L'auteur : canispeed
La course : Eco-Trail de Paris® Ile de France - 80 km
Date : 16/2/2008
Lieu : St Quentin En Yvelines (Yvelines)
Affichage : 3446 vues
Distance : 80km
Objectif : Terminer
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12 heures passées, base de St Quentin en Yvelines en ce 16 février 2008...
J'ai une vague pensée pour ma famille en train de manger bien au chaud devant la tv, tandis que je suis là, frissonnant sous un vent mordant, à attendre avec un mélange d'anxiété et de fébrilité le signal du départ. Speed regarde calmement autour de lui, me regarde, et j'envie un peu sa "zen attitude". Il commence d'ailleurs déjà à faire sensation, et l'air dubitatif des coureurs en apprenant qu'il s'aligne avec moi au départ du trail, me fait sourire intérieurement. Car s'il y a bien une chose dont je sois sûre, c'est que Speed les fait les doigts dans le nez, ces 80 km. Ou plutôt, les griffes dans la truffe. En ce qui me concerne, c'est un peu une autre affaire...
Je repense au retrait des dossards la veille à Issy-les-Moulineaux, et cette première immersion au milieu de ces "pros" et vieux baroudeurs de l'ultra qui semblaient tous se connaître, à discuter en habitués UTMB et autre, et déjà je me sentais bien moins sûre de moi, avec comme principale "performance" un semi couru en ...deux heures...Mais franchement, qu'est-ce qui m'a pris de m'inscrire à cette course ? Comment est-ce que je pourrais faire 80 km, après avoir échoué en octobre à terminer un trail de 26 ? Et pour clore le tout, un entraînement quasi inexistant depuis décembre ( pour le mois de janvier ça doit plafonner à ...une trentaine de km, et c'est en février une semaine avant le départ que je me décide enfin à me bouger un peu...). Bref, difficile d'être plus mal préparé je crois...
Enfin le départ est donné, et mes appréhensions s'envolent , on s'est placés en dernier comme d'habitude et Speed trépigne sur place et fait des bonds en aboyant, enfin on est partis...Je dois ralentir un peu Speed qui veut partir comme un malade, et c'est un peu hard de garder un rythme lent avec lui alors qu'il aimerait bien dépasser tout le monde...Enfin le gros avantage de partir derrière, c'est qu'on double plus qu'on ne se fait doubler, ce qui est excellent pour le moral. On longe le plan d'eau de St Quentin, je dis au revoir à ma soeur et mon beau-frère venus m'accompagner au départ , et voilà plus qu'à tenir 80 km...Petit à petit les coureurs s'éparpillent et je peux lacher la ligne de Speed qui de toutes façons se tient bien à droite comme à son habitude. Les kilomètres défilent sur un parcours très roulant, excepté sur la fin où il commence à y avoir quelques belles côtes.On tient le rythme sans problème jusqu'au premier ravito, qu'on atteint après 2h09 de course.
Arrivée donc au premier ravito, bondé, j'ai un mal de chien à me frayer un chemin au milieu de la cohue , du coup je reste juste le temps de me désaltérer un peu et donner de l'eau à Speed, et repars dans la foulée, mangeant en marchant les quelques barres de céréales et compotes que j'ai réussi à prendre. J'ai complètement zappé de reremplir ma poche à eau qui est presque vide, ce que je vais amèrement regretter par la suite. Je prends mon temps, un petit rythme se met en place, dès qu'une côte est en vue je marche comme tout le monde ( enfin ceux à mon niveau), donc paradoxalement à chaque côte c'est un soulagement car synonyme de repos. Depuis le ravito je suis un peu dans l'inconnu, vu que jamais couru plus long qu'un semi ( excepté une fois à un entrainement où j'étais en méga forme et couru 3h30, et assez vite, enfin plus vite que d'habitude...mais bon je l'ai fait une seule fois...). Et vraiment je me plais bien dans ce rythme, j'en oublie les km, je regarde ma montre de temps en temps mais le temps semble s'allonger, une sorte de sérénité m'envahit, on croise souvent des coureurs arrêtés au bord du chemin, qui attendent, passent un coup de fil, mangent, changent de vêtement...Montées, descentes, d'autres montées, d'autres descentes dans les sous-bois, quelques passages bitumeux sous le regard interloqué des automobilistes, et les kilomètres passent...C'est vraiment une ambiance à part, tous embarqués dans la même aventure, unis dans l'effort...J'échange quelques mots avec des coureurs, que je reverrai souvent au gré des ravitos, je double un peu, puis me refais doubler...Mais le manque d'eau commence à se faire sentir.
Vers le 35ème km, je me mets à marcher, et j'arrive plus à recourir, je me fais doubler par une bonne partie de ceux doublés précédemment, je compte, je me dis, au bout de 5, 10, 15 personnes à me doubler, je recours, dans 5,10,15 minutes, je recours...mais malgré les encouragements des nombreux coureurs qui me doublent, peine perdue, je me traine lamentablement, dans un état de fatigue tel que je crois en avoir jamais connu, mes jambes semblent déconnectées de mon cerveau...Les divers "encouragements" de ma famille me reviennent en mémoire, entre ceux qui me donnaient, 20, 40, 60 km pour les plus généreux, avant de déclarer forfait...Personne pour croire que j'irais jusqu'au bout, excepté moi. Et même si je dois la terminer en marchant jusqu'au bout, je suis bien décidée à y arriver...C'est quoi, 80 km...rien du tout.Une bagatelle, comparé aux 160 km et 9000 mètres de dénivelé de l'UTMB...
J'ai l'impression de faire du sur-place, et Speed se tourne régulièrement vers moi, ne comprenant pas pourquoi on va aussi doucement et frustré de se faire doubler par tout le monde...Puis au bout d'un moment je réussis quand même à courir par périodes de quelques minutes, je garde les yeux fixés sur ma montre, me forçant à tenir 3, puis 5, puis 10 minutes, et c'est en alternant course et marche que j'atteins le panneau de contrôle de 43 km. C'est un immense soulagement, tellement j'avais perdu la notion de distance, 7 km jusqu'au prochain ravito, ça c'est une distance que je comprends, ça me parle, c'est pas abstrait comme 80 km, je reprends un peu du poil de la bête, et j'arrive même à redoubler certains qui m'avaient doublé peu de temps auparavant. Et puis 43 km, c'est plus que le marathon, qui me semblait inaccessible jusqu'alors...
Enfin, c'est en bien meilleur état que j'arrive au ravito du 50 ème km, au bout de 5h47. 50 km.Ouah. Je suis quand même fière de moi là. Plus que 30 km Le plus dur est fait. Je le sais maintenant, j'irai au bout.
Speed a le droit de goûter à à peu près tous les ravitaillements, il est ravi. J'ai droit à une expérience "traumatisante" en expérimentant des biscuits vers bizarroïdes...Immangeable ! Speed lui par contre ne fait pas la fine bouche...à croire qu'ils nous ont refourgué des biscuits pour chien ! Il y a une sacrée ambiance, de la place, de la bousculade, de la musique, les pompiers qui font la course en tirant une carriole avec des enfants malades dansent, chantent, des coureurs se font masser et "réparer" par l'équipe de kinés et podologues...Je m'assois, me repose un peu, observe autour de moi, essayant de fixer dans ma mémoire, tout ça...
Mais il commence à faire "ben ben frette", et je me décide à partir, la nuit tombe, je mets ma frontale, et au bout de quelques minutes, en essayant de la régler, elle s'ouvre et les piles tombent par terre, et c'est une vraie galère pour les retrouver dans la nuit, et quand tant bien que mal je parviens enfin à les remetrre en place, la lampe refuse catégoriquement de s'allumer...Je trépigne, je jure tant que je peux et résiste à la furieuse envie de balancer ma frontale contre un arbre. Finalement je sors ma deuxième frontale, et...elle aussi refuse de s'allumer. J'hallucine là, alors qu'hier elles marchaient très bien toutes les 2 ! Je finis par sortir mes piles de rechange, et dire que j'en voyais pas l'utilité et que j'ai hésité à les prendre...miracle, ça marche ! Enfin ! Je peux redémarrer, et comme je l'avais déjà remarqué, la nuit semble décupler mes forces et ma motivation, et je me sens des ailes. Et puis maintenant, on est "proches" de l'arrivée, et proches du prochain ravito.Je me surprends à piquer des sprints , après tous ces km, alors que tout à l'heure j'étais complètement lessivée...Vraiment je m'épate moi-même des fois ! C'est un vrai plaisir de courir dans les chemins sinueux en lisière des bois à la frontale, on en fait uine bonne partie en solitaire, et je crois que Speed a pigé qu'il fallait repérer les rubalises, j'ai presque rien à lui dire.
D'ailleurs Speed est vraiment génial, toujours devant, ligne tendue, à l'écoute. Malgré ma lenteur, toujours aussi motivé, alors que pour un sprinter comme lui adepte de la vitesse il doit quand même se faire bien chier. C'est la seule chose que je craignais un peu, qu'il s'ennuie et qu'il perde sa motivation, mais non, carrément pas. D'ailleurs pour ceux qui s'imagineraient que c'est un pauvre martyr que sa tarée de maîtresse oblige à faire ainsi des dizaines de km contre son gré, il faut savoir que Speed n'est absolument pas le genre de chien prêt à "mourir pour son maître". S'il n'a pas envie de faire quelque chose, ben...il le fait pas, et en tant que chien très probablement battu dans sa première jeunesse, impossible de lui faire faire quelque chose par la force il se braque tout de suite. Bien sûr il est attaché et donc obligé de me suivre, mais quand il a pas envie de courir ce qui lui arrive, il se laisse trainer...Et s'il est fatigué, il se couche...ce qu'il a pas fait une seule fois dans toute la course, même pas à la tour Eiffel.
ravito 63 km, 8h07. On y retrouve quelques coureurs déjà croisés, et on repart assez rapidement, en marchant 15 minutes, puis alternance course 30 minutes/ marche 15 minutes. Ca va tranquille, je double, puis me refais doubler, et ainsi de suite...jusqu'au dernier ravito, qui arrive assez rapidement. Et je me tords ma putain de cheville, je me mets à hurler et jurer et sauter sur place ce qui terrorise le pauvre Speed et fait se retourner tout le monde, j'ai très peur d'une entorse surtout que ça fait plusieurs fois depuis le début de la course que ça m'arrive et là ça a l'air plus sérieux...Enfin ça a l'avantage de détourner un peu mon esprit de mon pauvre genou qui me lance par intermittence...
ravito 70 km, 9h09 Une superbe vue sur la tour Eiffel rappelle la proximité de l'objectif final.On prend notre temps sur ce ravito. Un bénévole très sympa s'occupe de Speed, je retrouve des coureurs croisés au départ, épatés de retrouver Speed. Je suis pas pressée, et puis bizarrement j'ai pas vraiment envie que la course se termine. Mais on finit quand même par repartir, c'est pas aussi près du but qu'on va s'arrêter ! Descente un peu hot du parc de St Cloud en compagnie des pompiers très sympas, qui proposent d'embaucher Speed pour tirer leur nacelle, mais sans Speed je finis pas la course ! On finit par les dépasser, et commence alors le "trail urbain", et c'est tout plat le long de la Seine jusqu'à la tour Eiffel. Au début on court à une bonne allure, sans s'arrêter, on dépasse...puis au bout d'un moment, lassitude ? Je me mets à marcher, et après quelques tentatives de course infructeuse, terminerai en marchant. Je me rends bien compte que je pourrai sans problème aller plus vite, je suis pas vraiment fatiguée mais bon, je crois que je m'en fiche un peu.
C'est un peu surréaliste de traverser ainsi Paris, entre Seine et voitures...J'imagine la tête des Parisiens dans leurs voitures, en nous voyant défiler tout crottés avec frontales et camelbags...J'aime assez cette partie du parcours, inhabituelle, même si pas la plus intéressante techniquement parlant ! On découvre même quelques coins sympas le long de la Seine, où dorment les péniches...Je termine finalement la course en marchant en compagnie d'un autre coureur sympa avec qui j'ai un peu le temps de discuter, avant de me faire distancer lors de la montée de la tour Eiffel .C'est plus dur que je le pensais, les marches défilent mais l'arrivée se fait désirer. En plus je suis séparée de mon "coéquipier", ce bon vieux Speed n'ayant pas eu droit à une dérogation pour la tour Eiffel, il ne pourra pas franchir la ligne d'arrivée...Et c'est escortée par un cameraman que je franchis les dernières marches, et bredouille quelques mots face à la caméra...la classe !
arrivée : 10h56
Je me rends maintenant compte que j'ai même pas pris le temps de profiter de mon passage sur la tour Eiffel, à peine arrivée je prends tout de suite un ascenseur pour redescendre, mêlée aux touristes qui nous regardent bizarrement, et dès la sortie on se fait assaillir par les vendeurs de tour Eiffel miniature. La magie de l'ultra s'estompe déjà, retour dans la vie réelle...Tandis que je retrouve mon vieux Speedou, je commence déjà à revivre mentalement ces presque 11 heures de course, qui je crois resteront gravées dans ma mémoire...
I did it, ou plutôt, we did it !!!
En tout cas, un grand merci à Speed sans qui je ne serais certainement jamais allée jusqu'au bout, à la famille Rondineau pour leur hospitalité, aide et gentillesse, à la famille Ihadaddene, à Zabou pour ses encouragements, aux bénévoles qui m'épatent toujours autant, à l'organisation pour cette super course et aux coureurs croisés sur le parcours, qui m'ont encouragée et motivée.
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7 commentaires
Commentaire de fabzh posté le 01-03-2008 à 18:38:00
Bravo bravo et bravo à vous deux
On sent une belle complicité entre vous.
c'était un beau challenge, exécuté avec brio.
Les organisateurs auraient pu comprendre ta demarche et autoriser ton chien à passer la ligne,mais tu, vous l'avez fait, bravo encore
Commentaire de Elendil posté le 01-03-2008 à 19:57:00
Wouh ! (et ouah ouah pour speed).
Nous nous sommes croisés à peu près à tous les ravitaillements et vous (j'associe la maitresse et le chien) m'avez complètement ébahi ;-). Total respect.
C'est vraiment génial.
Elendil
ps : et moi qui me trouvais 'achtement fort d'avoir fini avec moins de 300 km d'entrainement. 30 de ton (votre) coté... Bien fait pour moi :-D
Commentaire de taz28 posté le 01-03-2008 à 19:58:00
80 km pour toi et Speed, quelle performance de folie !!!
Merci pour ce récit complet de votre aventure, dommage que ton chien n'ait pas pu franchir l'arrivée avec toi !!
Aurait-on trouvé la mascotte de Kikourou ???
Encore bravo à vous deux !!
Taz
Commentaire de la panthère posté le 02-03-2008 à 13:06:00
super! quelle osmose entre vous deux! j'ai adoré "le mal de chien à me frayer un passage..."
bravo à vous deux! et merci pour ce beau récit!
Commentaire de canispeed posté le 02-03-2008 à 18:57:00
merci pour les commentaires :)
pour la tour Eiffel ça dépendait pas vraiment des organisateurs ce sont ceux qui délivraient les billets à l'entrée qui n'ont pas voulu que je monte avec mon chien mais bon je m'y attendais, et puis il avait pas de dossard lol, enfin c'est déjà cool que j'aie pu faire la course avec Speed , certains organisateurs refusent :( ( enfin c'est quand même rare )
Commentaire de Bert' posté le 04-03-2008 à 14:52:00
Un grand bravo et une sacré performance malgré le peu d'entraînement... preuve que la tête aussi, c'est important !!
Je t'ai aperçu juste après le départ et quand je t'ai doublé dans une côte au niveau de Viroflay, je me suis demandé si ton chien pouvait t'aider un peu (!) + si tu allais arriver au bout => ravi de voir que tu as réussi le défi.
Commentaire de akunamatata posté le 18-03-2008 à 21:30:00
Bravo à vous deux, j'ai l'impression qu'on vous recroisera sur des ultras bientôt.
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