L'auteur : Benjamin73
La course : L'Echappée Belle - 145 km
Date : 28/8/2015
Lieu : Vizille (Isère)
Affichage : 5805 vues
Distance : 145km
Matos : inov8 race ultra 290
Objectif : Objectif majeur
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130 autres récits :
Nan mais attend, je rêve ou quoi ? C’est qui ce type avec un dossard qui redescend ? Putain, merde, c’est Bonnel… A ce moment bien précis, pas besoin d’avoir la médaille fields pour comprendre que là, juste 100 m devant moi, j’ai en point de mire les fesses de Kenichi Yamamoto et que devant lui, ben y a plus personne. La vache, ne pas s’emballer !!!
L’échappée belle, je l’ai suivi à distance en 2013 depuis la Chine. A ce moment-là, avec Anne, on pédalait en direction de Singapour depuis 8 mois. Cette première édition avait été une boucherie ! Et immanquablement, ça avait commencé à jazzer : course trop dure, trop technique, trop dangereuse… Les signes indéniables d’une grande course !
Première édition de l'Echappée Belle
Rapidement, l’échappée belle s’est logée dans un coin de ma tête, et dès le lendemain de notre arrivée en France, après plus d'un an sans courir (nous sommes donc début 2014), j’ai rechaussé les baskets. Après discussions avec le coach, le grand maître Gildas Penverne, nous avons décidé que je m’alignerais pour l’édition de 2015. OK ! Je me plie à toutes les décisions du chef !
Septembre 2014 : je cours le trail de Serre Chevalier et j’explose en plein vol au 2/3 de la course : Abandon !
Decembre 2014 : Saintexpress. Très bonne course, je remonte durant tout le parcours et finis à une belle 24 éme place sur un tracé très loin de m’être favorable.
Mai 2015 : MaxiRace. Bonne course juqu’au 60 éme km puis énorme hypoglycémie. Je finis au mental malgré la ferme intention d’abandonner au dernier ravito. Une très bonne expérience.
Juin 2015 : KV de Cham, 44 min
Finalement, je me pointe sur la ligne de départ de l’échappée belle 2015 avec, depuis octobre 2014, plus de 130000 m de dénivelé dans les cannes, beaucoup de volume, énormément de VMA longue en côte et un couteau sur-affûté entre les dents. J’ai un plan de marche pour 30h45 et je vise un top 5. Pour moi, une grosse perf serait d’approcher les 30h. Le coach quant à lui me serine depuis des mois que je vais gagner. Peut-être est-ce ça aussi la préparation mentale.
Trace et profil du parcours
28 Août, Vizille, peu avant 06h00. Nous sommes tous sur la ligne de départ, et Flo, le boss de la course, nous fait le briefing. Bon, en ce qui concerne la météo, ce n’est pas compliqué : Tornade de ciel bleu, chaleur, absence de vent et pleine lune. Mais surtout, Flo nous martèle les 3 mots clés de la course :
Ces 3 mots, je vais les avoir dans un coin de ma tête durant 25h.
06h00 ! Le départ est donné, et là, j’ai la sensation qu’un grand cri est poussé en chœur par nous autres les coureurs :
départ pour les 145 Km et 11000 m de dénivelé de l'Echappée Belle 2015
Car oui, ça part vite, bien trop vite, comme à chaque course. J’ai horreur des premières heures de course. Elles sont en général un exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire. Nous partons pour 145 bornes et 11000 m de dénivelé ce qui, pour 99% d’entre nous, signifie plus de 30h de course. Pourquoi est-ce qu’on monte à l’Arcelle à quasi 1000 m/h ? Bref, je passe les 2 premières heures à essayer de me calmer et de faire jouer la sagesse. Finalement je pointe 15éme au premier ravito en un peu moins de 2h15. Je ne m’attarde pas, mon père remplit mes flasks, et je file.
Bibi sur la ligne de départ
Bonnel arrive à Arselle
Une fois le ravitaillement d’Arcelle passé, on atteint rapidement les 2000 m d’altitude et donc, les pâturages et les premiers lacs. A partir de maintenant, on démarre une envolée de quasi 50 bornes à plus de 2000 m d’altitude sans redescendre en vallée. Soyons clair, ce tronçon est absolument majeur et aucun autre trail en France ne propose une enfilade de ce style. Note esthétique : 10/10
La beauté des paysages et l’étirement du peloton aidant, je commence à me détendre et à trouver mon rythme. Doucement, je remonte du monde et je finis par apercevoir au loin un petit groupe qui semble être mené par une femme. Aucun doute, c’est Emilie Lecomte. Elle est la marraine de cette édition 2015. Emilie n’est pas vraiment un perdreau de l’année. Elle détient le record du GR20 en 41h22, a déjà gagné la diagonale des fous et le TOR des Géants en Italie. Je savais qu’elle était sur la course et je m’étais dit que ce serait un bon étalon pour me caler sur un rythme convenable en début de course. Tranquillement je rejoins ce groupe. Certains semblent déjà forcer… Il est pourtant tôt et c’est peu de le dire.
Je pointe avec Emilie au refuge de la Pra en 9éme position après 4h00 de course. J’ai déjà 30 minutes d’avance sur mon plan de route. Je stoppe 3-4 minutes et repars.
En repartant de la Pra, je suis aux anges. Je sais où l’on va, je connais ce terrain et j’aime ça. Tous les voyants sont au vert et on file vers la croix de Belledonne. Mais les mots de Flo sont là !
Je suis reparti du ravito un peu avant Emilie mais je la vois derrière moi à une distance régulière. Je rattrape 2 concurrents de l’intégrale peu avant les lacs du Doménon ainsi que le premier relayeur. Lorsque j’attaque la montée pour la croix, le japonais Yamamoto est 200 m devant moi. Lui non plus, ce n’est pas un lapin de 6 semaines. Il a bouclé l’UTMB 2009 en moins de 24h finissant à la 8éme place et a gagné le grand raid des Pyrénées en 2012. Je reviens sur lui au niveau du replat sous la croix de Belledonne. Je double encore un conçurent, le suisse Adrian Bennwald et croise Lionel Bonnel, le grand favori de la course, qui redescend déjà du sommet. A ce moment-là, il a 17 minutes d’avance. Je passe au sommet en 3éme position et file sur le col de Freydane.
Descente de la croix de Belledonne
Bon, ok, là je crois qu’on peut le dire, la descente du col de Freydane n’est pas roulante. Je passe donc en mode ski sur cailloux pour dévaler la moraine tout en faisant gaffe à ne pas me pulvériser un genou ou une cheville. La moraine n’est pas très longue et rapidement on atteint le replat et le lac blanc. Et là : C’est beau ! Putain, qu’on est bien. J’ai une méga caisse mais…
Jean Collet, c’est un peu ma première ligne d’arrivée. Je pointe 3éme. Anne m’y attend avec mon père et le ravito. Ça fait du bien de les voir. Je ne me presse pas plus que ça. Je prends le temps de me bichonner les pieds à coup de Nok, de changer de chaussettes, de boire une soupe et tranquillement, je repars. La suite est longue, 23 bornes avant le prochain vrai stop et autant le dire ce n’est pas 23 bornes sur un GR. Ici c'est Belledonne cailloux style ! Miam Miam !
J'arrive à Jean Collet
Anne m'a monté le ravito
En quittant Jean Collet, je suis 5 éme. Emilie et Kenichi se sont arrêtés bien moins longtemps que moi. J’ai aussi récupéré mon lecteur mp3. J’enfile donc les écouteurs, lance la playlist et par à l’assaut du col de la mine de fer avec Amy :
J’ai Emilie en point de mire mais je ne cherche pas à revenir. Je monte au train, sans m’entamer. Depuis le début ma stratégie est claire. Arrivéer le plus frais possible au Pleynet. Ensuite, si à Gleysin je suis en canne, je fais parler la poudre dans le Moretan.
Petit rappel au cas où vous seriez perdu
Je finis quand même par revenir sur Emilie peu après le col dans la section de bloc avant la brèche fendue. Le tronçon entre le col de la mine de fer et le pas de la Coche est assez chaotique et demande pas mal de concentration, d’anticipation et un poil d’engagement. J’ai la chance d’avoir un léger bagage d’alpiniste et de grimpeur et je suis donc relativement à l’aise dans le terrain à chamois tel que celui qui se présente sous nos pieds à cet endroit du massif. Je prends même beaucoup de plaisir dans cette section à crapahuter de bloc en bloc avec du bon son dans les oreilles ! Au pas de la coche, je suis au niveau de Kenichi et le 2 éme de l’épreuve est à 5 minutes. Je break quelques instants, le temps de recharger les bidons et repars.
Le Japonais, Emilie et moi au niveau de la brèche fendue
Très rapidement, je reviens sur Kenichi et même sur le second Guillaume Bernard qui n’a pas l’air au mieux et qui, je l’apprendrai par la suite, s’est luxé un doigt. C’est donc seul que j’attaque le col de la vache. Un col bien teigneux, grimpé plus ou moins à 4 pattes. Ce col fait mal mais ça ne dure pas trop longtemps. Avec le recul, il me semble que c’est le premier col dans lequel je lâche réellement une cartouche. Au sommet, un couple de randonneur peut d’ailleurs en témoigner. Je stop 3-4 minutes et finalement, c’est avec Kenichi que j’attaque la descente. Nous filons maintenant sur le Pleynet. Les 5-6 km qui vont suivre seront un pur moment d’extase. Nous courrons de concert tous les 2, à vive allure. Mon pote japonais pousse des hurlements de bonheur toutes les 30 secondes, le soleil brille, les lacs sont sublimes, j’ai l’impression d’avoir des jambes pour courir pour toujours. Un moment rare, sans aucun doute. Et comme ce genre de moment est assez furtif par essence, rapidement, la descente sur le pleynet devient quand même assez chiante !!! On voit assez rapidement le ravito mais le tracé est fourbe. Tel un rapace, il contourne sa proie pendants plusieurs kilomètres avant enfin de plonger dessus. A ce moment de la journée, ça cogne sévère et pour la première fois depuis 50 bornes, nous redescendons en vallée. Je me fais un petit débrief intérieur.
Le contrat est donc rempli, je suis relativement frais en arrivant au Pleynet.
Ce ravito est une base vie. On peut y manger un repas complet, se doucher et même dormir. Je n’ai envie de rien de tout ça. La particularité ici, c’est que lorsqu’on arrive, on a un peu l’impression de franchir la ligne d’arrivée. Il y a une arche, un speaker, et beaucoup de monde. Bref, grosse ambiance au Pleynet. Je prendrai 19 minutes de pause ici, le temps de bien manger, d’aérer un peu mes pieds, de re-noker et de changer de chaussettes. Le japonais que j’avais légèrement distancé dans la descente ne prendra que 4 minutes !!! Il repart donc quasiment ¼ d’heure devant moi. Je ne m’inquiète pas. La course commence maintenant. Je quitte le Pleynet quand Emilie Lecomte y fait son arrivée (elle stop 9 minutes). Au moins, elle, le speaker la connait. Et oui, le grand machin tout sec qu’y est arrivé second au Pleynet, il est inconnu au bataillon le mec ! En même temps, je ne peux pas leur en vouloir, a part mon timbré de coach, personne y compris moi ne pensait me voir au Pleynet en avance sur l’heure du goûter. Bref, je repars du Pleynet serein et bien conscient que le gros du chantier est devant nous. Mais dans un coin de ma tête, j’ai quand même bien hâte d’être à Gleysin pour attaquer la nuit et surtout le Moretan !
Au Pleynet je bichonne mes panarads
Au Pleynet
Anne s'occupe de re-remplir mon sac de gels et de remplir mes flasks
En quittant le Pleynet, on continue de descendre un petit moment. J’y vais tranquille, les descentes c’est vicieux, ça te fusille un quadri le temps de dire ouf. Il faut être relâché et ne pas s’enflammer. Enfin, on attaque la montée vers la grande puis la petite Valloire. Montée classique, sans difficulté, sur un bon sentier. Hormis la chaleur, rien à signaler. A l’approche du sommet de la grande Valloire, il me semble apercevoir le japonais une centaine de mètres devant et puis... Mais merde, il cause avec un type qui a un dossard. Je suis encore largement assez lucide pour vite percuter que le mec en question, c’est Lionel Bonnel, qu’il en train de descendre et donc, qu’il abandonne.
A ce moment précis, ça va très vite dans ma petite tête.
Il n’y a plus qu’un mec devant toi, il est là, à 100 mètres. Dans 5 minutes tu vas le reprendre et tu vas être en tête de l’échappée belle. Putain, déconne pas !
Je rattrape donc Kenichi et reste derrière lui un petit moment. Il semble être un peu dans le dur. Je temporise mais finis quand même par passer. Il me semble qu’il commence à chopper des crampes. Je refais le plein rapidement à la grande Valloire puis file vers la petite Valloire. Les bergers m’y réserve un accueil du tonnerre et m’annonce en tête de la course au Talkie-Walkie.
« Bravissimooooooooo !!!! Le dossard 111 vient de passer en tête à la petite Valloire. Même les moutons applaudissent ! »
Le japonais passe après 2’45 et Emilie, 13’47.
Allez, maintenant, bascule sur Gleysin. Je suis filmé et interviewé par un journaliste durant la descente… T’y crois à ça ?
Au Gleysin, Anne est bien évidemment là, mon père également mais ils ont été rejoints par mon frère Thomas et ma mère. Comme d’hab, vous l’aurez compris, je prends mon temps. D’autant que je sais ce qui nous attend. Je stoppe 15 petites minutes le temps de boire une soupe, me recharger en gel et en boisson, et grignoter 2-3 trucs. Le japonais, arrivé 5 minutes après mois repart 5 minutes avant moi. Je vous laisse calculer le temps de pause… Il n’a pas l’air au top.
Au Gleysin, la fin de journée arrive, synonyme de fraicheur. Fraicheur de l’air mais pas que. En repartant du ravito je constate instantanément que j’ai les jambes dans un état de fraicheur remarquable. Je crois bien que là, tout est en place pour que je commence enfin à m’enflammer ! 1400 m de dénivelé nous attendent pour rejoindre le col du Moretan ! De quoi tuer la course.
J'arrive au ravito de Gleyzin
Mon frère vient aux news. Ça roule ?
Ravito dans une bergerie à Gleysin
C'est parti pour bouffer du Moretan !
En l’espace d’une dizaine de minutes je rejoins Kenichi. Je lui lâche un petit :
« come on, be strong »
Et je file. Il est dans le mal et moi je suis en pleine euphorie, je le dépose littéralement. Le jour décline doucement et il fait quasi nuit lorsque j’arrive au refuge de l’Oule qui marque la moitié de l’ascension du col du Moretan. Ce col est de mon point de vue le plus mythique de la course. Sauvage, minéral, en plein cœur du massif. Et c’est ici et maintenant que je commence à jouer la gagne. Je retarde au maximum le moment d’allumer ma lampe mais peu après l’Oule, je dois me résoudre à éclairer devant moi. Ca y est, je suis dans l’immense champ de caillasse qui marque la dernière partie de l’ascension du col. Les bénévoles perchés là haut m’aperçoivent et allument donc leur lampe pour se signaler. Pas évident en pleine nuit de juger de la distance qui me sépare du col. Peu importe, j’avance le couteau entre les dents. Les fanions réfléchissants me montre la voie jusqu’au col. Je suis sur la piste de décollage. De temps en temps je me retourne rapidement pour essayer d’apercevoir une lampe. Je ne vois rien. Les Patous du refuge de l’Oule m’ont quand même indiqué que le Japonais était passé 15 minutes après moi, suivi de près par Emilie. Et oui, ça gueule fort ces bêtes-là ! La fin du col du Moretan est du même acabit que celui du col de la vache. On grimpe à 4 pattes. Au col, 4 ou 5 bénévoles sont là. Ça fait du bien de les voir. Je m’assois 2 minutes, bois un coup, regarde avec eux si on aperçoit des frontales et je bascule sur le vallon de Pèrioule.
L’heure qui va suivre sera sans doute la plus marquante de la course. La descente du Moretan envoie bien le steack. On commence par un bon raidard en mode tapis roulant puis un bout de névé et enfin une moraine bien bien raide. Je prends un peu de risque dans cette partie. On peut faire de gros écart sur une descente comme celle-ci. La descente de la moraine est avalée à vitesse grand V grâce à la corde fixe. Merci aux bénévoles, cette corde m’a bien servi ! Après la moraine, ça devient plus roulant et je cours, je cours en prenant un pied phénoménal. Imaginez : je suis seul dans ce vallon sauvage, la lune est maintenant levée et est on ne peut plus pleine. Elle se reflète dans les lacs du Moretan, il fait doux, et pour pimenter le tout, des canons envoient des détonations pour éloigner les loups ! Au bout d’un moment, je sens le sol marécageux sous mes pieds, je connais l’endroit et je sais donc que j’approche de Pèrioule. Ça ne manque pas. J’aperçois des lumières au loin et finalement la tente du ravito. Je recharge, et les bénévoles me prépare une soupe. Ils me suggèrent de m’assoir. Je m’exécute. Mais inconsciemment, je me relève au bout de quelques secondes… Sans doute l’adrénaline. Je leur demande quel est la suite du programme et je file. Quelques mètres après je suis accueilli au niveau de la bergerie de Pèrioule par toute une clique me chantant sur un air de guitare :
« Il descend du Moretan, en courant… »
Vraiment navré de ne pas m’être arrêté, j’étais dans ma course. Mais votre accueil ne m’a pas laissé insensible, c’est le moins qu’on puisse dire.
En arrivant au ravito de Pèrioule
C’est vraiment en attaquant la montée vers Super Collet que j’ai commencé à penser que la victoire était à ma portée. Je sais que là-bas, au prochain ravito, il y a mon frère qui va faire le pacer pour toute la fin de course, je ne serai plus seul. Il pourra me driver et me maintenir en prise. Au pied de la montée pour Super Collet, je débranche le cerveau et enclenche le pilotage automatique. Cette montée a peu d’intérêt. Une piste forestière, raide, droite, pleine de végétation. J’ai peu de souvenir de ce tronçon, je suis loin dans ma tête. Je reviens sur terre lorsque j’aperçois une bénévole au niveau du refuge de la pierre du carré. Elle me briefe sur la suite jusqu’à Super Collet. De nouveau, plus trop de souvenir… Jusqu’à apercevoir les lumières du ravito et entendre mon frère. En arrivant, une chose me préoccupe. De combien est l’écart avec le japonais. Je lui ai pris 30 minutes dans la montée au Moretan et encore 10 minutes jusqu’à Pèrioule. A posteriori, je lui ai encore repris 20 minutes jusqu’à super Collet. C’est donc avec 1h d’avance que je repars avec mon frère. Il reste 47 km.
En repartant de Super Collet, je suis quand même assez confiant. Dans ma tête, je ne me vois pas vraiment faiblir, et je n’imagine pas le japonais puisse me reprendre 1h. Gaffe donc à ne pas se vautrer, et à ne pas se relâcher. Avec mon frère, nous attaquons la route comme si nous partions en sortie longue, c’est cool.
« t’as vu, je me suis acheté un nouveau lecteur mp3 ? Un pur son ! »
« C’est quoi la marque ? »
« Ça donne quoi l’UTMB ? Chorier n’est pas dans le groupe de tête ? Ah merdre. Bah, Thevenard va gagner c’est sûr ! »
Soyons honnête, la montée au col d’Arpingon est quand même bien piquante ! Je finis en tirant sacrément la langue mais je maintiens l’allure. Je n’ai pas bien saisi où était les crêtes des Férices, dommage. Je commençais sans doute à être pas mal entamé. Je me rappelle essentiellement d’un sentier en traversée légèrement déversant et très étroit qui m’a pas mal fait pester. Un vrai tord cheville !!!
Nous arrivons sur Val Pelouse avec plus de 03h00 d’avance sur mon tableau de marche. Autant vous dire qu’Anne et mes parents n’ont pas trop dormis pour être à l’heure au rendez-vous. Nous pointons au ravito à 04h22. Kenichi arrivera 1h40 plus tard. Sauf bouleversement la course est jouée mais je n’arrive pas à ne pas envisager un retour alors je maintiens le cap. Nous repartons pour le dernier ravito.
A Val Pelouse, je regarde la suite du parcours
Assistance de choc !
Allez, feu !
Val Pelouse – Le Pontet : 130,7 km – 10433 m de D+ (1er – 25H39)
En quittant Val Pelouse, il me reste une trentaine de borne avant l’arrivée. C’est officiel ! Je suis éclaté. Nous franchissons 3 cols sur ce tronçon avant d’attaquer une longue descente. 1000 m de D- à ce stade de la course… C’est dur ! D’autant que la fin de cette descente…est plate. Une piste forestière longue comme un jour sans pain (et pour moi qui bouffe ½ kilo de pain par jour, ça veut dire quelque chose), finit quand même par nous déposer au ravito du pontet. Il fait jour et durant ce tronçon une idée m’a traversé l’esprit. Je ne me rappelle pas bien de combien est le record de l’épreuve mais je fais part à mon frère d’une possibilité non négligeable de tomber le chrono! On ne lâche rien donc. Allez, une soupe au ravito, on remplit les flasques, un gel et on repart… Putain, faudrait que ça se termine maintenant. Pour la première fois, je lis bien dans le regard de Anne :
« Putain, là, il a vraiment une sale gueule ! »
On arrive au Pontet
Une dernière soupe et on file !
Belledonne nous offre son dernier rempart avant Aiguebelle : une montée de 500 m jusqu’au fort de Montgilbert puis une interminable descente de 1000 m de D-. Arrivés proche du haut de la bosse, on se rend compte que le balisage a disparu. Bordel de merde, faut vraiment être con ! On appelle le PC course mais finalement un mec en 4x4 arrive et nous indique la route. 5 minutes de perdu. Dans ma tête, je veux maintenant faire un chrono et en tout cas, être sous les 28h00. Pas de temps à perdre donc. J’attaque la descente pleine balle mais rapidement la pente s’adoucit pour laisser place à une descente aussi longue que le jour sans pain cité précédemment… On finit par apercevoir Aiguebelle. Je suis rivé sur l’altitude qu’indique ma montre. Et puis à un moment, c’est fini, on est dans la vallée. Encore un gros Km de plat et l’arrivée est là. Au vu des cris quand même vachement animal que pousse mon frère, je pense qu’il est très content pour moi. Il s’éclipse pour me laisser passer la ligne et là, ben, c’est bien ! C’est même vachement bien !
Je les ai tous remercié de vive voix mais je souhaite le refaire ici.
Je remercie donc ma chérie Anne, qui ne m’engueule même pas quand je dois courir 4h30 le samedi et 4h30 le dimanche et que je ne bois pas une goutte d’alcool de tout le mois d’Août !
Je remercie bien évidemment mon maître Yoda à moi : Le coach Anarcho-Punk Gildas Penverne. Impossible de gagner la course sans lui. Je ne sais pas comment il fait sa tambouille dans la cabine de son camion mais en tout cas, ses plans d’entrainement me réussissent !
Merci aussi bien évidemment à mes parents qui étaient là pour me faire l’assistance et à mon frère venu faire le Pacer sur les 47 derniers Km (quasi tout de nuit…). Je n’aurais pas bouclé en moins de 28h sans lui !
Merci à Florent, le boss de l’échappée belle. Tu as le plus beau tracé de France et sans doute même plus. C’est une putain de King Line !!!
Et enfin, merci aux bénévoles, aux bergers, et à tous mes potes qui m’ont encouragé par texto ou autres.
C’était un chouette weekend !
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44 commentaires
Commentaire de Philippe8474 posté le 02-09-2015 à 08:49:25
Wahouu
Merci de nous faire partager ça!
Belles équipes pour une sacré perf! Chapeau!
Et encore merci pour ce récit!
Commentaire de jpoggio posté le 02-09-2015 à 09:01:08
Merci de ce point de vue unique sur un "autre monde"...:D
Commentaire de Trixou posté le 02-09-2015 à 09:15:32
Bravo et merci !
Commentaire de Trixou posté le 02-09-2015 à 09:59:48
Gestion
Gestion
Gestion
Ces 3 mots, je vais les avoir dans un coin de ma tête durant 25h.
06h00 ! Le départ est donné, et là, j’ai la sensation qu’un grand cri est poussé en cœur par nous autres les coureurs :
« Au chiotte la gestion !!! »
GRANDIOSE !!!
Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 02-09-2015 à 09:16:14
P
A
S
S
I
O
N
N
A
N
T
!!!
Et moi qui m'étais imaginé que tu préparais ton coup depuis 2 ans (bon, j'étais pas loin !), que tu avais repéré tout l'été le parcours, que tu savais le hold-up que tu allais faire mais non ce n'était pas un hold-up mais une magnifique course gagnée par un beau champion !
MERCI pour ce récit illustré tout du long, et qui vient contredire effectivement les retours négatifs de la première édition ! Encore bravo !!!
Commentaire de ch'ti Gone posté le 02-09-2015 à 09:17:01
Gestion, gestion, gestion qu'il disait au départ...
Toi tu as fait gestion puissance 10!
Ta course est énorme, ta lucidité impressionnante, et ta fraicheur à l'arrivée m'a bluffé (ben oui l'avantage de bâcher, c'est qu'on a le temps d'aller voir les avions de chasse!)
Si je retente l'aventure, ton récit me servira de livre de chevet.
Bravo à toi et à ton équipe.
Commentaire de nicou2000 posté le 02-09-2015 à 09:18:04
Bravo champion!! Très beau récit qui fait rêver !! Bonne recup !!
Commentaire de fred_1_1 posté le 02-09-2015 à 09:29:59
Juste en regardant ton rapport poids taille,ta Vma et ta fréquence cardiaque au repos sur ta fiche , on voit que tu as un potentiel énorme . Mais cette victoire t es aller la décrocher grace à ta super gestion , et à ta technique en haute montagne.
Bravo c est mérité !
Commentaire de Jean-Phi posté le 02-09-2015 à 09:36:04
Juste énorme ! Quelle course ! On a bien vu, et ton frère le pressentait, que tu allais faire un truc de ouf. Quelle progrssion fantastique. Une chose est certaine : Maintenant, tous les organisateurs sauront qui tu es désormais !
PS : Ca fait quoi d'être détenteur d'un record ?
Commentaire de stphane posté le 02-09-2015 à 09:49:29
wahou de chrono !!!! vraiment A D M I R A T I F d'une telle perf... on est dans le "ENORME" là. L'état de grâce du traileur ce cr.
Commentaire de Navier38 posté le 02-09-2015 à 09:52:52
Une belle gestion pour une belle victoire !
Commentaire de tikrimi posté le 02-09-2015 à 10:16:45
J'étais bénévole sur la Maxi-Race au ravito de Menthon-Saint-Bernard, et je confirme que tu n'étais pas au mieux à ce moment là!!!
Félicitations pour cette belle victoire.
Commentaire de nicou2000 posté le 02-09-2015 à 10:28:00
Bravo champion!! Très beau récit qui fait rêver !! Bonne recup !!
Commentaire de the dude posté le 02-09-2015 à 11:10:30
Ben à te lire ça a l'air plutôt facile, non? :o)
Enfin facile quand on est un immense champion.
Le coup de l'outsider que personne n'attend et qui non seulement gagne mais fume le record de l'épreuve c'est vraiment exceptionnel.
Un très grand bravo à toi pour cette énorme perf!
Et merci pour ton récit plein d'humour et d'humilité qui donne une autre vision de la course.
Commentaire de peky posté le 02-09-2015 à 11:15:35
Bravo pour le récit et ta course.
un bel ambassadeur pour cette course.
Commentaire de JuCB posté le 02-09-2015 à 11:29:04
oh le bazard !! Impressionant à tous points de vue sauf peut-être l'assistance, c'est le plus facile à répliquer mais alors le reste, c'est juste lunaire.
Très sympa de ta part de partager cette course avec nous.
C'est à la fois hyper-instructif et presque inutilisable, au sens où c'est juste pas le même sport... ;-) Un peu comme si Peter Gade m'avait raconté un match (On a chacun ses référentiels :-))
J'espère qu'Anne te laissera encore courir longtemps et que tu continueras à partager tes succès avec nous.
Commentaire de Arclusaz posté le 02-09-2015 à 11:32:07
Quand un champion rencontre une course faite pour lui. Quel état de grâce ! Le trail comme on le rêve...
et merci pour le CR vraiment bien.
Commentaire de thomas69 posté le 02-09-2015 à 11:43:12
Putain j'avais pas fais gaffe, mais t'as pris du cuissot!!! T'as presque le vaste interne de THEODORAKAKOS DIMITRIS. je pars faire des squatts et des fentes avant sautées
Superbe perf !!! Mais quoi courrir maintenant ?
Et j'ai oublié la marque de ton MP3, c'est quoi déjà ?
Commentaire de Dan38 posté le 02-09-2015 à 11:57:41
Bravo Bravo Bravo CHAMPION ;-)
Commentaire de Jack69 posté le 02-09-2015 à 11:57:57
Bravo pour la perf et merci de nous faire partager le point de vue de la tête de course ! Je t'ai vu passer au Pleynet avant de prendre le départ du 85km le lendemain, quelle sérénité !
Commentaire de cyss posté le 02-09-2015 à 12:08:55
Bravo pour la superbe perf! Un avion de chasse! :-)
Commentaire de Leseb posté le 02-09-2015 à 13:16:57
Un bravo supplémentaire pour la perf et un grand merci pour ce CR. Impressionnant de "vivre" cela de l'intérieur et quelle détermination! Ça parait presque humain de lire ça assis sur sa chaise...
Commentaire de le_kéké posté le 02-09-2015 à 13:24:19
Superbe, maintenant fini l'anonymat, braquage de l'échappée belle, check.
Merci pour ce compte rendu très intéressant.
Commentaire de Morganfreem posté le 02-09-2015 à 14:14:50
Juste un mot magique.
Bravo
Commentaire de OderF_06 posté le 02-09-2015 à 15:27:24
Alors champion!! Ca fait bizard hein 😁
Commentaire de rico69 posté le 02-09-2015 à 15:35:07
sensationnel! Et tu as pris ton pied en plus ;-) bravo mille fois bravo
Commentaire de Namtar posté le 02-09-2015 à 15:38:25
Félicitaztions et merci pour ce récit d'un autre monde ;)
Commentaire de akunamatata posté le 02-09-2015 à 17:07:54
Félicitations !
C'est vraiment cool de pouvoir vivre (dans) la tête de course, merci du partage Benjamin et passe le bonjour à Gildas de la part d'Ultramag ;)
Commentaire de Françoise 84 posté le 02-09-2015 à 17:40:38
Magnifique!!! Et merci pour ce beau récit qui nous transporte dans un autre monde...! Bonne récup maintenant, champion!
Commentaire de ptijean posté le 02-09-2015 à 18:21:54
Bravo et merci pour ton cr plein de vie. Un rescapé de l'édition 2013 mais en 48 heures
Commentaire de millénium posté le 02-09-2015 à 19:46:46
vraiment chouette..ta course et ton récit. Bravo
Commentaire de oc12 posté le 02-09-2015 à 20:57:58
Bravo, et réflexion inutile mais je peux pas m'empêcher: on dirait qu'il y a personne ou presque à l'arrivée sur les photos... Mais ton succès fait plaisir à voir, et ça motive pour nos courses, quelles que soient les distances et les niveaux (pour moi les 75 km des Hospitaliers à Nant en Aveyron). je trouve sympa qu'il y ait des cr de champions sur Kikourou!!!
Commentaire de Spir posté le 02-09-2015 à 21:10:48
Merci pour ce récit, toujours intéressant de voir comment ça se passe "dans l'autre monde" ;-) Je te souhaite plein de belles aventures comme ça !
Commentaire de Japhy posté le 02-09-2015 à 21:43:43
Magnifique CR, de l'humour, du suspense ! Comme quoi ça grimpe bien les grands machins tout secs !
Commentaire de franck de Brignais posté le 02-09-2015 à 22:03:04
J'ai adoré ton récit ! Simplicité, franchise et tu fais tellement bien passer les sentiments qui t'ont porté tout au long de ce voyage.
J'ai aussi vibré avec toi le vendredi avant le départ de ma course en espérant de tout coeur que tu restes en tête !!
Bravo champion !!
Commentaire de Benjamin73 posté le 02-09-2015 à 22:29:30
Vraiment, un très très grand merci à vous tous ! Ça fait chaud à mon ptit cœur !
Commentaire de JCDUSS posté le 02-09-2015 à 23:07:10
Merci pour ton récit, c'est instructif de savoir ce qu'il ce passe en tête de course.
Bravo pour ta perf en toute simplicité !
Commentaire de randoaski posté le 03-09-2015 à 15:48:41
Une super course et un magnifique récit: que dire d'autre qu'un grand bravo!!!
Ah si une chose: quand tu parles de "perdreaux" en début de récit, Adrian Brenwald en est un en devenir sur Trail: il est "juste" recordman du monde de double Ironman et plusieurs fois champion du monde de double et triple Ironman...
Commentaire de Vik posté le 05-09-2015 à 11:16:15
Passionant ce récit ! Super gestion gestion gestion :-)
bravo grand tout sec !
Commentaire de Trimoreo posté le 07-09-2015 à 21:51:01
Je porte un immense respect à tous les finishers, et toi le premier. Sympas de partager ta course. Je ne manquerai pas de te suivre sur tes prochaines courses.
Commentaire de bubulle posté le 19-09-2015 à 20:08:59
Mais quel buse, je ne l'avais pas lu, encore, ton récit. Bon, évidemment, quand on connaît la fin, y'a pas le suspense, mais quand même.
Un magnifique vainqueur pour une course au delà du magnifique. Je crois que je garderai longtemps l'image du moment où vous êtes allés chercher les deux derniers sur le dernier kilomètre. C'est tout l'esprit de cette course et c'est tout l'esprit des trois que vous êtes sur le podium.
Et ton récit est à l'image de tout cela : ça paraît simple, finalement. IL faudra quand même que je me rappelle que, moi, j'ai mis 7 heures pour aller de Super Collet à Val Pelouse...:-)
Ce serait un plaisir de te croiser pour de vrai....enfin, au départ d'une course, quoi...;-)
Commentaire de Albacor38 posté le 03-10-2015 à 21:36:09
Ton récit c'est un monument,
Ta perf c'est un monument,
Et ton trophée c'est ... euh ... un monument :)
Cette course est fascinante. Je suis heureux qu'elle te revienne. Toi le gars du pays dont le récit transpire l'humilité !
Commentaire de samontetro posté le 11-06-2016 à 16:31:35
Presqu'un an après, je dévore ce récit. Quelle course! Et même pas un coup de "moins bien" sur 28h ça fait rêver tous les ultra-traileurs du monde ça!
Un grand champion!
Commentaire de Benjamin73 posté le 13-06-2016 à 14:15:09
Merci ;-)
Comme tu dis, ça fait rêver ! J’espère refaire une course équivalente cet été sur l'UTMB...
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