L'auteur : Khioube
La course : SaintéSprint - 24 km
Date : 2/12/2023
Lieu : Soucieu En Jarrest (Rhône)
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Distance : 24km
Objectif : Pas d'objectif
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Une fois n'est pas coutume, c'est à une version abrégée de la Saintélyon que je me prépare : pour varier les plaisirs et ménager mes vieux lombaires, j'ai fait le choix de m'inscrire à la Saintésprint (la Saintélyon très laborieuse de 2022 n'y est sans doute pas pour rien non plus, puisque je m'étais dit qu'il est difficile d'être prêt à courir longtemps en décembre, alors que le semestre bat son plein à la fac).
À la fin de l'été je me suis bien motivé pour m'entraîner tout seul comme un grand, j'ai retrouvé le plaisir des séances spécifiques, même si je n'ai pas été d'une régularité absolue. Je me suis greffé aux prépa Run in Lyon des uns et des autres, j'ai essayé de faire du renforcement quand j'avais la flemme de courir – bref, j'ai été relativement studieux. Il n'y a guère que dans les quinze jours qui ont précédé la course que j'ai eu une baisse de motivation. L'arrivée du froid n'explique pas tout (ce n'est pas comme si je n'avais pas l'habitude), et j'en suis venu à me demander si ce n'était pas une sorte d'auto-sabordage pour excuser une éventuelle contre-performance. Il faut dire qu'elle me fait un peu peur, cette Saintésprint ! Je n'ai plus l'habitude de courir vite, de me mettre dans le rouge, et je me demande si je vais trouver une allure raisonnable et, surtout, si je vais tenir mentalement. Ah, le mental...
L'avantage du trail court, c'est que la logistique est très réduite – j'aurai rarement consacré aussi peu de temps et d'énergie à la préparation de mes affaires !
Pour les chaussures, ce sera les Evadict MTC, avec leurs crampons généreux. Un boxeur Saxx (en tant qu'ambassadeur auto-proclamé de la marque, j'attends encore qu'ils m'envoient des produits), un cuissard, une sous-couche Odlo, un maillot bien chaud que je mets tous les ans à la Saintélyon, un coupe-vent léger, l'inévitable trio buff/bonnet/gants et mon 12L de Salomon avec deux flasques. À noter, pour en finir avec l'inventaire, que j'adopte une stratégie originale pour ce qui est de l'éclairage : ma toute légère (mais peu efficace) Petzl Bindi sur le front, et ma grosse Armytek à la main, débarrassée du bandeau, en lampe de poche de secours pour les descentes.
Arrivée à la Halle Tony Garnier vers 20h45, je me dirige vers les navettes et j'embarque assez tôt. Je suis content, il est 21h15, voilà qui devrait me laisser du temps pour me changer à Soucieu, en plus il y a un gymnase confortable, c'est Byzance. SAUF que... les navettes ne bougent pas d'un centimètre. Et pendant ce temps, la chaleur monte, monte... Le chauffage c'est très agréable, je ne vais quand-même pas reprocher au conducteur de ne pas avoir tout coupé ; mais on se croirait dans un sauna et je finis par avoir envie de rentrer à la maison pour dîner tranquillement avec ma fille et ma maman qui est gentiment venue de Haute-Savoie pour la garder...
Au bout de 30/40 minutes d'attente, les cars bougent enfin. Je passe un coup de fil à Lucile, histoire de prendre un peu de forces avant la bataille (elle est un peu mon gel Maurten du quotidien). Le trajet est court, jai l'habitude de somnoler jusqu'à Sainte-Catherine, mais pas le temps cette fois-ci.
Je sors du car, je fais vite les derniers réglages avant de déposer mon sac à la consigne, et c'est parti, je prends le chemin du départ (à vrai dire je suis bêtement les autres). En chemin je constate que ce n'est pas du tout la même démographie que pour la Saintexpress (et, a fortiori, la Saintélyon) : beaucoup plus de jeunes, et beaucoup plus de filles.
Depuis que j'ai quitté le sauna, je me sens étonnamment bien, tranquille ; il fait très bon, je n'ai aucun stress par rapport à d'habitude parce que je n'ai pas à me poser mille questions concernant l'alimentation. Vive le trail court, encore une fois !
Après un dernier petit coup de fil à Lucile, j'arrive au départ. Et là, je me rends compte qu'avec le couac de la navette (encore qu'on a connu pire, avec la panne sèche de 2021), je suis vraiment très loin de la première ligne. Il s'avère même que je suis au milieu de la 3e vague, avec un départ donné à 23h31 (si j'en crois Strava) afin d'attendre les dernières navettes (je n'étais donc pas le plus à plaindre). Ce n'est pas bien grave, évidemment, mais je commence à me dire que cela va être un peu compliqué de donner le meilleur de moi-même dans ces conditions, et l'idée de prendre la course comme une sortie longue un peu pépère m'effleure. Mais bon, il y a La Tribu de Dana dans la sono, les gens sont joyeux, les jeunots font des selfies, je suis content d'être là, donc on va quand-même essayer de faire ce pour quoi on s'est préparé !
C'est parti, l'heure est désormais au slalom. C'est compliqué, parce qu'il faut gérer les coureurs (hors de question de passer pour un bourrin), les bordures et les branches, bref ce n'est pas facile d'aller vite (je suis à 4'55 de moyenne sur les deux premiers kilomètres, pour preuve). En plus cette séance de fractionné à froid me colle un point de côté presque instantanément, dont je mettrai bien une demie-heure à me débarrasser complètement. Pas idéal, comme départ, mais on fait avec !
Le positif, évidemment, c'est que j'ai l'impression d'être assez rapide – c'est assez rare de jouer à PacMan pendant 99% d'une course, pardi. De temps en temps, j'essaie de prendre la roue d'un coureur qui a mon allure, mais ce n'est pas évident, ils disparaissent rapidement, et vu que la nuit tous les chats sont gris je peine à les retrouver une fois qu'ils sont sortis de mon champ de vision. Pas grave, j'essaie de me fier à mon souffle, je suis toujours autant de 170 battements par minute, c'est un peu élevé mais cela tient.
Lorsqu'arrive la première descente un peu technique, je me rends compte à quel point les approches peuvent diverger selon l'expérience et le niveau : je fonce sans hésiter dans la boue au milieu du chemin, tandis que les coureurs de la deuxième vague que je suis en train de doubler essaient désespérément de garder leurs chaussures propres et sèches, ce qui crée un bouchon qui n'a pas réellement lieu d'être. À nouveau j'essaie de trouver le juste milieu entre faire ma course et manquer de respect aux autres concurrents, je pense que j'y suis parvenu – contrairement à quelques Mimi Cracra moins prévenants qui se font copieusement maudire par le peloton. Au passage, je suis très content d'avoir ma lampe Armytek à la main, c'est très commode (cela ne valait pas le coup de la porter sur la tête, elle est lourde et ballote un peu trop à mon goût). Cela bouchonne un peu aussi dans les montées, mais j'arrive toujours à me frayer un chemin, d'autant que les coureurs plus lents sont très respectueux à l'égard de ceux qui courent (merci à eux) ; et lorsque je suis vraiment obligé de marcher (très ponctuellement, du reste), cela me permet de mieux relancer par la suite.
Les kilomètres défilent, je me rends compte au bout d'un bon moment que je n'ai encore rien bu ni mangé, c'est qu'on n'a pas trop le temps d'y penser quand on court sans arrêt ! Une compote, deux gorgées, allez.
Lorsque j'approche du ravitaillement de Chaponost, je me fais doubler par une fusée dotée d'une grosse couette blonde, je me demande ce qu'elle fait là (mais j'imagine qu'elle a connu les mêmes difficultés au départ que moi). J'essaie de lui emboîter le pas parce que c'est elle qui se coltine le sale boulot (je passe à gauche, je passe à droite), moi je n'ai qu'à profiter du couloir ainsi créé. Comme moi elle ne fait que traverser le gymnase, mais elle va trop vite à mon goût, je la laisse donc s'échapper et me fie à nouveau à mes sensations. Même si c'est difficile de maintenir un rythme si élevé, surtout après avoir pris goût à l'allure confortable des ultras, je prends beaucoup de plaisir. Le parcours m'est familier, et c'est agréable d'aborder cette partie de la Saintélyon avec fraîcheur et mordant – c'est évidemment inhabituel.
Une vingtaine de minutes après mon passage à Chaponost, je double la couette blonde et décide qu'elle ne me doublera plus (on se motive comme on peut). Arrive enfin la célèbre montée des aqueducs, je fais la première partie en courant, la deuxième en marchant vite. Je continue de doubler, certains ont l'air de peiner, moi je vais bien et je profite de l'instant. Je relance un peu avant le sommet, je sais qu'ensuite je vais pouvoir me refaire la cerise dans la descente de l'accrobranche – d'autant que le single du départ est trop étroit pour doubler et je ne peux donc pas dérouler complètement. J'en profite pour boire un peu et entamer un bout de gaufre Näak, ce qui s'avère assez compliquée parce qu'elle est dure comme du bois et que je manque de m'étouffer. Cela en valait la peine, néanmoins, mon estomac commençait à tirer et il faut pouvoir "envoyer" sur les quatre ou cinq derniers kilomètres. Dans un des lacets de l'accrobranche, je constate que la jeune fille à la couette n'est qu'à une cinquantaine de mètres derrière moi, il ne m'en fallait pas plus pour me motiver un peu plus encore. J'accélère dans La Mulatière, je descends à grandes enjambées les marches qui conduisent aux quais de Saône, et je mets toute l'énergie qu'il me reste pour cette dernière portion plate. Je trouve un lièvre (avec un bonnet noir, comme tous les chats gris), il doit avancer à 4'30 au kilomètre, c'est parfait pour moi. Je me glisse derrière lui et me fais la promesse solennelle de le suivre comme une ombre jusqu'à la ligne d'arrivée.
Pari tenu, je la franchis en sa compagnie au bout de 2h01, non sans avoir remercié mon lièvre de m'avoir tracté pendant les derniers hectomètres. La couette arrive une petite minute après moi, je la félicite également – la course aura été très solitaire par rapport aux années précédentes, cela fait du bien d'échanger quelques mots.
Sachant que mes récits de course se finissent généralement par un bilan mi-figue, mi-raisin, avec beaucoup de "si seulement" et de "la prochaine fois", je ne bouderai pas mon plaisir. J'ai pris mon pied, je n'ai rien lâché, le résultat n'est évidemment pas exceptionnel mais j'en suis très content (172e sur environ 2500, 18e vieux sur environ 300). Je me suis d'ailleurs tellement amusé que j'en viens à me demander si je ne vais pas laisser tomber les ultras. C'est tellement moins contraignant, le trail court, et puis – soyons honnête – je suis tellement meilleur ! À voir, à voir...
Comme toujours, j'ai une pensée pour celles et ceux qui ont couru avec moi par la pensée. Lucile, Maya (merci d'avoir décoré mon dossard !), ma maman et toute ma famille, les copains avec qui j'ai souvent foulé ces sentiers ou d'autres (Tom, Clem, Charles, Rob, Baptiste...), et ceux qui m'ont encouragé ou félicité. Vous êtes les meilleurs !
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