Récit de la course : Le Grand Raid des Pyrénées 2018, par poildepoilly

L'auteur : poildepoilly

La course : Le Grand Raid des Pyrénées

Date : 24/8/2018

Lieu : Vielle Aure (Hautes-Pyrénées)

Affichage : 2890 vues

Distance : 160km

Objectif : Terminer

2 commentaires

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Mon premier 160 et... mon premier abandon !

Il y a bien quelques fois où je n'ai pas fait le malin dans ma vie mais ce vendredi 24 aout au départ de mon premier 160 km, je ne fais vraiment pas le fier. J'ai eu beau essayer de monter les marches une par une avec le tour des lacs il y a deux ans puis le tour des cirques l'an passé, je ne me sens pas dans une forme olympique. La faute à une récupération menée un peu trop brutalement après l'UTPMA deux mois auparavant. Résultat, une gêne au tendon d'Achille depuis ce 100 km et je dois bien avouer que péter un tendon en plein milieu des montagnes ne fait pas partie de mon plan de course !

Heureusement, comme toujours, l'euphorie du départ atténue un peu mes craintes et je pars à mon habitude sur un rythme bien pépère, d'une pour me rassurer et de deux, parce que j'aime bien doubler ! La météo qui s'annonçait pluvieuse est rapidement clémente et cela contribue à me mettre dans de bonnes dispositions. La montée au col de Portet se passe sans anicroche si ce n'est que je n'ai pas besoin de forcer mon talent pour aller doucement, les jambes sont un peu mollassonnes. Rien d'inquiétant en soi, elles ont bien le temps pour faire leur preuve et surtout la gêne au tendon s'atténue à chaque nouveau pas !

Après cet échauffement de 1500 m de D+, j'arrive au premier ravitaillement de Merlans après 2h53 à la 347 ème place (quand je vous dis que je pars doucement!). Je ne me m'arrête pas, j'ai encore 2l d'eau sur moi et de quoi me nourrir pour une semaine ! Je file donc en direction du Col de Bastanet. Je connais chaque pierre du sentier donc pas vraiment de surprise jusque là, j'avance à un rythme plus soutenu d'autant que les concurrents du PTT avec qui nous partageons le chemin jusqu'au Pic du Midi nous entrainent à leur vitesse. Très vite, on en enchaine avec la Hourquette de Caderolles. Le spectacle est magique car nous formons une belle file qui s'étire tout le long du sentier. Un drone y aurait fait des images superbes...

La descente qui suit ne se fait pas sans péripéties, je manque de recevoir dans un fracas d'éboulis un concurrent du 160 sur le coin des oreilles. Certes c'est un moyen rapide de gagner 10 places en tombant du lacet précédant, mais je ne suis pas tenté... Un peu plus loin, de grosses gouttes de sang auréolent les cailloux. La source en sera vite identifiée, un malheureux avec l'arcade strappée traine un piquet cassé ! La montagne peut se montrer cruelle ! Puis arrive le Pas de la Crabe. Du hors piste total mais qui au final, se monte bien. La descente est bien engagée dans sa première partie d'autant que des espaces se libèrent et je peux tranquillement hausser le rythme. Le Pic du Midi se découvre tout entouré de nuages. Superbe !!!

Puis c'est La Mongie qui se dessine au fil de la descente sur les pistes de ski... Voici le deuxième ravitaillement et le premier où je retrouve mon comité de soutien. Après 6h39, je me retrouve en 264 ème place. Tout va bien, si ce n'est une petite gêne au niveau de la fesse gauche. Rien d'alarmant en soi mais un gros morceau avec le Pic du Midi est maintenant au programme. La montée sera longue mais c'est surtout la descente que je redoute car avec ses 4 coups de cul qui rajoutent un peu de dénivelé, c'est plus de 3000 m qu'il va falloir dévaler. La bonne nouvelle, c'est que mon tendon d'Achille se comporte super bien !

Je monte sans me griller mais sans mollir non plus en m'efforçant de rattraper quelques groupes de temps en temps. Le temps se rafraichit mais reste bien agréable. Mon estomac digère sans problème le ravitaillement de La Mongie. Tous les voyants sont au vert à l'exception de cette fesse gauche qui s'allume en jaune clair.

La montée se passe tellement bien que je suis presque surpris d'entendre dans le brouillard les clameurs du ravitaillement de Sencours. Je ne m'arrête pas, la famille n'est pas là (il faut bien qu'ils mangent!) et comme tout va bien autant continuer. J'appréhende tout de même un peu cette aller retour jusqu'au Pic du Midi car j'en garde un souvenir douloureux lors de mon tour des lacs où j'avais souffert d'une vilaine déshydratation. Le fait est qu'une fois passées les premières constructions, le Pic se mérite. C'est dur, c'est long mais je me console en doublant même quelques dossards blancs du PTT qui en termine au sommet. Sinon, l'ambiance est sympa, tous les concurrents du 160 que l'on croise à la descente nous encouragent. J'en ferai de même à mon tour (avec d'autant plus de cœur que l'on sait ce qui les attend!)

Le soleil revient nous faire un bref clin d'oeil au sommet. Ce que je ne savais pas, c'est que je n'étais pas prêt de le revoir ! En haut du Pic, je pointe à la 234 ème place en 9h25. La bonne nouvelle, c'est qu'ayant laissé le PTT en haut du Pic, nous nous retrouvons désormais entre grands débiles et surtout un peu plus espacés.

C'est maintenant au tour de cette longue descente jusqu'à Pierrefite... Je m'oblige à descendre à un rythme bien cool et pourtant je rattrape du monde.

Nouveau passage à Sencours avec 20 places de gagnées en 9h57. Le staff est là, j'en profite pour faire ma première vraie pause en changeant de chaussettes et j'en profite pour recrémer les pieds (ce qui me permet de voir qu'ils vont super bien!). Je prends mon temps et succombe à la soupe à l'oignon que je ne finirai par digérer qu'à Pierrefite !

Puisqu'il faut bien repartir, je me jette dans le nuage car c'est officiel, la météo ne pouvait se tromper pour toute la journée. Jusqu'à Hautacam, dans cette looooooongue descente dans laquelle j'ai suffisamment de jus pour courir dès que c'est possible, il pleuvra ! La grosse satisfaction de cette partie, c'est que la veste est top ! Durant les 3 h de pluie, je resterai au sec, ce qui aide à garder le moral quand perdu dans la purée de poix, on a l'impression de ne pas avancer !

Petite pause à Hautacam où je suis 225ème en 14h09, l'ambiance est morose, la descente a fait des dégâts et il reste encore 10 bornes et 1000 m de D-. La pluie a également entamé le moral de pas mal de monde. Je repars donc sur du chemin bien large avec le compteur bloqué à 8km/h, ce qui me permet de doubler quelques marcheurs (je ne peux m’empêcher de penser qu'ils vont trouver cette descente bien longue en marchant car même en courant...). La pluie finit par cesser, les températures remontent. Petite pause pour ranger la veste et je repars sur le même rythme.

Pierrefite s'aperçoit entre les arbres... enfin, c'est ce que je croyais car en fait, il s'agit de Villelongue (qui porte bien son nom!). Je commence à avoir la fesse gauche qui s'allume en orange bien vif sur le replat et je me mets à marcher. On longe alors une vilaine route et j'accueille presque avec joie un petit raidillon le long d'une conduite forcée, d'autant que ma fesse me fait beaucoup moins mal en montant ce qui me rassure un peu pour la suite.

J'arrive alors à la base vie au bout de 16h11 en 204 ème place pour me faire dorloter par mon fan club.... Sauf que le fan club n'est pas arrivé. Je suis en avance sur le planning ! Je prends le temps de manger un peu (3 assiettes de pâtes tout de même) et on me pousse à essayer d'aller dormir un peu à l'étage. Faute de lit disponible, je m'allonge par terre mais le sommeil ne vient pas. Je redescends... Du moins j'essaie... La douleur dans cette foutue fesse me fait boiter comme pas permis. Je sais que je ne pourrai pas continuer bien longtemps comme ça ! Je réserve donc ma place chez le kiné (qui s'avèrera être une charmante demoiselle) qui commence à me masser la fesse avec entrain et à poser de jolis petits collants bleus quand j'aperçois le regard un peu jaloux d'une dame chère à mon cœur sur le seuil de la porte ! Et cela me redonne le sourire !

Je récupère mes affaires (ce sac est quand même sacrément lourd!). La pause fut conséquente (je repars après 1h20 de d'arrêt à la 206ème place), les jambes fonctionnent mieux et la douleur est raisonnable. Je grimpe avec le sourire, ça va finir par le faire ! Mais petit à petit, la douleur revient en version pire ! Avant Pierrefite, je n'étais gêné qu'à la descente mais maintenant, la montée devient une vraie torture. Chaque pas est une lutte et cette lutte contre la douleur va m'épuiser mentalement. De plus, le brouillard bien humide et la nuit conjuguée ne me facilitent pas les choses. Je finis par arriver au ravitaillement de Béderet après 21h14 et je suis 205ème. Je suis alors bien décidé à abandonné une fois arrivé à Cauterets.

C'est donc en ruminant de noires idées et en boitant que je commence la descente. Rien ne trouve grâce à mes yeux, même la lune qui fait l'effort de percer le brouillard me laisse indifférent. Je traine ma misère et mon sac jusqu'à finalement apercevoir les premières lueurs de la ville. Je remonte le long de la route quand je tombe sur mon équipe de supporters de choc. J'annonce ma petite forme et ma grosse envie d'abandon. Ils ne me croient pas ! Ils m'accompagnent jusqu'au ravitaillement et se rendent alors compte de l'état de délabrement du bonhomme.

C'est à ce moment là que l'on peut voir la confiance qui m'était accordée pour boucler ce parcours car on m'annonce qu'il n'y a pas de place pour moi, ni dans la voiture, ni à l’hôtel! On finira tout de même par s'arranger...

Après 24h, 101 km d'efforts, 6300 m de D+ et 6100 de D-, il reste un peu de frustration car même si l'abandon était inévitable (je n'arrivais même plus à monter les quelques marches dans Cauterets alors qu'il restait près de 4000m de D+), la nuit était quasiment terminée, la météo du lendemain était belle, mes pieds et mon estomac étaient en pleine forme...

A posteriori (sans jeu de mots), je pense que cette contracture à la fesse etait due à une compensation de mon tendon d'Achille fatigué et donc à un entrainement un peu trop chargé pour moi (l'UTPMA, deux mois avant cette course n'était pas forcément une très bonne idée...).

Mais quelque chose me dit que je reviendrai !!!

2 commentaires

Commentaire de GlopGlop posté le 17-09-2018 à 14:27:09

Il est certain que je ne le ferais jamais mais ta narration m'a transporté au gré de la météo et des sentes. Merci pour cette ballade au gré des Pyrénées que j'adore.

Commentaire de poildepoilly posté le 18-09-2018 à 16:30:51

Merci glopglop, je fixe les souvenirs sur le papier, on oublie si vite! 😁
Sinon, il ne faut jamais dire jamais, quand j’ai commencé la course à pieds il y a maintenant 5 ans, mon fantasme inavoué était de réussir un jour à gagner un malheureux point pour l’UTMB...

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