L'auteur : jpoggio
La course : La Montagn'Hard - 60 km
Date : 6/7/2013
Lieu : St Nicolas De Veroce (Haute-Savoie)
Affichage : 3835 vues
Distance : 41km
Objectif : Terminer
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Vingt cinq, quatre cent soixante quinze, vingt sept, cinq cent cinq, ça fait trente par deux quinze à la minute neuf cent à l’heure. Yes.
Le trail, c’est bien parce que ça fait faire du calcul mental et que c’est bon pour lutter contre Alzheimer, dit-on. Moralité : le Trail, c’est bon pour la santé. Là, en remontant pleine pente cette piste de ski, je m’efforce de ne pas me laisser emporter par l’enthousiasme et lorsque l’on gagne un bout de piste roulant, je ne relance pas trop vite. La première grande descente qui suit derechef est d’ailleurs bien raide et là aussi, c’est option en souplesse et sobriété jusqu’au pont des Trombères, sortie des bâtons et en route pour les Toilles.
C’est d’ailleurs du bien costaud, cette montée au-dessus de Bionnay, et c’est alors que j’entends des échos sonores familiers que les deux premiers de la « Moins » me rattrapent. J’arrive au ravito avec sept minutes d’avance sur mes prévisions, et j’en repars au bout de trois bien décidé à avaler le Prarion d’un pas alerte.
Et effectivement, le Prarion passe bien, toujours dans les 14/15 mètres à la minute sans être dans le rouge. Il commence à faire chaud et la casquette a droit au bain dans chaque fontaine et ruisseau croisé. Je monte bien, doublé par Rachele puis par Leptitchat qui lape, pardon, tape de l’eau au passage. J’apprendrai par la suite qu’elle a sauté le ravito pour ne pas perdre Rachele de vue, ce qui me paraît un peu osé vu les conditions.
Car il commence à faire sacrément chaud et nous sommes encore en sous bois. Et la pente se redresse : voici des marches fort hautes qui plombent le rythme, des passages aériens qui donnent des sensations de via ferrata. Je double Patricia, mais de peu, et lorsque je débouche, enfin, sur l’arrête sommitale du Prarion, le Goûter nous fait le grand show de ses glaciers à la blancheur immaculée, qu’on comprend pourquoi le XIXème romantique s’est tant entiché du massif. Long arrêt photos panoramiques (au moins 390°) pour ne rien perdre, lunettes de soleil parce que la proximité des neiges en rajoute des tonnes et hop. J’ai quand même mis cinq minutes de plus que prévu. Avec les sept gagnées au début, on dira que je jouerai les quinze heures du plan de marche, hein ? Hop hop !
Enfin, hop, hop, faut voir. La fin du Prarion a bouffé du jus et je relance moyen sur les ondulations qui suivent. Il reste encore plus de quarante bornes, hein, allons-y mollo.
Et Mollo j’y vais, jusqu’aux premières descentes franches dans les alpages après l’hôtel du Joly ou je gratte quelques fractions de km/h pour ma moyenne, c’est toujours ça de pris.
Puis c’est le grand plongeon pleine pente, à travers un groupe de traileurs que je soupçonne de reco UTMB, et quand je dis plongeon, c’est au propre comme au figuré, rapport à un truc dans la loge interne qui n’aime pas que ça descende et crampe. Assis dans l’herbe encore trempée, j’étire, décoince et repart prudemment.
Nous rentrons dans la forêt. Plein soleil, ombre, plein soleil, ombre, une voix me dit que je ferais mieux d’enlever les lunettes de soleil parce qu’à chaque entrée dans l’ombre, je n’y vois rien pendant plusieurs métrhâââââaa ! Je me retrouve par terre avec le souvenir d’une cabriole, les bâtons en perdition un peu plus haut, les deux mollets fusillés par des crampes qu’une âme charitable – je découvrirai deux jours plus tard qu’il s’agit de DidierC, qui lui non plus ne m’a pas reconnu – m’aide à étirer. Je repars, mais j’ai très mal à gauche, sans compter la blessure d’amour propre. Je croise un peu plus loin Badgone qui encourage énergiquement, comme à son accoutumée, mais j’ai encore mal et je ne fais pas de zèle.
(photo Badgone)
Coût des conneries : 3’30" pour descendre du Prarion. Au ravito, pas d’effinov, je refais le plein à l’eau, balance quelques tucs et des abricots secs dans mon Doggy-Bag, le plein de coca dans la flasque et je repars après avoir échangé quelques banalités avec Patricia. Une pause à la fontaine, rectifier un lacet et tremper la casquette, remettre une couche de crème solaire et ça repart, direction Miage. La relance est laborieuse, je traîne la patte et un groupe de randonneurs fait un raffut d’enfer dans la montée vers le Nid d’Aigle, je les déteste. Je maintiens tout de même une cadence honnête, aux alentours des 10-11 m/mn. Pause photo au-dessus de la résurgence du glacier de Bionnassay, ou un petit lac de ce vert-bleu des eaux glaciaires est un vrai bonheur. J’attends poliment mon tour sur la passerelle – le scrupule n’est pas partagé, y’en a qui s’y mettent à trois – et vlan.
Vlan la montée vers Tricot dans ta gueule. J’ai bien mal, certes, mais je suis surtout dans le mal, je n’avance pas, et je lève la tête du sentier transformé en ruisseau par la fonte des névés pour me remonter le moral en contemplant les glaces au-dessus, parce que c’est beau. Je me dis que je vais finir par être rejoint par Tine qui serre-file la « Moins », et que malgré toute l’estime que j’ai pour elle, ce ne serait pas très glorieux pour moi…mais depuis un bon moment, je subis la course.
Finalement, après une enfilade de névés qui apportent une bien agréable fraîcheur, la pente se casse et le col, enfin. Je discute avec la bénévole, twitte mes misères et pars dans la descente, doublant quelques randonneurs. De grosses pierres déboulent, une paire de cuistres ne fait pas gaffe au-dessus, sans se donner la peine de prévenir. J’arrive à Miage d’humeur massacrante, dépité, traînant la patte et fort pessimiste. Continuer ou rentrer par la « Moins » ? Arrivent Patricia et Torchure. Je me confectionne trois sandwiches Tome – Jambon de Pays. Quand je me goinfre au ravito, ce n’est jamais bon signe, mais j’ai vraiment les crocs. Torchure repart, Patricia me propose de faire la route ensemble. J’ai envie, mais j’ai mal et j’ai peur pour la récup de cette affaire qui risque de conditionner le truc de fin août. A moins que je ne sois en train de me chercher une excuse pour tirer au flanc ? Je m’en ouvre auprès de la responsable de poste, assis sur une pierre. Je consulte la suite du plan de marche sur mon téléphone, et découvre un SMS de Land.
« Go go go…Force et courage sont tes meilleurs amis sur cette belle Montagn hard. Profites à fond ! »
Je commence à répondre « Salaud, à cause de toi je suis obligé de continuer » mais quand je me lève de ma pierre, un éclair de douleur part du mollet gauche. J’annule le SMS et vais voir les bénévoles pour rentrer par la « Moins » en me traînant. Je rattrape une autre concurrente du « 60 » explosée par une inflammation du genou, je lui tiens compagnie quelques temps, lui propose mes bâtons, parce que quand même, je n’agonise pas à ce point, mais elle décline l’offre. Le moral n’est pas fameux, et je ne profite pas vraiment de la descente, imaginant une sorte de cyrano de zone d’ombre en zone d’ombre jusqu’à la vallée, discutant l’aventure avec des promeneurs, des bénévoles, d’autres promeneurs, un chien, un âne et deux chevaux qui m’écoutent poliment. Je ne pense même plus à faire des photos, et je suis assez heureux lorsqu’il apparaît que je n’ai pas à remonter jusqu’au Plan de la Croix, et donc à en descendre. Je m’accorde un arrêt cosmétique au bord d’un ruisseau, et je vois bientôt revenir des coureurs de la tête du classement du « 60 ». Il me faut calmer l’enthousiasme des spectateurs en expliquant que non, je ne suis pas dans les quinze premiers du « 60 », mais dans les 15 derniers du « 39 ». L’accueil est grandiose et je ne peux même pas faire la gueule en parcourant les derniers mètres vers Alice, Jay et le Bagnard qui animent l’arche.
Il y a aussi Mat95 tout content de sa seconde place, qui a l’air frais comme un gardon. J’interpelle Olivier pour m’excuser de ne pas avoir fait honneur à son tracé. Je prends mon sandwich, décline la bière, et avant de redescendre au Camping des Dômes de Miage retrouver mon petit confort, je balance un tweet de conclusion un peu amer, tout en ne manquant pas une occasion de dire à quel point la journée fut magnifique, même si la prestation sportive laisse à désirer.
Cherchez pas à me convaincre du contraire, tout ça n’est pas glorieux, même si, à J+5, le reliquat de douleur dans le mollet indique que j’ai bien fait de bifurquer. Mais nom d’une pipe, que la Montagne est Belle !
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9 commentaires
Commentaire de Arclusaz posté le 11-07-2013 à 21:30:49
voilà, le plus important c'est ta dernière phrase.
le reste est anecdotique....mais très joliment conté !
Bonne chance pour ta "promenade" de fin aout....
Commentaire de la panthère posté le 12-07-2013 à 12:46:47
bah, relativise, ce n'est qu'un objectif intermédiaire.... bon entraînement pour la suite!
Commentaire de jpoggio posté le 12-07-2013 à 14:03:48
Alors là, non, la Montagn'Hard, c'est la Montagn'Hard, c'est pas un objectif intermédiaire. J'étais venu faire la Montagn'Hard 60, pas une sortie de prépa pour le truc à la con de fin août, nomého.
Commentaire de torchure posté le 12-07-2013 à 16:35:38
C'était sympa de jouer au yoyo avec toi... dommage que ça n'ai pas duré jusqu'à la fin...
Ce n'est que partie remise !
Commentaire de Françoise 84 posté le 12-07-2013 à 18:42:17
Bon, l'année prochaine on refait un duo d'escargots sur la 100: avec les 2 têtes de lard associées, ça passera!!!! Bises!!
Commentaire de jpoggio posté le 12-07-2013 à 22:39:00
Ah ! Chiche ! On aurait le temps de médire de nos progénitures respectives et de leurs retours tardifs :D
Commentaire de PhilippeG-638 posté le 16-07-2013 à 14:17:02
Très beau récit avec un langage bien châtié ;-)
Finalement assez humoristique, dommage pour ta blessure sinon tu allais au bout.
Courage pour la suite parce que apparemment tu vas t'attaquer à un sacré morceau fin Août...
Bon rétablissement
Commentaire de Papillon posté le 24-07-2013 à 08:13:14
Hello Jacques... ton récit me rappelle cruellement la dernière 6000D que j'ai abandonné piteusement sur un genou en rade. Ton arrivée pour laquelle tu dois dire, la mort dans l'âme... non, non, je n'arrive pas, j'ai jeté l'éponge... est une horreur. Je compatis à ton amertume, et à ta frustration. Mais comme dit toujours ayrton "Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort..." et il a diablement raison. Tu finiras la prochaine, ne serait-ce que pour ne pas revivre cette expérience... c'est comme ça que j'ai terminé le Galibier, dans un nombre d'heures incalculables, mais je suis allée au bout, au bout de tout, du chemin, de ma tête, et de mes jambes! Alors bonne chance pour la suivante!!!!
Commentaire de jpoggio posté le 24-07-2013 à 10:28:53
J'espère bien finir la prochaine, c'est ce *$£%@ d'UTMB et j'aimerais bien en être ne pas avoir à y revenir, je préfère la MH !
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