Récit de la course : Saintélyon 2015, par lapuce92

L'auteur : lapuce92

La course : Saintélyon

Date : 6/12/2015

Lieu : St étienne (Loire)

Affichage : 3710 vues

Distance : 72km

Objectif : Terminer

9 commentaires

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Ma Saintélyon 2015

Samedi 5 décembre

C'est le grand jour, celui que j'attends depuis un an, depuis qu'une mauvaise chute m'a obligée à stopper ma première tentative sur la Saintélyon au 27ème kilomètre, à Sainte Catherine. Genou en vrac, moral en berne, larmes. Il me fallait une revanche, et si possible éclatante! J'aborde cette édition avec un peu plus d'expérience, en ayant au compteur notamment les 80 kms de l'écotrail de Paris et les 100 kms de Millau. Mais les fantômes de l'an dernier rôdent toujours et je me sens très fébrile au réveil. Je pense à ma complice Séverine qui aurait du faire cette course avec moi. On se réjouissait toutes les deux de vivre ce moment ensemble : je vais le faire pour elle aussi! Et on en aura d'autres miss! :)

Le trajet jusqu'à Lyon se passe sans encombres. Je profite du train pour somnoler un peu. J'arrive à la Halle Tony Garnier. Il y a un peu d'attente à l'entrée en raison des contrôles de sécurité accrus (logique) mais ensuite aucune difficulté pour retirer mon dossard. Tout se fait très rapidement. Je passe au stand de Matthieu Forichon, qui me dédicace le deuxième tome de sa BD "Des bosses et des bulles", j'adore! Je prends le temps de faire un selfie devant l'arche d'arrivée (à demain ma grande!), et de lire un peu dans les gradins, puis je vais prendre la navette pour Saint Etienne. On a à peine démarré que je reçois un message de Gaelle, qui me dit qu'elle vient d'arriver à Tony Garnier. Je suis super déçue, on aura pas pu se voir...Dans le bus j'essaye de me reposer au maximum, de somnoler. A l'arrivée à Saint Etienne on repasse par un contrôle de sécurité puis je m'installe dans la vaste halle couverte pour attendre le départ. J'adore ce moment! Pour moi il fait partie intégrante de la course. Imaginez le camp de Sangatte version coureurs, c'est glauque à souhait! LOL Ca sent la Nok, certains sont allongés par terre enveloppés dans leurs couvertures de survie, tentent de dormir, d'autres ont carrément amené les matelas gonflables, ça mange, ça rigole, on se rassure comme on peut. Je patiente jusqu'à 20h puis je vais à la pasta party. Repas très décevant mais au moins j'aurai mangé chaud. Entre temps j'ai eu des nouvelles de Franca, Cécile, Laure et JB, que je rejoins après le repas. Je suis heureuse de les revoir et de partager cette attente avec eux. Vers 22h on commence à préparer tranquillement les affaires : remplissage de la poche à eau, ravitaillements, tenue, frontale, ... . Après avoir déposé nos sacs dans les camions on retourne encore un peu au chaud. Vers 23h30 on s'extirpe de la chaleur du gymnase pour affronter la nuit. La fébrilité monte d'un cran quand on s'approche de l'arche de départ. On nous demande, pour rendre hommage au victimes des attentats du 13 novembre, de les applaudir très fort et d'allumer nos frontales au mode maximum. Gros moment d'émotion.

Dimanche 6 décembre

Il est minuit pile, le départ est donné. Je pars tranquillement en essayant de ne pas me faire embarquer par le peloton. Je sais que les 8 ou 9 premiers kilomètres sont très roulants, et entièrement sur bitume. Ce n'est pas le moment de s'enflammer. D'emblée les bonnes sensations sont là. Je sens que mon corps et mes jambes sont au taquet, prêts à en découdre. De peur de me porter la poisse je me force à ne pas y penser : la route est longue, je ne céderai à l'enthousiasme qu'à l'arrivée. En attendant je reste concentrée, déterminée, dans ma bulle. Avec Franca on se disait avant le départ qu'il n'y avait pas d'autre endroit où on aimerait plus être à cet instant précis, et c'est exactement ça : je suis une petite luciole, parmi cette immense nuée de petites lucioles, et je ne céderais ma place pour rien au monde. C'est magique! D'ailleurs on se fait souvent des petits clins d'oeil dans la nuit avec Franca et Laure, même si on ne court pas ensemble.

La nuit le temps passe très vite. J'arrive au premier ravitaillement (kilomètre 15) en 2h02, 5721ème. Je ne m'y arrête pas, j'ai tout ce qu'il faut sur moi. En plus il y a tellement de coureurs que les tables sont inaccessibles. Je reprends ma route dans la nuit. Tout va toujours parfaitement bien. Je n'ai pas froid et le parcours est sec contrairement à l'année dernière. Vers le 21ème kilomètre je reconnais l'endroit où j'étais tombée et où avait commencé ma longue galère pour ralier Sainte Catherine en mode chouinage. Quelle différence avec ce que je vis cette année! Il y a beaucoup de monde sur des sentiers parfois un peu étroits donc je suis obligée de me "brider" par moments mais au final ce n'est pas plus mal. Ca m'oblige à rester prudente, à ne pas m'enflammer. Vers le 25ème kilomètre cette prudence ne suffit pourtant pas. Un moment d'inattention et je m'étale. Le genou tape. Un coureur s'arrête, me relève, me demande si ça va. En colère contre moi même, et en rage à l'idée de revivre le cauchemar de 2014 je lui lance mon regard le plus noir et lui rétorque séchement "oui, ça va. Il FAUT que ça aille de toutes façons". Désolée monsieur de t'avoir rabroué comme ça mais il parait que j'ai hérité du gentil petit caractère de ma grand mère maternelle! LOL Allez, relève toi, secoue toi, et avance!! Quelques mètres de marche pour remettre la machine en route et je retrottine. Je sens une petit gêne au genou mais sans plus. Ca va le faire.

J'arrive à Sainte Catherine en 4 heures, je suis 5405ème. je décide de m'y arrêter, mais quelle cohue, c'est juste l'horreur. Impossible de voir ce qu'il y a sur les tables. Je ne m'attarde pas. Je bois un verre de soupe, prends quelques tucs pour la route et je repars. Le temps commence à filer un peu moins vite, mais je m'y étais préparée. Je savais qu'il y aurait forcément un moment où j'aurais hâte de voir le jour se lever, où la nuit me paraitrait plus longue. Je me reconcentre sur l'instant présent : avancer, un pas devant l'autre, boire, manger. Rien d'autre ne doit venir me distraire, et surtout pas des pensées négatives comme "c'est long! Encore tant d'heures avant que le jour se lève..".

J'entre au ravito de Saint Genoux (km 40) à 6h17 (5011ème). Quel monde encore une fois, c'est encore pire qu'à Sainte Catherine. Je pique 3 tucs à une table et je passe mon chemin. Décidément la gestion des ravitaillements aura été le gros point noir de cette course. Quelle pagaille, c'est inadmissible! Un peu plus loin je croise les lapins runners. Carole a l'air bien, mais Emir m'explique qu'il souffre beaucoup de ses ampoules. Je les laisse en espérant que ça ira pour eux. Vers 6h30 la fatigue me rattrape un peu et ...je m'endors en courant. Alors que les gens devant moi partent légèrement à droite, je file tout droit dans les arbres. C'est une branche qui va me réveiller. Oups! Je rejoins vite le sentier, morte de rire. C'était ma spéciale dédicace à ma marmotte préférée, Séverine! LOL Je sais maintenant que le plus dur est fait. La majeure partie du dénivelé est avalée et le profil sera majoritairement en descente. Les jambes sont encore étonnamment fraiches à ce stade de la course, et le moral est au plus haut d'autant que j'aperçois les premières lueurs du jour qui se lève. Ca me fait un bien fou. En plus la journée s'annonce magnifique. Le temps passe et je profite du spectacle : que c'est beau ce lever de soleil, je ne me lasse pas de l'admirer!

A soucieu en jarrest (km 51, 8h03 de course) je suis 4744ème. Enfin on peut respirer, il y a moins de monde. Je reprends une soupe (oui, à 8 heures du matin, il n'y a pas d'heure pour une bonne soupe). Il fait déjà bien chaud au soleil, mais certaines parties encore à l'ombre, notamment près des cours d'eau, sont encore glaciales. Paradoxalement ce sont les seuls moments où j'ai eu froid sur cette course. Je croise Carole, son chéri, et maryline, que je n'arrêterai pas de revoir jusqu'au bout. Bravo à tous les trois, vous avez assuré!

Dernier ravito Chaponost, kilomètre 61. J'y arrive en 9h41, et en 4503ème position. Les madeleines me font de l'oeil : allez venez voir maman va!!! miam, ça fait du bien! Il reste 10 kilomètres, et je vais connaitre le seul petit coup de moins bien de la course. Les 6 kilomètres qui vont suivre vont me paraitre interminables. Je pensais que j'avais fait le plus dur, mais c'était sans compter quelques petits raidards bien vicieux à ce stade de la course, qui me sèchent littéralement. P... de montée de l'aqueduc!! Je n'ai plus de jus. Les kilomètres ne passent pas. Pour couronner le tout j'aperçois le panneau "reste 4 kilomètres" alors que je pensais l'avoir déjà passé. Gros coup au moral qui heureusement ne durera pas longtemps. Le panneau "reste 3 kilomètres" vient, lui, assez vite. Ca me rebooste. "Reste 2 kilomètres". Ca sent bon, ça sent bon!! Une dernière descente d'escaliers (ils ont un sens de l'humour assez particulier à la Sainté), un passage sur les quais, une remontée d'escaliers (oui toujours ce sens de l'humour), et on aborde le pont Raymond Barre. Je ris, je pleure, je ne sais plus. Je sais juste que je vais le faire. Un petit sourire pour les photographes. 200m, 100m, 50m, je rentre dans la Halle Tony Garnier après 11h26 de course. Je suis 4390ème, et 139ème sénior femme. Heureuse, fière de cette belle revanche, et surtout d'avoir profité de bout en bout de cette aventure magnifique, magique.

Je retrouve tout de suite Cécile. On débriefe vautrées par terre en mangeant des madeleines. Carole et ses acolytes arrivent peu après. Franca et Laure arriveront en 13h; JB lui a du malheureusement abandonner au 44ème.

Je téléphone à maman qui est aussi émue que moi, et je découvre tous les messages reçus pendant ces 11 heures : merci, merci, ça fait tellement plaisir! Je regarde la cérémonie protocolaire et tous ces champions (coucou Sylvaine qui prend une belle 5ème place! ;) ) qui arrivent dans des temps canons. Récupération des affaires et tentative de douche : euh, eau froide et bacs dégueulasses, pas de place pour poser les affaires...un petit rincage fera l'affaire, tant pis pour mes voisins de train tout à l'heure. Tant bien que mal (le genou couine bien maintenant qu'il est froid) j'achemine ma carcasse vers la gare. Encore deux heures et je serai à Paris. En arrivant sur le quai j'éclate de rire en voyant les autres voyageurs ; on dirait qu'une armée de pingouins zombies débarque dans la capitale. On se regarde en souriant, encore des petites lucioles plein la tête. C'est la fin d'une magnifique aventure.


pour la version avec photos c'est ici : http://lapuce801.over-blog.com/2015/12/saintelyon-72-kilometres-1950-d.html

9 commentaires

Commentaire de Benman posté le 08-12-2015 à 21:09:10

Bravo et merci la luciole
Tes yeux brillent de joie et nous ne les perdons pas de vue grâce à ce beau récit.

Commentaire de lapuce92 posté le 10-12-2015 à 23:35:26

Merci! :)

Commentaire de Arclusaz posté le 08-12-2015 à 21:09:43

Proust, qui s'y connaissait en madeleine, a écrit : "longtemps, je me suis couché de bonne heure". Ben, tu n'as pas fait comme lui et tu as bien fait ! Bravo pour cette revanche.

Commentaire de Benman posté le 08-12-2015 à 22:50:08

[HS] la litanie des récits saintélyonnesques avait commencé dans les flatulences, bravo Arclusaz de remonter le niveau des commentaires avec cette bonne odeur de (madeleine de) Proust.

Commentaire de lapuce92 posté le 10-12-2015 à 23:36:44

Je n'avais même pas pensé à Proust : la honte quand même pour une bibliothécaire!

Commentaire de laureduvercors posté le 08-12-2015 à 22:32:53

C'est une comme ça de Saintélyon que je veux faire l'an prochain.. ou l'an d'après... peu importe, merci pour ton récit et bravo pour la revanche!

Commentaire de lapuce92 posté le 10-12-2015 à 23:37:34

Merci à toi! :) Je te souhaite une belle réussite sur la Sainté à toi aussi.

Commentaire de bubulle posté le 09-12-2015 à 07:23:47

C'est bon, tu es prête, tu sais quoi faire en décembre prochain, alors....:-). Bien gérée, en tout cas, cette revanche qui prouve, une fois de plus, que sur la Saintélyon, faut en fait être prêt à faire la course en autonomie totale. Avantage : c'est très formateur, finalement...:-).

Comme tu n'as pas l'air horrifiée par le bitume (quand on fait les 100km de Millau, hein, on ne se plaint pas pour la goudron !), pense à essayer mon Le Puy-Firminy, un jour. Là, pas de cohue aux ravitos, et y'a du jus de pomme (et des croissants, et des crèpes !).

Commentaire de lapuce92 posté le 10-12-2015 à 23:40:16

Merci Bubulle! Ah tu sais que tu le "vends" bien Le Puy-Firminy (des crèpes au ravito, je ne peux pas décemment ne pas faire cette course!). Je vais voir si je peux l'inscrire dans les tablettes en 2016 ou 2017.

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