Récit de la course : L'O'Rigole - 82 km 2014, par bubulle

L'auteur : bubulle

La course : L'O'Rigole - 82 km

Date : 6/12/2014

Lieu : Le Perray En Yvelines (Yvelines)

Affichage : 4562 vues

Distance : 82km

Objectif : Pas d'objectif

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Il faut toujours une première fois...

Il faut toujours une première fois...  

Pour tout vous dire, je viens de démarrer ce compte-rendu avec la commande "emacs ~/owncloud/courir/compte-rendus/origole-2014.txt".

Pour les rares d'entre vous qui ne comprennent pas le geek dans le texte, cela veut dire qu'au delà d'un penchant irrépressible pour l'oeuvre de programmation de Richard Stallman, j'ai une intention loin d'être nulle de revenir sur cette course un jour. Sinon, le compte-rendu s'appelerait "origole.txt" épissétou.

Le but du compte-rendu est donc d'expliquer pourquoi je compte revenir. Vous voilà bien avancés, tiens.

Le lointain avant-course

Cette Origole, déjà, c'était pour moi, jusqu'à il y a 2 ans, et notamment à mes débuts en course à pied et sur les forums, avant que je ne tourne mal à y écrire n'importe quoi, une espèce de truc mythique. Un challenge de frappé intégral que seuls des mutants survitaminés pouvaient terminer. Je revois encore ces compte-rendus de 2010, moi qui à l'époque étais fier de mon unique trail de l'année, ces glorieux 33 km de la Trace du Loup....et qui lisais les exploits de ces mythiques trailers et traileuses bioniques qui passaient la nuit dans le froid à 10km de la maison (la mienne, pas toujours la leur).

Et puis, il y a 3 ans, j'ai commencé à faire le con. À me dire que les trucs de supermen bioniques, fallait que j'essaie, à allonger les distances, à me rendre compte qu'en prenant son temps, en restant un peu humble devant la difficulté, on pouvait aussi faire des trucs de oufs que, à la machine à café, on te regarde en imaginant le petit entonnoir sur ta tête.

Et puis il y a deux ans, j'étais parti un petit matin sur les sentiers des Vindrins, avec mon petit appareil photo, et je les avais rencontrés, les supermen bioniques, en remontant le peloton des survivants de l'Origole depuis le (quasiment) premier jusqu'au dernier. Je me rappelle m'être dit qu'ils étaient finalement assez normaux, que leurs bras et jambes semblaient faits de chair et d'os. Et donc que moi aussi, quand je serai grand, je serai bionique.

Trailers bioniques en 2012

Donc, évidemment, à l'ouverture des inscriptions, je me suis précipité. Bon, il y avait un petit détail sur lequel je suis rapidement passé : le calendrier qui s'obstine à mettre l'Origole quelques semaines après mon incontournable virée en Haute-Loire. Donc, un an après avoir juré à tout le monde que les enchaînements de psychopathe, j'éviterais désormais (Le Puy-Firminy suivi de Saintélyon à 3 semaines d'écart l'an dernier), je planifie d'enchaîner l'Origole....à Le Puy-Firminy à trois semaines d'écart. Incorrigible.

Sauf que non, bug.

Y'a que deux semaines. J'ai lu le calendrier comme une patate. Me voici donc, face à un 75km nocturne annoncé comme une boucherie, à dérouler 14 jours après avoir cavalé comme un lapin sur le bitume altiligérien sur 68 autres kilomètres. Le seul truc presque rassurant dans l'affaire, c'est que je ne suis pas le seul à faire ça, il y en a un autre qui essaie.

Ah oui, mais non, en fait, l'autre c'est Étienne. Donc, on est juste deux fêlés, je ne suis pas tout seul, qu'est-ce que c'est rassurant.

Pour préparer tout cela, bien entendu, je me suis astreint à un entraînement quasi-militaire, fait  de fractionnés, de séances seuil, de sorties longues, de phases de récupération, de séances de gainage chronométrées, de travail forcené sur tapis en salle. Le tout orchestré par mon coach individuel.

Abanon. Je vais bosser en courant. Je bosse. Je reviens de bosser en courant. Le week-end, je cours quand y'a pas des océans de feuilles mortes à ramasser en Normandie, mais jamais plus de 2 heures. Par tous les temps, par contre. Le matin, à 6h20 pétantes, y'a pas le choix, le train de 6h51 à Coignières, il n'attendra pas, donc on met la frontale, la Goretex s'il pleut, on ouvre la porte, on se caille, mais on se jette dehors sans réfléchir. Et, justement...eh bien on en reparlera...:-)

L'avant-course

L'un dans l'autre me voilà rendu dans la semaine précédant l'Origole. Cette course précédée de sa réputation d'océan boueux, de cimetière à trailers, une quasi Barkley des Yvelines. Pourtant ce n'est jamais que tournicoter dans ces forêts que je connais quasiment par coeur, que je me dis. Donc je me trouve totalement zen : un Le Puy-Firminy assez réussi m'a rassuré sur les incertitudes post-TDS, j'ai récupéré très vite, je me vois quasiment arriver en touriste sifflotant au Perray.

Aha, que nenni.

L'ambiance change brusquement 3-4 jours avant la course. Me voilà parti à échafauder des plans minutieux d'organisation. Oh, pour une fois sans établir de roadbook minuté (ce sera une première) mais, par contre, en élaborant soigneusement l'organisation logistique. Les compte-rendus (merci Kikourou !) m'ont convaincu que ce format particulier de course, avec une base-vie statique, permet d'être méticuleux et soigneux sur l'organisation. Ils m'ont aussi convaincu que c'est la clé, que tant qu'on ne l'a pas faite, on peut difficilement appréhender pourquoi cette espèce de course par étapes qu'est l'Origole est si différente et qu'il faut l'aborder différemment.

Donc, sac militaire. Tout en 3 exemplaires. Rangé dans 3 sacs différents. Trois sacs à dos. Le tout dans un gigantesque sac qui pèse au final plus de 25kg..:-). Et je ne vous dis pas les discussions sans fin avec mes complices habituels à propos de l'épaisseur de chaque couche, de la longueur du bas, de la quantité d'eau et de barres céréales. Je m'arrêterai juste avant d'imprimer une check-list des gestes à faire à chaque étape, personne n'est quand même dérangé à ce point, heureusement....

Les 3 incarnations bubulliennes prévues



Et me voilà débarqué avec tout ce fourbi dans ce gigantesque bazar qu'est le gymnase du Perray. Gigantesque..et organisé. L'instinct grégaire aidant, la communauté kikoutière s'est rassemblée autour de la bannière apportée par notre vénérée présidente (qui faisait, à mes débuts, partie de cet aréopage de dieux et déesses bioniques dont je parle 3492 lignes plus haut, avant que je ne découvre qu'elle est en réalité presque normale). Sur environ 300 inscrits à la plus longue distance, 46 sont membres inscrits de ladite communauté, c'est la Kikorigole, quoi. Si on ajoute à cela les coureurs des autres distances, environ 10% de la course a "kivaouté", comme on dit. Du coup, l'avant-course est un joyeux bazar hallucinant où il faut s'habiller au milieu des fous-rires, des retrouvailles, des délires.

Quelques images en vrac qui me restent et qui reviennent de cette avant-course, je les cite avant de les oublier :

  • Patrick et sa frontale de mineur de fond
  • Jack enfilant soigneusement son buff basque
  • Raya et sa revanche à prendre
  • TontonTrailer tout désolé de m'apprendre que je ne pourrai pas le poutrer cette fois-ci car il court le 52km
  • Bikoon tout sage dans son coin. Le volcan se réveillera un peu plus tard.
  • Caro qui connaît les 3/4 de la salle.
  • Sab et Patricia qui nous font une photo mémorable du "7-8 en force"
  • Arcelle si pressée d'en découdre avec la boue mythique de l'Origole
  • Étienne.....bon, bin Étienne, quoi. Un jour faudra juste que je comprenne le sparadrap collé au centre de la poitrine, ça doit être un signe vaudou.
  • Les hurlements destinés à rassembler un maximum de ces fous sur une photo destinée à sceller définitivement la défaite des kikous rhônalpins dans le concours de celui qui a la course la plus pourrie.

(photos Origole)

Bref, ça donne un truc genre ça:

(photo...de moi...enfin de mon téléphone)


Et puis faut y aller.

Et là, on fait moins les malins, il y a de petits regards qui ne trompent pas ça et là. Oh, pour amuser la galerie, il y a encore des vannes, des rodomontades, des billevesées. On irait même jusqu'à la galéjade.

Mais que nenni. Tout le monde a en fait les foies, la pétoche, les boules, les glandes, la petite boule au ventre qui fait comme quand on a envie de faire caca, bref une petite légère appréhension avant d'aller affronter 85 kilomètres de nuit (ah oui, parce que depuis 2 ans, l'air de rien, "ils" en ont rajouté 10 comme ça, l'air de rien, ça devait être trop facile, sinon...la preuve y'a même des belges à poil qui arrivent à gagner).

(photo Origole)



Heureusement qu'on fini par partir, à force, quoi (oui, enfin, se dit le lecteur qui commence à être saoulé par les délires pré-course de l'auteur de la présente littérature de fond de rayon de hall de gare).

Il est 22h06 (retard car ça a bouchonné pour biper les dossards).

Boucle 1 : Nouille

La boucle 1, je l'ai connue et reconnue. C'est mon jardin à moi, mon bout de forêt presque derrière la maison (4 kilomètres, c'est presque). J'en ai étudié chaque centimètre carré, on l'a reconnue en groupe il Y a 4 semaines. Sauf que, bon, ils ont tout changé. Enfin, pas tout, mais quand même.

Un bon gros peloton (750 coureurs, ce n'est pas rien, toutes les distances partent ensemble) s'ébroue sur les routes peu poétiques de la zone industrielle. Nous (Raya, Sab, Bart, Patricia et quelques autres) sommes quasiment à l'arrière. De toute façon, "la course commence à Soucieu"....euh, non, "la boucle 1, elle compte pas".

Donc, bouchon en traversant le bois de Pourras, on s'en fiche. Quelques bousculades de pressés qui dépassent, on s'en fiche. Ça  déroule tranquillement.

Photo Merou Photographie


Bouchon à un franchissement de rigole après être entrés dans le bois des Plainvaux : on s'en fiche un poil moins car, comme toujours, y'a des impatients qui font plus ou moins n'importe quoi sur les côtés et ne font qu'aggraver la situation. Et ça râle un peu, comme sur l'autoroute, parce que c'est bien connu, les bouchons c'est toujours la faute des autres (là, c'est pas "les cons qui ralentissent en passant les accidents", c'est "les cons incapables de sauter sans s'arrêter un fossé de 2m de large".....je vous ferai un jour un cours de mécanique des fluides, bandes de nouilles, c'est juste mathématique, les bouchons, ralala).

Nouilles, justement. Un groupe qui s'illusionne sur le fait qu'il est possible de faire une course en restant groupés à plus de deux, a trouvé cela comme cri de ralliement. Bref, toutes les 30 secondes, y'en a un qui braille "Nouille" et il y en a 4 ou 5 qui répondent "Nouille". C'est sûrement un peu l'esprit trail, fait de déconne et de franche et gaie convivialité, mais c'est saoûlant à mort, quand même, ce plat de nouilles. On va se les ruminer pendant une bonne moitié de la boucle, les nouilles. Un peu comme le malheureux bottle, en fait (oui, bon, désolé, Christian, elle était facile, celle-là). Pas cool, les nouilles, si vous voulez mon avis qui n'engage que moi.

Dans l'affaire bouchonnesque, notre petit groupe a éclaté, il me reste Raya qui découvre avec moi les premières côtes des Plainvaux. Les habituels spaghettis sont malheureusement réduits à la portie congrue. Je pense aux pauvres malheureux qui ont fait la reco avec moi et à qui j'en ai infligé trois fois plus. En passant, ça m'amuse beaucoup de revoir, en pleine nuit, "mon" petit parking de La Grande Brèche à Saint-Rémy l'Honoré où, à la prochaine édition, je devrais convaincre Elisabeth de monter un ravito sauvage de binouzes pour les kikous.

Le parking de la Grande Brèche...de jour. Nous arrivions d'en face et partions vers la droite en suivant....la conduite de gaz souterraine


Il reste quand même bien peu à se mettre sous la dent dans ce secteur. Bien sûr, la descente "de la conduite de gaz" est toujours là, bien acrobatique surtout avec un peloton encore compact, mais les passages dans les fougères sont un peu occultés.

La descente de la conduite de gaz, pendant une reco (faite à l'envers)

Et même, un peu plus loin, l'amusant marécage de la trouée des Ganches : zap. C'est Arcelle qui va être contente.

Pourtant, il était beau, ce petit marécage ?


Raya m'indique en passant que j'ai mis le turbo : en fait, j'en avais un peu assez de la queue leu-leu et j'ai trouvé à passer un grupetto. Ce n'est jamais facile sur ce type de terrain de se suivre à 1 mètre et je suis trop sujet aux chutes stupides en butant sur cailloux et replis de terrain que je préfère courir devant, quitte à tirer un groupe entier.

Turbo ou pas turbo, Raya me dépasse malgré tout fort gentiment au dessus des Mesnuls et j'ai un mal fou à recoller. Je le laisse même partir devant : je pressens que, de toute façon, avec les uns et les autres, on va se croiser et se recroiser ça et là, sur cette course, au gré des coups de mieux et de moins bien. Donc, autant aller à sa vitesse à chaque instant plutôt que trop se calquer sur quelqu'un d'autre.

Descente vers le chateau des Mesnuls (photo Merou Photographie)

Après le chateau des Mesnuls, par contre, j'ai un peu de mal à me débarasser du plat de Nouilles qui me saoûlent de plus en plus. A chaque côte, les gaillards s'entraînent les uns les autres, y'en a pas un qui marche et ils recollent systématiquement. Pénibles. Je deviens chafouin à leur souhaiter mentalement d'exploser en route un peu plus tard. L'esprit trail, tiens.

"J'suis là". Eh oui, petit clin d'oeil de Sab qui me déboule dessus entre Les Mesnuls et Montfort. Bin oui, ça monte plus souvent maintenant, donc l'effet est mécanique : la Dame du Bois est de retour. Nous allons faire le yoyo ensemble pendant un bon moment, chacun dans sa petite bulle. La course d'équipe n'est pas d'actualité, mais on retrouve un rythme bien connu et déjà pratiqué, sur ce secteur des Brûlins. Secteur où le traceur a été inventif, il faut le dire, pour compenser l'impossibilité de tracer les spaghettis des années précédentes. Là, ce sont boucles et reboucles qui rebouclent quasiment sur elles-mêmes (on s'en rend compte à percevoir des frontales parfois à 20 mètres de nous, en sens inverse). Nous ne loupons quand même pas la belle montée des Mares Moussues qui manque juste un peu d'une bonne pluie de la veille pour être vraiment marrante.

La côte des Mares Moussues lors de la reco du 11 novembre (photo Alexandre Junger)


Quelques descentes sont aussi assez poétiques et je découvre dans ce secteur une quantité de boue qui, je peux certifier, n'existait absolument pas voici une semaine.

Or, il n'a pas plu. Donc, c'est officiel et je peux l'annoncer : la boue s'auto-génère à partir de rien dans les Yvelines. Un phénomène micro-climatique particulier doit provoquer une soudaine remontée de la nappe phréatique entre le 1er et le 10 décembre, ce n'est pas possible autrement.  Ou alors, c'est la légende des organisateurs qui viennent la veille avec des citernes de flotte sur le parcours qui pourrait s'en trouver renforcée.

Bon, l'avantage, c'est que ça me permet de recoller à la foulée de Sab et de m'illusionner sur mes capacités à suivre.

Illusion qui ne dure que jusqu'à la dernière longue montée de cette série que Sab enquille sans sourciller entièrement en courant. Moi, là, je baisse pavillon, je passe en mode survie, je me dis qu'on ne se reverra plus guère et que je ferais mieux de penser à ne pas totalement me griller.

"8,5km jusqu'à l'arrivée" : disent les bénévoles avant le franchissement de la rigole (enfin, d'une rigole, mais je ne serais pas moi-même si je ne vous disais pas que c'est la Rigole des Yvelines, vous vous en fichez, je sais). Les bougres ont raison. Je calcule et mon esprit cartésien est rassuré : on va passer là où je pense qu'on doit passer, pas de bonne ou mauvaise surprise.

Bon, le défaut, par contre, c'est que c'est tout plat. Et pas question de marcher car autour, ça ne fait rien que courir. On a beau être cartésien et se dire qu'une bonne partie des coureurs autour est sur les distances plus courtes, on est entraîné par l'ambiance et...on court. Et c'est gras. Et ça glisse.

Et.....je me vautre. Quatre fois en 15 kilomètres, je vais m'étaler. Certes une fois en doublant un peu présomptueusement au lieu d'attendre gentiment un moment favorable. Certes une autre fois de façon très amusante après avoir fièrement annoncé à Roni75 (qui n'en n'a probablement rien à fiche) que "ce single il est assez casse-gueule". Mais deux autres fois tout connement, pour rien. J'aime pas. Signe de fatigue.

D'ailleurs je ralentis. Instinct de survie. Coup de mou. Se préserver. La boucle 1 ne compte pas. Je ne suis pas le seul. Sab, là-bas, devant à 200 mètres (facile a repérer, y'en a qu'une avec les mollets à l'air) ralentit aussi. Tout le monde ralentit, d'ailleurs. On sent que cette fin assez interminable et somme toute très grasse commence à marquer les corps et le mental. Tout le monde, moi compris, attend la fin.

Plus de "nouille". Il y a encore beaucoup de coureurs autour, mais le silence est installé. La nuit nous enveloppe tranquillement. Pour certains, ce sera comme un linceul, à sombrer doucement, mais sûrement au terme de cette première boucle "qui ne compte pas" mais que les jambes ont quand même rudement comptées.

La route des étangs, le pont sur la N10, la zone industrielle, le gymnase, la chaleur, la lumière. Brutal retour à la réalité.

Boucle 1 : 3h47. Il est 1h53 du matin.

Transition boucle 1-boucle 2

C'est particulier, ce routage au gymnase. On retrouve du monde, pas mal de monde (une grosse partie des coureurs du 30 a terminé, je suis probablement dans le 2ème ou 3ème tiers du 80 et vers la moitié du 50). C'est un peu inhabituel, sur une course, pour moi, à l'exception peut-être de la TDS.

Le gymnase pendant que tout le monde court (photo Origole)


Sab est juste là, elle vient d'arriver, on échange brièvement sur nos impressions de la première boucle : longue, usante, notamment avec cette longue section de plat courue sur la fin. Puis chacun se plonge dans son organisation personnelle avec le même objectif : se changer complètement. En fait, je ne sais pas si c'est indispensable. Je suis assez crado suite aux gamelles, les pieds sont un peu humides, et j'ai évidemment chaud en haut, mais tout cela sans excès. Mais cela fait une coupure très bienvenue tout en s'occupant l'esprit : sortir le sac "boucle 2", retirer les fringues crades, mettre les propres, ranger cela pour ne pas tout laisser en vrac. Mettre les chaussures (immondes) dans le sac à chaussures (tiens, ça sert d'en avoir gagné sur les courses). Cela fait une routine et on se remet petit à petit en condition.

Autour de moi, certains sont plus ou moins bien en point. J'échange un peu avec bottle, qui n'est pas bien du tout, avec des problèmes gastriques, et va arrêter. Je vois Raya qui a l'air bien et qui va repartir quelques minutes devant moi.

Une fois prêt, j'enfile la ceinture porte-gourdes prévue pour cette B2 (avec deux bidons de 600, je suppose que ça suffira, il me reste de toute manière plus de la moitié des 2,5l emportés sur la B1). J'oublie soigneusement le coupe-vent dans le sac B1 (c'est que je n'ai pas fait de pense-bête, moi). Et j'oublie même ma mascotte Spongebob que je laisse accrochée au sac à dos n°1. Direction le ravito pour engloutir force saucissons, jambon, pain, une soupe chaude (je crois me rappeler que c'est Christelle qui me l'apporte même, toute aux petits soins après avoir terminé 2ème du 30km.....ou bien était-ce après la B2 ?).

Je dis à Sab "on y va ?". "OK, je remplis ma poche à eau". Pendant ce temps, du coup...je vais rechercher mon Bob l'Eponge : impensable de faire la B2 sans lui. Mais, du coup, plus moyen de retrouver Sab, je ne la vois pas vers le ravito. Tant pis, on n'a rien dit sur le fait de faire tout ou partie de la course ensemble, on verra bien, je repars en me faisant biper par Elisabeth à la sortie (à qui je ne manque pas de dire qu'elle a un très beau prénom, bien sûr).

Et c'est reparti, mon kiki (enfin, son kiki). Il est 2h17 du matin. Arrêt : 24 minutes.

Boucle 2 : platitudes

Avantage d'être venu marcher sur cette boucle 2 dans l'après-midi, je sais qu'il faut déjà commencer par plus de 1,5km de bitume. Et qu'ensuite, c'est hyper roulant. Donc, il faut s'économiser à mort car cela va forcément être cassant. La course commence à Auffargis, rappelons-nous. Et là, on va de l'autre côté.

Donc, démarrage piano pianissimo.

Du coup, paf : "j'suis là". Sab me rattrape. Enfin, quand je dis "me rattrape", je devrais dire "me met un vent"...:-). Elle part sur un rythme très élevé et je décide très vite que ça pourrait bien être un peu suicidaire d'essayer de suivre. Et puis bon, on est en mode "nos bulles respectives", on verra bien. Pas de pression.

En fait, c'est assez simple : pendant les 7 premiers kilomètres, je vais être entre 10 et 50 mètres derrière Sab. En gros, sur toute la partie que j'ai "reconnue" il y a quelques heures, je vais passer mon temps à l'avoir en point de mire, revenant très très légèrement sur le plat, mais m'accordant ponctuellement des pauses marchées dans les toutes petites côtes. Alors que, devant, la Machine À Courir fonctionne à plein.

Imaginez la même chose de nuit et que la petite silhouette là-bas soit Sab et ça vous donnera une idée

Dans l'affaire, nous picorons d'ailleurs allègrement des coureurs ça et là sur ces sections roulantes mais que j'aime bien, moi (visiblement, il a été de bon ton de trouver cette boucle 2 chiante, eh bien, pas moi....peut-être parce que je l'avais pratiquée de jour et que je sais que c'est très joli, notemment l'étang de Gruyer). Bref, ça tourne bien, relativement à l'économie, tout baigne....

L'étang de Gruyer vu depuis le parcours....mais 12 heures plus tôt...


Sauf.....mes intestins qui me rappellent soudain que mon alimentation sur la boucle 1 a été constituée de 2 Pom'Potes. Bref, me voici en mode Etienne et, alors que j'ai réussi à revenir à 3 mètres de Sab......il devient urgent de faire une pause. Je passerai sur les détails de l'oubli des accessoires indispensables en pareil cas ainsi que de l'utilisation crômagnonesque des ressourses mises à ma disposition par la nature pour retrouver une apparence humaine. Bref, la Route de la Forêt Verte (si, si, je vous jure) mérite un poil moins son nom (oui, je sors...). Fin de la parenthèse poétique.

Un peu plus loin, sur la Route Sommaire, se situe un petit piège : le parcours tourne brusquement à gauche, en dehors d'un carrefour, pour quelques dizaines de mètres à travers le sous-bois pour rejoindre un single. Je hèle quatre coureurs devant moi, dont un couple, qui ont continué tout droit. J'espère que Sab ne s'est pas trompée. Cela manquait un tout petit peu de signalisation à cet endroit clé. Là, j'avouerai honnêtement que ma micro-reco de l'après-midi a été plus qu'utile.

Le "youhou, c'est là à gauche", vu en pleine journée


Au delà de l'étang de Coupe-Gorge, où le couple me dépasse pour quelques centaines de mètres (ils courent en montée et je continue à m'économiser), le parcours devient notablement plus boueux. Puis progressivement très crade. Puis tout à fait immonde. J'ai lu ça et là des commentaires blasés sur le "manque de boue" de cette B2, ils sont très exagérés. Le début, certes oui. Mais la deuxième partie en était fort bien pourvue sans que, pourtant, la bise ne fût venue.

Vous avez dit "pas très boueux" ?


Je commence à régler mon rythme sur les autres coureurs. Il y en a très peu, en réalité et tout le monde est assez occupé à éviter les sections totalement marécageuses, notamment cette allée la plus au nord de la boucle, que je soupçonne le traceur d'être allé chercher tout exprès. J'apprécie le choix des Salomon S-Lab Softground qui font assez merveille sur ce terrain, bien plus que sur celui de la TDS.

Juste avant le retour sur l'étang de Coupe-Gorge, surprise : "tiens, mais c'est Bubulle". Voilà Bart "trailaulongcours", encore un warrior du 7-8, dont j'ai vécu une grande partie du GRR par procuration. Désolé, Bart, comme bien souvent, sur la course, je ne suis pas bien causant, j'en ai peur, je ne dois pas être un compagnon très drôle, en fait....

Par contre, ça doit bien le faire comme lièvre car Bart m'emboîte bien le pas dans la longue remontée progressive de la petite vallée qui alimente l'étang. J'avais regardé la carte dans le gymnase et avais vu que cette remontée signifie la sortie du bois et qu'il faudra ensuite traverser une bonne partie de la plaine des Bréviaires à découvert avant de revenir au Perray et traverser à nouveau toute la ville.

En fait, j'aime bien faire le lièvre, ça me motive et, au contraire de pas mal d'autres coureurs, ça ne m'horripile pas. Ce n'est d'ailleurs qu'à la sortie que je remarquerai que c'est Bart qui me suivait. Nous ramassons d'ailleurs un autre coureur et c'est quand même bien entamés que nous amorçons cette longue section de plat très roulant sur un chemin agricole. Heureux concours de circonstances, cela dit, car le rythme régulier de nos pas nous motive mutuellement et nous avançons plutôt bien (a posteriori, je vois environ 6'/km).

Cela dit, Bart accélère progressivement et me lâche doucement et inexorablement : à un moment, il faut savoir continuer à son allure et ne pas se forcer. De même pour notre compagnon qui prend quelques mètres d'avance pendant que nous revenons sur un coureur en rouge qui pioche visiblement pas mal. Il a l'air moins bien, lui, on va le croquer.

Je croque....RayaRun. Mon Pingouino ! Un peu en galère, il en a marre de cette fin de boucle, il veut que ça se termine. Du coup, d'ailleurs, que je l'aie rattrapé, ça le réveille un peu, il pioche toujours, mais un peu plus vite et c'est plus ou moins ainsi que nous allons finir la boucle 2....je me laisse même légèrement distancer pour terminer, tout en découvrant les voitures totalement givrées dans les rues. Pourtant, on ne sent pas de froid, car nous sommes quand même en effort assez notable mais....ça va piquer, bientôt.

Boucle 2 : 2h32. Il est 4h49 du matin.

Transition boucle 2-boucle 3

Notre coin dans le gymnase est désert. Très peu de kikous. L'ambiance générale du gymnase est infiniment plus calme. Quelques-uns ça et là sont manifestement arrêtés. Je vois Tontontrailer qui a terminé (il courait le 52km) et m'annonce sa 4ème place scratch. Ce sont vraiment ses distances, Jean-Luc, ce type de format. Bravo !

Par contre où est Sab ? Elle devrait être là. Mais le sac est rangé, rien n'est sorti. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je m'inquiète. Mais pas très longtemps, la voici qui arrive. L'explication est rapide : elle s'est bien trompée quelques dizaines de mètres à la bifurcation vers le Coupe-Gorge et je l'ai dépassée sans m'en rendre compte. Étonnant (ou pas) de voir qu'on est totalement pile dans les mêmes rythmes.

Même topo sur cette transition (on dirait un CR de triathlon). Se changer méthodiquement de la tête aux pieds, ranger les affaires (les S-Lab sont aussi gore que les XA-Pro), transférer le téléphone et la couverture de survie dans le nouveau sac, décrocher Bob, accrocher Bob. Se réchauffer un peu. Aller se goinfrer au ravito (je mange beaucoup trop peu sur les boucles). Je discute avec les uns et les autres qui passent et nous encouragent. Nous sommes synchros avec Rayarun qui est certes bien explosé, mais qui ne cesse de répéter que, ça y est, il va l'avoir sa revanche. Aucun de nous n'a dans l'idée d'arrêter. Chez Sab, c'est pareil : concentration, organisation, motivation.

Mini erreur pour moi, par contre : je me rends compte que j'ai mis ma 2ème couche la plus légère pour cette dernière boucle alors que j'avais la plus chaude sur la première. Mauvaise idée : je sens que je n'ai pas assez chaud. À la dernière minute, je choisis donc de mettre la troisième couche avec le coupe-vent. Tant pis, si j'ai trop chaud, plus tard, je perdrai quelques minutes à l'enlever (sur 12 heures, franchement....). Je prends aussi bien soin de changer les gants, mes jolis gants réfléchissants de chez D4, qui me font des "mains de Mickey" au loin, il paraît.

J'interroge Sab : "on repart?". Elle préfère prendre quelques minutes pour terminer son café. Raya est motivé pour y aller, c'est décidé on sort. Sab nous rattrapera bien si ça se trouve. Et puis, c'est comme au début de la 2ème boucle : chacun sa course d'une certaine manière et on verra bien à l'arrivée. N'empêche : je ne serais pas contre un final commun (à trois, pourquoi pas ?).

Mais c'est avec Raya que je repars. Transition B2-B3 : 33 minutes. Il est 5h22 du matin.

Boucle 3 : vol au dessus d'un nid de fougères

Spectaculaire, le changement de température. Il fait un froid glacial quand nous sortons (plus tard j'entendrai qu'il faisait -3°C ce qui n'est pas si horrible que ça). Je me félicite d'avoir mis la troisième couche, elle était indispensable. Ce froid nous saisit totalement et il est assez difficile de démarrer.

Un troisième coureur nous accompagne, Raya et moi, et nous partons d'un bon.....pas. Il est un peu difficile d'imaginer courir, et pourtant il va bien falloir le faire.

C'est là que le train de 6h51 de Coignières dont je parlais au début est utile. Finalement, c'est comme quand je sors de la maison à froid pour aller bosser. Juste que je n'ai pas l'ordi dans le sac à dos et qu'il y a 32 bornes à faire au lieu de 7. Bof, s'pareil.

Au bout de 100 mètres, je me décide à donner le ton et je lance le mode course. L'autre coureur embraye le pas.....mais Raya coince complètement, le pauvre. En 20 mètres, je me retourne et nous lui avons mis 10 mètres. Dans ces situations là, malheureusement, il faut vraiment faire chacun sa course...et j'ai vraiment besoin de me réchauffer, donc je continue : si ça se trouve, il reviendra un peu plus tard, allez savoir. Nous partons pour 4h30 à 5h30, tout de même, donc il peut s'en passer des choses.

Les jambes sont lourdes, tout de même et j'ai l'impression de piétiner. Je marche même la petite ridicule côte du pont du chemin de fer. Mais, ensuite, relance immédiate : il *faut* courir. J'ai les doigts qui commencent à geler, je regrette de ne pas avoir pris les gants de soie sous les gants de Mickey.

Mon compagnon suit et nos pas se règlent l'un sur l'autre. J'aime bien ce genre de duos silencieux. En général, j'en prends la tête, ce qui ne manque pas de se produire. Nous avons désormais adopté un rythme bien régulier et.....il n'y a strictement personne à des centaines de mètres devant. La traversée d'Auffargis se fait dans un silence total, à peine ponctué du salut de rigueur aux bénévoles postés aux carrefours du village.

Nous nous dirigeons assez rapidement vers la première difficulté, que je connais bien pour l'avoir pratiquée deux fois, déjà, au trail d'Auffargis, mais dans l'autre sens. Cette première côte me voit distancer légèrement mon compagnon, qui revient toutefois sur la descente quasi immédiate (je reste un descendeur très moyen, surtout lorsque la pente est raide). Cependant, dans la côte qui suit presque immédiatement (nous avons commencé à faire le yoyo entre le bas et le haut du coteau), je le distance à nouveau et là, ce sera à peu près définitif.

Dans l'affaire, nous nous sommes approchés d'un trio (ou duo, j'ai du mal à voir) de coureurs et je les ai en point de mire. Leur rythme est excellent et, en fait, nous allons nous suivre à distance pendant un bon tiers de cette boucle : je me rapproche en côte, ils reprennent leurs distances en descente.

Les côtes s'enchaînent. Il y en aura douze sur cette section aller. Je me promets de les compter, pour m'occuper, mais j'en perdrai finalement le compte à un moment. Je me sens assez bien mais je manque beaucoup de repères. Le fait de ne pas rattraper mon duo/trio est un peu démoralisant car il n'y a guère d'autres coureurs : tout juste 3 ou 4 dépassés sur les 8-9 premières côtes.

Les côtes sont de plus en plus violentes. On sent quand même que le Mulot s'est fait plaisir à nous offrir les meilleures et il y a notamment deux "murs" qui valent leur pesant de sueur et où il faut mettre les mains. Cela dit, je préfère les monter, ceux là. Je reconnais aussi en passant l'endroit où Bert nous avait fait un magnifique saut périlleux avant avec son VTT lors d'une reco Kikourou du trail d'Auffargis l'hiver dernier.

Dans l'affaire, je pense d'ailleurs brièvement à Sab, un peu surpris qu'elle ne m'ait pas encore rattrapé. J'espère qu'elle n'a pas de coup de mou.

Nous croisons aussi les quelques coureurs de tête qui se sont trompés de sens. J'essaie de veiller à masquer ma frontale quand ils arrivent car cela doit être très gênant pour eux d'être constamment aveuglés. Je suis assez surpris car je me demande bien où ils se sont trompés (je le découvrirai plus tard, après la course). Cela me conforte dans la nécessité d'être très vigilant sur le balisage qui reste toutefois d'une remarquable qualité (on voit même qu'à plusieurs endroits la partie réfléchissante semble avoir été soigneusement orientée dans le bon sens pour qu'on la voie bien).

Détail amusant : à un moment le parcours reboucle quasiment sur lui-même après une boucle vers le haut. Cela se repère à la rangée de bougies placées là par deux jeunes spectateurs (des lyonnais qui fêtent le 8 décembre ?). Etonnant cette confiance totale des organisateurs dans les coureurs car il est tellement facile de couper sur ce parcours (cela dit, les contrôles surprise, ça existe et il y en a eu).

C'est finalement dans les anciennes carrières que je finis par rejoindre mon trio (ou duo, je ne sais toujours plus très bien). Il en aura fallu du temps. Et, quand je les dépasse.....paf, je suis reconnu (l'effet Bob l'Eponge). Et je me rends compte en écrivant ce CR que, une fois de plus, j'oublie de demander à qui j'ai affaire.... Désolé, donc, si je ne vous ai pas reconnus. Je pense qu'il s'agit de Soffian (sur ses terres d'Auffargis), tu me confirmes?

Ces anciennes carrières marquent la fin de l'aller mais la grande boucle au dessus des Vaux de Cernay reste très longue et j'ai un doute sur le tracé exact. J'attends donc le contrôle intermédiaire (dont je me doute bien qu'il sera au moment où on passe de l'autre côté) avec une certaine impatience. Dans l'affaire, j'ai passé quelques coureurs : étrange comme pendant plusieurs kilomètres on peut se retrouver totalement seul et comme tout à coup, on retrouve quelques humains perdus dans ces bois.

Au passage du contrôle, je suis hyper confiant. J'ai assez mal aux jambes et je me dis que je vais peut-etre devoir plus alterner marche et course qu'à l'aller, mais je sens que ça va le faire. Je prends la longue côte peu prononcée qui remonte le long de la Route des Cascades comme un répit. Elle serait "courable" mais il faut savoir se gérer et une longue marche va faire du bien et permettre de s'alimenter un peu (j'ai été très mauvais de ce côté là sur ces boucles, je n'ai quasiment rien mangé de ce que j'avais emporté).

Dans les sections qui suivent, je vois un coureur se rapprocher à l'arrière. Le jour s'est progressivement levé quand je montais la première côte du retour et j'ai éteint la frontale, mais il revient inexorablement. C'est que je pioche un peu maintenant et j'ai du mal à relancer après les petites côtes (tout le retour est en montagnes russes à flanc de coteau....bien différent d'un aller où on va du bas de la vallée au haut du coteau).

Le jour se lève (photo Patrick Guérin)


Ce coureur revient à quasiment 2 mètres de moi dans une de ces côtes quand, bizarrement, et de façon relativement soudaine, j'ai une espèce de mieux. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai décidé que personne n'avait à me dépasser sur cette dernière boucle, comme sur la deuxième (en fait, sur la deuxième, Bart m'a techniquement dépassé, mais je l'avais rattrapé avant).

Du coup, en quelques centaines de mètres, je change de rythme. Sur les relances, au lieu de trottiner, je me mets à courir franchement. Je pousse un peu la course au bas des côtes sur quelques mètres, je relance pile en haut des côtes. Et plus les descentes s'enchaînent, plus j'y accélère.

Evidemment, dans tout cela, je voltige un peu de coureur dépassé en coureur dépassé. C'est assez incroyable, cette euphorie qui s'installe, je crois que c'est la première fois que ça m'arrive aussi fort sur un trail long. Certes, j'ai l'habitude de finir plus fort que je ne démarre, c'en est même caricatural. Mais là, j'ai du mal à expliquer a posteriori. Honnêtement, j'en frissonne encore un peu en l'écrivant, je me suis senti bien comme jamais je ne m'étais senti bien sur une course. Un peu comme qui dirait invicible et je me mets même à dévaler les descentes sans retenue, moi qui ai si souvent un peu la pétoche de m'y faire mal.

C'est un peu comme cela que j'ai la surprise de rattraper Pat (lui aussi facile à reconnaître avec sa mascotte) accompagné de Jack. Jack un peu dans sa bulle : j'ai l'impression qu'il ne m'a pas reconnu et ça m'a même mis un doute sur le fait d'avoir salué un autre qui lui aurait ressemblé. Bon, les pauvres, je leur ai un peu mis un vent, j'en ai peur (c'est ma sale habitude sur les trails, faut que je corrige ça), mais les 3000 hectolitres d'endorphines qui devaient me circuler dans les veines ne rendent pas totalement lucide.

Vraiment un moment incroyable, je vous souhaite de vivre ça un jour.

Cela va continuer en fait pendant un bon moment, quasiment tout le retour désormais. Plus on avance, plus je sens l'écurie et le fait de dépasser régulièrement augmente encore l'excitation. C'est donc euphorique que je passe près de l'abbaye et qu'on me colle une petite pastille sur le dossard (mais je me demande à quoi elles servaient) et que j'ai d'énormes encouragements de Christelle qui s'est postée là. Elle est partout, ce n'est pas possible...:-)

Je finis à un moment par rattraper, un peu plus difficilement que les autres, un grand échalas rouge qui marche très fort dans les côtes. Je serre les dents pour le rattraper aussi, je le passe et.....heureusement que Bart me reconnaît car moi, encore, j'avais fait le boulet...:-). Non mais quelle nouille, alors.

Et me revoilà donc avec Bart. Il me dit que lui aussi se sent bien et qu'en fait....je suis le seul à l'avoir rattrapé. Donc, PacBubulle et PacBart sont désormais en duo. Et je crois qu'il faudra qu'on essaie de recommencer une fois car c'est diablement efficace...:-)

Au passage de la Sablière, nous pouvons, cette fois, saluer le Mulot (car, au 42ème kilomètre, moi je n'avais vu qu'une ombre gelée) et Bart ne se prive pas de le chambrer avec un "Même pas mal" bien mérité, non mais alors. Sadique Mulot.

Par contre, après la Sablière, ouille, Bart me fait une méchante petite relance courue en bas de côte et là, soudain, je ne peux plus...:-). J'ai un petit truc qui se casse dans mon euphorie et je dois ralentir pour suivre Bart à distance, désormais. Oh, lui aussi marche dans la côte, mais c'est Bart. C'est celui qui va me poutrer d'une heure à l'Ecotrail marche nordique dans trois mois.... Donc, hors de question d'imaginer recoller.

Une petite dernière tentative dans les rochers au dessus d'Auffargis, mais, décidément, cela répond désormais un peu moins bien, l'euphorie est passée. Ce n'est pas une explosion en vol, juste un retour à la réalité : j'ai 80 bornes dans les jambes.

Mode finisher, désormais, je compte les kilomètres à l'envers. Je suis moins lucide, d'ailleurs et je me trompe de chemin dans Auffargis, heureusement sur à peine 100 mètres, entraînant avec moi un autre coureur.

Le dernier chemin du retour est long, très long. Plus de 1 kilomètre en montée très faible. Impossible de courir, je ne fais que quelques timides relances vites avortées. Si seulement ça voulait bien remonter un peu plus vite sur ce foutu plateau !

Finalement, l'arrivée "en haut", plus que du plat, allez il faut courir. Heureusement que je le fais car trinouill est là pour mitrailler les potos. La photo ne sera pas trop nulle et je n'aurai pas....trop...la tête d'enterrement certains appellent "la tête des Zouches", je me demande un peu pourquoi, ça doit être des histoires que les vieux trailers se racontent le soir au coin du feu, ça.

Hein que je n'ai pas une tête de Zouches ? (photo David FRANCOIS)



Youpiiiiii, du bitume, ça sent l'écurie. C'est long, ça n'en finit pas mais bon sang de bonsoir, je suis finisher de l'Origole. Qui c'est lé bionique, maintenant, hein ? J'ai même encore quelques litre d'adrénaline qui finissent par arriver et je passe la dernière ligne droite à accélérer. Franchement, a posteriori, on se dit "mais à quoi ça peut servir", mais sur le moment, c'est juste une évidence. Bon, dans l'affaire, j'aurai d'ailleurs gagné une place de V2 ce qui....ne sert strictement à rien.

Par contre, Bart m'a encore poutré sur une fin de boucle. Faudrait pas que ça devienne une habitude. Mais il finit deux minutes devant. Tst, il va encore faire le malin sur le forum, je vous parie.

Bref, fini. Il est 10h14 du matin.

Boucle 3 : 4h52. Total: 12h11, 62ème, 4ème V2 (et quatrième féminine).

Et après ?

Eh bien après, c'est simple. Je suis vidé, rincé, lessivé. Tous les kikous qui passent me disent que j'ai quand même une sale tronche. Je grelotte dans le gymnase. J'ai du mal à me déplacer. Je finis par échouer dans l'espace ravito (je me suis changé un peu mécaniquement) après avoir quand même attendu dans le gymnase pour savoir si Sabine arrivait (et apprendre son erreur de parcours qui lui a fait perdre 20 bonnes minutes....trop déçu pour elle car sans cela nous finissions très près en temps et elle, probablement 4ème féminine).

Et je suis là, posé. Blanc. On me parle, je réponds, je suis vivant. Mais pas trop frais, quand même....

(Photos Hélène Guérin)


J'errerai ainsi, totalement à plat, pendant une bonne heure. Alex "JcDuss" me tient compagnie un bon moment et nous partageons une des meilleures binouzes du monde. J'engloutis encore au moins 42 sandwiches au saucisson, 14 verres de soupe chaude (merci à ceux qui m'en ont apporté). C'est une sensation bizarre, en fait. Car aussi rincé que je sois, je suis super heureux. Je ne suis pas "détruit" ou (copyright Etienne) "fracassé". Juste au bout de moi-même. Mais bien. Incroyablement bien.

Finishers (avec Pat et Sab, le 7-8 assure !). (Photo Bertrand Lellouche.)



Et, juste pour ça, juste parce que j'ai été bien, juste pour cet incroyable moment d'euphorie dans les Vindrins, eh bien....

...je reviendrai. Je suis bionique.  

(les photos non attribuées sont mes propres photos)

21 commentaires

Commentaire de Tonton Traileur posté le 11-12-2014 à 16:29:32

je n'ai pas encore lu ton récit, Chris, mais je voulais juste citer ton commentaire sur mon récit de l'édition 2010.

je cite :
"Commentaire de bubulle posté le 08-12-2010 à 23:19:00 :

Bravo, bravo, que dire de plus qui n'ait pas déjà été dit, moi qui ne serai jamais finisher (ni même commenceur) de l'Origole..."

bon ben voilà quoi, c'était juste "pour dire" :-)
bon allez, je lis ta prose, et je reviens pour faire un VRAI commentaire ... ;-)

Commentaire de Jean-Phi posté le 11-12-2014 à 16:52:20

Eh bé ! Quelle équipée ! Bravo Bioman en tout cas ! Trop fort !
Alors c'est si dur que ça les Yvelines ? Bon, alors il faut que je découvre. Il y a quelques années que je le dis, faudra peut être bien que...

Commentaire de snail69 posté le 11-12-2014 à 17:37:21

Bref, la force tranquille (et un peu psychopathe) ! Merci pour ce CR passionnant.
Je pense avoir vécu le même moment d'euphorie que toi, l'an dernier entre St Genou et Soucieu. Me souvenir de cette séquence est toujours aussi savoureux.

Commentaire de Lynoda posté le 11-12-2014 à 18:09:11

Ah!! je ne suis pas la seule que cela a saoulé "nouille" on se disait avec mon mari que c'était assez pénible 😕 surtout sur une course aussi sympa et jolie c'est une ambiance spéciale la forêt de nuit on a envie de profiter du silence .... Je n'ai pu faire que la 1ère boucle que j'ai trouvé boueuse à souhait mais pas trop difficile effectivement alors que mon mari a fini lui....On revient dans 2 ans c'est sûr .

Commentaire de sabzaina posté le 11-12-2014 à 18:26:36

J'ai aussi connu ce moment d'euphorie lors de la CCC en Suisse. Inoubliable. Toucher l'instant où ça se produit, c'est AUSSI pour ça qu'on court

Commentaire de caro.s91 posté le 11-12-2014 à 18:29:28

Jamais douté un seul instant que tu sois bionique mon cher Christian. Encore une belle course de ta part sur un terrain que tu auras reconnu jusqu'au dernier moment. Et au bout du compte, c'est une bien belle performance que tu as signée. Comme d'habitude un CR léché jusqu'au bout des doigts avec tous les détails possibles et imaginables.
Une seule petite erreur et je te pardonnerai ton origine marseillaise quant au nombre de personnes que je connaissais dans la salle !!! :)

Commentaire de Bert' posté le 11-12-2014 à 19:23:05

D'abord un grand Bravo Chris ! Quelle course tu as faite !

Maintenant, je trouve ton récit extrêmement dangereux !!... car il va à l'encontre des complaintes habituelles ("L'Orgiole c'est trop dur", "y'a trop de boue" et "il fait trop froid en ressortant du gymnase"...)
Du coup, c'est captivant et tu vas finir par faire croire que c'était facile tellement ça passe vite !! Même la nuit semble se transformer en jour avec toi... ;-)

En fait, c'est clair que c'est Ta Course, quasi à domicile et avec des éléments qui te correspondent parfaitement (?)

Commentaire de trinouill posté le 11-12-2014 à 19:51:39

Chapeau Mec t'es un Killer ;-)

Commentaire de RomainD posté le 11-12-2014 à 20:32:21

Beau récit et bravo à vous. Merci de m'avoir appris bcp, bonne chance pour la suite ^^

Commentaire de Overnight posté le 11-12-2014 à 21:10:39

C'est vrai que ça a l air facile :D. Y aurait pas autant de (trés bon) texte, j aurai imaginé que c'était un récit de course des flambeaux fait en dedans :). Heureusement quelques indications sur la durée des ravitos, la solitude et le nombre de gadins rassurent sur la difficulté de la course;)... un coup a en faire encore un peu + la promo !!

Commentaire de st ar posté le 11-12-2014 à 21:28:32

ben moi j'ai chopé un rhume depuis que tu m'as doublé vers le km75...;-)
bravo pour ta course bubulle !

Commentaire de Raphynisher posté le 11-12-2014 à 21:30:46

Bravo Bubulle pour ton incroyable détermination et oui tu es bioniquement fait de chair et d'os, et c'est ce qui te rends incroyablement plus impressionnant ! Beau récit, j'aime me replonger dans cette course qui restera gravée dans ma mémoire alimentée par mes propres souvenirs et ceux que j'ai en commun avec les récits des kikous !

Commentaire de Arcelle posté le 11-12-2014 à 22:10:48

Non mais faut prévenir dès le début du nombre de pages de tes romans ! Genre on commence, on sait que ça risque de durer un tout petit peu, mais c’est bubulle qui écrit, ça va aller tout seul.
- On va passer à table
- Ok, je suis là dans 2 minutes
- C’est prêt
- Oui j’arrive (fin boucle 1)
- On attaque le fromage
- C’est pas plus mal si je fais l’impasse
- Tu avais dit que tu ne ramenais plus de boulot à la maison

Bref, j’ai raté le dîner.
Bravo, je suis admirative de toute cette abnégation, de cette capacité à retenir les bonnes choses et à oublier les difficultés. Un jour, je serai grande et je ferai comme bubulle (enfin juste pour finir toutes les courses, même les plus difficiles, hein …)
Je suis vraiment contente pour ton euphorie, contente que tu ais été si bien après ta course … bionique !
Et puis, c’est beau cette course d’équipe, même faite chacun pour soi.

Commentaire de arnauddetroyes posté le 11-12-2014 à 23:03:28

Excellent ce CR et quelle course !
Je me suis permis de te souhaiter bonne chance lorsque tu etais au ravito vers les 5 h00.
C était mon premier "vrai" trail que je bouclais mais seulement le 52 ,pour cette raison je suis encore plus admiratif car vous voir reprendre la 3 eme boucle c était trippant et forcait encore plus le respect...
Je reviendrai en 2016 c est obligé maintenant
Encore BRAVO

Commentaire de Rem posté le 11-12-2014 à 23:14:47

Merci bubulle , super récit. Passionnant. Ça m'a occupé toute la traversée de Paris sur le rerA.
Et quelle perf!
Bon , 3 tenues complètes c'était peut-être too much?
(J'ai fait la totale avec une seule :)

Commentaire de RayaRun posté le 11-12-2014 à 23:21:55

Mon cher Bubulle, la tu m obliges à revenir dans 2 ans ! Bon faut quand même qu ils creusent des trous et fassent des remblais sur la boucle 2 pour faire un peu de D+. Par contre je regrette de ne pas avoir pu pleinement profiter de la boucle 3 qui était quand même bien ludique ! En tout cas bravo pour ton super CR et pour ta belle course! j aime bien ces retrouvailles boueuses avec les indigènes du 7-8 !

Commentaire de Japhy posté le 12-12-2014 à 07:19:49

Je pense qu'il faut vraiment être bionique pour faire cette course dans la nuit, le froid, et la boue, sans grand monde autour pour réchauffer l'atmosphère. J'étais à Paris ce week-end là et toute la semaine d'avant, j'ai vraiment souffert du froid et je me suis dit tout ce temps que vous allez être des warriors à oser la commencer et surtout la finir.

Commentaire de robin posté le 12-12-2014 à 11:06:31

B comme bionique, Bubulle et BRAVO !

Commentaire de gillou78 posté le 12-12-2014 à 21:43:16

Je ne sais si tu es bionique et spécialiste d'ultra mais c'est sur que tu es expert de l'ultraCR. Je me bidonnais tout seul en lisant ta prose dans le TGV de retour de Lyon ! Encore bravo et j'espère que tu pourras bientôt revivre ce moment d'euphorie !

Commentaire de trailaulongcours posté le 16-12-2014 à 12:13:45

Sacré Christian! Belle course, et beau récit comme toujours. Je viens y déposer mon petit commentaire avec un retard inexcusable. Avec le recul, 10 jours maintenant, je me dis qu'elle était belle cette O'Rigole. Même si la difficulté était moindre. J'ai apprécié les kilomètres parcourus en ta compagnie. Ta conversation? Oui, bon d'accord, on a vu plus bavard. Bert' par exemple. Honnêtement, j'apprécie le silence dans les moments difficiles. Je suis bien content de t'avoir laissé derrière moi, mais aucunement illusionné. Tu as passé beaucoup plus de temps que moi au stands, ta vitesse moyenne est donc nettement supérieure à la mienne, et je ne doute pas un instant de ton désir de vengeance à la prochaine occasion. Je suis mdr. Allez, à la revoyure pour de belles aventures!B

Commentaire de Arclusaz posté le 19-12-2014 à 21:56:06

Bubulle, le Steeve Austin de la Pom'potes. Meilleur en course et en CR qu'en photo de kikoureurs (je sais, c'est bas, mais je suis foncièrement méchant).

Bon maintenant que tu as fait cette petite promenade, l'année prochaine, tu vas pouvoir revenir faire une vraie course.....

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