L'auteur : Khioube
La course : Saintélyon
Date : 2/12/2017
Lieu : St étienne (Loire)
Affichage : 3535 vues
Distance : 72km
Objectif : Pas d'objectif
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Solidaire en 2016, la Saintélyon fut solitaire en 2017. Elle commence pourtant de manière comparable à l'édition précédente, avec un trajet joyeux accompagné de deux amis chers (l'inévitable Tom et Clément, avec qui cela faisait longtemps que je n'avais pas couru), en TGV cette fois, et puis un dîner pique-nique dans le parc des expositions de Saint-Étienne.
Tuer le temps n'est pas facile, alors nous abordons les sujets habituels : pour moi ce sera deux couches, coupe-vent en option dans le sac, et Nike Vomero aux pieds en espérant que cela suffise. Je passe un peu pour un hurluberlu mais j'ai envie de faire confiance aux anciens de kikourou (anciens par l'expérience, pas par l'âge, j'entends).
Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il serait préférable de partir dans la première vague. Aussi nous sortons de la salle à 22h45. Cinq minutes pour jeter le sac dans le camion et faire un pipi express, et nous voilà plantés dans le sas de départ, une éternité avant que ne résonnent les premières notes de Light My Way. Heureusement nous sommes loin d'être les seuls à avoir eu cette idée lumineuse et il se forme rapidement une foule compacte et chaleureuse. À côté de nous, il y a Annabelle, une partenaire d'entraînement, qui est la première de quatre relayeuses ; je me demande si son équipe finira avant ou après moi, sans imaginer que j'aurais la réponse à cette question avant de franchir la ligne d'arrivée.
Après un hommage touchant au traceur disparu, auquel nous sommes invités à penser en traversant Soucieu, les fauves sont lâchés. Clément a décidé d'avancer un peu, il est dans la première vague ; je le maudis, jure de ne plus jamais lui adresser la parole et prie pour qu'il se blesse. Tom et moi quittons Saint-Étienne à 23h40. Nous nous souhaitons une belle course, conscients que nos qualités diamétralement opposées nous amènent naturellement à nous séparer d'emblée.
J'ai envie d'avancer, mais j'essaie aussi de garder en tête le fameux adage selon lequel la course commence à Soucieu (il y a des débats sur le lieu exact de ce départ mais Saint-Étienne ne fait jamais partie des options, sans grande surprise). J'adopte donc une allure un peu bâtarde, autour de 4'45 au kilomètre.
C'est une très belle édition, il n'y a pas à dire. La neige rend les guirlandes de frontales plus féeriques que jamais et donne corps à des paysages qu'on n'a pas l'habitude de voir en temps normal. Dur de croire que c'est l'automne ! Je constate assez vite que les chaussures de route m'handicapent un peu : sur ces sentiers que des milliers de pieds indélicats et égoïstes ont déjà foulés, je glisse régulièrement et doit faire un effort pour ne pas reculer dans les montées. Mais les kilomètres défilent tout de même et j'arrive sans trop de peine à Sainte-Catherine, en me disant qu'il reste un paquet de bornes à faire et que la nuit va être longue et compliquée.
Alors que je bois une petite soupe salutaire, je tombe sur Clément qui, après avoir fait trois kilomètres, a décidé de rebrousser chemin pour prendre la navette, pas assez motivé pour faire encore 45km avec un genou qui sifflote. Il essaie de me motiver, conscient que son choix est susceptible de me donner des idées. Il n'a pas tort, du reste, car c'est après Sainte-Catherine que commence mon chemin de croix. D'abord, il fait de plus en plus froid. Ensuite, j'enchaîne les gamelles, surtout dans les descentes un peu techniques qui ont été soigneusement lustrées par mes concurrents : j'ai dû tomber une dizaine de fois en 15 kilomètres, malgré l'extrême prudence dont je fais preuve (et qui me coûte environ 170 places entre Sainte-Catherine et Saint-Genou). Dans l'adversité, je laisse mon esprit vagabonder. Les Américains ont Thanksgiving, moi j'ai la nuit de la Saintélyon pour exprimer ma gratitude pour tout ce qui me fait avancer dans la vie, au sens propre comme au figuré. Je pense à ma jolie petite famille, et surtout à la chance que nous avons d'avoir mis au monde, quelques 16 mois plus tôt, une enfant aussi espiègle et attachante. C'est bon, tu as versé ta larmichette, lecteur ?
Bien que je ne me sois pas fait mal malgré mes nombreuses chutes, il me paraît de plus en plus déraisonnable de continuer dans ces conditions. Fichtre, je pars à la Réunion dans trois semaines, j'aimerais éviter d'avoir à y emmener une paire de béquilles ! Quand j'arrive au ravito de Saint-Genou, je suis en plein dilemme. Je ne suis pas assez lucide pour peser le pour et le contre, mais j'ai conscience que je regretterai rapidement mon abandon, même s'il est très tentant sur le coup. Et le speaker avait annoncé la fin de la neige à Saint-Genou, j'ai donc de bonnes raisons de penser que le cauchemar est terminé.
Ayant pris le temps de me sustenter (les quartiers de clémentine, quelle merveille !!!), j'enfile mon surpantalon et je repars. Là, c'est le miracle ! Ô Genou, toi dont le prénom imbitable aurait pu rendre à jamais acariâtre, tu as exaucé mon souhait le plus cher ! Pour des raisons géographico-météorologiques que je ne m'explique pas, étant vraiment nullache en sciences, on est passé en un clin d'œil de l'hiver à l'automne. La route pentue que Tom avait décrite comme un des périls du parcours ? Pas un seul signe de verglas, parfait !
Bon, ce n'est pas tout, mais puisque les conditions sont à nouveau favorables, il serait temps de courir. Avant même le départ de la course, j'ai renoncé à mon objectif un peu fantasque de finir en moins de huit heures, notamment au vu des conditions. Neuf heures, en revanche, c'est encore jouable et j'en serais ravi compte tenu de la traversée du désert que je viens de connaître (j'avais cru apercevoir Copé et Valls, mais passons). Je me mets donc à me lancer dans des calculs approximatifs dont les résultats sont toujours encourageants : il y a la place ! Cela implique évidemment de courir beaucoup, car le parcours est très roulant. Je signe un petit contrat avec moi-même, technique efficace quand le mental est friable : sur le plat et en descente, tu cours, dans les montées tu passes en mode "Papy fait de la randonnée", les mains dans le dos. Je suis assez heureux de voir que j'arrive encore bien à avancer, même si l'allure n'est pas exceptionnelle (à vue de nez je dois tourner à 5'30 au kilomètre sur le plat).
Je commence à grappiller un paquet de places au classement, c'est très excitant. Ce n'est pas la remontada du Barça ou de Pommeret à l'UTMB, mais c'est bien quand-même. Après Soucieu, le parcours est si plat que j'ai l'impression de m'être inscrit à un 10km ! Malheur à celui qui n'a plus rien dans les chaussettes... Les calculs sont toujours favorables, il me suffit de rester solide ; mais je suis confiant, car comme au LUT by night quelques semaines plus tôt, je me sens costaud. Dans un élan d'enthousiasme, je décide de prendre un peu d'élan avant de m'engager dans l'ultime descente avant l'aqueduc de Baunant. Mais, tel un Pierre Richard en baskets, je bute immédiatement sur un... gravier (il faut lever les pieds, un peu) et finis péniblement ma course dans un mur, réception sur les mains heureusement. Cela n'entame pas mon bonheur d'en finir, je continue donc de remonter le flot de coureurs en échangeant quelques mots cordiaux avec les uns et les autres. Les bosses sont désormais très familières, alors au lieu de me faire mal ou peur je les retrouve un peu comme de vieilles amies. Arrivé à Sainte-Foy, je rattrape Eugénie, une camarade d'entraînement qui est aussi la quatrième relayeuse de l'équipe mentionnée au début de ce long récit. Elle a mal au genou mais est déterminée à battre son record sur la Saintésprint. Elle me propose de faire course commune et j'accepte de bon cœur, ayant désormais acquis la certitude que le contrat "moins de neuf heures" sera rempli. J'essaie de l'encourager, je lui raconte comment les dernières marches de Sainte-Foy sont mythiques pour les coureurs de la Saintélyon, elle me parle de la Praluline qui l'attend chez elle. Un dernier effort et nous y sommes, 8h43 au chronomètre ! Exactement deux heures de moins que l'an dernier, je suis très heureux d'avoir tenu le coup, moi dont le mental est (ou était ?) le point faible. En jetant un œil à mon téléphone je découvre que Tom a abandonné lui aussi, après une bonne chute sur le genou. J'ai couru pour vous, les gars !
PS : j'avais oublié, je finis 704e. Bien fier d'être dans les 1000 premiers !
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8 commentaires
Commentaire de smetairie posté le 04-12-2017 à 13:48:54
Bravo, joli temps. J'ai adoré cette course, ma premiere. L'an prochain j'emmene les crampons qui sont selon moi obligatoire !
Je me demande comment les élites , notamment Emmanuel peuvent courir 13.5 kmh dans ces conditions ?! Ont ils eut moins de verglas ? C'est sur qu'ils n'ont pas les embouteillages a priori...
Commentaire de Khioube posté le 04-12-2017 à 15:17:27
Merci, c'est sûr que les élites n'ont pas eu le même problème que nous, les milliers de petits pieds ont faire leur œuvre et creusé les écarts entre les stars et la plèbe, ce qui n'enlève évidemment rien à leur mérite ! Félicitations à toi pour ta course, ce n'était visiblement pas gagné mais tu t'en es sorti brillamment, au mental !
Commentaire de David Noiseau posté le 04-12-2017 à 15:14:15
Moi aussi je veux une Praluline... Toute mon enfance je suis de Roanne...
David
Commentaire de Khioube posté le 04-12-2017 à 15:17:53
On en est tous là... surtout un lendemain ou surlendemain de course, pardi !
Commentaire de Arclusaz posté le 04-12-2017 à 21:05:11
Bravo !!!!!!
quel final.
mais peut être que les esprits pervers qui t'ont dit que la course commence à Soucieu et que les Vomero, c'est top pour la STL n'avaient pas tout à fait tort....
Commentaire de Khioube posté le 04-12-2017 à 23:11:15
Merci !!! Ces esprits fourbes ne pouvaient pas tout prévoir... et ont sans doute largement contribué à ma remontée ! Alors merci !
Commentaire de Jean-Phi posté le 07-12-2017 à 11:16:07
Bravo ! 2h de moins que l'an dernier, c'est pas rien !! Belle course et surotut que du plaisir ou presque !
Bon pour les chaussures, on s'est tous un peu plantés semble-t'il mais tu as dû être content de les avoir sur le bitume, les Vomero...
Commentaire de Khioube posté le 12-12-2017 à 11:25:28
Merci Jean-Phi ! Ouais, deux heures c'est chouette, surtout que j'ai passé l'année à expliquer que le temps mis en 2016 ne reflétait pas mon niveau et que je pouvais espérer mettre 1h30 voire 2h de moins. Alors il fallait le faire, sous peine de passer pour un prétentieux !
Et je confirme que j'étais content de ne pas avoir de grosses godasses bien rigides sur la fin, dès Saint-Genou c'était royal !
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