Récit de la course : SaintéLyon 2019, par Grego On The Run

L'auteur : Grego On The Run

La course : SaintéLyon

Date : 30/11/2019

Lieu : St étienne (Loire)

Affichage : 3018 vues

Distance : 76km

Objectif : Se défoncer

9 commentaires

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La SaintéLyon 2019 : une épreuve qui se termine en ... papillote.

Extrait de mon blog où figure une photo de ma triste mine :

 

https://firstquartilerunners.wordpress.com/2019/12/04/la-saintelyon-2019-une-epreuve-qui-se-termine-en-papillote/

 

A défaut de terminer en sucette, c’est emmailloté dans une papillote que je jette l’éponge (bien humide) au km 40 (ravito de St Genou / Chaussan) transi de froid…

Il est 6 heures du matin dans ce bus qui vient de s’arrêter devant le gymnase de Soucieu dans lequel je suis monté après avoir été conduit par une navette depuis Chaussan. La pluie ruisselle le long des larges vitres et je perçois à travers elles les coureurs qui sortent du gymnase pour poursuivre leur course complètement détrempés. Je ne les envie point mais comme je les admire. Comment font ils pour affronter ce froid qui nous tenaille ? Nous sommes quelques dizaines de coureurs assis dans ce bus, emmitoufflés dans nos couverture de survie, éparpillés pour nous étaler sur deux fauteuils près des fenêtre pour mieux s’isoler des autres ; les yeux fermés pour la plupart. Les radiateurs de ce bus nous apportent bien plus que de la chaleur, ils nous apportent du réconfort. Certains ont pris la position du foetus pour mieux dormir. Nous sommes tous apaisés d’avoir été pris en charge et d’être protégés car quelques heures plus tôt le froid nous a tous balayés, nous a poussés à mettre un terme à cette 66ième édition de la SaintéLyon, véritablement diabolique.

C’est ma dixième SaintéLyon et cela devait être mon dixième maillot de finisher. Las. Néanmoins je ne ressens aucun remord d’avoir quitté le parcours à St Genou / Chaussan, ni regret non plus, car lorsque l’on n’a pas le choix il n’y a qu’une voie possible qui s’impose à vous sans même y réfléchir.

Une journée bien difficile

Ce samedi matin 30 novembre 2019 je me réveille avec toujours cette même gueule de bois que je ressens depuis maintenant un mois pile ! On m’a diagnostiqué depuis lors d’avoir attrapé le virus CMV (article bien fait) que j’ai dû chopper via mes jumeaux de 2 ans alors en crèche. Je n’ai jamais aussi peu couru en 3 mois depuis…que je cours, c’est à dire en 10 ans. Je suis sec de course à pied depuis presque 10 jours, impossible d’aller courir le matin car je suis complètement à la ramasse (je n’ai pas d’autres mots) ; groggy, mal de tête, apathique. Mes défenses immunitaires étant affaiblies j’ai choppé il y a une semaine un bon rhume et j’ai perdu l’appétit. Le chocolat me révulse et ceux qui connaissent ma passion ne se remettent pas de ce constat. Ce matin de départ de course à pied j’ai la nausée. Je la mets sur le compte d’un estomac pas assez lesté. Alors je mange deux viennoiseries à 10 heures. A noter un moment de bonheur lorsque je salue de ma fenêtre (au km 2) le torse nu les coureurs de la LSTL (9h30), ceux qui m’ont vu doivent se souvenir de cet énergumène qui leur dit « rendez vous à St Etienne ce soir ». C’était moi !

A 13 heures avec Sylvain et deux autres potes de la SaintéLyon on va dans un bouchon lyonnais pour engloutir une énorme quenelle au brochet qui marine dans une sauce béchamel bien roborative. Je n’ai pas faim, je suis écœuré depuis le matin. Je ne suis pas non plus présent avec mes amis, je suis ailleurs, empêtré dans ma douleur. Une seule envie : aller dormir. Et c’est ce que je vais faire dès 15 heures. Je me couche chez belle maman à La Mulatière pour 1h30 de bonheur anesthésique.

Le soir je suis accueilli près de St Etienne à Villars pour une pasta party familiale. Quel chaleur qui fait du bien. Je me recouche à 20h pour 1 heure de somnolence. Je me relève tel un petit vieux courbaturé, je prends une aspirine, je me prépare. Nous partons tous en direction de Parc Expo. Je me rends directement dans le sas 1 de ceux qui veulent terminer avant le levé du soleil : c’est bon de rire parfois !!!

23h30 Go !

Et c’est parti pour cette dizième SaintéLyon. Je n’ai pas couru depuis près de 10 jours, rien, nada. Et pourtant je ne me suis jamais senti aussi bien sur le bitume stéphanois ! Incroyable. Mes appuis sont légers, je ne me sens plus fatigué. J’ai l’impression d’avoir changé de corps, changé de costume bien que j’ai endossé exactement la même panoplie que l’année dernière. Mais autant le dire déjà, ce n’est pas une panoplie de super héros, et elle se transformera bientôt en citrouille … toute mouillée.

Le Process de gestion de course

Il est clair mon process. Je ne pense pas au résultat ni à l’objectif. Je pense à la méthode, au process, au dispositif à mettre en oeuvre (oui ce sont des synonymes pour dire la même chose mais au moins vous comprenez que cela me tient à cœur). Si on suit un process bien défini, le résultat doit en découler tout naturellement.

Mon process c’est ça =>> Courir en aisance respiratoire totale tout le temps, c’est à dire ne pas dépasser son premier seuil ventilatoire. Je le ressens aux sensations, et si j’ai un doute je regarde mes pulsations cardiaques à ma montre pour le constat objectif. Et sur cette première partie de course cela revient très clairement à marcher dès qu’il y a de la pente. D’ailleurs je vois assez clairement le symptôme de mon désentrainement en faisant le constat que mes pulsations arrivent assez vite au niveau du premier seuil ventilatoire.

Une autre manière de formaliser mon process de course. Ne jamais être dans le rouge. Surtout pas. Prendre le temps de faire baisser les pulsations en haut de chaque montée, même légère. Tant pis si beaucoup de coureurs me dépassent. En principe je les dépasse facile après St Genou ou Soucieu car ils sont cramés et quant à moi je ne décélère jamais, même Chaponost passé. La portion « Soucieu / arrivée à Lyon » j’ai l’habitude depuis 4 SaintéLyon de la parcourir en 2 heures, cette portion je la nomme ironiquement la route des morts vivants. Eh bien pour moi cette année c’est une portion que je vais parcourir en bus, par la route, mais je ne le sais pas encore…

Des trombes d’eau nous tombent sur la tête

Au sortir de Sorbiers la pluie commence à nous tomber dessus. Je ne change pas une équipe qui gagne. Je suis vêtu de mon Gore Tex éprouvé sur l’UTMB, la SaintéLyon 2018 avec succès. Alors je suis en confiance. Je ne mets pas la capuche, mon buff autour de la tête me suffit ainsi que celui autour du cou sans me rendre compte que ce dernier détail va me coûter mon dixième maillot de finisher. A quoi cela tient un échec…

En suivant mon process tranquille avec de bonnes sensations si ce n’est quelques problèmes gastrique que je n’arrive pas à soulager dans les prés aux vaches (et non dans les jardins des propriétés privées : cf. reco de départ) j’arrive à St Christo après 1h58 de course en 1654 ièm position. So far so good.

Toujours le même rituel au ravito : 1 banane, deux verres de coca et 3 tartelettes diégo et c’est reparti illico.

Bon la pluie se fait cette fois beaucoup plus intense. Mais les sensations sont toujours très bonnes pour ne pas dire excellentes depuis que j’ai résolu mon problème gastrique. Je carbure plutôt bien. On arrive sur le chemin de crête que j’adore avec le groupe de jeunes nous mettant du Guns n’Roses avec « Sweet Child On Mine » : c’est énorme non !!!! J’adore. Et je vais courir encore quelques temps avec ce refrain absolument entêtant… en fait pas pour longtemps.

Le début de la fin

Mes mains qui sont protégées par une paire de gants de soie recouvertes par une paire de gants de ski commence à lancer un gros warning. Danger ! Danger ! Je suis extrêmement sensible des phalanges des doigts dont la circulation peut se couper très vite : engourdissements, et la crainte des engelures… C’est bien pour cela que j’ai des gants de ski ! Sauf que mes gants sont détrempés et qu’ils ressemblent à des gants de boxe tellement ils sont gorgés d’eau. Ce n’est pas Guns n’Roses qu’il fallait me passer sur le chemin de crête mais plutôt la BO d’un film de Rocky.

C’est pour moi un gros gros point d’attention. Je perds un peu mes moyens. D’autant que je fais le constat que je suis tout mouillé. Ma première couche est complètement détrempée. Nous recevons des sauts d’eau sur la tête sur la descente en direction de Sainte Catherine. Mon moral prend un sacré coup. Le ravito est bientôt là mais je n’éprouve aucun plaisir à le voir se rapprocher. Je me rends compte qu’il ne constitue pas un havre de paix dans la mesure où ce ravito est à ciel ouvert.

J’arrive à Sainte Catherine après 3h47 de course en 1160ièm position. C’est le moment des premiers doutes. J’ai froid dans tout mon corps et rien ne me permet de dire comment je vais pouvoir me réchauffer. Je pose la question à deux bénévoles comme si je faisais un vœu au Père Noêl : « mais il est bien prévu que la pluie cesse cette nuit ? ». Les deux bénévoles me regardent sans voix. Le speaker nous raconte n’importe quoi en disant que nous avions besoin de nous hydrater et que pour ce faire son agence Extra Sport avait convoqué la pluie… Cela ne me fait pas du tout rire.

Je n’ai jamais ressenti un tel désarroi au départ de Sainte Catherine. Après l’arche on longe des bus sur notre droite et je n’ose pas tourner la tête pour voir les coureurs qui viennent de s’y engouffrer bien au chaud. J’ai peur de ce que je suis capable de faire.

En sortant de Sainte Catherine, je suis frigorifié bien plus qu’en arrivant. Je n’ai qu’une seule option. Pour me réchauffer il faut que je cours vite !

Et je vais m’y employer car je n’ai juste pas le choix. C’est cours ou crève de froid ! Et mon process ? Il est à la poubelle et de toutes manières les pulsations calculées au poignet par ma montre sont complètement erronées, je crois que le lecteur optique déconne complètement en raison de l’humidité qui s’est même insérée sous le bracelet de ma montre.

Je me mets à courir comme un dératé. Il est ce p…. de bois d’Arfeuille ? Ouais il est là ! Et en plus de la pluie le brouillard est de la partie. Je me jette dans cette descente ou je suis stoppé net par une absence totale de vision à plus d’un mètre. Grand moment de solitude ! La frontale projette un halo lumineux qui n’éclaire rien. Je ne vois même pas la signalétique éventuelle, je suis à l’arrêt. J’attends des coureurs qui descendent en grappes, au moins tu suis ton prédécesseur. Je prends le train. Je claque des dents au sens propre. Oui je claque tellement des dents que mes tendons au niveau de mes maxillaires me font un mal de chien.

Par ailleurs j’ai très très froid aux jambes, mon collant est tellement détrempé que l’entrejambe du collant pendouille jusqu’au milieu des cuisses. J’ai une allure de super héro je vous l’avais dit !

Nous sommes à quelques encablures de St Genou. On traverse une route avant de retrouver une piste en boue glissante. Il nous dit « attention c’est très très glissant ». Las, j’ai eu la sensation de l’écouter en allant tout droit et c’est la chute avant. Je m’étale de tout mon long. Mon collant est complètement imprégné de bou. Mais je positive je me dis que la boue en séchant peut au contraire se transformer en isolant. C’est fou comme on peut se raconter n’importe quoi pour se rassurer. En fait la boue accentue ma sensation de froidure sur mes membres inférieurs. Mon esprit est en train de calculer la balance avantages/coûts d’un abandon. Le voilà qui travaille en background, je le sais, je le sens. En fait nous sommes à moins d’un km du ravito et la décision est prise, inéluctable.

La fin

J’arrive au ravito après 5h09 de course (1009 ième position). J’ai couru la portion St Catherine St Genou en 1h20 (jamais fait aussi rapide dans ce format plus conventionnel sans le Signal St André) Je n’ai pas la force de sortir ma couverture de survie. Je demande à des bénévoles de la déplier.

Elles sont où les navettes ? Tout d’abord on va dans une tente. Elle est à 50 mètres mais je trouve qu’elle est déjà trop loin. Elle est chauffée, nous sommes 6 ou 7 à attendre ; rassérénés. A bout non pas de souffle mais d’énergie thermique. On a la chance d’avoir une soufflerie tel un feu de cheminée.

La navette arrive, nous conduit à Soucieu. Il faut chaud. Que demander de plus?

9 commentaires

Commentaire de JulioK1 posté le 04-12-2019 à 17:36:08

Super récit.
C'était une aventure cette STL, y a pas à dire, et un abandon a pu se jouer à vraiment pas grand chose.
Désolé pour toi. Oublie et prend ta revanche ;)

Commentaire de Grego On The Run posté le 05-12-2019 à 10:47:39

Merci pour ton message. Je pense que cela ne s'est pas joué à grand chose justement. Non dans ce cas précis cela était inéluctable, rien à faire. C'est justement pour cela que je n'ai pas de regret. Je n'avais pas le collant adéquat, ma première couche était détrempée car mon buff autour du cou par capillarité avait totalement suinté sur le maillot. Il n'y avait rien à faire. Seul un change intégral aurait pu y faire face mais je ne cours jamais la STL avec un support et encore moins avec un sac de change même si des proches avaient été là. Donc c'était foutu de toutes manières.

Commentaire de BouBou27 posté le 06-12-2019 à 09:30:09

Les conditions étaient pas facile. J'ai été limite pendant de nombreux kilomètre sans tomber du mauvais coté, mais avec une chute, qui sait ?!
Bonne récup !

Commentaire de Grego On The Run posté le 21-12-2019 à 22:43:53

Oui mais une hypothermie on ne peut rien face à ce qui est trop fort pour toi.

Commentaire de pinpin678 posté le 06-12-2019 à 13:09:19

Top la photo!
Super récit, comme toujours.

Commentaire de Grego On The Run posté le 21-12-2019 à 22:41:02

Je me trouvais trop beau sur la photo. Il fallait impérativement que je la poste pour flatter mon ego.

Commentaire de Grego On The Run posté le 21-12-2019 à 22:43:09

Tu es trop sympa. Cela fait plaisir. Merci à toi Pinpin.

Commentaire de tidgi posté le 12-12-2019 à 19:05:12

Dommage Greg avec cette hypothermie !
Toi qui collectionne pourtant les tee-shirt.
Bonne recup à toi

Commentaire de Grego On The Run posté le 21-12-2019 à 22:41:52

Il va me manquer ce shirt c'est sûr cela fait comme un trou dans la collection...pire qu'un trou de mite.

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