L'auteur : ilgigrad
La course : Eco-Trail de Paris® Ile de France - 50 km
Date : 26/3/2011
Lieu : Versailles (Yvelines)
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Distance : 50km
Objectif : Pas d'objectif
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récit de l’Eco-Trail de Paris 2011 50km
la version originale de ce récit, sur mon blog : http://www.ladrauniere.fr/2011/03/eco-trail-paris-50km/
Je me suis inscrit à l’Eco-Trail de Paris au tout début de l’automne 2010. J’ai pensé que cette course pourrait constituer une première étape dans ma progression vers une participation à l’UTMB en 2013 ou en 2014. Après quoi, et à moins que je ne sois en réanimation cardiaque au CHU de Sallanches, je pourrai toujours me lancer dans le tour de Mars sans scaphandre.
Ce devait aussi être mon premier gros trail de la saison 2011 avant le Marathon du Mont-Blanc, en juin et surtout la grande course des Templiers en octobre.
Même si certains orthodoxes de l’ultra considèrent un parcours de cinquante kilomètres comme une promenade de santé, une telle épreuve se prépare.
La course avait été programmée quelques jours après l’arrivée du Printemps, mais c’est quand même en hiver qu’il a fallu s’entraîner. Et sortir en décembre ou en janvier quand il pleut, qu’il neige et surtout qu’il fait froid, ce n’est pas toujours un plaisir.
On me reproche parfois d’avoir une relation addictive à la course à pied, mais la perspective de courir en été a davantage motivé mes sorties plutôt que le besoin ou l’envie de sortir de nuit, attraper la crève.
Le bilan de mes entrainements hivernal n’était pas particulièrement brillant. A l’exception d’une ballade à Crécy la Chapelle et d’une autre sur les bords de Marne de 25 km chacune, je n’ai pas fait véritablement de sortie longue. Je me suis contenté de courir au bois de Vincennes avec Fred. Comme Laurent s’était inscrit lui aussi sur cette course, nous avons régulièrement traversé ensemble le parc des Buttes Chaumont. J’ai aussi effectué quelques sorties avec Thibaut, mais lui avait un engagement beaucoup plus sérieux que le notre : les 80km.
Vendredi, veille de la course, Laurent me rejoint devant la sortie du Métro Père Lachaise. Nous traversons Paris en voiture pour rejoindre la tour Eiffel où nous devons récupérer nos dossards. Je me gare sous le Musée du quai Branly en face duquel est installé le village quelque peu anémique de l’Ecotrail. Pour le shopping c’est raté, on se croirait dans un supermarché de l’ère soviétique. J’ai de toute façon opéré suffisamment de descentes chez Team Outdoor, lorsque je manquais de motivation et que je compensais avec ma carte bleue les kilomètres qui manquaient à ma semaine, pour ne pas avoir besoin de m’acheter quoi que ce soit.
La remise du dossard est un grand moment d’émotion qui mériterait d’être mieux mis en scène. Je porterai le numéro 6341 pendant plus de 50km. Il faudra que je m’habitue à lui et que lui aussi accepte le coureur médiocre que je suis. Mais comme, 6341 ça reste quand même très éloigné des prestigieux numéros à un seul chiffre, nos médiocrités réciproques devraient s’ajuster. En revenant vers le parking, j’aperçois la terrasse des Ombres, le sublime restaurant qui surplombe le musée. L’idée d’y passer la soirée, demain, après notre arrivée, commence à me hanter. Nous pourrons y attendre paisiblement l’arrivée de Thibaut qui ne devrait pas atteindre la tour Eiffel avant minuit.
Nous prenons ensuite la direction de Versailles. Julien nous a aimablement proposé d’occuper l’appartement de ses parents, situé à moins de deux kilomètres de la ligne de départ. Nous avons rendez-vous dans un restaurant chinois du centre commercial Parly 2 pour y consommer notre dernier repas. A défaut de pâtes, je mange du riz. De toute façon, demain soir, je dînerai aux Ombres.
Nous ne nous éternisons pas sur notre frugal repas et allons rapidement nous préparer pour la nuit.
Laurent, bon prince, m’accorde la jouissance du grand lit ; il restera dans le salon, sur les coussins du canapé. Après une longue douche et avoir soigneusement préparé mon vestiaire pour le lendemain, je m’endors rapidement.
Je ne suis pas certain d’avoir passé une excellente nuit. J’étais anxieux et cela a quelque peu perturbé mon sommeil. Je dormirai bien mieux ce soir, c’est certain. Laurent, lui a passé sa nuit à tourner sur ses coussins sans trouver la position qui lui convienne. Il se réveille avec une douleur dans le dos; ça commence mal. Nous partageons le Gâteau Energie que j’avais préparé la veille et l’accompagnons d’un verre de concentré d’orange. Je me passe difficilement de mon bol de Muesli noyé dans du Fjord mais j’espère bien me rattraper avec la livre de bananes et de figues séchées que j’emporterai dans mon sac. J’ajoute quelques barres de céréales, deux ou trois gels et je prépare consciencieusement mes bidons en ajoutant à l’eau, une poudre sucrée Isostar.
Catherine et Julien passent nous prendre un peu avant 9h00 et nous déposent au bout d’une allée du parc qui entoure le Château de Versailles. Catherine repart rapidement, nous laissant tous les trois rejoindre, avec nos tenues de mercenaires, la Porte des Matelots.
Des bénévoles récupèrent nos jolis sacs verts et les déposent à l’arrière d’une camionnette. Nous récupèrerons nos affaires après l’arrivée dans quelques heures. Nous procédons aux derniers ajustement sur le bord du plan d’eau. la pression monte.
Le départ du 50km est donné au milieu du parc du Château de Versailles, le samedi matin vers 10h30, sous un très beau ciel bleu. Je suis entouré de Laurent, avec qui j’avais couru à Millau en octobre, et de Julien qui enchaine habituellement les Ironmen. Il est lui même accompagné de quelques potes tri athlètes dont l’un d’eux terminera quatrième.
Nous faisons, sur les six ou sept premiers kilomètres, notre chemin de croix autour du grand canal, au pied du château, sur de larges allées bien plates.
C’est magique, notre enthousiasme est intact, on se laisse entrainer à courir bien au dessus du rythme prévu mais ce n’est pas grave on sait que cela ne va pas durer.
On sort du Parc et on continue le long du camp des Matelots, puis derrière la pièce d’eau des Suisses. Le peloton est animé, il y règne une bonne ambiance, et, avec le soleil, c’est le printemps.
Attaque de la première véritable côte au bas du camp militaire de Satory. Les coureurs ralentissent et se mettent sagement à la marche. On entre ensuite dans la forêt de Buc. Julien décide de nous abandonner et de courir dans les côtes. Nous ne le reverrons plus. Laurent et moi préférons rester sur notre plan: marcher sur les pentes raides puis relancer notre course aussitôt le sommet franchi. Nous en sommes à 13km, la moitié du chemin qui doit nous conduire jusqu’au premier ravitaillement
Nous traversons une autoroute vers le quinzième kilomètre. Je commence là à moins apprécier le parcours. Cela n’a finalement rien d’une course en nature; on traverse des bois péri-urbains et des zones résidentielles, on est loin des Causses. Vers Vélizy, un type compte les filles sur le bord du chemin : La 104ème est juste derrière moi. Il y a huit garçons qui courent autour de mois pour une seule fille; un dixième. Nous en déduisons avec Laurent que nous devons nous situer à la millième place. C’est une erreur, les filles courent plus vite que ça.
Les fruits séchés que j’avais placés dans le petit pochon à déchet remis par les organisateurs laissent dégouliner un liquide visqueux et sucré. J’en ai plein les mains et ça colle. Mon t-shirt et mon short sont eux aussi maculés de ce sirop. J’avale ce qui reste de fruits pour éviter que tout cela ne me salisse davantage et je passe au moins deux kilomètres à lécher mes doigts pour tenter de faire disparaitre cette sensation très désagréable sur mes mains. Je pense pendant quelques instants à utiliser l’eau contenues dans mes bidons mais je réalise rapidement que la boisson à qu’ils contiennent est elle aussi sucrée…
Forêt de Meudon puis Chaville.
Ca commence à tirer, le ravitaillement se fait attendre, mes gourdes sont presque vides. Nous n’en sommes pourtant qu’au 22ème kilomètre et la pause est théoriquement prévue cinq kilomètres plus loin. Il faudra attendre un kilomètre de plus. Nous atteignons le ravitaillement en plus de trois heures. Une demi-heure de plus que dans le planning que je m’étais fixé.
Laurent change de semelles, il souffre des talons. Je remplis les bidons avec de l’eau pétillante (grosse erreur) et j’avale goulument quelques rondelles de saucisson et des Tucs . Depuis quelques kilomètres, je n’ai plus le goût du sucre. La boisson au gout d’Orange que j’avais dans mes bidons m’était devenue insupportable.
On continue d’enchaîner des raidillons tous les cinq cents mètres. C’est très pénible car on ne peut pas s’installer dans un rythme. Il me faut bien un kilomètre pour me sentir à l’aise et dérouler, mais là je n’y parviens jamais; dès que ça commence à aller et que je sens que je vais avancer. Paf, une côte! En fait, c’est simple, le parcours est une sinusoïde : ça ne fait que monter et descendre!
Ville d’Avray et un petit tour dans la bourgeoise Marne la Coquette. Ca fait longtemps que la bonne ambiance a disparu. Plus personne ne parle. C’est lugubre. Laurent râle, il n’apprécie pas le parcours et il tarde de plus en plus à se relancer lorsqu’il parvient au sommet d’une côte. Je le laisse derrière moi en promettant de l’attendre au prochain ravitaillement. Mes jambes commencent à devenir lourdes mais comme on approche de la distance du Marathon je reprends un peu de courage. Depuis la sortie du premier ravitaillement je double des coureurs sans jamais me faire doubler et, malgré la fatigue, je poursuis sur ce rythme à 7 ou 8km/h environ.
L’eau pétillante avec laquelle j’ai rempli mes bidons, sous l’effet des secousses, a fait exploser les bidons. Je suis trempé et je n’ai plus grand chose à boire. Entre le trente cinquième et le quarante-quatrième kilomètre je dois économiser mon eau, ce n’est pas agréable.
J’ai des jambes en bois je suis au bord des crampes quand j’atteins le second ravitaillement au sommet du Parc de Saint-Cloud après plus de quarante-quatre kilomètres et cinq heures trente de course.
Je prends un thé, je remplis mes bidons avec une boisson isotonique à la menthe et je m’assieds sur un banc pour attendre Laurent.
Il arrive au bout d’un quart d’heure. Il est énervé, ne supporte plus ce parcours en Ile de France, souffre de ses talons, de son genou et ne parvient pas à digérer tout ce qu’il a mangé sur le premier ravitaillement. Il annonce qu’il a décidé de s’arrêter là. J’essaie de le persuader de reprendre la course, en vain.
Je repars seul et, alors que j’ai déjà perdu un quart d’heure et cent-cinquante places je m’arrête au bout de cent mètres pour faire une chose stupide: j’attrape l’Iphone que j’avais enfoui au fond de mon sac et je passe cinq bonnes minutes à tenter de démêler l’écheveau de fils de mon casque. Je ne cours habituellement jamais en musique et là je perds un temps fou à me brancher. Des dizaines coureurs me dépassent et je continue à ajuster mes écouteurs. Je crois que la fatigue m’a fait perdre la raison.
Je descends la longue pente du Parc de Saint-Cloud en écoutant The Verve et puis je croise Papa qui m’attend à la sortie du Parc, juste avant la Seine. Je discute 5mn avec lui et le remercie pour sa patience. Il a vu passer Julien environ 45mn avant moi. J’arrache mon casque et je continue le long des quais.
C’est à partir de là que ma course se transforme en calvaire. Les excursions sur les différentes iles qui se succèdent entre Saint-Cloud et la porte d’Issy ne rajoutent pas grand chose au trail. On se retrouve au milieu des promeneurs du dimanche avec leurs poussettes qui se demandent ce qu’on fait là avec nos têtes de zombies et nos sacs à dos ; et nous aussi on se demande ce qu’on est venu faire dans cette galère au milieu des gamins qui jouent au ballon.
Je mobilise mes dernières forces pour ne pas me mettre à marcher sur ce tronçon interminable qui longe les entrepôts d’entreprises de BTP (désolé Thibaut); c’est franchement glauque. C’est peut-être plus supportable de nuit mais là il fait encore jour. Je réussis à doubler une quinzaine de coureurs qui n’en peuvent plus.
Plus les kilomètres passent, plus il en reste. J’ai envie de trucider un des bénévoles qui tous les kilomètres annoncent «allez, encore un petit kilomètre». Au final ce trail mesure 55km.
Je me traine jusqu’au pont de Suffren alors que la pluie commence à tomber. Anne, val et Fred m’attendent en haut des marches. C’est une super surprise. J’ai beaucoup de mal à afficher ma joie tellement je redoute qu’il me faille encore faire le tour du champ de Mars avant d’arriver. Mais je suis vraiment très content qu’ils m’accompagnent en courant jusqu’à la ligne d’arrivée.
Autre bonne surprise, la ligne est placée un peu avant le pont d’Iéna et non pas à l’autre bout du Champ de Mars comme je le craignais. Elle est un peu misérable cette ligne, dans l’indifférence et sous la pluie. Mais elle est là, et ça me va bien.
Sur une idée de Fred, je termine par un sprint pour doubler, au finish, un couple qui se traine 200m devant moi.
Grosse déception, le t-shirt Mizuno finisher est vraiment très moche. Les organisateurs avaient été mieux inspirés l’an dernier; cet imprimé vert sur fond blanc est assez bas de gamme. Il faudra vraiment que je n’ai rien à me mettre pour le porter.
Voilà! la douche était encore chaude même s’il fallait s’entasser à vingt-cinq vieux poilus dans des vestiaires prévus pour accueillir une équipe de foot de benjamins. Pendant que je me rhabille, Laurent apparait dans l’embrasure de la porte en affichant un large sourire.
Il a finalement repris la course après qu’il se soit rendu compte qu’il devrait attendre près de deux heures dans le parc de Saint-Cloud avant qu’une navette ne le ramène vers la ligne d’arrivée. Les organisateurs n’ont pas voulu lui rendre son dossard et il terminera sa course en homme libre. Il est lui aussi un véritable finisher mais nous serons les seuls à le savoir.
Après avoir passé quelques longues minutes étendus dans un coin du gymnase, nous nous précipitons dans le bistrot le plus proche pour boire les bières dont nous avons tant rêvé. J’apprends qu’ Agnès Hervé, la gentille gérante de Team Outdoor, a remporté la course chez les femmes malgré un gros problème de balisage qui lui a fait perdre de précieuses minutes.
Nous laissons tomber les Ombres et rentrons finalement Anne, Val, Laurent et moi à la maison en taxi. Nous savourons les plats délicieux d’un traiteur thaï secret du douzième arrondissement.
Je vais ranger mes chaussures pour quatre jours au moins. Je pars pour Lisbonne Mercredi et ne désespère pas de faire quelques pas dans le parc Monsanto
temps officiel : 07:02:22 – classement général : 678 sur 1299 – classement catégorie V1H : 226 sur 394
la trace du parcours de l’Eco-Trail de Paris 50km
la version originale de ce récit, sur mon blog : http://www.ladrauniere.fr/2011/03/eco-trail-paris-50km/
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