Mon CR de la Saintélyon 2005.
Pourquoi je me lance dans la rédaction d’un compte rendu, 4 mois après l’évènement ?
J’ai beaucoup apprécié la lecture de vos récits, différents certes, mais souvent convergents : expérience passée de course à pied, de trail, voire même d’ultra, et inscription en raids solo, finis selon mes souvenirs entre 07h00 et 09h00. Satisfaction de ces moments magiques et désir de recommencer…encore plus vite !.
Ma Saintélyon a été très différente, et c’est justement ces points particuliers que je souhaite partager aux lecteurs, participants passés ou en prévision de l’édition 2006 !
Parce que ma préparation de course a été essentiellement faite de recherches sur google, j’ai vite senti un « mur » de l’information : j’avais beau y passer des jours et des parties de nuits, je ne récoltais rien qui concernait les « dossards 5000 », les « catégorie randonneur » ! J’espère pouvoir apporter à mes confrères de la crapahute un récit intéressant et encourageant. Aux autres, coureurs solo ou relayeurs, la retranscription d’une expérience de course à 6km/h !
6…ou plus, ou moins parfois. Mon équipement électronique s’est limité à mon portable, et m a montre/chrono. Déclenché au passage de la ligne de départ, je l’ai arrêté au KM 68. Entre les deux, je ne m’en suis presque pas servi. Autant dire que je n’étais pas venu chercher un temps, et je n’avais absolument aucune idée de temps intermédiaires prévisionnels.
Rentrons dans la Saintélyon proprement dite maintenant. J’adopterai un plan de récit chronologique.
Decembre’s Rain
Décembre 2004, c’est le premier Dimanche de ce mois de décembre. Il fait froid et un peu humide. Accompagné de ma douce épouse et d’un couple d’amis, nous nous promenons sur les quais du Rhône, dépassons le confluent, remontons les quais de la Saône, espérant déjà un petit resto dans le centre. Ça fait 6 ans que je suis lyonnais, mais j’aime toujours autant ces lieux. Cette ligne droite entre le confluent et Perrache me plaît particulièrement (ah ah ah lisez la suite, vous verrez !). Petit air de littoral, de port de plaisance, de départ. Il fait un peu froid ce matin. Il est 13h00.
Depuis un moment, nous croisons un nombre important de marcheurs, en groupes le plus souvent. Ce qui m’intrigue, c’est leur dossard. De quoi s’agit il ? J’opte pour le retour à pied d’une course de 10km, venant de se terminer. Puis, je vois des bâtons de marche…et puis tous ces marcheurs semblent tellement éreintés et tendus vers la même direction ! J’ose demander à un couple d’où ils viennent. - « De Saint Etienne, on fait la Saintélyon » - « Ah ??? Et…vous êtes partis quand ? » -« A minuit » -« !!!!
(Les mots me manquent, j’entrevois avec effroi le parcours de nuit, alors que le sommeil faisait mes délices) ».
Ça fait mouche ces randonneurs. Adepte des rando toutes saisons, tous terrains, je tisse en secret le projet de, peut être un jour, participer à cette Saintélyon. Avant, faudra penser à faire une recherche google…
Qui suis-je : mes pieds, de fabuleux compagnons !
Comme mentionné plus haut, je pratique la randonnée en montagne et ailleurs depuis 6 ans. Traversée hivernale du massif de la Chartreuse (où j’ai failli de peu être emporté par des avalanches après 3 jours bloqué en refuge), la traversée du Vercors par les sommets, Traversée Nord Sud des Volcans du Puy de Dôme, Beaufortin, Chartreuse et Vercors encore plusieurs fois, Monts du Lyonnais, plusieurs randos en Islande. Lozère à vélo, tout comme la Bretagne, les Corbières, le Cantal. En projet, les terres mystérieuses de ma tendre, les Vosges.
Pas de passé plus sportif que tout ça.
Mon outil préféré : mes pieds. Je cherche l’expérience esthétique dans la nature
et physiologique avec mon organisme ; Une sorte d’osmose. Avec un ou plusieurs compagnons de route, j’aime marcher, longtemps et loin. Je ne crains pas l’engagement excessif, tant que je ne dépasse pas les limites du bon sens et de la sécurité (j’évite les pentes trop neigeuses et instables l’hiver, avec un sac de 25kg…par exemple).
En 2002 avec mon athlétique compagnon de la team 1.6.6.4., nous avons prévu un dimanche matin pour le soir même le genre de plan que nous aimons bien : relier à pattes Culoz et la Bridoire (proche de Chambéry), par le GR. Environ 75km parcourus sur une amplitude horaire 22h15-15h30. C’est ma seule expérience de si longues distances.
Pour ce qui est de la course à pied, je m’y suis mis plus sérieusement en 2005, à raison de 2 sorties par semaine et environ 15km par semaine. Dès septembre, je suis passé à 3 sorties et 25km. Un petit peu de fractionné, mais au feeling. Je garderai ce rythme d’entraînement jusqu’à la Saintélyon.
Ami randonneur, la Saintélyon t’ouvre grand ses bras. Evite les excès de gras en novembre, échauffe toi un peu, mais ces 68km, tu les connais en ton cœur. Ils t’ont appelé si souvent sur des sentiers de chèvres et de marmottes ! A la Saintélyon, tu seras dans ton élément.
Black-Out
Entre Décembre 2004 et Octobre 2005, je ne me soucie plus trop de ce projet. Je ne l’oublie pas, mais je le laisse dormir. Entre temps, j’apprends que je vais être papa en mars 2006 !
Plus le temps passe, plus le projet devient lointain et transparent.
Sur le pied de guerre
Avec l’automne, je retrouve ma motivation. Jérémie, un bon compagnon de rando, est bien tenté aussi. C’est décidé, on va faire ensemble la Saintélyon 2006. Inscription un peu avant le 23 Novembre. Plus le temps passe, plus je suis curieux ! a quoi ça va ressembler ce départ à minuit ? Vais-je réussir à « enquiller » ces mythiques 68KM ? Dans quel état à l’arrivée ?
Une semaine avant le départ, je ne pense pus qu’à « ma » Saintélyon. J -7, 6,…. Le soir sur Internet, la journée en bossant, en courant, en mangeant, je pense à la nuit de Samedi à Dimanche.
Et pourtant je prépare notre déménagement pour le samedi 10 ! Environ 90 cartons et 20 amis qui viendront prêter main forte !
Arrivée au Samedi 3. On y vient (enfin !). J’ai bien dormi cette nuit, jusqu’à 10h. Puis c’est le retrait du dossard à Gerland. On habite pas loin de là, mais on y va en bus quand même. Je repars avec mon bonnet Saintélyon en polaire violet. Je l’utiliserai beaucoup cet hiver, jusqu’en Alsace et dans les Vosges. Le repas de midi se passe tranquillement, puis je démonte quelques meubles imposants. Dehors il fait très gris : et si j’apportais un parapluie ?
Préparatifs
Sac informe (celui que j’utilise pour le boulot), Diosaz 20 litres. A l’intérieur, une paire de chaussettes (qui ne servira pas), des piles de rechange pour ma frontale.
Veste de rando respirante (qui ne me servira pas non plus)
Polaire
Tshirt respirant manches longues
Pantalon de rando tout bête.
Chaussures de montagne (si si !) Asolo Cerro Torre (gore tex inside). Je me demandais quel terrain on allait trouver : caillouteux, gras, herbeux, pentu, enneigé même,… ? Ces chaussures sont de vraies pantoufles. En montagne comme en plaine, elles ne m’ont jamais déçues. A l’arrivée, mais pieds n’auront pas souffert, si ce n’est une ampoule de sang au talon. Aucune autre difficulté de ce côté-là ! En plus, mes chevilles ont été bien protégées lors des descentes dans les cailloux en courant.
Lampe frontale de Petzl Tikka XP, déjà éprouvée sur le terrain et appréciée.
Chaussettes un peu épaisses.
Bonnet noir (que j’enlèverai de temps à autres)
Bouteille de 1litre et demi d’un mélange maison (eau, jus d’orange, miel, une pincée de bicarbonate)
Gâteau maison, énergétique, aux graines de fenouil.
Le dossard est dans le sac ? Le portable pour appeler régulièrement ma belle ? Carte de train, identité ? Ouai, alors…c’est parti. Nous mangerons ce soir en amoureux au Pizza Pai de la Part Dieu. Buffet d’entrée à volonté et énorme pizza. La future maman a du mal à finir son assiette ? Pas de problème, j’ai une bonne excuse pour l’ « aider » : cette nuit je brûlerai environ 2500kcal
! Autour de nous, j’aperçois un homme en tenue de trail : probablement nous nous retrouverons à Sainté !
20h30, nous prenons le B Charpennes, puis le A Perrache. Nous nous quittons à l’arrêt de bus du 32. Ma femme rentrera seule, je n’aime pas trop ça, mais bon…(Perrache le soir, c’est sinistre) Hop, je saute maintenant dans le TER flambant neuf (on dirait une navette spatiale). En voiture !
Pas loin, un géant en collant de course et accompagné d’un sac énorme. La classe quand même. J’imagine que nous ferons le même parcours. La différence, c’est que je pars comme un marcheur, avec mes bottes de sept lieux ! Respect pour les coureurs, je me sens tout petit.
Arrivée à saint Etienne. Jérémie m’a attendu devant la gare (sympa) et on fait le trajet ensemble. Le Hall B est à 15mn à pieds. On marche d’un bon pas en échangeant nos impressions sur notre forme : « Ce soir, ça va déchirer ». « Je te dis que ça va cramer du kilomètre… » Exercices de bravoure pour se rassurer. Maladroitement. Le Hall B est proche. Une installation lumineuse ressemblant à une torche géante nous retient un peu à l’extérieur. Et puis nous en entrons.
Vision de rêve ou de cauchemar, démesurée en tous cas, de ce hall blindé de monde ! Il y en a qui dorme dans leurs sacs de couchage
, les pieds en l’air contre le mur (je crois que ce sont les extra-terrestre qui ont fait l’aller déjà
!!!). Un p’tit café servi avec une grande gentillesse, des pâtes de fruits,…mais holà ! on n’est pas venu pour le dessert ! Faut que je me calme ! Il est 22h15. Re-café. Repos. Qu’est ce qu’on fout là ? On est bien pourtant, mais…c’est le trac ! L’animateur parle, je ne sais pas ce qu’il dit mais ça donne une atmosphère très électrique.
Nous apprenons que les randonneurs sont eux aussi chronométrés : ça met un peu de pression, et tant mieux !
23h, j’en vois qui se massent, qui courent dans tous les sens, qui font des bonds…
Chuis pas le seul à avoir besoin de me rassurer. D’autres sont imperturbables et sereins. 23h45, nous allons voir le départ des relais. Ça monte, on a la rage d’en découdre. Houlala, calmons nous !!! On résiste à la tentation et on se promet de partir sagement, en marchant. Départ 0h00, on se fait doubler de tous les côtés
. Allez messieurs dames, bonne Saintélyon ! Un coureur discute avec nous. Il apprend que nous prévoyons d’arriver entre 12h et 12h30 si on marche bien. Environ 6km/h.
On trotte avec violence et délice. Cet échauffement est agréable.
On n’est pas habitué à avoir le dos si léger. Et puis on voit tous ces coureurs qui passent, ces noctambules qui nous encouragent, tous les bénévoles qui sécurisent les carrefours. C’est génial. Ce départ, on se sent prêts pour aller jusqu’au bout.
Peu à peu, le gros des coureurs gagne le large. Nous restons avec des marcheurs, des coureurs retardataires, et du vide se créé autour de nous. Il fait nuit noire, pas froid du tout, vivement la suite !
Rapidement mon co-équipier ressent une vive douleur musculaire
. Il faut dire qu’hier il est allé courir deux heures. Il craint de plus en plus pour les heures à venir. Aussi nous guettons l’évolution. Je suis d’avis qu’il faut attendre « la chauffe ». Malgré cela on avance bien vite. La douleur va finalement commencer à régresser puis disparaîtra peu avant le premier ravitaillement (on dit ravito dans les CR
).
Attention, mes souvenirs ne sont pas toujours très clairs. Si je dis courte montée, peut-être qu’il faut comprendre quelques Km…
Une courte montée, donc, et c’est le ravitaillement. On fait péter les frontales pour y voir plus clair
(incroyable, non ?)Sorbiers. Plein de gobelets font des congères sur le sol
. C’est ça l’aventure ! Comme les 4*4 qui polluent, c’est pour l’ivresse de la liberté, les sentiments de puissance primitifs, le reste on s’en tape, pas vrai ??? De toute façon après moi le déluge !!! Scrongneugneu
J’arrête d’être cynique
Quelques verres de flotte, et hop, on repart
! On est bien chauds aussi on attaque de pied ferme. On commence à rattraper des coureurs avec notre marche rapide en montée. Puis, sur les plats et descentes qui suivront, on court comme des lapins. Hop ! Pas de bobo à redouter avec nos souliers de gala. La semelle Vibram fait des merveilles. On remonte, on remonte…c’est grisant. On tient la grande forme et on en profite. Le paysage défile à toute allure. On arrive ainsi au relais 1 Saint Christo (trop marrant comme nom !
) On est parti il y a 2h18’19’’ (d’après mon diplôme).
Deuxième ravito, et en plus de la flotte, j’avale deux ou trois thés chauds et je mange une banane. On ne perd pas de temps.
C’est reparti ! Le paysage est intéressant, mais c’est l’atmosphère que je préfère. Intimiste, même si on est près de 6000. Perdus dans la masse aussi, ce qui n’empêche pas des bouts de conversations sympathiques avec de parfaits inconnus que nous ne reverrons sans doute plus. On est bien familiers avec ce ciel noir, illuminé des lumières des villes, mais impossible de ne pas être gagné par la fraîcheur nocturne, par l’attente de l’aube, par ces milliers de respirations haletantes autour de nous.
Saint Christo – Sainte Catherine
Dans mon souvenir, il y a pas mal de montées descentes, mais rien de bien éprouvant pour un marcheur. En courant tout du long, il y a moyen de cracher ses poumons quand même
. On continue notre tactique d’apaches (ouai, si on veut) : marche rapide dans les montées, et on court le reste du temps. On passera un autre ravito, puis ce sera celui de Sainte Catherine.
Mais avant, c’est une descente épique sur un sentier assez étroit. Habitués des descentes en courant malgré 20kg sur le dos, on y va franchement, amortissant au maximum avec les cuisses. On double plein de monde : forcément, même en pompes type « trail », c’est délicat pour les chevilles. On a bien du en passer une cinquantaine. Beaucoup nous redoublerons après
.
A ce moment de la course, les jambes commencent un peu à « tirer », mais ça va très bien sinon. Heureusement parce qu’on en est qu’à un peu moins de la moitié. Il est 4h11’12’’ Dans le village endormi, les bus s’ébranlent, les coureurs arrivent, repartent, s’étirent, rigolent, dorment, mangent, boivent, changent leurs chaussettes. Ça pue les pieds dans la salle, mais je ne dis rien parce que j’ai déjà mâchouillé 3 gousses d’ail sur ces 30km
! (Pratique que je conseille bien entendu à mon lecteur. Entre autres, ça aide le corps à lutter contre les agressions extérieures).
Je ménage une petite pause dans mon récit pour remercier et célébrer les nombreux bénévoles. Efficaces, réconfortants, ces samaritains de l’ombre sans qui la course ne serait plus une belle aventure. Les ravitos m’ont bien plu, et ils étaient intelligemment pensés (variés et bien pourvus). Mille mercis à vous.Vous m’épatâtes !!!
Sainte Catherine-Soucieu.
Le deuxième tiers. Finies les descentes dans les pierres à fond les ballons. A présent nos deux tactiques de course semblent diverger. Des crevasses énormes en formation sous les pieds de Jérémie le contraindront à abandonner la course à Soucieu en Jarrest
. Un compromis s’établit : on court certes, mais sur de petits tronçons. Le reste c’est en marche rapide. On joue au yo-yo avec d’autres groupes de coureurs. Ils finiront par nous distancer dès l’approche de Soucieu.
On quitte les sentiers et on passe plus de temps sur des petites routes.
Et si je vous parlais de Soucieu ? on a cru longtemps que ce n’était qu’une légende que cette localité. L’approche est loooongue…trrrès longue. Peu intéressante aussi. On longe des pavillons, …et alors ?
Les pieds crevassés traînent de plus en plus. Pause, arrêt, et au ravito, Jérémie annonce qu’il jette l’éponge. Il est 07h22’04’’.
Et un « Semi » pour terminer : Gare à la descente !
Je continue seul. J’ai sommeil, mais qu’importe, je suis bien décidé à courir maintenant, avec le lever du soleil sur les vergers. C’est magnifique. On entrevoit les collines sœurs de Fourvière. Il fait frais, et je suis maintenant seul. Pas d’autres concurrents en vue. Je les retrouverai dans quelques kilomètres.
Mes jambes souffrent un peu. Ça coinçouille derrière les genoux. Ils plient tout seuls.
Je décide de courir 20 minutes, puis de marcher 5 minutes, courir 20 minutes, etc…
Mais je peine à tenir ce plan. La descente sur les prochaines étapes me semble interminable.
Je remonte quand même pas mal de monde. Les coureurs et les randonneurs sont bien mélangés. De temps à autre je me fais doubler très rapidement.
Un village, un bout de route, et grand parc, en descente encore. Je m’assoies 5 minutes, j’essaie de manger mon gâteau fait maison. Il est vraiment étouffant.
Je garderai des morceaux coincés un petit moment encore. A partir de ce parc, beaucoup des participants qui sont avec moi le seront jusqu’au bout. Et pourtant, il doit bien rester 15 Km ! Avant ou après, on descend jusqu’au lit (ah…un bon lit, enfin !) d’une rivière. La remontée est rude, mais au moins ça change de l’ennui et de la passivité de la descente.
Je cours toujours un peu, mais je me demande si je ne vais pas devoir freiner sérieusement à partir de Sainte Foy. Je pourrais donc très bien n’arriver qu’à 14h, 15h…et qui sait 18h ???
Je réfléchis, et je me rassure en me disant qu’au pire du pire du pire, il y a la TCL (transports en commun lyonnais) plus très loin.
Je termine tranquillement ma boisson énergisante maison. C’est vraiment le top.
Le bicarbonate répond bien il me semble à ce que mon corps demande. Je n’ai pas sommeil, mais mes jambes sont bien douloureuses. Sous le talon gauche, j’ai un système Air en formation.
Une bonne cloque de sang bien épaisse, ça ne me gène pas pour continuer, et en plus je la garderai un mois encore. Très joli souvenir.
Arrivée au ravito de Sainte Foy (je crois qu’il s’appelle Beaunant). C’est moche ce coin. Il est environ 9h, je me pose comme un sac sur un muret en mâchonnant du saucisson. Je bois un peu, pour l’hygiène. Je n’ai pas envie de grand-chose, hormis de terminer. Des coureurs et randonneurs ont l’air très frais, ça fait plaisir à voir. D’autres comme moi ont un coup de barre. Derrière la tente, la montée de Sainte Foy.
Sainte Foy-Gerland
J’attaque ce mur. C’est tout droit, ça se fait bien finalement. Je ne souffre pas trop et je double un peu de monde. Arrivée en haut d’un faux plat, on traverse, direction redescente sur Lyon par le 5ème. Je marche maintenant en quasi-permanence. Je double et me fait doubler par les mêmes têtes. Trop drôle ! Je remarque que la Saintélyon brasse tous les âges et c’est génial. Je voudrais avoir la même patate que certains dans 25-30ans !
Attention, longue descente. Je m’arrête pour cueillir ma douce tendre au saut du lit. Elle a bien dormi, et elle veut bien se dépêcher pour me trouver à l’arrivée au palais des sports.
Escaliers…dont je ne garde pas un mauvais souvenir puisque descendus en marchant, un peu en courant sur la fin, et voila le carrefour vers Perrache.
On descend sur les quais de Saône, ceux que j’aime tant. Je connais très bien l’endroit, et les repères sont facilement anticipables : le pont avec le passage en plancher, près duquel j’ai vu les services de la ville remonter un poisson (un silure je crois) de1,80m
; la Sucrière, les péniches, la péniche chapelle, et tout au bout, le pont SNCF qui est très proche du confluent.
La longue ligne droite avec en perspective ce fameux pont est interminable. Il y a un petit vent de face qui me fait râler. Je me fais doubler par une maman en poussette
! Je suis seul à part ça. J’avance comme je peux, je tente parfois 15m en courant, je m’arrête…Heureusement qu’il n’y a pas du tout moyen de s’asseoir ! Et ce pont au loin, toujours aussi petit. Ils ont dû le reculer à mon avis, ce n’est pas possible autrement. Je ne regarde plus l’heure. J’avance.
Voila pourquoi il est très difficile de s'asseoir au cours des derniers kilomètres !
Le tant attendu arrive enfin : pont moche, puis autre pont pour les bagnoles (mon souvenir est à vérifier quand même). On voit enfin le confluent de la Saône et du Rhône. J’aime cet endroit. Sur la gauche, on devine le bout de quai à remonter pour aller jusqu’au pont Pasteur, et on voit la parc de Gerland, le lycée international, et les coureurs qui finissent leur dernier kilomètre. Quelle émotion : plus aucun doute, je vais arriver. Je n’ai plus peur pour la machine, je ne crains pas la casse à présent.
Merci aux organisateurs, pas besoin d’aller tout au bout du confluent, genre j’ai les pieds dans l’eau. On coupe la digue par un passage prévu, on relonge des péniches. C’est plus joli par là. Hop, le pont Pasteur, on redescend sur les voies cyclables, on contourne un peu, et on rejoint mon coin d’entraînement avec l’entrée du parc.
Que d’encouragements je reçois ! C’est très touchant d’entendre des promeneurs, coureurs, étudiants asiatiques en ballade, qui y vont de leurs mots d’encouragements !!! Merci à tous ! Ce fut un baume pour mon cœur fatigué.
Je ne sais pas si c’est parce que mes pieds connaissaient ce parcours les yeux germés, mais ils se sont mis à courir dès le pont Pasteur. A l’entrée du Parc de Gerland, je retrouve des marcheurs qui m’ont dépassé vers les escaliers de Sainte Foy. Un peu moins frais les mecs. Me voyant courir, ils m’encouragent, c’est sympa,. Oui, je veux finir en beauté, oui, je suis à 13km/h environ, j’ai du jus encore dans les jambes, mais…Mais…j’avoue une chose : je ne peux plus marcher.
Impossible physiquement. Les muscles de la marche ont déménagé, ils ont laissé les factures. Je ne peux plus marcher mais bien curieusement
JE PEUX COURIR !!! 250m, 100m… Je vois l’arche d’arrivée. Je dépasse une dame que je croise depuis Soucieu.
Je ne sais pas si c’est le vent dans les yeux (résultant de ma vitesse vertigineuse bien entendu), ou le relâchement nerveux, mais mes yeux sont bien humides
. Je pense à cette arrivée, à tout ce qu’elle signifie. Déception de ne pas partager ce moment avec mon compagnon de course. Une nuit est passée, bientôt 68km, je suis « entier » malgré la fatigue physique, l’épuisement émotionnel. Mes jambes sont raides, mais mon cœur est rempli de fierté. Oui c’est ça, je ressens une grande fierté et de la gratitude pour mon organisme. Fierté pour ce dépassement, pour ces heures sup’, gratitude envers on Créateur qui m’a fait avec un corps si complet et « adaptable » aux circonstances.
11h06’29’’ La ligne est très épaisse.
Je ne sais pas trop si elle est sous l’arche, un peu après, un peu avant. Tant mieux, j’ai l’impression d’un arrêt du temps. Une nuit contractée en 1 seconde. Je vis des millions d’instants. Tourné vers un passé qui n’a pas fini de germer de ses impressions et émotions, tourné aussi vers un futur proche : retrouver ma plus belle, prendre une douche, et m’allonger. Je suis encore déchiré entre ces deux vies.
Pas de douce épouse à l’horizon, mais un hall remplis de tables, de convives, de gouttes de sueur en suspension dans l’air. Ça sent le fauve et j’apporte ma pierre à l’édifice. C’est ça aussi la Saintélyon.
Je vais rendre ma puce à travers un dédale de couloir (on monte, on descend, on ne comprends plus rien, mais on n’est pas à 1km près !!!). La dame qui réceptionne les puces a récupéré celle de Jérémie il y a 3 heures maintenant.
Je vais m’attabler. Les formidables bénévoles me servent un repas, avec une bonne humeur qui fait du bien. C’est pendant mon repas que je retrouverai ma femme. La grossesse connaît ses inconvénients. Les nausées en sont un. Ce hall qui sent des pieds lui fout la gerbe (il faut le dire). Aussi on ne traîne pas.
J’ai la plus grande difficulté à rejoindre le métro. Je marche comme je peux : en crabe, en zombie, en fractionné (pause, 2km/h, pause,etc…). Sortie Place Jean Jaurès. Reste 1 Km avant la maison. 10arrêts au moins. Arrivée en haut du 5ème sans ascenseur, This is the end my friend.
Bilan
Je serai parfaitement remis 3 jours après.
Séquelle : cloque de sang sous le talon gauche jusqu’en janvier 2006
Reprise : 6 jours après, déménagement. Je me remets à courir 10 jours plus tard. Je passe de 20 à 30 Km par semaine, puis bientôt 35.
Une superbe expérience que cette course de nuit. Nuit et aube, puis jour pour mon cas.
Une organisation admirable, depuis le site internet (très chouette le site, avec l’intro), en passant par les ravitos, le balisage, etc…
Des bénévoles anges gardiens. Encore merci !
Je suis très motivé pour d’autres réjouissances de ce type, une fois remis.
Voici mes temps intermédiaires et l’arrivée : 2h18’19’’ 4h11’12 07h22’04’’ et arrivée 11h06’24’’. Les 22 derniers kilomètres ont été faits beaucoup trop lentement par rapport au reste de la course
. Il faudrait déjà profiter de la forme dispo pour courir tranquillou le plus longtemps possible (en particulier dès Sainte Catherine). Faire les 10 km suivants sur l’élan. Pour la partie finale… je pourrais trouver davantage de motivation en me souvenant que malgré son apparence interminable, la rentrée dans Lyon et l’arrivée au Parc de Gerland ne fait que quelques malheureux kilomètres (facile à dire… !!!). Bref : je suis optimiste !
L’année prochaine, je m’inscrirai en catégorie Raid individuel. Il faudra aller chez le médecin pour le certificat, mais c’est mieux ainsi : randonnée ou course à pieds, il faut choisir pour la transparence ! Pour réussir, il faudra marcher dans certaines côtes, peut être sur la fin, me rappeler des différentes étapes pour les anticiper. Faire plus d’étirements à partir de Sainte Catherine. Raccourcir la pause à Sainte Catherine, ne pas s’asseoir plus de 3 minutes (et encore…).
Pour ce qui est du matériel, la paire de chaussette de rechange était inutile. Je pense consulter les CR de coureurs pour tout ce qui est crèmes, sparadrap,…
Bâtons ou pas bâtons ? A mon avis, il faudrait les prendre sur la partie Saint Christo –Saint Genoux. Les cacher dans un buisson la veille, et les envoyer par la poste pour le retour. Sinon, pas de solution, et ce sera sans bâtons, même légers.
Morale
, à l’attention de mes lecteurs randonneurs.La Saintélyon se court. Elle se Marche aussi, avec toute la dignité et l’engagement que nous associons à notre passion. On arrive plus tard et qu’est ce qu’on profite de ces moments extra-bonus !
4 commentaires
Commentaire de mirabelle posté le 12-04-2006 à 06:02:00
Et le parapluie ? :))
Merci pour ce compte-rendu très agréable à lire et écrit avec beaucoup d'humour.
Alors... fille ? garçon ?
mirabelle
Commentaire de Baobab posté le 14-04-2006 à 21:10:00
Le parapluie est restté à la maison.
...c'est une fille !
Commentaire de riri51 posté le 06-05-2006 à 20:31:00
Super CR, bravo pour ta perf et félicitations pour la pitchoune!!!
Commentaire de Say posté le 17-11-2006 à 09:24:00
Merci pour ton récit. C'est vrai qu'il change beaucoup de ceux qui ont fait des temps du type sainté de bronze, argent, or mais c'est beaucoup plus proche de moi.
A dans 2 semaines peut être....
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