintenant très forte. Le vent se renforce aussi et va devenir tempétueux à l'approche du refuge. On aperçoit la tente sur la terrasse du refuge mais on distingue clairement les bénévoles en train de la démonter. Ça devient dantesque sur la crête, on manque de se faire balayer par le vent et le froid est mordant. Pour la première fois dans ma vie de traileur je sors........les gants! A notre arrivé au refuge on nous oriente vers le sas d'entrée du refuge.

Temps: 25h17 prévision: 23h35

Refuge de la Glère - Refuge d'Aygues Cluses

C'est irréel, on est debout comme des sardines sans pouvoir s'asseoir. Mickael n'est pas bien du tout mais heureusement après 10 minutes la gardienne va nous ouvrir le réfectoire du refuge. On va pouvoir s'asseoir alors que dehors c'est la tempête. La moitié des coureurs sont recouvert de leurs couvertures de survie. La scène est surréaliste. 

On nous annonce que la course est neutralisée et qu'il n'est plus possible de continuer la course le temps que la tempête se calme comme l'annonce Météo France. Je suis complètement trempé de la tête au pied et je frissonne. Je trouve néanmoins le sommeil à même la table. Deux heures plus tard, on nous annonce qu'il est possible d'abandonner en descendant vers Tournaboup pour prendre la navette. Mickael est fermement décidé à arrêter et je n'ai plus la force d'argumenter le contraire étant moi même dans le doute. Je vais le regretter bien sûr (sa présence et de ne pas l'avoir retenu). Quelques minutes plus tard, on nous annonce que la course peut reprendre! On va tous se regarder dans les yeux un peu incrédule. On est tous frigorifié et le vent est encore fort dehors alors que le soleil revient. On doit être plusieurs à chuchoter qu'on est pas là pour abandonner. La BH est dans 1 heure! Combien vont continuer sur les 80 coureurs du réfectoire est impossible à dire mais ma décision sera de poursuivre. Il me faudra moins de 10 minutes pour ne pas le regretter. En effet on va très vite se réchauffer, enlevant petit à petit les gants, le pantalon puis la veste en ne gardant que les manches longues. On en aurait presque oublié que la suite est terrible avec la hourquette de Mounicot. La progression devient très lente d'autant que cet arrêt de 2h dans ces conditions  m'aura complètement mis à plat. Je n'ai plus de rythme en montée, j'ai le souffle court et plus rien dans les jambes. Mais le paysage est impressionnant ici, les dizaines de lacs dans lesquels se reflètent le seigneurs du massifs.....le Néouvielle. Ici tout n'est que chao rocheux à perte de vue et la progression est lente pour rejoindre Aygues Cluses

Temps: 31h21 Prévision: 26h45

Refuge d'Aygues Cluses - Merlans

Le dernier col va être un enfer car je ne trouve pas mon rythme et je dois faire de nombreux arrêts pour récupérer. J'en profite pour admirer le paysage et heureusement les descentes sont plus tranchantes me permettant de bien avancer. L'approche du lac de l'Oule va se faire de jour et du coup bien plus sereine que sur l'ultra où j'avais vécu un calvaire. J'arrive enfin à trouver mon rythme en montée pour rejoindre Merlans juste avant l'orage.

Temps: 35h42 Prévision: 30h34

Merlans - Vielle Aure

Car oui, on va encore se faire arroser. Mais pour le moment il ne s'agit que de quelques gouttes et d'un brouillard épais sur la crête finale menant à Soulan. Je relance dès que je peux mais j'ai des douleurs aux pieds, je suis donc souvent en marche rapide. La nuit arrive et avec elle les premiers éclairs lointains. Puis de moins en moins. Se rapprochant l'orage va être accompagné de son cortège d'averse. 15 secondes.......10 secondes..........puis........3 secondes! On presse le pas même si le terrain est détrempé je  ne suis quand même pas rassuré. Puis c'est la bifurcation alors que l'orage s'éloigne. Les premiers pas sont impraticable car le sol est gorgé d'eau et le passage des coureurs à rendu le terrain très glissant. Le chemin menant à Soulan et pénible mais la suite va être plus roulant et j'arrive encore un peu à relancer. Les 2 derniers km vont se faire sous des trombes d'eau, la rue principale de Vignec est tel un torrent et le chemin final n'est que succession de flaques d'eau. J'arrive afin au dernier virage à gauche et suis porté par une foule importante pour rejoindre l'arche d'arrivée en 39h58.

 

Très heureux de finir ce tour des cirques avec de telles conditions. On a enchaîné le chaud, l'humide, le froid et la tempête. Pour une fois mon mental a été le plus fort et je dois avouer que je viens sur ce type de course pour vivre ce genre de situation. Heureux aussi d'avoir partager une bonne partie de ma course avec mon binôme, expérience que j'aurai moins d'appréhension à reproduire.

Un grand merci à la gardienne du refuge de la Glère ainsi qu'à l'organisation pour la gestion de ce coup de vent. Merci aussi à tous les bénévoles tout au long du parcours, vous faites de ce GRP un événement incontournable.

On reviendra

 

2 commentaires

Commentaire de Miche posté le 05-09-2023 à 08:56:28

Merci, merci pour ce récit du Tour des Cirques. Tu étais sur la course de plus de 80 km qui a eu le plus de répit entre les différentes conditions météo. Et c'était celle que je craignais le plus en cas de mauvaises conditions à cause de la section Luz - La Glère - Aygues CLuses. J'était en relation presque permanente avec les bénévoles du refuge tout en surveillant de l'autre oeil les prévisions météo. Mais, pour être transparent, je préférais quand même avoir des warrior pour repartir de la Glère, d'où l'encouragement à abandonner vers Tournaboup. Nous n'avons pas pris de risques, j'ai toujours la hantise du Mercantour 2009, et je ne veux pas devoir appeler la préfecture pour un accident grave. On a eu une chute à la descente de Mounicot, une autre à la descente de Tracens, dans les deux cas, les autres coureurs ont aidé le blessé à rentrer à bon port. Merci à tous les coureurs pour ce soutien. Merci aussi à tous les coureurs d'avoir bien pris le matériel obligatoire, l'an dernier j'avais été énervé à Gèdre avec certains qui avaient mis des affaires obligatoires dans le sac base vie de Luz.
Bravo pour ta volonté, déçu évidemment pour ton compagnon de route, j'ai l'impression qu'il a quand même apprécié le début.
Pour le petit détour par la route d'Héas, c'est pour éviter de déboucher sur la route de Gavarnie trop vite...
J'ai déjà remercié la gardienne de la Glère et aussi celle d'Aygues Cluses pour leur aide pendant la tempête. Je le referais à la prochaine occasion.
Dernière info, Météofrance m'a confirmé que le vent a été beaucoup plus fort que prévu et c'est surtout ça qui a foutu le bordel dans les courses.

Commentaire de yoshi posté le 05-09-2023 à 09:07:07

Bravo à toi d'avoir été au bout, j'étais également sur le TDC et on s'est croisé à plusieurs reprises, et par rapport à ta photo, je suis juste derrière toi. J'étais le gars juste assis devant la porte, par manque de place. Je suis reparti bien décidé à finir, ce que j'ai fait, mais ca n'a pas été facile. Je suis en train d'écrire un petit CR, et effectivement un grand merci à la gardienne et aux bénévoles, vous êtes nos anges gardiens sur ces courses.

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.04 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !