Récit de la course : La Montagn'Hard - 100 km 2012, par Zorglub74

L'auteur : Zorglub74

La course : La Montagn'Hard - 100 km

Date : 7/7/2012

Lieu : St Nicolas De Veroce (Haute-Savoie)

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Distance : 100km

Matos : Brooks cascadia 7, 3/4, tshirt, bâtons leki pliables 110 cm, sac lafuma 11l, grand chapeau

Objectif : Se défoncer

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Un podium à l'issue ... de mon plein gré

Attention ce récit concerne l'édition 2013, mais je me suis planté et l'ai placé en 2012...Embarrassé

Un petit trail qui me faisait de l'oeil depuis quelques années mais sur lequel je ne m'étais pas encore engagé car ne le cachons pas le parcours un peu trop en zig et en zag à mon goût ne permettait pas de faire le tour d'un massif.

Bien que ce soit le gros objectif de la saison je ne me suis pas trop intéressé à la chose jusqu'au mois précédent en accumulant malgré tout deux courses de préparation avec de bonnes senssations (Salève et Allobroges à une semaine d'interval). Puis des mois d'avril mai juin avec environ 20'000 de D+ /mois bien motivé par le jeu des 365 h.

Et je pense que la clé est là... du volume sans se prendre la tête mais permettant de prendre des cuisses pour les descentes à venir.

La semaine précédente, à la fois pour me rassurer et pour prendre connaissance des sentiers qui pourtant proches de la maison me sont inconnus je décide de faire la fin du parcours. En gros je suis parti de Notre Dame de Gorge et j’ai fait toute la fin du parcours avec quelques petites variantes et une redescente directe depuis la crête du Joly sur les Tappes et la voiture. En tout, environ 8h30 pour bien comprendre que la vitesse serait pas un atout et qu’il faudrait gérer le début pour pouvoir enchainer le fin.

Ensuite en bon scientifique j’ai analysé les temps du petit-mérou dont le récit m'a bien aidé à sentir la course et ceux du coureur solitaire, je les ai confronté à mon propre parcours même s’il était différent et je me suis fait des tableaux de passage, le pronostic le plus fou donnait 21h20, le plus raisonnable un peu moins de 24h00, j’ai préparé ma liste de matos, pensé à la stratégie boisson. En gros rester le plus léger possible tout au long du parcours.

Vendredi soir je prends tout mon matos en vrac et le pose dans le VW pour monter à Saint Nicolas de Véroce.

Après avoir fait une queue interminable d’au moins 30s (vous savez comme pour l’autre course de la fin de l’été…) j’ai enfin pu retirer mon dossard. Je suis ensuite allé furtivement faire un coucou aux kikoureurs attablés autour de boissons au houblon et ai pu discuter un peu avec Olivier le GO de la fête. Je me suis rapidement éclipsé pour préparer mon sac et me rendre compte que j’avais juste oublié mes bâtons. Heureusement j’ai pu immédiatemnet racheter en catastrophe une paire de leki pliables bien pratiques.

Ensuite repas rapide au camping-car tout en discutant avec un gars de l’Ain qui dormait dans sa voiture juste à côté et dodo vers 10h00.

Réveil vers 3h30 pour pouvoir avaler mon traditionnel musli au thé au moins 1h00 avant le départ et je fini de préparer mes affaires.

Le départ se fera  en corsaire malgré la chaleur annoncée car j’ai oublié le short à la maison, Tshirt et manchons + la vieille tikka qui n’éclaire rien. Dans le sac, la veste décathlon et un grand chapeau avec la trousse de secours et l’indispensable téléphone. Côté boissons, juste ½ l de sponser au départ suffira pour rallier le premier ravito, + 1 poche de 2 l préremplie de poudre et un bouteille de ½ l également préremplie de poudre surdosée+ côté alimentation comme d’habitude des pâtes de fruit de la famille Doucet. Sur ce trail j’ai dû en manger une bonne quinzaine…. Miam

Je laisse dans le camion le sac pour l’étapes aux Tappes avec tout le matériel de rechange y compris des chaussures au cas où et ma lampe plus puissante pour la nuit (une spark, un vrai phare même si elle bouge un peu sur la tête).

Avant le départ j’ai juste le temps de faire un coucou à Benos (rencontré aux Allobroges et qui reste prudemment dans le gros du peloton) et je me remet en deuxième ligne avec Didier Chaffard des coureurs du Môle que je sais d’un niveau équivalent voir meilleur que le mien.

La frontale ne sera pas nécessaire longtemps mais dans les bois de la première montée elle sera quand même utile. J’ai hésité jusqu’au dernier moment pour l’appareil photo puis je l’ai pris en me disant que dans les moments de moins bien je pourrai en tout cas en faire quelques unes.

La journée s’annonce magnifique et je quitte les manchons avant même le départ qui sera donné après quelques consignes de sécurité, pas d’orage en vue mais de la chaleur, nous sommes prévenus…

Je pars sans aucun planning écrit, juste avec des ordres de grandeur de temps intermédiaires entre ravitos et ma connaissance de la fin du parcours.

Voici donc après cette longue introduction mon récit de cette très grosse randonnée étape par étape avec entre parenthèses les temps intermédiaires.


Saint Nicolas de Véroce – Les Toilles : 12 km – 16e

Temps du premier : 1h25

Temps prévus : 1h50

Temps réalisés : 1h35

Le départ est tranquille sur les quelques hectomètres goudronnés ce qui permet au peloton de s’éfilocher un peu. Devant c’est parti un peu plus vite mais je n’y prête pas attention sachant que la journée sera longue.

 C'est parti pour plus de 100 km les bâtons sont encore dans le sac

Après les bois et quelques prés, au jour naissant on peut déjà ranger la frontale

Je négocie la première descente très prudemment tout en discutant avec Didier qui m’a rejoint. La remontée de l’autre côté de la vallé se fait en sa compagnie en alternant marche rapide et trottinage quand les relances sont possibles sans jamais me mettre dans le rouge mais en gardant des pointes entre 17 et 19 m/mm dans les parties un peu raides.

Je me concentre dès le début sur l’hydratation et m’applique à boire mon ½ l avant le premier ravito où je remplirai de nouveau avec l’effinov mis à dispo.

Jusque là il fait frait et nous arrivons tout un petit groupe aux Toiles (du 10e au 20e environ).

 Les Toiles premier ravito dominant la vallée de l'Arve et face à la chaîne des Aravis culminant à la Pointe Percée


Les Toiles – Bionnassay : 22 km – 14e

Temps du premier :2h51 (1h26)

Temps prévus : 3h50 (2h00)

Temps réalisés : 3h07 (1h32)

Juste le temps de boire deux verres eau+coca et de remplir mon bidon de 50 cl vide avec de l’effinov mis à disposition sur les tables de manger une poignée d’abricots secs et je repars quelques encablures devant les Chaffard pensant qu’ils vont rapidement me rejoindre. Nous sommes un petit groupe de 5-6 coureurs plus ou moins étalés selon les efforts des uns et des autres chacun alternant marche dans les montées et petites relances lorsque c’est moins raide, nous atteignons en sous-bois encore à l’ombre le pied de l’arête du Prarion. Nous n’avons pas trop discuté mais en regardant le tableau des passages après coup il devait y avoir : Siberchicot, Walrave, Bruel, Jondeau et Bottollier dont Didier venait de me dire qu’il avait gagné le tour du Val Montjoie 15 jours avant. Je me rendais bien compte que même avec de bonnes sensations je n’étais pas vraiment à ma place avec un gars comme ça et qu’il fallait gérer. J’ai donc sorti l’appareil photo…

La vallée de Chamonix et le Mont-Blanc au petit matin

Mes compagnons de route à la sortie de bois sur l'arête

Le dérochoir et les Fiz dans notre dos

Habitant pourtant dans la région je n’ai jamais parcouru ces sentiers qui sont magnifiques. Ils zig-zaguent d’abord en forêt puis sur une arête couverte de rhododendrons un pied du côté de St Gervais d’où nous venons encore à l’ombre et l’autre pied du côté des Houches et de la vallée de Chamonix à contre-jour sous le soleil qui se lève. C’est magnifique, j’en profite pour filmer dans les rhodos puis vers le sommet atteint sans fatigue à jouer à l’élastique. Au sommet je me laisse distancer le temps de plier les bâtons et de les rangers à l’intérieur du sac puis j’attaque une descente d’abord tranquille dans les pelouses alpines encore couvertes de rosées puis en forêt et de nouveau à l’ombre sur des sentiers plus raides menant à Bionassay en petites foulées ou marche rapide pour économiser les quadri pour la suite.

 

Bionnassay – Chalets de Miage : 30 km – 13e

Temps du premier :4h11 (1h20)

Temps prévus : 5h35 (1h45)

Temps réalisés : 4h38 (1h31)

Je mange un premier sandwich au jambon-cru (le jambon hum !! c’est mon péché mignon et celui-là était excellent), il faut courir et trop de protéines ne font pas forcément bon ménage avec l’effort je n’en reprends donc pas. Ayant bu de nouveau mon bidon d’½ l sur cette portion j’avais prévu de remplir pour la suite mon camel de 2 l.

100 m après le ravito je suis obligé de m’arrêter pour tout ressortir n’ayant pas assez secoué le mélange le tube est rempli de poudre. On repart ensuite à deux avec Devey à qui je dis que le départ est certainement trop rapide et qu’il faut gérer, mais dans le style faite ce que je dis pas ce que je fais j’accélère et l’abandonne lâchement dans la brève montée avant la passerelle himalayenne.

Un par un et en marchant s'il vous plait, heureusement les randonneurs sont sympas et laissent passer

La combe du Tricot s’ouvre ensuite et le soleil nous impose sa présence. Je sors alors mon grand chapeau et prends enfin un rythme plus tranquille sur la toute fin de la montée je rejoins Vancassel qui semble avoir eu un coup de moins bien et rattrape également Walrave.

Le paysage commence à prendre de l'empleur.

La descente bien raide sur les Chalets de Miage puis la suite avec le plateau du Truc, au fond à droite l'Aiguille Croche

Je sais qu’il faut préserver les quadri, je n’attaque pas et reste sagement derrière lui avec Bottolier pas très loin devant.

 

 

Chalets de Miage – Ref de Tré-la-Tête : 40 km – 9e

Temps du premier :5h54 (1h43)

Temps prévus : 8h05 (2h30)

Temps réalisés : 6h34 (1h56)

Je sens que le camel back est encore bien plein et je me contente de 2 verres de coca-eau ainsi que du remplissage d’1/2 l d’eau + coca à boire rapidement dans la montée suivante.

Regard en arrière vers le col du Tricot dans la montée vers les chalets du Truc

Au Truc les nappes à carreaux sont déjà mises et les tables dressées au soleil pour le repas à venir.

La descente qui suit est bien roulante sur une piste 4x4 et j’allonge un peu la foulée même si la fin est plus raide. Je croise un garçon à pois rouges qu’il me semble avoir déjà vu et que je recroiserai du côté de Notre Dame de la Gorge. Un parcours idéal pour le suivi familial sur tout le début de la course qui permet de voir (de jour) régulièrement les coureurs tout en faisant peu de km en voiture.

La grimpette qui suit le point bas pour rejoindre la Combe d’Armancette est tout de suite sévère mais je sors les bâtons mange une pâte de fruit et profite de la fraicheur relative à l’ombre des arbres pour allonger le pas. De mémoire on doit être ensemble à ce moment avec Walrave et Bottollier mais chacun est dans son monde et on ne discute pas trop. Plus haut avant de sortir des bois je pense que je rejoins Kieffel ou Laville partis devant dès le début de course (peut-être un peu vite).

Ensuite j’entre dans les bosquets de vernes de la combe d’Armancette encore « relativement » fraiche mais profite quand même de chaque petit ruisseau traversé pour tremper mon chapeau. Je ne vois personne ni devant ni derrière et en profite donc pour lever un moment le pied et m’alimenter de nouveau en pâte de fruit.

La combe d'Armancette est franchie, au fond le sommet encore enneigé du désert de Platé (sommet de Flaine)

La traversée qui suit en balcon sous le Mont Freugé est magnifique et donne de beaux points de vues sur la prochaine grosse difficulté du Mont Joly (1500 m de D+ d’un coup) et l’arête de la fin du parcours entre l’Aiguille Croche et de nouveau le Joly que je n’avais jamais fait jusque-là et que je vais gravir 2 fois dans la journée…

Prochaine grosse difficulté le Mont Joly dré dans l'pentu dans les bois puis par l'arête herbeuse puis rocheuse à droite

Encore quelques lacets dans une ambiance un peu plus chaude et je me retrouve au bagne.

 Un bagnard était là à nous attendre avec sa menthe à l'eau, à droite l'Aiguille Croche et l'Arête finale vers le Joly


Ref de Tré-la-Tête – Contamines : 48 km – 10e

Temps du premier :6h43 (0h49)

Temps prévus : 9h05 (1h00)

Temps réalisés : 7h39 (1h05)

Je m’excuse auprès du Bagnard de ne pas m’être présenté sous mon pseudo kikouresque… peut-être m’aurait-il alors proposé une petite bière plutôt que de virtuelles noix de cajous accompagnées d’une menthe à l’eau. Toujours est-il qu’avec un bidon rempli de cette boisson allongée d’eau des montagnes bien fraiche je me suis bien amusé dans la descente technique vers le pont romain et Notre Dame de la Gorge tout content de pouvoir courir et sauter de blocs en blocs sur ce sentier piégeux. La chaleur était bien présente en fond de vallée au moment de l’attaque de la partie roulante de 4 km que je craignais. Personne devant personne derrière, la foulée se fait pesante et je longe au plus près l’ombre bienfaitrice des arbres au bord du chemin qui se rétrécis en ce début d’après-midi. Au niveau de la route je plonge mon chapeau dans la fontaine raffraichissante tout en surveillant du coin de l’œil Devey qui se rapproche et qui sera ma locomotive pour atteindre le ravito en continuant de courir. Ouf, au final cette portion s’est beaucoup mieux passée que prévu.

 

Contamines – Sommet du Joly : 56 km – 5e

Temps du premier :? Inférieur à 9h00 (2h17)

Temps prévus : 11h05 (2h00) (j’étais très très optimiste sur cette montée …)

Temps réalisés : 9h46 (2h07)

A ce moment le récit du petit-mérou me revient, pour lui jusque-là tout allait bien puis il s’est pris un monstre coup de chaud dans la montée suivante. Je prends donc le temps de bien m’alimenter et de bien boire. Après plus de 7h00 de course il faut quand même recharger les batteries. C’est donc coca + eau+ soupe + pain + jambon cru (miam) et une poignée d’abricot en guise de dessert. Nous sommes plusieurs en même temps à chercher de l’ombre et un peu de fraicheur. J’ai l’impression de ne pas arriver à me poser ni à prendre de décision cohérente et fait plusieurs aller-retour entre les boissons et le solide sans arriver à choisir. Je complète consciencieusement mon camel de 2l maintenant sous-dosé mais je rempli également un bidon d’1/2 l que j’avais gardé vide jusque-là et surdosé en poudre. Finalement je sors en pestant contre moi-même estimant avoir passé trop de temps.

Quelques mètres de descente puis j’attaque très tranquillement l’énorme montée vers le Joly en étant étonné tout de même de pouvoir stabiliser un 12-14 m/mn. La chaleur est pesante mais heureusement la première moitié de l’ascension très raide se fait à l’ombre des arbres. J’y rattrape un gars qui a un gros coup de moins bien (Jondeau) à ce moment je ne sais absolument pas où j’en suis par rapport à la tête de course. Je continue seul l’ascension puis me fait rattraper brièvement par Devey à la faveur du « replat » de la mi-montée puis reprends un peu de distance avant les chalets de Porcherey. Là j’apprends sans trop y croire que je ne suis que 6° !!!! Je n’ai jamais été aussi bien placé sur une course.

Le soleil tape

Motivé mais pas trop euphorique tout de même j’accélère un peu sur la piste 4x4 qui suit puis sur l’arête finale montant au Joly où je rattrape d’abord un baliseur venu contrôler que tout était ok et avec qui je cause un peu, puis juste sous le sommet Siberchicot que j’avais en ligne de mire ce qui m’a bien motivé dans les gradins rocheux chaotiques du sommet. La vue à 360° est magnifique. Derrière nous tous le parcours du début de matinée, sur le côté gauche celui de la fin de matinée jusqu’au Contamines au pied de la face juste gravie. Devant en bas à gauche l’Etape qu’il va falloir rejoindre par une belle descente de 900 m puis un peu plus loin au fond Notre Dame de la Gorge, au-delà la vallée remonte vers le col du Bonhomme le long du parcours de l’UTMB que nous n’empruntons que sur une très courte portion pour franchir dans le fond le col de la Fenêtre. Tout au loin à peine visible en Savoie les Rochers d’Enclaves tellement loin qu’il semble inimaginables qu’il faille y aller puis en revenir en terminant par l’arête qui se prolonge sous mes pieds jusqu’à l’Aiguille Croche.

A droite toute la chaine des Aravis vue du côté Sud mais dont les combes et les pentes nord sont le paradis des skieurs alpinistes et qui part de la Pointe Percée dominant la vallée de l’Arve pour aller jusqu’à l’Etale au col des Aravis et plus loin encore au Charvin vers Manigot offrant une magnifique pente à 40-45° en face ouest. Une grosse bise claqué sur la joue de la gentille bénévole au sommet et je m’élance tout ragaillardi vers la deuxième moitié du parcours.

 

 

Sommet du Joly – Les Tappes : 61 km – 4e

Temps du premier : 9h38 (0h38)

Temps prévus : 12h05 (1h00)

Temps réalisés :10h36 (0h50)

A ce moment j’ai le moral gonflé à bloc et très content de pouvoir être là à profiter du paysage.

Je n’ai pas eu de défaillance, je n’ai aucun bobo, j’ai même eu la satisfaction de grappiller des places sans m’être fait imposer un rythme, le temps est magnifique. J’ai reconnu toute la fin du parcours la semaine précédent la course excepté la descente finale, il m’avait fallu alors 8h30, même sans feuille de route je sais que j’ai largement plus d’une heure d’avance sur mes pronostics les plus fous, après moins de 10h de course j’estime honnêtement qu’en l’absence de pépin je dois pouvoir accrocher les 20 h (j’aime bien les chiffres ronds…).

Je m’élance donc dans la descente sachant que le piège est de s’emballer sur ce sentier facile, j’alterne donc marche rapide et petit trotting veillant à ne pas (trop) couper les virages (ce qui permet d’économiser les cuisses). Je rattrape sans (trop) accélérer Sourbier (Flodeprovence) sans savoir alors qu’il était kikoureur. Bien entendu aucun de nous n’avait de signe de reconnaissance de cette secte ayant préféré sous ce soleil et afin de protéger mes oreilles que j’ai grandes certes mais pas tant que Cyrano son nez tout de même un chapeau blanc à large bord plutôt que la vermillonne casquette kikouresque. Vous avez suivi ???

Bref connaissant les lieux je mets fin à son inquiétude concernant la présence de flèches jaune fluo au sol indiquant la direction opposée à celle prise (anciennes trace du tour du Val Montjoie). Après un petit verre de coca généreusement offert par un voisin en bas de descente nous remontons ensemble jusqu’au ravito / matos de les Tappes.

 

Les Tappes – Le Bolchu : 71 km – 4e

Temps du premier : 12h05 (2h27)

Temps prévus : 14h35 (2h30)

Temps réalisés :13h08 (2h32)

Aux Tappes j’ai prévu un gros arrêt avec un sac plein d’affaires en vrac pour la fin d’après-midi et le début de nuit. Avec l’aide des jeunes présents au ravito tout en buvant ma soupe et mangeant un peu je change de chaussettes mais ne change pas les cascadias qui me donnent satisfaction, je change de Tshirt et embarque un TS ML, je refais le plein de poudre échange ma tikka minimaliste contre la spark et refais le plein de pâtes de fruits. Le temps de tout faire nous sommes déjà 5 (avec Sourbier Siberchicot, Devey et Bottollier) à repartir après un bon ¼ d’heure de pause pour moi. Devey en bon descendeur prend les devants du groupe dans la traversée puis la descente sur Notre Dame de la Gorge, je m’amuse à le filmer un moment puis lui emboite le pas. Dans la vallée nous voyons de l’autre côté du torrent nos compagnons de trails qui en finissent avec la descente de Tré la Tête, un petit signe pour leur souhaiter bon courage tandis que de l’autre côté la fanfare joue pour un mariage qui a lieu dans ce fond de vallée à la chapelle. Profitant du sentier très raide qui suit et de ma bonne forme du moment je prends de l’avance tout content de pouvoir monter aussi vite ce début de montée au col de la fenêtre que je sais coupée par une redescente vers Nant Borrand et la piste 4x4 du tour du Mont Blanc. Je suis maintenant seul et le resterai jusqu’à la fin, pas besoin de MP3, je profite des bruits de la montagne. Au joli petit alpage des Prés je me rafraichis au torrent sur lequel un propriétaire avec qui je discute un moment fait tourner des moulins en bois. Cette fin d’après-midi est splendide. Je lui explique qu’il va y avoir du passage durant la nuit… Je scrute la pente au-dessus de moi mais ne vois personne. Sous le col de la fenêtre les névés ont bien fondu depuis la semaine dernière mais à partir de maintenant on va commencer à se mouiller un peu les pieds. Les derniers mètres sont un peu pénibles et je suis dans le dur, tout content d’être encouragé par un gars venu voir un copain.

La tente orange du ravito du Bolchu et les alpages savoyard depuis le col de la Fenêtre

Je rejoins rapidement la tente non sans avoir fait une centaine de mètres sur un mauvais sentier alors que j’étais en train de filmer, mais les sifflets venus d’en bas me ramènent à la réalité.

 

Le Bolchu – Barrage de la Girotte : 81 km - 4e(raccourci vers le col de Salestet)

Temps du premier : 14h10 (2h05)

Temps prévus : 17h05 (2h30)

Temps réalisés :15h15 (2h07)

Une jeune équipe bien dynamique m’accueille et me sert comme un pacha installé sur ma chaise à l’extérieur de la tente noix de cajous, charcuteries et boissons. J’essaye de bien manger pour reprendre de l’énergie avant la nuit à venir. Le troisième est passé ici il y a 15 mn mais il reste invisible au loin. Maintenant il va falloir aller chercher le rocher des Enclaves si loin, même si au début j’arrive à trottiner un peu je me résous rapidement à marcher et à faire des photos pour passer le temps dans cette zone beaucoup moins alpine mais où la fatigue aidant il m’est difficile de courir.

Regard en arrière vers le Bolchu et plus loin à gauche la route du retour entre Monument - Aig. Croche et Joly

Les montagnes de Savoie avec la fameuse Pierra Menta

Je fais le tour d’une tente orange près de laquelle je ne vois personne puis continue en direction du sommet désertique ; heureusement qu’il fait beau et que le soleil brille encore, par brouillard ce doit être lugubre. Au Sud les montagnes de Savoie que je ne connais pas commencent à rosir au soleil couchant. La descente qui suit, directement sur le Lac Noir (sans passer par le col de Salestet trop dangereux), en courant et glissant sur les névés dégelés en surface juste comme il faut est une pure partie de plaisir. Rien à voir avec la semaine dernière ou le passage au petit matin sur une neige très dure était un peu scabreux en baskets. Je suis les traces de mes prédécesseurs Alexandre m’avouant à l’arrivée qu’il avait même fait de la luge sur les fesses. Résultat la moyenne remonte et les quadri sont contents par contre les pieds sont maintenant trempés…

Après le lac la neige cède la place à un joli sentier qui disparait ensuite dans une zone en dévers un peu ravinée, heureusement les bénévoles ont retaillé une partie de la trace dans le terrain meuble.

Plus bas alors que le soleil vient de disparaitre derrière les montagnes je m’accorde une pause photo dans les prairies humides et les gentianes bleues, c’est le bonheur, la fraicheur revient, la course en descente est encore fluide et celle-ci n’ira pas jusqu’au fond de la vallée à cause d’un sentier fantôme (c’est toujours 20 à 30 mn de gagnées sur la nuit).

 

Barrage de la Girotte – Le Monument : 86 km - 4e (pas de descente jusqu’à l’usine électrique)

Temps du premier : 15h31 (1h21)

Temps prévus : 18h50 (1h45)

Temps réalisés :16h34 (1h19) mais au moins 20-25 mn de raccourci sans aller en fond de vallée

Un bref arrêt jambon coca eau auprès d’un groupe de bénévoles bien sympathiques, « vous reprendrez bien un peu de cet excellent jambon cru… » puis je m’élance dans la fin de la descente pour tenter de rattraper le 3° passé ici 20 mn avant moi. Le début de la remontée vers le col du Joly sur une piste 4x4 qui n’en finit pas de viroler parmi les alpages clôturés et juste trop raide pour pouvoir courir est un vrai calvaire. Il y a tout de même encore 1000 m à remonter jusqu’à l’Aiguille Croche et je n’arrive pas à prendre de dénivelé, c’est frustrant, la montagn’hard est transformée en course sur route, au secours Olivier où sont les sentiers bien raides ? Hé oui la montagne n’est pas qu’un espace sauvage pour les citadins épris de liberté… pour cela vous pouvez aller gambader dans les rocheuses canadienne (mais attention c’est aussi le pays des ours et là-bas il est interdit de donner à manger du traileur aux plantigrades…). Donc dans le Beaufortain même si les pentes sont parfois raides, les alpages sont entretenus et travaillés et ce n’est pas toujours évident pour l’organisation de trouver un chemin dré dans l’pentu pour une centaine de coureurs (seulement) alors que les parcs sont en place.

Je rejoins la tente du Monument alors que l’équipe est en train d’installer l’éclairage à l’extérieur et que les fonds de vallées sont maintenant bien dans l’ombre.

 

Le Monument – Arrivée : 100 km - 3e

Temps du premier : 17h43 (2h12)

Temps prévus : 21h20 (2h30)

Temps réalisés :18h58 (2h24) avec malgré tout un double bang dans la descente

Petit ravito rapide à base de jambon cru (promis c’est le dernier morceau, j’en laisse pour les copains…) un peu d’eau, je complète juste un bidon pour le final, j’enfile le TS ML et sors la frontale sans l’allumer. Le troisième est passé il y a 15 mn mais je ne vois aucune lampe devant étant donné que l’écart se maintient depuis plusieurs heures je me résous à ne pas essayer de le rattraper mais la joue quand même tactique en n’allumant la frontale qu’au sommet de l’Aiguille Croche dans une nuit maintenant bien noire, les derniers mètres jusqu’au sommet parcourus un peu au jugé sur un sentier heureusement bien creux. Je me retourne, dans le ciel les premières étoiles s’allument en même temps que deux points lumineux qui quittent le ravito du Monument et d’autre plus loin vers le lac de la Girotte et les Enclaves, la nuit sera animée.

L’arête finale est devant moi avec à gauche très bas les lumières de Megève et à droite les pistes des Contamines dans le noir. Sans être exposée il faut tout de même faire attention où l’on met les pieds et plutôt tenir sa droite car une chute à gauche est interdite au début.

Ce parcours aérien alors que les jambes tournent encore bien est génial, je profite des névés encore présents de part en part pour courir à grandes enjambées et glisser quand c’est possible sur le fil de cette arête, les petites bosses permettent de récupérer un peu en marchant mais dans l’ensemble tout va bien et je rejoins rapidement le pied du Joly. Je suis un peu étonné de devoir remonter aussi haut m’attendant à tout moment à devoir traverser à flanc gauche mais je continue à suivre le balisage. Tout d’un coup je vois la frontale du bénévole présent au sommet venir vers moi, me penchant à gauche je me rends compte en fait que je viens sans m’en rendre compte de rattraper le 3e qui jardine dans les rochers en contrebas. Le bénévole allant à sa rencontre m’apprend qu’il n’était pas sur le bon itinéraire et qu’il a glissé sur un névé, heureusement sans trop de conséquence et me laisse poursuivre seul jusqu’au sommet.

Pour la première fois de la course j’ai alors un bon coup de stress et m’élance à tombeau ouvert dans le début de la descente faite de blocs empilés et de cailloux moyennement stable, heureusement il n’y a pas eu de chute dans cette zone mais c’était quand même un peu chaud…

Ensuite sans me retourner je fonce sur l’arête parcourue ce matin à la montée les genoux grincent les quadri commencent à se rebeller et les ampoules de mes pieds trempés s’allument.

Aux bénévoles présents à l’intersection du 60 km je demande si derrière cela revient et ne crois qu’à moitié leur dénégation. Je continue dans les prairies ma course tout en pensant au double bang du petit-mérou lors de sa course de 2012. J’y crois à ce premier podium, même s’il est inattendu, maintenant que je l’ai-je m’y accroche, j’ai mal mais je continue à descendre en courant, rattrapant ceux du 60, je surveille l’altitude sur la suunto estimant le chemin restant à parcourir en D- en fonction de la vitesse instantanée parfois supérieure à 30 m/mn. Alors que j’arrive dans les champs parcourus lors de la première montée ce matin (il y a moins de 20 h) j’ai l’impression que ma lampe donne des signes de faiblesse, je diminue l’intensité, mais ne voyant plus grand-chose et voulant éviter une chute bête je me résous à changer l’accu. Personne derrière, cette fois c’est bon, plein phare, je coupe plusieurs fois la route, double en trombe et encourage les attardés du 60, le village de Saint Nicolas de Véroce est là.

Une dernière rampe en-bas de laquelle mon père, ma sœur et deux de mes neveux m’ont fait la surprise de m’attendre. Ils sont montés dans la nuit depuis Reignier croyant un moment que j’étais 2e suite à un problème de transmission alors que je n’étais en fait que 4e.

Je me rafraichis au bassin et franchis enfin la ligne d’arrivée en tout juste moins de 19h accueillis par Olivier avec pas loin Jean-Michel Touron qui a bifurqué sur le 60.

Je suis très content mais bien fatigué et rapidement le froid me gagne malgré la soupe et la polaire amenée par mon père. Je ne finis pas ma bière et après une douche rapide j’ai la chance de pouvoir me faire chouchouter par deux kinés pas encore couchés. Les muscles sont quand même bien douloureux, la voute plantaire n’a plus beaucoup de tonus et j’ai de belles ampoules qui me font une démarche bien bancale ; c’est dur d’imaginer qu’une heure avant je courais à toutes jambes…

La nuit étant encore longue je décide de redescendre dormir dans la vallée pour bien me reposer et pouvoir remonter avec toute ma petite famille pour le podium. J’envoie un SMS à la maison, mon père conduit, je le laisse chez lui et rentre me coucher content et bien fatigué non sans une pensée à tous ceux et celles qui parcourent encore la montagne, heureusement avec de très bonnes conditions météo.

Le lendemain, remonté en famille je fais quelques photos des derniers arrivants et discute un moment avec deux des traceurs qui avaient repéré mes traces dans les névés du Lac Noir en début de semaine.

Quelques photos de l’arrivée du dernier accueilli comme il se doit par les premiers… mais flute, je suis 3e ce serait peut-être bien que j’y aille aussi…

Ensuite ben podium avec Alexandre Hayetine qui a bien géré sa course une fois devant mais qui a connu des soucis gastriques du côté du Bolchu et le néerlandais Dunkerbeck qui est renseignement pris tout de même un sacré client sur longue distance, une poignée de main à Berthou à qui j’ai chipé la troisième place sans l’avoir vu en course, lui aussi a posteriori avec un bon palmarès.

Bref sans vouloir la jouer trop humble je garde quand même les pieds sur terre. J’ai parfaitement géré cette course n’ayant pas à m’occuper de stratégie je me suis concentré sur mes sensations en faisant attention à ne pas trop m’emballer au départ avec une alimentation régulière, une gestion de l’eau optimale et pas de soucis physique. La place vient en plus, c’est une très bonne surprise mais est liée à des circonstances que je ne maîtrise pas et qui ne se reproduiront peut-être plus : densité des très bons coureurs « relativement » faible en raison des nombreuses autres courses du calendrier (championnat du monde, Verbier St Bernard, Marathon MtBlanc…). Cette place est donc tout à fait représentative de ma gestion de course et des coureurs présents ce jour-là mais pas d’un « niveau » et c’est tant mieux ainsi comme cela.

Les clés du succès :

N°1 : le foncier et le spécifique notamment en descente, en passant à 20'000 m de D+ en mai et juin je me suis bien renforcé au niveau des muscles des jambes et des cuisses ce qui permet selon moi de préserver en même temps les articulations mieux entourées. De gros bisous au passage à ma femme et mes filles pour qui je suis un peu moins présent temporairement, même si elles-mêmes sont également des sportives de pleine nature.

N°2 : l’alimentation et la boisson : diverses et variée tout au long du parcours en privilégiant ce qui fonctionne tout de même. La base c’est de la poudre sponser (produit vendu en suisse qui me convient parfaitement) légèrement surdosée au départ sachant que je vais la diluer. Mais je n’ai pas rechigné à prendre la poudre présente sur place quand je n’avais plus la mienne. Je complète par des gouteuses pâtes de fruit produites par des copains (la famille Doucet à Oraison dans les Alpes de Haute Provence) qui fournissent certaines grandes enseignes (mais chut…), l’armée et qui font à leur nom plein d’autres gourmandises… miam.

Aux ravitos je prends souvent un ou deux gobelets de coca + eau, quelques abricots secs et ici je me suis régalé avec jambon cru accompagné de pain même si j’ai eu sur la dernière CCC des soucis de blocage en mangeant (je pense) trop de protéines (jambon + fromage). Il faisait trop chaud pour la soupe.

N°3 : le plaisir, j’ai pris cette énorme ballade pour ce qu’elle était : une randonnée dans une région magnifique, en profitant de la météo et prenant quelques photos même si l’appareil n’est pas top. Le plaisir de discuter (un peu) où simplement de partager l’effort en commun avec les gens rencontrés et les bénévoles tout au long du parcours.

N°4 : le poids du sac, même si je pense que je peux encore m’améliorer sur ce point. Etant un petit gabarit, moins j’ai de kg sur le dos mieux je me porte, je jongle pour cela entre bidons et camel back pour avoir la quantité d’eau juste nécessaire pour rallier un ravito à un autre. Avec les bidons d’eau claire je peux assurer temporairement un apport supplémentaire au camel surdosé en sortie de ravito mais je n’hésite pas à les vider dès que tout est ok, surtout sur une course comme celle-ci où malgré la chaleur on croise énormément de fontaines et torrents.

 

Voilà j’arrive au terme de ce récit qui est certes un peu long mais je ne pense pas raisonnablement me retrouver de sitôt sur un podium d’un trail comme la montagn’hard.

 

8 commentaires

Commentaire de sapi74 posté le 31-07-2013 à 21:46:42

un grand bravo a toi, très belle course et t'es trop beau avec ton chapeau.

Commentaire de chrislam posté le 31-07-2013 à 22:06:56

bravo,belle course....
Ah si je savais gérer une course comme toi.......
Encore bravo

Commentaire de Jean-Phi posté le 01-08-2013 à 06:40:07

Grand, très grand bravo pour ta course menée d main de maître !

Commentaire de bubulle posté le 01-08-2013 à 08:31:34

Merci pour ce récit qui fera partie de mes références le jour où j'oserai me lancer dans une aventure au long cours pareille. Une des clés du succès semble avoir été une gestion simple mais efficace de la partie hydratation/alimentation. Résultat : on a l'impression de lire un flong fleuve tranquille et la course paraît presque facile....alors que ça a été une des MH les plus difficiles....

Donc, superbe gestion de course, et très beau résultat. Faut juste que je me rappelle que l'apparente facilité....n'est qu'apparente..:-)

Commentaire de Zorglub74 posté le 01-08-2013 à 10:19:52

Merci à vous
Pour Bubulle, je pense au contraire que mise à part un peu de chaleur ce devait être l'édition la plus facile même si je n'ai pas fait les premières :
Itinéraire plus court avec moins de dén (les premières c'était 120 km et 10'000 m)
Pas de passage au col de la Cycle bien plus raide que la Fenêtre
Pas de passage du côté de Megève de nuit
Et enfin un temps idéal car aucun orage au passage des cols et une nuit claire

Commentaire de Caro74 posté le 01-08-2013 à 13:50:48

Bravo! Je suis espoustouflée par ton beau récit et ta belle performance.

Commentaire de Olivier91 posté le 03-08-2013 à 10:34:55

Bravo à toi! Belle gestion de course. Connaître la fin est un vrai avantage ... Pour la remontée sur le Monument, nous espérions que les parcs nous permettraient de remonter dré dans l'pentu, mais ça n'a pas été le cas ....

Commentaire de Benman posté le 13-08-2013 à 23:05:52

Bravo et merci pour ce beau recit que je decouvre après avoir passé ma journée entre Bionnassay et Tricot. Tu donnes envie de s'engager dans cette folie même si je sais que je n'ai pas du tout le niveau.

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