L'auteur : Khioube
La course : SaintExpress - 44 km
Date : 30/11/2019
Lieu : Ste Catherine (Rhône)
Affichage : 4380 vues
Distance : 44km
Objectif : Pas d'objectif
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Début décembre à Lyon, c’est la fête du traileur, enfin de celui qui aime le froid et le roulant, c’est-à-dire moi. Hors de question, de ce fait, de ne pas participer à la Saintélyon – d’autant que, tous les ans, c’est grâce à elle que j’arrive à me motiver pour courir un peu lorsque l’automne pointe le bout de son nez ; et puis c’est sur ses sentiers que j’ai découvert la misère et la splendeur de l’ultra, souvent en l’excellente compagnie de mes amis.
Cette année, ce sera la Saintexpress. En 2018 j’avais pris un dossard pour la Saintélyon avant de me raviser à la dernière faute de bornage suffisant ; et comme je savais pertinemment que j’aurais le même problème en 2019, je m’oriente directement vers le maratrail par lequel tout a commencé, en 2013. Depuis Boulieu en septembre, course à l’occasion de laquelle j’avais fait 40km avant d’abandonner suite à une vilaine chute au 6e kilomètre, j’ai surtout travaillé la vitesse – à la fois à l’entraînement et en course (au LUT by night, puis au Galop avec les Loups à Peaugres). Je ne suis pas inquiet quant à ma capacité à aller relativement vite pendant une heure ou deux, mais en revanche je ne suis pas sûr d’avoir 45km dans les jambes. On verra bien.
Samedi matin, j’ai rendez-vous avec mon cher Tom pour le retrait des dossards. Il n’y pas pratiquement personne devant la Halle Tony Garnier, la fouille est expédiée en deux secondes. C’est l’avantage de se pointer à 9h15. Une fois à l’intérieur, par contre, cela grouille de monde, et je comprends vite à quoi cela est dû : les zigotos de la première édition officielle de la LyonSaintélyon sont sur le point de partir. Comme tout le monde, je les encourage et les applaudis, de toute façon l’accès aux dossards est bloqué le temps que les coureurs quittent la Halle Tony Garnier. S’ensuit le traditionnel slalom dans le salon du trail (comment ne pas penser aux rayons d’IKEA) pour accéder au retrait des dossards. La fleur au fusil, je me présente devant le bénévole avec ma pièce d’identité, en me disant que je n’ai étrangement pas reçu de carte de retrait. L’ami me cherche, il trouve bien un homonyme mais je sais d’emblée qu’il ne s’agit pas de moi : le bougre n’a pas mis de majuscules à son nom et prénom, ce qui est à mes yeux la pire des abominations. Et puis il est né en 1986, ce qui lève toute ambiguïté. OK, nous sommes donc à 13h du départ et je ne suis même pas inscrit à la course.Tout va bien.
Le boulet du trail...
Évidemment, cela fait bien rire les amis pour qui cela sent l’acte manqué à plein le nez. En ce qui me concerne, je ne compte pas me laisser impressionner par cette boulette monumentale et m’inscris sur le champ (j’ai de la chance, il n’en reste que pour la Saintexpress et la Saintélyon). Bon, c’est un peu longuet quand-même, parce que je me faire un nouvel aller-retour dans le labyrinthe pour aller payer à la boutique souvenir avant de récupérer le fameux dossard, mais au bout de vingt minutes j’ai le précieux dossard. Je quitte les camarades pour aller finir ma prépa chez le coiffeur (absolument indispensable) et je rentre à la maison.
Il est 19h, Tom a la gentillesse de passer me chercher à la maison. Je crois que je n’ai jamais si peu de temps à me préparer, comme si la machine était enfin rodée. La course m’est suffisamment familière pour que je n’aie pas besoin de trop y réfléchir en amont, mais j’ai tout de même une sorte de plan dont le but ultime est de battre mon modeste record de 5h34 (en 2014) : m’arrêter le moins possible au ravitaillement et arriver frais à Soucieu. Pour être autonome sur le plan alimentaire, je pars avec deux flasques, deux Snickers, de la viande des grisons et quelques compotes. C’est une stratégie à faire pâlir d’effroi un diététicien, mais elle me convient ; les barres Baouw c’est bien mignon, mais au-delà d’une bouchée j’en suis dégoûté. Avec un Snickers, en revanche, on n’est jamais déçu.
Nous dînons tranquillement à la Halle Tony Garnier, en bas des gradins. Aussi tranquillement que possible, du moins, parce que nous sommes installés à côté d’un agent de sécurité qui meurt d’envie de parler d’un sujet auquel il ne connaît manifestement strictement rien, à savoir la course à pied. Mais bon, il est très sympathique, alors cela passe.
Changement rapide, et on prend la direction des navettes. Le voyage est paisible, si l’on excepte le moment où j’ai aspergé mon sac de Saint-Yorre en ouvrant la bouteille – boulette modeste par rapport au coinçage de doigt dans la portière (Boulieu 2019). Tom et moi somnolons, nous sommes tous les deux bien fatigués.
Ambiance pourrie au Macumba...
Il est environ 22h quand le car nous dépose à Sainte-Catherine. Le panneau « Ni vitesse, ni bruit » me fascine, je décide d’en faire ma devise (il ne reste plus qu’à me faire anoblir, mais chaque chose en son temps). Nous arrivons à nous trouver un petit coin tranquille pour finir de nous préparer. En ce qui me concerne, il ne reste plus qu’à remplir les flasques et appliquer la Sainte-Nok, c’est vite réglé. Vers 22h30, nous jetons nos sacs dans les camions. Je baisse les yeux une seconde, le temps de régler mon sac, et voilà que Tom a disparu ! Mince alors, tout ce bon temps à deux pour ne pas être ensemble sur la ligne de départ ! J’appelle son téléphone, je tombe sur son répondeur. Après trois ou quatre tours vers la tente, je renonce et me décide à entrer dans le sas. Il faut bien que je me prépare à courir, et j’ai l’ambition de finir dans le premier quart des arrivants. Si je pouvais donc éviter d’être dans les derniers partants, ce serait plus simple. Alors que je m’approche du sas, j’aperçois Tom et son tee-shirt rose de Samoëns de l’autre côté. Ouf ! Encore faut-il le rejoindre, il doit déjà y avoir trois mille personnes en place. Tom me fait signe de faire le tour par l’arrière. Une fois là-bas, je comprends qu’il a fait le tour par le champ au-dessus du départ. Ce n’est pas très classe de doubler tout le monde, mais en même temps je ne suis pas coutumier du fait et je tiens vraiment à faire un bout de chemin avec lui.
Tandis que l’heure du départ approche, le speaker commence à faire monter la pression. Il annonce que nous sommes 3800 à nous élancer ce soir et souligne que nous bénéficions de conditions exceptionnelles, même si la pluie pourrait se mêler à la fête dans la nuit. Et puis il tente de nous mettre la larme à l’œil en rappelant que nous courons tous pour quelque chose ou pour quelqu’un et nous invite à y réfléchir quelques instants. Je me dis alors que je cours juste pour moi-même, pour prendre du plaisir, et me souhaite d’en prendre un maximum cette nuit – surtout que, ces derniers temps, je n’ai pas été très bon pour cela. Finalement, c’est le voisin de derrière qui aura la meilleure réponse : « moi je cours pour pas avoir froid ! ». Pas mieux.
Le départ est donné, nous sommes bien dans la première vague. Nous slalomons un peu, difficile de rester ensemble. Au bout de quelques minutes, nous commençons à grimper doucement et je remarque que Tom n’est plus dans mon dos ; un virage en épingle me permet toutefois de constater qu’il est une dizaine de mètres plus bas. C’est un bon grimpeur, il a eu de nombreuses occasions de me le prouver. Surtout, c’est un descendeur redoutable, si bien que je suis persuadé qu’il me rattrapera dès que le terrain lui sera plus favorable. J’avais vu juste, le revoilà. Après une trentaine de minutes, la pluie fait son apparition. C’est moins de la pluie que du grésil, d’ailleurs, et c’est sans doute préférable compte tenu de la finesse de mon coupe-vent. J’ai pris le parti de courir avec une tenue assez légère et craint de prendre froid. Pour l’instant c’est largement supportable, mais il s’agira de ne pas baisser de rythme.
Au bout d’une heure, nous arrivons au ravitaillement de Saint-Genou. Nous sommes en avance par rapport à nos estimations, ce qui est d’autant plus rassurant que nous n’avons vraiment pas puisé dans nos réserves. Comme prévu, nous ne nous arrêtons qu’un court instant – juste assez pour avaler une soupe et un verre d’eau.
Dans les kilomètres qui suivent, Tom et moi commençons à faire le yo-yo. Le manque cruel d’entraînement commence à le trahir, il se met à douter de lui-même. Lorsqu’il me dit que nous sommes probablement parmi les derniers, je le rassure immédiatement en lui expliquant que nous faisons un bon début de course et que nous pouvons même espérer nous rapprocher des 5 heures de course si nous arrivons à tenir cette allure. A posteriori, je peux dire que je n’étais pas trop loin de la vérité, puisque nous étions passés en 866e position au ravitaillement.
À mesure que nous avançons vers Soucieu, nous commençons à la vivre différemment. De mon côté, tous les voyants sont au vert – même si la soupe a un peu de mal à passer ; pour Tom, par contre, les jambes commencent à être lourdes. A plusieurs reprises, il m’incite à cesser de l’attendre ; je décline sa proposition, à la fois parce que je suis content de profiter de sa compagnie pendant quelques kilomètres encore et parce que je sais à quel point il est important d’avoir encore beaucoup d’énergie pour aborder la seconde partie de la course. Je profite du fait que Tom ait besoin de faire une pause technique pour sortir mon arme fatale du sac, le Snickers. Mal abrité sous un arbre dégarni, je savoure. Au bout de 2h32, nous arrivons au gymnase de Soucieu. Depuis Saint-Genou, nous avons perdu 300 places environ ; mais si l’on considère que c’est la première fois en quatre participations que la ligne droite menant au ravito ne me paraît pas interminable et que je ne meurs pas d’envie de m’asseoir sur un banc au chaud, alors cette chute au classement est absolument insignifiante.
A nouveau, Tom et moi faisons un arrêt-éclair : deux ou trois bricoles à manger, autant à boire, remplissage des flasques et c’est reparti. Cette fois, cependant, Tom me dit qu’il a besoin de lever le pied, alors que j’aimerais au contraire commencer à accélérer. Nous avons tous deux à gagner à avancer à notre rythme, alors nous nous séparons. Rendez-vous sur la ligne d’arrivée…
Aussitôt que je quitte le gymnase, je sens que je ne suis pas à ma place logique, parce que je double très facilement. C’est grisant, bien sûr – c’est d’ailleurs tout l’intérêt de prendre un départ prudent, surtout quand les sentiers sont larges et qu’il n’est jamais compliqué de doubler. Dans mon souvenir, la Saintexpress devient vraiment ennuyeuse à partir de Soucieu. J’avais sans doute en tête les portions bitumées de la fin du tronçon, notamment celles qui mènent au gymnase de Chaponost. C’était sans compter sur les chemins longeant le Garon, qui sont couverts d’une épaisse couche de boue. C’est parfois un peu inquiétant, bien sûr, parfois difficile, aussi, mais c’est surtout drôle. Voilà ce que j’appelle une Saintélyon ! Dire qu’on avait parlé de conditions idéales… c’est plutôt l’adjectif dantesque qui s’impose désormais.
Belle visibilité, vraiment.
Les kilomètres défilent et je suis heureux de voir que j’arrive toujours à courir. Il y a bien des moments où je marche, mais les relances sont assez efficaces, et j’ai toujours quelqu’un à aller chercher, Pac Man-style. Je me motive en me disant que je fais mal au moral de mes concurrents, eux qui marchent sur un léger faux plat montant alors qu’il reste 15km à parcourir. On dirait moi d’habitude, pardi. Mais pas aujourd’hui. Je gère.
Environ 1h20 après avoir quitté Soucieu, j’arrive au gymnase de Chaponost. Je suis toujours gonflé à bloc, je sais que j’ai doublé du monde même si je ne sais pas du tout où je peux en être au classement. En l’occurrence, j’ai gagné 382 places au classement en 11km. La classe ! J’ai doublé 35 personnes par kilomètre. C’est dur à croire, même avec du recul.
Dernier ravitaillement, dernière tentation. Je me fais quand-même plaisir en mangeant un cookie (rien que de l’industriel, mais j’en avais gardé un souvenir ému) et en buvant un thé. J’ai encore une flasque pleine, cela devrait suffire. On repart au combat ! A Chaponost, il pleut toujours autant, les escaliers dégueulent des poches de boue après les avoir retenues aussi longtemps que possible ; nous traversons des flaques qui montent presque jusqu’au genou. Dantesque, disais-je ! A 4h du matin, il commence à faire froid. Pour m’offrir un petit coup de boost, j’enfile mes gants. Bon, ils sont un peu mouillés (ils étaient pourtant restés cachés sous mon coupe-vent) mais cela fait du bien quand-même. De temps en temps, je jette un petit coup d’œil au chrono. Descendre sous les 5h n’est plus envisageable ; pour cela, il aurait fallu que je produise mon effort avant Soucieu. Le record personnel est parfaitement jouable, par contre. Je suis même sûr de le battre, parce que je ne vois pas comment je pourrais faiblir à ce stade. Certes, tout devient pénible, les cuisses sont lourdes, les mollets raides, les hanches engourdies, mais j’avance toujours. Le premier moment de lassitude intervient au bas de la descente conduisant à l’aqueduc de Beaunant. J’avais failli oublier le détour un peu artificiel au moment de franchir l’Yzeron, bon, et puis dans la montée de l’aqueduc, je peine à tenir le rythme d’autres coureurs un peu plus efficaces. Je prends mon mal en patience, l’accrobranche de Sainte-Foy n’est plus très loin, et j’ai en plus l’agréable surprise de croiser le père de Tom au sommet de la bosse. Cette fois, je tiens le bon bout. Je continue de doubler, y compris dans les derniers faux plats de la Mulatière où les autres marchent quand je cours.
Un petit tour sur les quais, on contourne le Musée des Confluences, le pont Raymond Barre… tout cela est désormais très familier. J’avance aussi vite que possible, j’ai bien conscience de ne pas tenir une allure folle (12km/h selon ma montre) mais je suis constant. Plus que quelques virages et voilà la Halle Tony Garnier, je franchis l’arche avec le cœur léger. J’ai payé mon dossard 70€, mais il les valait bien !
5h19, je finis 572e. J’ai encore gagné 190 places en 12km ! Lorsque je découvre ces données, je suis encore plus fier. 15 minutes de moins qu’il y a 5 ans, et la certitude de pouvoir faire mieux encore. Trop bien ! En allant récupérer mon sac, je tombe sur une brochette de camarades d’entraînement. Ils étaient tous les trois alignés sur la Saintélyon, mais ils ont tous eu des pépins. Ils connaîtront des jours meilleurs, je suis bien placé pour savoir que la Saintélyon est pleine de surprises !
Je me change rapidement et assiste à l’arrivée de Tom, un peu avant l’heure prévue par Livetrail. Ayant eu un souci de montre, il n’avait aucun moyen de savoir s’il était raisonnable de descendre sous les 6h de course. C’est donc avec joie que je lui apprends qu’il n’a mis que 5h54, lui qui était persuadé d’avoir mis une bonne dizaine de minutes de plus. Il est épuisé, affamé, mais il est fier aussi. Carton plein ! Nous nous changeons vite, échangeons rapidement avec l’ami Clément, dont le relais à 4 a fini 8e au scratch et 3e dans sa catégorie, et puis nous filons en direction du McDo de Gerland – nous en rêvons depuis trop longtemps. Ce ne sera pas le dernier burger de la journée, ni le meilleur du reste ; mais celui-là, englouti dans la voiture, a toujours une saveur particulière.
Kanpai, sans pailles !
Le bilan :
- Le principe du negative split m’aide énormément ;
- Même avec une moyenne de 80km par mois cet automne, j’arrive à tenir une allure convenable pendant 45km ;
- Le roulant, c’est définitivement mon truc ;
- Je ne suis pas lassé de la Saintélyon, contrairement à ce que je croyais ;
- Descendre sous 5h est jouable, je pense que je reviendrai avec cette ambition…
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2 commentaires
Commentaire de Arclusaz posté le 07-12-2019 à 12:30:11
Une fois de plus, tu démontres tout ton potentiel sur ce type de course. Ah, si tu étais un peu plus sérieux à l'entrainement !! remarque, ça ne te réussirait peut être pas. Ne change rien si tu y trouves du plaisir. Sub 5 en 2020.
Commentaire de Khioube posté le 07-12-2019 à 16:33:24
Merci, Laurent ! J'ai cessé de penser en termes de "et si..." parce que ce n'est pas très productif au final. Je vais surtout essayer de ne pas trop couper à Noël et faire une bonne reprise ! J'espère que tu as la forme !
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