L'auteur : KourSurMars
La course : Saintexpress
Date : 2/12/2017
Lieu : Ste Catherine (Rhône)
Affichage : 3488 vues
Distance : 45km
Matos : 3 couches techniques + 1 bonnet de laine pas technique
Objectif : Terminer
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TRADITIONNELLEMENT, c’est au printemps qu’on s’inscrit à la SAINTELYON, après un footing entre potes ou bien à la terrasse d’un café. Le soleil est déjà haut dans le ciel et on se dit, en ajustant crânement ses Ray-Bans, qu’on ferait bien la SAINTELYON. Puis, arrive décembre, la vague de froid, et le jour J, l’autobus qui vous dépose en Sibérie, quelque part entre Saint-Etienne et Lyon. A Sainte-Catherine pour ma part, ayant coché la case 44KM.
ET DONC, A SAINTE-CATHERINE, C’EST L’HIVER. On annonce moins dix degrés avec du vent. Certains se réjouissent de trouver un vrai temps de SAINTELYON, moi pas. Je décide d’attendre tranquillos le coup d’envoi dans le chapiteau d’à côté. Pas con. Quand je me présente comme une fleur sur le SAS à 23H, je réalise que le départ est donné par vagues et que je suis mal barré. Je sautille douloureusement pour ne pas mourir de froid. J’ai une pierre dans le ventre et des remontées acides aux poivrons qui me fusillent le body. La pasta party de l’hôtel Ibis, c’est l’erreur stratégique de ma course. Je pars dans la 3ème vague à 23H30 avec des crampes à l’estomac et du givre sur la rétine.
2 KM (13m05s) - je sens mes doigts se réchauffer peu à peu et un début de sensation dans les jambes. J’ai presque chaud au crâne. Je porte les trois couches techniques règlementaires ainsi qu’un bonnet de laine. Je sais que les premiers kilomètres sont accidentés avec de gros dénivelés, positifs et négatifs. Je découvre la sensation de courir sur la neige. La jambe d’appuie qui recule réduisant la foulée d’autant. En descente, sur le verglas, on court comme des pingouins, les jambes écartées et les bras en croix. On évite de penser qu’à gesticuler ainsi on se fatigue vite. La guirlande des frontales dans la nuit s’étire au loin et c’est vraiment très beau. L’ambiance est énorme. On rit, on s’interpelle, on se cherche, on cri des prénoms pour se regrouper. On part ensemble, on finit ensemble, tel est l’état d’esprit de la SAINTELYON.
8KM (58m.35s) - A SAINT-GENOUX J’AI PAS MAL AUX GENOUX. Par contre, mon ventre est une fête. Je zappe le ravitaillement. Nous évoluons toujours en mode trail. Et ça glisse. On tombe comme des mouches. Je pars à la renverse à deux reprises, deux fois je suis stabilisé de justesse par un coureur. A mon tour, je rattrape in extrémis une coureuse qui m’envoie direct un coup de coude. Elle s’excuse. C’est l’habitude, qu’elle me dit. Je n’ose pas lui demander où elle habite. On ne sait jamais. Pour autant, les sensations sont bonnes et je me surprends à doubler, particulièrement dans les montées. Mon entrainement tout en côtes fait recette. Je vole au-dessus des congères et prends quelques libertés avec l’extérieur des virages, souvent plus praticables. Je déboule sur un grand carrefour frigorifique exposé aux quatre vents où un bénévole régulant la circulation me souhaite bon courage. Pour ne pas le décourager, je lui réponds juste merci alors que, franchement, je le trouve plus courageux que moi. Ce carrefour, c’est le NoOOOrd.
15KM (1h52m37s) – Après le Hameau de Rontalon, j’aide à se relever un jeune homme à terre. Il est petit avec des muscles bien dessinés de partout. Il répète inlassablement « j’ai craqué, oh là là ma jambe a craqué. Ca a fait CRAC. J’ai craqué... ». Il a un rictus de souffrance au coin des lèvres et un regard implorant. Ca a fait CRAC, il me dit. Je lui donne une tape à l'épaule et le laisse désœuvré sur sa patte valide.
18KM (2h10m31s) – Le verglas et la neige appartiennent maintenant au passé. Le terrain se fait plus roulant. Le jeune homme qui a craqué me double à nouveau mais il avance bizarrement. Il m’inquiète. Il dandine lourdement, d’un côté de l’autre, comme un pantin articulé, raide sur ses appuis. Et puis, devant mes yeux, sa cheville se plie en angle droit. J’ai mal pour lui. Affreusement mal. Le hasard fait que je le relève une deuxième fois. Il me dit qu’il se tord toujours la même cheville. Et il repart.
22KM (2h39m01s) A SOURCIEU, JE SUIS SOUCIEUX car mon portable est déchargé. J’avais prévu à mi-parcours de m’envoyer dans les oreilles une playlist de la mort avec du rock garage bien éraillé. Cette déconvenue s’ajoute au fait que je n’avais pas prévu de partir seul. Au départ, je le répète, c’est juste un délire entre copains. On s’inscrit en groupe et puis l’un se blesse à l’entrainement, l’autre devient papa 6 semaines avant le terme, un autre se dégonfle, et tu finis comme ça, à te geler les miches sur les monts du Lyonnais avec 4% d’autonomie sur ton portable. Heureusement, le bon côté de la SAINTELYON c’est l’ambiance. Imaginez un long ruban de lampes frontales courant de collines en collines, chaque point lumineux répondant aux autres. On blague, on râle, on insulte le moindre relief, on rit, on s’encourage, on avance.
31KM (3h43m31s) A CHAPENOST, JE MANGE UNE TARTELETTE DIEGO AU RAVITO parce que c’est régressif. Mon ventre hurle que c’est une folie, mon cerveau lui répond « ta gueule ». Le parcours est moins accidenté et plus diversifié. On traverse des sous-bois entretenus, des lotissements, des chemins et des routes qui ne glissent pas. Il y a aussi des côtes XXL. Nous marchons quand sa grimpe et nous nous rangeons sur le bas-côté pour laisser passer les relayeurs du 72KM qui nous narguent avec leurs micro-shorts et leurs dégaines de coton-tige.
41KM (5h05m53s). Après plusieurs grosses montées, notamment vers Sainte-Foy-lès-Lyon, j’insulte un escalier qui ne l’a pas volé. Je vois la ville en contre-bas et j’ai hâte d’atteindre la distance symbolique du marathon, mon huitième marathon. Putain d’Adèle. A ce stade, j’insulte même les Adèle.
42KM200 (5h15m50s). Lyon est magnifique la nuit. Je vois Fourvière, le Rhône, le musée Confluences mais moi, plus que tout, je veux voir la halle Tony Garnier, son toit en acier, ses néons, son arche en PVC rétroéclairée. Un panneau m’annonce qu’il ne reste plus que 1KM (1KM800 en réalité). Je passe le pont Raymond Barre. J’insulte Raymond Barre (pardon). Sur le pont, j’insulte aussi le mobilier urbain (bancs, chaises et transats) qui m’invite à la détente.
45KM800 (5h38m). A LA HALLE TONY GARNIER, TOUT EST FINI. Sans rancune, je laisse derrière moi les monts du Lyonnais, les bénévoles formidables, les supporters valeureux, la neige qui colle et la glace qui glisse, les tartelettes Diego et la soupe chaude, la chaine humaine des loupiottes, le jeune qui craque et la femme qui latte, les relayeurs qui n’ont pas froid aux yeux et les autres, ceux qui soufflent, ceux qui râlent, ceux qui rient, ceux qui glissent, ceux qui chantent, ceux qui mouchent, ceux qui tombent, ceux qui t’empêchent de tomber, ceux qui font les fous, ceux qui font rien mais qui sont fous quand même, ceux qui te tapent dans la main... Merci. C’était vraiment top.
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4 commentaires
Commentaire de Eddy_87 posté le 20-12-2017 à 15:37:43
Bravo pour ce beau récit. J'ai également fait la StExpress, et effectivement on se caillait grave les miches au départ !
Commentaire de Arclusaz posté le 20-12-2017 à 18:08:02
tu retranscris très bien l'ambiance (un peu moins le nom des villages que tu écorche allégrement mais tu es pardonné !).
fait gaffe au printemps, à la terrasse d'un café, après un footing, tu risque de t'inscrire à la STL....
Commentaire de KourSurMars posté le 21-12-2017 à 10:42:57
Merci. J'ai lu ton récit de la SaintéLyon pour voir comment s'écrivent les villages traversés et effectivement j'écorche beaucoup ! A ma décharge, j'ai traversé ses villages de nuit, sans lunettes et les yeux injectés de givre ;-) Merci et bravo pour ta course. 72KM c'est énorme.
Commentaire de Trixou posté le 21-12-2017 à 11:39:29
Bravo pour ta course et ce CR fort sympathique !
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