L'auteur : Gilles45
La course : Le Grand Raid des Pyrénées - Ultra 160 km
Date : 20/8/2021
Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)
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Distance : 160km
Objectif : Pas d'objectif
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CR fait rapidement – Soyez indulgent pour la syntaxe et l’orthographe !
Amont et préparation :
Le contexte d’inscription à ce GRP est extrêmement surprenant.
Les années précédentes, je m’inscris très tôt sur les ultras, soit parce que l’inscription le nécessite (UTMB), soit parce que j’aime anticiper ma préparation (Echappée Belle).
Cette année, en raison de la crise sanitaire, j’ai passé mon temps à hésiter : ultra, pas ultra…GRP ou ailleurs…si GRP sur 160 ou sur 220 kilomètres…bref je me tâte.
Et puis, et puis le temps passe, je ne participe à aucune course – à l’exception des 55 km de Tiranges au mois de mai – et ce qui devait arriver arriva ; les inscriptions sont closes en juin.
En réalité cela ne me fait ni chaud ni froid, j’ai beaucoup de travail et les vacances familiales en Corse approchent alors tout cela passe très vite en arrière-plan. Pour autant, je gardais un excellent souvenir de mon GRP 160 terminé en 2018 avec la Team Gillou qui me suit régulièrement pour l’assistance.
Mais voilà…exactement 2 semaines avant le GRP, je suis avec ma femme sur un transat du jardin et elle me dit : - « qu’est-ce que nous avions adoré les Pyrénées, tu devrais t’y inscrire et on t’accompagne »
Moi : « euh Ouaip ma belle, mais tout cela est complet et clos depuis belle lurette ».
Une demi-heure après, par réflexe plus qu’autre chose, je vais sur le site des inscriptions et là que vois-je…toutes les courses sont affichées complètes à l’exception du 160 pour lequel il est indiqué « dossards disponible : 2 »
Je vais avoir une journée d’hésitation et le lundi matin au boulot, je clique et je paie. C’est d’ailleurs surprenant car à la seconde où je le fait, j’ai l’enthousiasme d’un junior et je serai très déçu de ne pas pouvoir y aller car…franchement je me dis que c’est un bug : l’Orga ne réagit pas, mon certificat met des plombes à être validé, je me dis qu’ils vont m’appeler me dire que c’est une erreur et me rembourser.
Et bien non, après quelques jours de stress tout est conforme. Yallah !
La préparation :
Et bien avec 15 jours devant soi, je n’ai pas eu le temps de stresser plusieurs semaines / mois, c’est un sacré confort.
Physiquement, je ne pars pas de zéro car j’ai continué à faire plus que m’entretenir même si évidemment il n’y avait rien de spécifique :
Depuis début 2021 : 2 sorties au Sancy (60 kil – 2500 en moyenne), 4 ou 5 passages aux 25 bosses, des sorties sur de plat et surtout un début juillet en Corse avec à peu près 20.000m de D+ réparties entre course et vélo. J’ai d’ailleurs pu y réaliser une sortie longue de 80 bornes pour traverser l’ile d’est en Ouest via le massif de Bavella. Au final, j’ai entre 30.000 et 35.000 de D+ dans les pattes. Correct, sans plus.
Bref, physiquement ça pourrait être mieux (et pire) mais mentalement je n’ai pas vraiment de doute sur ma capacité à gérer ce type d’effort jusqu’au bout. Je sens que je suis confiant.
Une seule réelle inconnu, je suis végétarien depuis 2 ans et n’ai jamais participé à un ultra depuis (quel impact sur la force, la fonte musculaire ???).
Ah si une petite crainte : Le sommeil et la fatigue. En effet, pour le boulot, je passe 2 jours à Brest sur des journées à rallonge et des heures de route interminables jusqu’à Orléans puis Vielle-Aure.
Pour différentes raisons les 2 dernières nuits de sommeil seront très perturbées :
J-2 (maison) : Mon fils rentre d’une soirée chez des copains à 1h du matin et me réveille. Je ne me rendormirais plus…1h30 de sommeil lors de cette importante nuit
J-1 (dodo en voiture) : Je ne parviens pas à m’endormir et les quelques fêtards de Saint Lary vont bien me gonfler. 1h30 de sommeil.
Donc 3h seulement sur les deux dernières nuits…il est possible que je le paie.
Veille-Aure :
Je suis Zen à mon arrivée, le retrait des dossards se passe bien même si en tant qu’inscrit de dernière minute…la bénévole ne me trouve ni dans les listes et ne trouve pas non plus mon dossards…Eureka, elle le trouvera, le seul avec le prénom inscrit au marqueur, perdu au bureau des litiges. J’ai eu un petit coup de chaud mais ça passe. Je vais vraiment prendre le départ !!!!!
Je profite de la soirée pour voir passer les coureurs du 220 qui repasse par le village après une première boucle de 60 km. Je suis notamment les Kikous et Méocli dans leur périble. Je suis admiratif et inquiet car certains me paraissent déjà bien entamés à la sortie de la première base de vie.
Le dernier repas se passe à l’appartement de ma famille et des amis de l’assistance (oui oui, ils avaient un appartement, c’est moi qui ai choisi de dormir dans la voiture pour ne pas les déranger à 3h du matin).
Repas : Pâte et purée de Patate douce – banane.
Le jour J et départ :
L’avantage lorsque l’on ne dort pas c’est qu’on n’a pas à se réveiller :-). Je petit déjeune une recette de Gatosport « Maud Gobert » avec une boisson Iso et je pars à pieds au départ. Durant cette marche d’1,5 km j’ai le plaisir d’échanger avec un jeune coureur venu de Bretagne qui réalise son premier 100 miles.
Je longe avec émotion la rivière sur le chemin qui représente les 800 derniers mètres de course :
« Je serai finisher demain soir » me dis-je en silence.
J’adore l’esprit GRP : un départ calme, dans la simplicité, sur cette place de village qui possède un charme fou. Le speaker (très bon d’ailleurs) tente de mettre l’ambiance (clapping), mais tout le monde est concentré.
5h, la musique traditionnel de Coldplay et c’est parti.
La première partie de parcours me rappelle énormément les sensations de 2018. Le chemin est destiné à étaler le peloton jusqu’au plat d’Adet, le sentier est large sans aucune technicité mais…qu’est-ce que j’ai du mal à entrer dans ma course !
Je me sens lourdeau, assez peu « focus » et concentré sur ma course, je me dis déjà que cela va être long.
Je suis tellement peu concentré que j’arrive à prendre un mauvais chemin avant que je ne sois averti par le sifflement de quelques collègues.
Cette année, attention au piège, il n’y a pas de ravitaillement solide avant la Mongie (30km – 5h pour moi) donc il est nécessaire de bien garder son plan nutritionnel en tête. Pour moi Gel et Banane.
Le lever de soleil sur une magnifique mer de nuages me donne du baume au cœur et j’arrive tranquillement au col de Portet (point d’eau) avec 10 minutes d’avances sur 2018 (ce que j’ignore car ma montre est éteinte à ce stade pour préserver la batterie).
La première partie de descente se déroule plutôt bien, mais dès que l’on entre dans le technique là ça se gâte. Je suis un descendeur que je vais qualifier de « moyen-plus », mais là je suis vraiment bloqué dans la technicité du single, je glisse sur les pierres sans arriver à me lâcher. Je suis d’ailleurs doublé par un certain nombre de coureurs. C’est fou, on dirait un petit vieux alors que ce n’est pas non plus le Moretan.
Heureusement en montée, c’est une autre histoire, le col de Bastanet et ses 230de D+ passe comme une lettre à la poste, les cuisses répondent, le souffle est facile.
Cette partie de course est sauvage, d’une beauté exceptionnelle même si je commence à entrer dans ma course et à être de moins en moins focus sur les paysages (bref, je ne suis jamais content). Plus sérieusement je n’ai sans doute pas assez levé les yeux durant plus de 30 heures, mais que ce fut beau par cette météo somptueuse. Les lacs sont à tomber !
Je ne connais pas bien cette partie de parcours car en 2018, nous étions passés par le Pas de la Crabe.
Un coureur me dit : attention, la montée de Serpolet avant la Mongie est terrible ».
En effet, la montée est sèche, droit dans la pente (le traceur vient des Bauges ?), assez impressionnante visuellement, mais la descente le sera tout autant. Nous évoluons en pente raide sur de l’herbe mouillée, je me vautre 3 ou 4 fois en perdant mes appuis. J’encourage les participants du 220 que je commence à rattraper et qui souffrent également beaucoup.
J’arrive donc à la Mongie en lâchant un peu plus les chevaux en fin de descente. A ce stade tout va bien, les jambes sont bonnes même si le manque de sommeil génère une sorte de fatigue de fond.
La Team Gilou tout de rose vêtue est présente et met l’ambiance comme pas possible.
Clic-clac photo, ravito (je m’alimente encore bien) et c’est reparti pour le col de Sencours et le Pic du Midi.
La Mongie – 10h04 du matin – 37 ème.
La montée vers Sencours correspond au souvenir que j’en avais ; Assez raide dans les premières pentes puis assez régulière. Les derniers kilomètres sont plus techniques avec certains passages de pierre un peu plus délicats. Néanmoins j’avance de bonne manière toujours sans les bâtons. Par contre, je suis seul depuis un bon moment, ce qui n’aide pas à passer le temps.
J’arrive à Sencours ou un point d’eau est disponible à la montée. Le Pic nous domine de son dôme, je me régale d’avance de la vue dont je vais bénéficier là-haut. J’ai un bon souvenir de la montée et elle ne m’impressionne plus comme la première fois. La première partie est réalisée sur un large chemin où nous croisons et doublons une somme folle de randonneurs et de famille. Ce n’est pas toujours simple mais c’est très sympa.
Les 200 derniers mètres de D+ sont beaucoup plus raides et en single. Néanmoins le sommet est constamment visible ce qui moralement est bien agréable.
J’arrive au sommet du pic à 12h23 soit avec près de 40 minutes d’avance sur 2018.
A 2900m, le vent est frais, je suis en sueur, je ne m’attarde pas.
J’attaque la descente dans les pas d’un coureur qui me dit vouloir s’économiser pour ne pas se flinguer les quadris. Je me dis que son raisonnement est le bon et décide de rester derrière lui. 30 minutes plus tard, nous sommes redescendus à Sencours où je décide de faire un premier vrai stop car je sais ce qui m’attend.
Je mange, je bois, je m’assoie pour vider les chaussures et « Noker » les pieds
Remarque annexe :
J’ai couru l’intégralité de la course avec les Evadict MTC. Rien à dire sur le confort, le dynamisme, l’amorti mais…j’ai passé ma vie à vider les débris et cailloux qui y entraient. Mon explication : une mousse de talon un peu trop évasée mais surtout une languette qui n’est pas assez large sous les lacets.
Au moment où je m’apprête à repartir : la Team Gillou arrive à pieds pour me voir. Refroidis par les 45e par personne du téléphérique du pic, ils sont montés à pieds…1h30 pour me voir 3 minutes…et 1h30 de descente. Je suis aussi touché qu’embêté pour eux mais que ce fut bon de les voir.
La partie suivante est connue pour être longue, je sais que je risque d’être court en eau, ce qui se va se révéler assez juste. D’ailleurs, si j’avais une remarque à faire à l’organisation, elle concernerait la longueur de certains tronçons sans eau (Luz --> Tournaboup).
Par contre c’est magnifique et cela fait oublier beaucoup de choses
Cette partie – extrêmement sauvage – est constituée de 4 « coups de cul » entre 150 et 250 de D+ jusqu’à Hautacam (Cols d’de la Bonida – d’Aoube – de Bareille et Hourquette d’Ouscouaou).
Je me régale, la vue sur le lac bleu que nous longeons cette fois par le sud est incroyable et je sens que mes sensations sont bonnes. Je gère sans trop pousser, je suis décidé à rester en rythme de croisière.
Sur cette partie, je fais la connaissance d’Urbain, un coureur local qui est sur son parcours d’entrainement. Je prends sa foulée et on papote. Il me raconte notamment que nous avons la chance de ne pas avoir les patous du lac bleu car un pote à lui y a laissé un pouce en début de mois… « Ah oui…en effet… ».
Je garde un magnifique souvenir de la zone du Lac d’Ourec avec un alpage incroyable empli de chevaux sauvages. A mon grand bonheur des bénévoles ont organisés un point d’eau mais celui-ci, avec ses bouteilles montées à dos d’ânes, est rationné. Je ne peux boire qu’un gobelet…ouch.
Une fois le Col de Moulata passé, nous commençons une descente d’abord technique sur Hautacam (beaucoup de Pierres instables dans un single en forte pente) puis une approche vers le ravito que…l’on ne voit jamais arriver !!! La zone : touristique, herbeuse est fort jolie et donne sacrément envie de buller.
Petite déception, je suis descendu vite et j’ai encore 40 minutes d’avance sur 2018, ce qui fait que la Team n’a pas eu le temps de descendre de Sencours, prendre la voiture et arriver. Je les attends 10 minutes puis je me décide à repartir.
Je suis à Hautacam vers 16h25 – je suis 33ème ce que j’ignore car je n’ai su mes classements intermédiaires qu’après le passage de la ligne.
J’avais gardé un souvenir très net de la descente vers Pierrefitte. Celle-ci se fait en 3 temps :
Une descente de merdre dans les herbes – un long sentier forestier globalement ombragé et une interminable partie sur route à partir du village de Villelongue. Je me souviens parfaitement avoir couru l’ensemble non-stop lors de ma précédente participation, je décide donc de faire de même.
Je galope sur un bon rythme, je reprends la première féminine qui me dit avoir trop mangé à Hautacam et préfère marcher un peu.
J’ai le plaisir de voir que la partie urbaine a été modifiée et est plus courte.
Je rejoins un groupe de coureurs qui peste et s’interroge sur la montée de 50m dite de la « conduite forcée ». Je souris car – comme moi en 2018 – ils pensent être partis sur la suite du parcours sans être passé par la base vie. Je le rassure et termine le dernier kilo sur un bon rythme.
J’arrive à la BV 36ème avec encore 40 minutes d’avance sur 2018. Il est 18h30. A ce moment de la course, (presque) rien n’est à signaler, les jambes sont bonnes, les pieds aussi, le moral également.
Le presque c’est une douleur qui commence à être assez présente sur le tibia droit. Je ne m’affole pas mais c’est la première fois que je rencontre une douleur à cet endroit. A suivre, mais on commence à me parler de périostite : « parce que tu cours beaucoup sur la pointe des pieds »…mouais à voir
Je rejoins ma Team qui a absolument tout préparé pour m’accueillir en extérieur. Je fais en effet le choix de ne pas entrer dans la base vie car les accompagnants n’y sont pas autorisés et j’ai à cœur de rester avec eux.
Je souhaitais faire un stop plus cours qu’en 2018 (1h), ce qui sera le cas avec une certaine efficacité :
Douche froide sur pieds et jambes – massage – beaucoup beaucoup de Saint Yorre…par contre, je mange très peu, ce qui sera une constante et une erreur (comme souvent pour moi) sur cette course. Je sens que les pates ne passeront pas, je me contente d’une banane et d’une soupe (délicieuse) et d’un smoothie (oui oui) proposé par les bénévoles…royal mais insidieusement je sature mon estomac en liquide.
Mon groupe me rebooste énormément, on se marre car je suis assis sur un banc, puant, les pieds noirs, à côté d’une mamie très bcbg qui me regarde de travers.
Ma femme me dit que je suis en train de faire un truc super, sans en dire plus car je lui avais demandé de ne pas me parler de classement
Après 35 minutes d’arrêt environ, bisous a tout le monde et c’est parti pour la nuit. Je décide de repartir en t-shirt avec la frontale déjà sur la tête même s’il reste pas loin de 2h de jour. Le choix vestimentaire est judicieux car la montée vers le cabane de Conques est particulièrement exigeante, étouffante. Savoir que l’on part pour 1600 de D+ et 4h de montée ça impressionne, notamment à ce stade de la course
La nuit
« Quand tout va bien en ultra…t’inquiète pas, ça va pas durer »
En un claquement de doigts, je passe en enfer avec une convergence de différents problèmes : bouffées de chaleurs accompagnées d’une forte transpiration, douleur de plus en plus intense au tibia. Le pic de douleur sera atteint avec une sorte de claquement à l’adducteur droit, ou plutôt l’impression d’avoir eu comme le déplacement d’une boule d’un côté à l’autre du muscle. Il me devient très difficile d’attaquer un obstacle de plus de 30 cm avec la jambe droite.
Je suis franchement à l’agonie dans cette montée, et comme souvent en début de nuit les envies d’abandon commencent à germer. J’entre donc dans un long tunnel en me contentant de boire et de désormais utiliser mes bâtons.
La salut viendra du ravito de Conques qui – Ô surprise – surgit tout d’un coup dans notre champ de vision. C’est un peu le contraire d’Hautacam ou de Sencours que l’on aperçoit de loin. Cette fois, quelle joie de découvrir cette tente illuminée à quelques mètres.
Les bénévoles sont aux petits soins, me sortent un siège, une soupe. Je commence à me refaire. L’envie d’abandonner prend un ippon.
Nous sommes 6-7 au ravito, mais comme j’aime ma solitude je décide de repartir.
Les 200 m de D+ restant ne présentent pas de difficulté (larges lacets / pente assez douce).
Je rejoins Urbain un peu avant la descente.
Je gardais de 2018 un excellent souvenir de ce plongeon de 1000m vers Cauterets. Ce sera pareil cette fois ci : une première partie de Single bien creusé, type « sentier à chèvres » dans une belle végétation basse. Je suis la science de pilotage de mon compère. Sur la seconde partie, c’est un sentier de rando, de balade en forêt parfois raide mais très roulant. Nous courrons du début à la fin ce qui permet de rendre cette partie rapide, agréable. Les 11km/h seront tenus sur ce tronçon.
Avec Urbain, nous discutons de stratégie :
Il ne souhaite pas dormir jusqu’à Tournaboup pour y arriver à 9h00 maxi. L’idée me plait, mais je sens que je fatigue et le manque de sommeil me font friser la correctionnelle à plusieurs reprise.
Avant d’arriver sur Cauterets, nous rejoignons la première féminine (Team Scott) en larme, qui va arrêter pour un problème de cheville. Urbain stoppe pour la strapper, je continue pour prévenir en bas.
L’entrée dans Cauterets est un peu laborieuse et longuette mais je rejoins assez vite ma team de cette très jolie et animée ville thermale vers 23h55 (encore 40 minutes d’avance sur 2018).
Les chantiers à traiter sont divers : Juliette me masse les jambes, fait le point sur mes tibias, adducteurs en essayant d’en mesurer la gravité. Je fais bonne figure même si la douleur est intense.
Je prends le parti d’aller dormir 20 minutes en voiture pendant qu’Urbain profite de ma Team pour prendre de la Saint Yorre et filer. Ces minutes passeront en un claquement de doigt mais je sens que je me relève assez bien, sans courbature et reposé.
Je n’avais absolument aucun souvenir de la partie Cauterets – Luz…j’en déduis donc que cela avait dû être facile…tu parles.
Je quitte Cauteret avec un coupe-vent, un buff et des manchons, ce qui se révèle être une erreur. Dès les premières foulées je crève de chaud.
La première partie de la course est vraiment easy…je me dit que ça va passer tout seul dans ce large chemin, assez peu raide et vraiment reposant techniquement (un billard).
Quelle erreur ! Après 600-700 m de montée on arrive sur le plateau du Lisey puis s’offre à nous un véritable mur de 500m qui nous impressionne tous pour arriver au col.
Que les frontales nous paraissent haut et loin.
Nous sommes plusieurs à nous regrouper en train et là ça ne parle pas du tout, tout le monde se concentre sur les trajectoires, la montée des genoux. Je suis en perdition à quelques moments mais je serre les dents.
Une bonne surprise cependant, je me rends compte que je visualisais le col plus haut que prévu, un peu plus à droite du parcours. C’est donc avec surprise que nous déboulons à 6 – dont 2 femmes espagnoles – au col du Lisey.
La descente est horrible, limite dangereuse : nous descendons une piste noire vers le restaurant de Luz Ardiden. L’herbe est mélangée à de la caillasse qui roule sous nos chaussures, le balisage est fort difficile à repérer.
Le groupe n’avance pas très vite, j’ai de bonnes jambes, je décide de mettre une légère mine pour partir au-devant.
Le ravito de Luz Ardiden est toujours exceptionnel en achalandage même si cette année…pas de crêtes au Nutella !
Les fraises Haribo, la bonne soupe, les tucs et le fromage me contentent bien. La descente vers Luz est difficile au début dans des chemins herbeux étroits et humide, nous coupons cette célèbre route du Tour de France un Nombre incalculable de fois. Je passe le temps en lisant les inscriptions sur le bitume. Juste avant Grust, je rejoins un courageux du 220 avec qui nous allons cheminer sur cette très longue partie alternant bitume et chemin.
A 5h45 j’arrive à Luz où toute mon équipe a fait l’énorme effort de se sortir de la toile de tente pour m’assister.
En 2018 j’avais dormi, cette fois je sens que je peux repartir après avoir juste somnolé pendant que Juliette me masse les jambes. Par contre je me rends compte que mise à part une petite salade de fruits en conserve, je ne peux absolument rien avaler.
C’est avec un bon moral que je repars car je sais globalement ce qui m’attend : une montée de 700m avant une grosse section en balcon, ce qui est plus confort que les deux fois 1600m que nous venons de nous prendre.
MAIS…un bénévole me met un affreux doute : « Allez courage, tu vas t’enquiller 1500 d’une traite ».
Nous sommes alors un groupe de 5 ou 6 coureurs, une femme me dit qu’en effet il a raison, nous montons bien jusqu’au refuge de la Glère, un autre va dans son sens. Pourtant je suis sûr de moi : j’ai lu le road book et j’ai même le parcours tracé sur mon dossard.
La solution viendra plus tard : Contrairement aux années précédentes, les courses 80/120 et 160 ne prennent pas le même parcours. Une bifurcation va nous séparer : eux montent, moi non.
J’avais raison ou plutôt nous avions chacun raison de notre côté, mais avec le recul cet épisode m’a épuisé nerveusement d’autant que je sais que je serai sans assistance jusqu’à l’arrivée.
Dès que j’arrive sur le sentier – globalement plat – en balcon, ma course bascule. Je n’ai pas mangé depuis 2 ou 3 heures. Je tente une banane, 5 minutes après je suis couché dans le fossé à vomir. C’est très dur car je suis au bord du malaise, totalement déshydraté, alternants bouffées de chaleur et sueurs froide. Je suis obligé de m’arrêter sur mes bâtons à de nombreuses reprises.
J’ai l’impression que la terre entière me passe devant mais à ce stade c’est la dernière de mes préoccupations.
Le cauchemar va durer encore 5 heures de plus.
Avec le recul c’est rageant car cette partie permet vraiment de courir, gagner beaucoup de temps pour peu que l’on arrive à « prendre une roue », ce qui ne sera jamais mon cas.
J’arrive néanmoins à Tournaboup à 10h du matin en ayant limité la casse car même dans mes hypothèses les plus favorables, je ne pensais pas y parvenir avant 11h. C’est bizarre la perte de repère en ultra : A 10h tu as parfois l’impression d’être en milieu de journée/ après-midi.
Je me souviens par ailleurs qu’Urbain m’avait dit : A Tournaboup il te reste entre 7h et 8h. Je me raccroche – au moins à l’idée de finir de jour !
Au ravito, je découvrirai plus tard que je suis toujours dans le top50, preuve d’écarts assez importants entre les coureurs car j’ai vraiment lambiné. J’arrive à rester lucide et je décide d’aller voir un pompier car au-delà du problème d’hydratation/alimentation, j’ai toujours tibia et adducteur dégommés. Il ne veut pas me donner d’antidouleur mais me propose un Doliprane et du Niflugel (qui me soulagera un peu d’ailleurs).
Jusqu’ici je n’ai pas trop parlé de météo, mais Tournaboup, c’est un four et je ne peux toujours ni boire ni manger depuis 5h. Je décide de partir immédiatement car je m’aperçois qu’une partie de la grosse montée à venir de 1000m est encore en partie ombragée à cette heure.
Franchement je ne me souvenais plus de la difficulté de cette montée vers la cabane d’Aygues Cluse : Il fait chaud, le chemin est extrêmement technique, passant de pierres en pierres avec de brefs moments de descente de rocher. C’est interminable. Fort heureusement, nous longeons un ruisseau où je trempe au moins 15 fois ma casquette, voire mon visage jusqu’au sommet.
Je rejoins 2 coureurs du 220 qui semblent très bien connaître ce dédale, je décide de me caler derrière eux, mais cette cabane n’arrive jamais.
Après 1h50 de montée, enfin nous y voilà.
Les bénévoles sont une nouvelle fois au top, une gentille dame me propose une soupe : « ça va te reminéraliser » et j’arrive à boire 2 ou 3 gorgées mais je suis épuisé et – alors qu’il faut chaud – je suis glacé par le petit vent d’altitude.
Je prends mon courage à deux mains car je sais que les 300m restant vers la Hourquète Nère sont les derniers vraiment hard. Mais là…plus de jus, le sommeil me prend. Il y a quelques années, j’aurai lutté. Cette fois je décide de stopper dans l’herbe à l’ombre et de dormir avec mon téléphone et une alarme dans 20 minutes.
Je me trompe de manip et je lance un chrono à la place du compte à rebours (manque de lucidité quand tu nous tiens !). Enorme coup de bol, je me réveille alors que le Chrono est à 21 minutes.
Les 250 mètres restant sont très impressionnants visuellement mais je me souvenais bien de ma réflexion de 2018 : « tient financement ils arrivent plus vite que prévu ». Et bien ce sera une nouvelle fois le cas.
Il est 13h pile, je suis toujours aux alentours de la 50ème place…dormir ne m’a pas trop pénalisé.
Je stoppe un instant en haut pour profiter de la vue et m’asseoir quelques instants. Un bénévole m’indique 6,5 km jusqu’au ravito de Merlan avec 850 de D-.
Le début de descente est un cauchemar : avec un collègue du 80 (ou 120 ?) nous sommes deux galériens hésitants entre les cailloux, racines. C’est raide, technique et le lac d’Oncet qui marque la fin de cette section ne semble jamais arriver.
Pour autant l’abandon ne me traverse jamais l’esprit et je me surprends à être constamment en dialogue avec moi-même : « Reste calme Gilles, il n’est pas tard, soit focus, un pas après l’autre, pense à l’arrivée, pense à tes proches, à une glace… ». A aucun moment je ne panique.
Je n’arrive cependant pas à me refaire avec cette constante envie de vomir et nouveauté…désolé pour les détails…une forte envie de soulager le colon. Et bien soit, de toute façon je n’avance plus. Un gros rocher tombera à point pour m’offrir un peu d’intimité. Ce fut un autre moment charnière de la course.
Final de rêve :
Sorti de mon rocher je tente de boire, ça passe…tiens
Je tente une Pompote, ça passe. Une seconde, ça passe et en plus je me régale…tiens tiens
L’effet est immédiat, j’ai l’impression que tout le sucre monte directement au cerveau. C’est difficile à expliquer mais j’ai l’impression de sortir d’une longue léthargie, je regagne confiance.
La fin de la descente est un régal et le torrent continu à me rafraichir.
J’ai juste un moment de doute lorsque le sentier effectue un presque demi-cercle pour repartir en montée vers l’arrière. Je suis absolument seul et je me demande si je ne suis pas parti sur le balisage d’une autre course (lucidité !!). Un coureur me rattrape et me rassure : « pas de problème fait-moi confiance, on va vers Port Biehl puis Bastan ».
Les 200 m de montée vers Merlan passent crème. J’arrive au ravito où un bénévole me propose de…la pastèque…punaise que c’est bon accompagnée de l’eau fraiche de la source. Après 5 minutes de stop je me lance dans la large piste et 200 nouveaux mètres de montée (les derniers !!) pour rejoindre le col de Portet. Nous sommes assez nombreux car toutes les courses sont ensemble. Les jambes sont bonnes lorsque je me lance dans la descente.
La première partie est un long sentier creusé, en crète, qui descend peu et qui permet d’aller rejoindre les hauteurs de Vielle Aure. Je ne suis pas très à l’aise dans la pose de pieds mais aucun coureur du 160 ne me rejoint. Un sévère virage à droite et une longue pente marquent le début du mur de descente final.
Je décide de le prendre en courant, et surprise, les jambes répondent bien.
L’intégralité de la course se fait au petit trot et personne ne me reprends.je me surprend « léger », sans douleur. Les endorphines et l’adrénaline de l’arrivée ont pris le relai
J’entre dans Soulan, j’alterne les parties de route et les chemins de traverse sur un bon rythme. A Vignec, je m’arrête à une fontaine pour me rafraichir un peu.
La suite est TRES TRES intense en émotion. Après le pont de Saint Lary, on tourne à Gauche pour longer la rivière qui amène au Centre-Ville. Toute ma team est passé 10 minutes avant avec ses banderoles et T-shirt roses en prévenant les spectateurs : « Gilou arrive ».
Je vais passer 1 km à être encouragé : « C’est Gilou », « vas-y Gilou, tu es attendu ».
Enfin, la place et la ligne. Il y a la foule, la fanfare joue et tout le monde crie, je suis aux anges. J’aperçois ma femme et le reste de l’équipe. J’ai rarement – jamais – savouré une arrivée comme celle-ci
Quel bonheur d’arriver dans ces conditions (lors de mon dernier ultra – l’UTMB – j’avais passé la ligne à 5h du matin, plus intimiste).
La suite c’est un gros relâchement, beaucoup d’amour et de zénitude.
Une bière avec l’équipe, une douche à l’appartement, un dodo de 20h à 22h30, puis une Pizza et un apéro tous ensemble.
Je dormirai ensuite comme un bébé.
Avec le recul j’ai souffert, mais sur toutes les photos de mon équipe j’ai le sourire. Ils me l’ont dit d’ailleurs : « on t’a toujours senti décontracté et serein ». C’était important pour moi de leur donner cette image avec tous les efforts qu’ils consentent également.
Course formidable, parcours magnifique, bénévoles et gens du coin d’une gentillesse et d’une authenticité rare.
Le GRP, courez-y.
Gilles – 36h44 – (1h de gagnée versus 2018) – 49ème.
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13 commentaires
Commentaire de poildepoilly posté le 26-08-2021 à 07:39:15
Sacré performance, je suis vraiment impressionné par tes horaires de passage !!! On partage pourtant les mêmes lieux d'entrainement (je suis de Gien) mais ça ne rend pas pareil sur moi ! ;)
Commentaire de Gilles45 posté le 26-08-2021 à 17:51:25
Merci et bravo également pour ta course et ton récit.
Si tu passes sur Orléans, n'hésite pas à me faire un MP pour courir, ou simplement papoter autour d'un café
Commentaire de Thomas02 posté le 26-08-2021 à 09:29:59
Bravo, je suis également impressionné par tes temps de passage ! Je t'ai vu entrer dans le ravito de Luz alors que j'attendais la navette des abandons, tu m'avais l'air tellement frais. Bonne récup
Commentaire de Gilles45 posté le 26-08-2021 à 17:47:57
Merci Thomas, dommage que nous n'ayons pas pu nous saluer. J'avais beau avoir ma casquette rouge, je n'ai pas vu de Kikous. Désolé pour abandons à Luz. C'est vrai que cette BV n'est pas la plus simple moralement et pourtant le plus dur est fait. Peut être à une prochaine à Vielle-Aure
Commentaire de Miche posté le 26-08-2021 à 13:40:38
Merci pour ce CR très détaillé. J'ai reconnu les passages "difficiles" que je connais. Il n'y a que la montée du Col du Lienz que je ne connais toujours pas.
Pour info, c'était bien un bug ton inscription inespérée mais tu es passé entre les mailles. Content pour toi !
Tu ne fais pas de photos ou tu ne les mets pas sur Kikourou ?
Commentaire de Gilles45 posté le 26-08-2021 à 17:49:41
Merci Miche. je mesure ma chance de cette inscription de dernière minute, raison de plus pour faire honneur au dossard. Pour répondre à ta question, non en général je ne fais pas de photos en course. Et avec le recul c'est un regret mais sur le moment, j'ai l'impression que ça me fait un peu sortir de la course. Je vais essayer d'être un peu plus contemplatif à l'avenir. Au delà des photos, il suffit aussi de lever la tête un peu plus souvent
Commentaire de jb600cbr posté le 26-08-2021 à 14:58:21
que de souvenirs !!! les joies de l'ultra et particulièrement du grp. bravo
Commentaire de Gilles45 posté le 26-08-2021 à 17:50:15
Merci !!! D'habitude à la fin d'un ultra je me dis "plus jamais"...là 2022 me titille déjà
Commentaire de jb600cbr posté le 26-08-2021 à 17:55:43
je l'ai fait en 2015. Depuis je traine des pepins physiques et je peux te dire que ca me manque. C'est un tellement belle aventure. On decouvre pleins de choses.
Commentaire de jujuhrc posté le 29-08-2021 à 00:16:32
Super CR. Vraiment impressionné par ta vitesse. Ça doit effectivement être sympa l'arrivée avec du monde.
Commentaire de Zucchini posté le 07-09-2021 à 11:15:39
Merci pour ce CR ! Mais ça parait tellement facile avec toi, que j'ai du mal à me laisser convaincre de le faire en 2022... On n'a pas les mêmes guiboles :)
Commentaire de Gilles45 posté le 07-09-2021 à 14:13:21
Hello David. Merci pour ton commentaire
Tu devrais craquer car d'une part les barrières sont assez larges (du moins pour toi) et d'autre part je pense remettre ça en 2022...ce qui permet de covoiturer :-)
Bravo pour l'UT4M
Commentaire de Zucchini posté le 07-09-2021 à 17:12:24
Ahah, merci du clin d'œil :) On se tient au jus alors, car c'est vrai qu'organiser la logistique pour aller au GRP, quand on habite par chez nous, est une donnée de course à part entière !
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