L'auteur : alexch
La course : Ultra Tour du Beaufortain
Date : 16/7/2022
Lieu : Queige (Savoie)
Affichage : 1119 vues
Distance : 114km
Objectif : Pas d'objectif
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40 autres récits :
Samedi 16 juillet 2h : le réveil sonne dans notre chalet situé à 500m à pied de l’arche de départ. Je suis seul à manger mes céréales et siroter mon café, les autres dorment encore, c'est un moment que j'apprécie toujours (comme ma fille aînée), d'être le premier réveillé de la maisonnée. Sur un ultra, l’estomac est un organe-clef, et en plus de donner de l’énergie en plus, cette ration démarre le système digestif à une heure du jour où on est tout endormi. Ma stratégie est toujours la même : toujours manger (même de la compote/purée) et boire pour ne pas endormir l’estomac. D’autant plus que la chaleur prévue va nous déshydrater rapidement !
Après une 2e passage aux toilettes, je laisse mon dossard sur la porte, et c’est la grosse frayeur quand je m’en rends compte sur l’aire de départ. Echauffement express en remontant au chalet puis départ… en dernière position, le pointeur de départ acceptant que je ne fasse pas le tour « inutile » du lac. Je suis donc 570e à la sortie du lac et je passe la première montée (1500D+) à remonter le peloton. C’est en partie agréable, mais je dois surveiller le cardio. Surtout, je prends un coup de bâton dans la cheville, ça ne se réveillera qu’à 3h de l’arrivée heureusement !
Je papote avec Félix et Christophe, qui y vont tranquillement, la peur de la chaleur les rend prudents ! Je me retiens de donner un conseil à un coureur qui a une pose de pied catastrophique et glisse dans arrêt sur le sol poussiéreux au lieu de poser le pied bien à plat… Le balai des frontales est joli, d’autant qu’une Lune quasi Pleine est dans l’axe. Les lumières du lever sont magnifiques, le mollet droit est toujours douloureux mais ça commence à s’améliorer.
Le ravito du Soufflet, 8h, avec une vue magnifique à l’ouest, est passé rapidement (j’ai rechargé dans un ruisseau juste avant), alors que beaucoup sont déjà en train de camper et dévorer les fruits et autres. J’ai bien fait de passer l’accélérateur, car je suis déjà 204e/570, et Félix me dira que 200 places derrière, c’était la cohue. J’ai 15min d’avance sur le roadbook optimiste. Le passage dans l’ardoisière, ancienne mine, n’est finalement pas si technique, il y a un passage où on saute de bloc en bloc, je me fais plaisir en doublant allègrement et bien au large… 35 places de gagnées en 30min, ça se dégage du coup, je n’aime pas trop être en peloton (surtout pour les descentes). On passe à flanc dans le haut de la station d’Arêches, et boum le mont Blanc, le soleil… déjà de plomb à 8h30 !! Je regarde le timing, finalement je vais être juste à l’heure au lac de St Guérin après une descente raide en forêt dans les racines, puis au lac des Fées, le ravito avec ma famille qui m’attend. Il reste 5min quand je rattrape la troupe, je ne baisse pas trop le rythme mais je les rassure, je vais rester quelques minutes au ravito, et mon fils me suit sans un essoufflement (vive l’athlé !), ma famille me rejoint, et Julien me filme pour le premier point assistance (j’utiliserai seulement le ravito de l’orga cette fois-ci). Tous les voyants sont au vert : j’ai cogné une racine mais l’orteil a survécu (j’ai dû réveiller les marmottes avec mon cri !). Et la recharge de 1,5L en famille pour aller vers la Pierra Menta donne un boost, alors qu’on sait que c’est parti pour 10h environ de chaleur torride et sans ombre.
La montée est finalement agréable, cormet d’Arêches puis col du Coin avec de jolis bouts d’arêtes, lac d’Amour à flanc, puis col à Tutu près de la Pierra Menta, où je fais une pause à l’ombre d’un rocher pour refroidir la machine. J’ai pris le soin de beaucoup m’arroser, je suis dans un rythme plus soutenable qu’au début, donc ça va sûrement dériver des 23h prévues, normal ! Refuge de Presset, 12h15, terrasse ravito en plein cagnard au sud, sans parasol ni protection, sympa. Du coup 2min chrono, eau, compote, orange et hop ça repart, petit mur 200D+ et ça file jusqu’au cormet de Roselend, 13h45, pour le gros ravito mi-journée, avec sac de délestage apporté par l’orga et assistance du Juju qui pète la forme et est super fier d’avoir vu Jim Walmsley (numéro 1 mondial en trail…) passer en trottinant au lac des Fées, et fait un suivi live digne de Gérard Holtz sur Whatsapp pour nos familles. J’ai commencé à papoter pendant la descente pour faire passer le temps. Les randonneurs croisés ont été courtois, j’ai signalé mon passage en m’excusant, donc ça va bien. Ravito de 20 bonnes minutes, je suis bien, les pâtes/œuf/tomate maison passent super bien, j’ai faim et je m’alimente super bien depuis le début ! Changement de chaussettes (la poussière !!) et de chaussures. Julien parle juste ce qu’il faut, je suis assez bavard, il ne me spoile pas la suite du parcours. Par contre, quand je lui propose de me suivre quelques minutes, il décline poliment « c’est raide après ». Bon en fait on a bien 15 minutes cool sur une route puis un alpage, mais bon en plein cagnard je le comprendsLe suivant, Félix sera à plus d’une heure, et malheureusement la présence de sa femme et de son fils ont achevé de plonger son moral dans les chaussettes. Pas sûr que la reco ait joué positivement : pas de sentiment de découverte, et la connaissance des difficultés qui l’attendaient. Ça sera pour le suivant ! Idem pour Christophe, dont je vois furtivement le père Loic, toujours enthousiaste. Il a déjà des difficultés récurrentes à l’estomac, la chaleur l’a contraint à stopper ici aussi. Je vais le prendre en stage en août et on va améliorer ça !
Donc le fameux mur poussiéreux à souhait vers le Rocher du Vent, moche, mais il faut éviter la route ! Longue traversée et un tunnel sorti de nulle part, 50m et 1m80 de haut en moyenne (apparemment vieux projet de faire passer la route à flanc de falaise à 2400m… en vrai la route passe à 1600m et même le cormet de Roselend est à moins de 2000m !). C’est charmant et ça met un peu de fraîcheur, on se retrouve sur des sentiers super jolis en corniche, et ça continue ensuite par la crête des Gites (Philippe le prend en photo après l’avoir pris au niveau du rocher du vent). On prend des coups de vent fort, jusqu’au refuge de la Croix du Bonhomme, où la fontaine est éteinte et où il faut aller au robinet dans le refuge (aucun ruisseau depuis presque 3h !). C’est l’heure du goûter et les randonneurs du tour du mont Blanc nous regardent comme des extra-terrestres. Ne pas s’arrêter pour la tarte aux myrtilles, Julien doit être en bas (si les autres copains n’ont pas trop traîné au cormet). La traversée puis la descente à la Gittaz me valent ma seule gamelle de la course, à vrai dire la tête dans les nuages, en essayant de mettre un pied dans chaque « rail » creusé dans l’herbe, pas très fûté mais bon je m’en sors bien avec une égratignure au genou. Le passage du curé, sentier de berger taillé dans la falaise, est moins glauque que de nuit (TDS 2018). Je refais une micro-pause à l’ombre (le bonheur). Puis je vois Julien arriver à ma rencontre, ça fait plaisir, 17h45. Je reconnais le ravito, très animé, avec une tente qui protège bien de la chaleur. Je ne prends pas de riz mais dévore pas mal de fruits, une soupe, des compotes, et recharge en prévention de la chaleur de fin de journée. Je lâche la ceinture cardio, qui ne sert plus à rien compte tenu qu’elle a été trempée par les arrosages multiples. 15 minutes et c’est parti, la prochaine assistance dans plus de 6h. J’ai l’impression de monter comme un diesel, plus de puissance dans les jambes. Je me rappelle l’adage : « ce qui compte c’est d’avancer, de ne pas s’arrêter trop longtemps ». Je papote avec un coureur déprimé par sa perte de niveau suite à un problème de cœur après un vaccin. A un moment, je me retourne et je me demande si la discussion ne l’a pas fait faire demi-tour… Le suivant est malade, livide, il me dit qu’il a envie de se faire vomir, et puis finalement il y arrive avec ses deux doigts, je l’attends 2 minutes, il me dit c’est OK. Bon c’est le champ de bataille, il ne fallait pas trop regarder les autres à la Gittaz, en train de ou ayant abandonné. Il y a un peu de hors-sentier et je perds la trace deux fois, ça manquait un peu de balisage mais le GPS et les autres m’aident sans problème. La fin de journée au-dessus du lac de la Girotte est joli même si le tour est un peu artificiel, on repasse à 500m de là où on était 1h30 plus tôt. Petit coup au moral quand je me rends compte qu’il reste 34km et pas 24! Les neurones sont passés en mode nuit. Ravito, 20h45, encore des mines graves, dans un bâtiment EDF petit mais sympa. Beaucoup de chaleur et d’empathie, spécialement pour celui-là mais les autres aussi. Des bénévoles avec la patate, ça fait plaisir, ils mettent bien en valeur leur région. Je change de teeshirt, ayant peur du vent des crêtes au niveau du Roc d’Enclave, finalement le teeshirt manches courtes sera trop chaud. La nuit arrive après un coucher de soleil sur le mont Blanc, journée superbe et enfin (!) de l’ombre mais le vent est tombé... La première descente en frontale est très délicate : beau sentier taillée dans une pente assez raide mais blindé de gros cailloux. Le groupe de devant choisit de marcher, il est vrai que le balisage est aéré et pas rassurant, d’ailleurs je suis rattrapé par un râleur, avec qui finalement je ferai 45 minutes de descente. L’ultra c’est sympa, si on est sur notre bon rythme, on arrive à parler et ça fait passer le temps (pour ceux comme moi qui détestent la musique en courant, le seul refrain dans ma tête ayant été… Best Life de Maître Gims que mon fils écoute en boucle :)).
Hauteluce 00h15 : il refait chaud avec la perte d’altitude, et là c’est la grosse punition, j’annonce à un coureur et une coureuse que nous attendent plus de 2km de bitume en faux plat descente. Elle se met quasiment à me vomir dessus et abandonnera aux Saisies. Signe de la difficulté du jour : beaucoup d’abandons à 12km de l’arrivée, et loin de la barrière horaire. Julien et ma femme sont là, la tente est surchauffée (mais quelle idée de faire chauffer la soupe avec un réchaud à gaz à l’intérieur de la tente, alors qu’on souffre de la chaleur depuis le matin!). Je me pose sur le bitume à peine refroidi à l’extérieur, et me refais un crémage de pied intégral pour prévenir les ampoules, à nouveau viande des Grisons (miam) et des compotes. 2 gélules de caféine car la période 1h-4h est en général délicate à passer (avant j’avais pris 2/3 verres de coca dilué). Il est 1h et je suis dans les temps pour un 25h, si je trouve la solution pour passer la seconde en montée. Et je trouve la solution ! Deux coureurs puis deux autres me doublent comme des avions (en regardant le suivi live je vois que je gagne 20 places à chaque ravito et en perd 10 entre les ravitos !). Je comprends que mes quadris, douloureux sans plus, n’ont plus de jus et qu’il faut arrêter de marcher bien à plat mais bien pousser sur le soléaire, muscle profond du mollet qui a encore du jus ! Et ça marche, je suis content de ma montée aux Saisies, 2h15 où je fais un ravito express en tapant la discut’ aux bénévoles et avec toujours la tribu de zombies assises (ça fait peur). La Lune arrive pour compléter le tableau, on quitte les Saisies pour 300D+/1300D- de folie en forêt, ça va parce que ça alterne le raide et le moins raide. J’annonce à Julien l’arrivée avant 5h, ma femme aura mis le réveil à 4h45, et comme par magie, je la retrouve en sortie du chalet dans le village de Queige. Sympa de finir ces 5 dernières minutes ensemble, Julien est là aussi, Mick étant passé 1h plus tôt à Hauteluce, quelle courtoisie de laisser à Julien le temps de venir à l’arrivée ! Je ne sais plus avec qui j’ai papoté dans le parcours mais je suis rattrapé par Pascal qui me dit de finir ensemble, c’est sympa, un autre ancien a couru sur le bitume pour faire moins de 25h, nous finissons ex-aequo dans une ambiance… de 4h55 du matin quoi, malgré le speaker et la photographe qui nous attendent de pied ferme, l’orga annonçant les arrivées en avance avec une personne aux 300m. On félicite les personnes arrivées, c’est sympa, on revoit des têtes connues. Soupe, fruits au sirop, bière, tout passe, c’est sympa, Julien ayant un dossard peut aussi prendre le repas et nous voilà bien contents de cette aventure. L’adrénaline me conduira à ne dormir qu’à 15h, après un bon resto pizza-bière classique avec Julien, Mick et ma femme.
Faire partager sa passion à ses proches est important pour comprendre ce qu’on ressent, pourquoi on le fait, les émotions par lesquelles on passe. Ce n’est que l’aboutissement de plusieurs mois voire années d’entraînement, parfois seul, souvent avec des copains/copines, et le plaisir est aussi que chaque jour on imagine cette arche d’arrivée qui attend (ou pas) pour la prochaine course, et ça motive pour prendre soin de soi toute l’année, et pour moi, de transmettre ma passion. L’ambiance, l’impression d’être pour 25h au centre des attentions, l’impression de visiter des dizaines de vallées dans la journée, l’ultratrail opère cette magie d’étirement du temps qui est tout à fait exceptionnelle. Chacun y pioche ensuite sa palette de défi, de partage, de photo et vidéo, de découverte… à bientôt les copains/copines :) Vidéo Youtube
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5 commentaires
Commentaire de bubulle posté le 13-08-2022 à 10:13:57
Enfin, le premier récit de cet UTB qui semble presque facile à te lire...:-). Comme quoi une bonne préparation (et un bon niveau), ça change tout. Bravo pour avoir été dans le (encore) petit carré des finishers de cette course difficile!
Commentaire de alexch posté le 17-08-2022 à 18:44:54
Merci bubulle, j'avoue avoir trouvé ça presque roulant après le trail des Donjons (pays Cathare) de fin mai :) La seule alerte a été une douleur musculaire au dos à mi-course, qui est passée avec un petit massage, sinon je n'ai pas fait trop de folie pour assurer le coup, à 6 semaines de l'UTMB c'était vraiment juste en récup si j'avais donné 100%
La chaleur aurait dû inciter l'organisateur à revoir la barrière à 32h à mon avis, si l'objectif était d'avoir autant de finishers qu'une année normale, mais c'est sa liberté !
Commentaire de alexch posté le 17-08-2022 à 18:57:23
Merci bubulle, j'avoue avoir trouvé ça presque roulant après le trail des Donjons (pays Cathare) de fin mai :) La seule alerte a été une douleur musculaire au dos à mi-course, qui est passée avec un petit massage, sinon je n'ai pas fait trop de folie pour assurer le coup, à 6 semaines de l'UTMB c'était vraiment juste en récup si j'avais donné 100%
La chaleur aurait dû inciter l'organisateur à revoir la barrière à 32h à mon avis, si l'objectif était d'avoir autant de finishers qu'une année normale, mais c'est sa liberté !
Commentaire de jano posté le 04-11-2022 à 15:06:46
je l'avais pas encore lu dis donc...bon, bravo pour la course, à l'expérience et tout en maitrise et en gestion du rythme et de l'alimentation.
sinon, c'est moi le râleur...mais bon, le balisage était vraiment trop light (même en connaissant le parcours), l'orga avait déjà analysé le problème quand j'en ai parlé.
Commentaire de alexch posté le 06-11-2022 à 19:39:38
Merci, oui effectivement après la Gittaz c'était un peu light, avec quelques portions hors sentier. Je trouve ça dommage aussi cette barrière aussi dure, mais maintenant on peut voir les cotes ITRA sur itra.run donc ça donne une idée : 30h01 - 450
A+
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