L'auteur : samontetro
La course : Les Aventuriers du Bout de la Drôme - 105 km
Date : 12/5/2012
Lieu : Crest (Drôme)
Affichage : 5004 vues
Distance : 105km
Objectif : Objectif majeur
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Cette année 2012 est un peu particulière pour moi : je viens de passer V2 et la cinquantaine pointe le bout de son nez. Dans quelques semaines. Et cette année j'ai pris une grande décision: je vais m'entrainer. Fini les « je cours quand je veux, où je jeux, comme je veux ! » Depuis 16 semaines je suis un plan de préparation « ultra » récupéré sur www.trace-de-cime.fr. Cette course des Aventuriers du bout de Drôme est mon objectif. Les deux premières courses de l'année m'ont mis en confiance avec deux victoires en V2H mais c'était sur des distances courtes (35 et 45Km) et dans le froid auquel je suis habitué dans mes entrainements hivernaux sur le Vercors. Mais là je pars pour 105Km et 6600mD+.
3h30 du matin, nous traversons les ruelles pavées de la ville de Crest endormie. Il fait une chaleur lourde dès que nous quittons le bord de la rivière, 20° déjà. La météo avait pourtant annoncé frais, les fameux « saints de glace » ont du oublier de se lever ! Contrairement à mon habitude je cours avec le groupe de tête. La faute à Kailassa. Il y a 3 semaines, à Mirmande, il m'a dit « avec la forme que tu as en ce moment, tu peux faire un truc ». Ce compliment m'avait beaucoup touché de la part de ce grand bonhomme trop discret de la course à pied. J'avais souri avec un « Mais non, tu rêves ! » puis l'idée a fait son chemin dans ma tête. Et si... Alors j'essaie de ne pas me faire « enfermer » avant le monotrace du départ.
Jack nous lâche pour un départ lancé dans la nuit, derrière le donjon, avec son traditionnel « Bonne route les gars ! » et c'est parti pour le monotrace qui grimpe en crête. Le rythme me convient bien. Ca courre. Un petit groupe part devant. 65Km ou 105Km ? Le départ est commun. J'apprendrai sur kikouroru que c'est The Dude himself qui lançait l'offensive! Je ne cherche pas à suivre. L'objectif est d'arriver au pied des bosses, dans 60Km, le plus frais possible. On est maintenant sur un beau chemin roulant et plusieurs coureurs me passent. Hémérodrome (Monsieur Trace de Cime) m'a dit « Fais TA course » alors je les laisse partir.
Ourches, premier ravitaillement et première boulette! Je prends trois tranches de pain d'épice et repars rapidement sans recharger en eau. J'en ai assez. Mais je ne me rends pas compte qu'avec cette chaleur de fin de nuit je consomme beaucoup. Les enchainements de bosses passent bien : je cours quasiment toutes les bosses et je suis bien. Le plan d'Hémérodrome est une petite merveille. Un peu avant Barcelonne un coureur me rattrape lors d'une « pause technique » et nous cheminons ensemble quand je touche le fond de la poche à eau. La gourde fixée à la ceinture du sac est vide depuis longtemps. Je paye ma boulette. Heureusement le ravitaillement n'est plus très loin.
Je perds pas mal de temps à bien recharger la poche à eau ainsi que la gourde et me fait doubler par plusieurs coureurs dont Frédéric Desplanches, le futur vainqueur. Je repars à l'assaut de la Raye. Ca monte dur jusqu'à la tour puis en deux ou trois rampes, séparées par des faux-plats. Et là , trop sûr de moi, je vais en faire un peu trop. J'arrive au pas du buis avec tous les voyants au rouge ! Gasp ! Je ne suis même pas au premier tier de course en Kilomètres ! Je vais calmer le jeu, courrant uniquement les plats et descentes jusqu'au pylonne fiché au sommet de la Raye. Ca va mieux, ça revient. On continue ensuite par un monotrace en bordure de falaise avec une vue époustouflante sur la vallée du Rhône. Je suis toujours seul. Le sentier devient une « draye de sanglier » entre les buis. Les bâtons pliés sur le sac accrochent les branches. Difficile d'avancer vite. Mais ça permet de récupérer. Puis c'est la plongée sur la croix du Bésot. Et quand je dis « plongée »... la pente est terrible, le terrain glissant... Je vise délibérément les arbres pour m'accrocher et me freiner ! Les cuisses n'aiment pas !
L'entrée dans Cobonne est toujours aussi magique. Je retrouve des têtes connues parmi les bénévoles. The Dude est là et on échange quelques mots sans que je ne le reconnaisse. Houlaaaa ! Soit je suis dans ma course, soit je suis déjà dans le potage (ou plutôt la chorba ).
(Merci au phtotgraphe!)
Je repars en direction de Mirabelle pour un secteur plutôt roulant. J'ai bien récupéré et ça courre. J'en suis tout surpris, il y a trois ans j'avais déjà commencé à beaucoup marcher sur cette section. Mais Jack a tronqué le parcours que je connaissais, sans doute à cause des deux nouvelles bosses annoncées « terribles » avant et après Saillans. Je passe un coureur en abordant une traversée de vignes : on est au pays de la Clairette de Die ! Un spectateur nous encourage : « Bravo les gars, vous êtes dans les dix premiers ! » Super ! C'est mon objectif : moins de 16h et dans les dix premiers si possible. Et là il y a encore les gars du 65Km avec nous !
Je fais rapidement le trou et rejoins Mirabelle et le troisième ravitaillement. J'ajuste la poche à eau, rempli la gourde car la section suivante va être plus rude. Très rapidement on attaque la crête qui domine la vallée de la Drôme. Et là, je n'en crois pas mes yeux : je cours ! Si ! Si ! La dernière fois, j'ai marché tout ces longs faux-plat et là, je cours ! Au pied d'un raidillon plutôt sévère, je rattrape un concurent. Enfin, un peu de monde ! Il me laisse passer et m'emboite le pas. Je pousse sur mes cuisses, la pente est raide. Il me glisse « C'est ça la grosse côte avant Saillans » ? « Non », lui dis-je, « on va redescendre un peu avant ». Je lui montre au loin un « mur » qui nous barre l'horizon « ça doit être ça, là bas ! ». Il a visiblement quelques problèmes digestifs et du mal à boire et manger. J'essaie de l'encourager : « on est dans le top dix ! ». « Non » me répond-t'il, « tu es 3 et je suis 4. J'étais quatrième à Mirabelle et le troisième a abandonné ». La nouvelle me fait un véritable électrochoc. Je n'ai jamais été podiumisable de ma vie en 50 ans ! Et si Kailassa avait raison ? Et si je le faisais ?
(image piquée au Dude)
L'arrivée de la côte me ramène à la réalité. Je déplie les bâtons. C'est parti pour 400m de D+, « dré dans l'pentu ! » Mon compagnon de route a lâché prise. Je monte d'un pas régulier. La sente chemine en hors-piste au dessus d'une barre rocheuse. Les jambes deviennent lourdes. La côte est terrible. Une averse vient me rafraichir un peu Ne rien lâcher, je suis troisième ! Au sommet les jambes sont si lourdes qu'il me faut plusieurs dizaines de mètres pour relancer dans la descente, d'abord très technique puis en jolis lacets. A l'entrée de Saillans je croise Smilingmimi et son sourire ! Deux bises, « Allez Samontetro ! ». De la part de la vainqueur de l'UTV en solo siouplait !
Saillans. La prochaine section va être très longue alors je recharge beaucoup en eau. Jack me confirme la troisième place . « Ca fait quel effet ? » dit il ….
Je passe au contrôle médical mais pas de médecin. J'attend. Les minutes passent et je m'inquiète. Le qutirème et le cinquième arrivent ensembles au moment ou le médecin réapparait. Contrôle. Tout est OK. Je repars un peu dépité par cette perte de temps.
La bosse de Cresta, c'est un peu comme la précédente, mais sur sentier. J'en bave grave ! Enfin ça bascule en descente ! Yesss ! Mais la joie sera de courte durée : le sentier bifurque à droite dans un véritable mur ! Terrible pour le mental et les jambes. Enfin le sommet et la descente, très raide, droit dans la pente. Et en face c'est la monté vers le village des Auberts et le pas de la Motte qui nous attend. Se préserver à tout prix !
Une brève portion de route et c'est reparti dans le D+. Je me souvenais que la monté au village des Auberts était très pentue, mais après Cresta c'est un petit chemin de campagne bucolique ! J'arrive rapidement aux Aubert et trouve Taz et Monstertruck au point d'eau. Que du bonheur ! Ils me disent « le second est juste devant toi !». Je leur répond que sauf défaillance de sa part je ne peux pas revenir sur lui, il est devant depuis le début... Et c'est parti pour le pas de la Motte. Tout d'un coup, j'entends un bénévole encourager un coureur sur le lacet juste au dessus. Le second est à 300m devant ! Et si ???? J'accélère la cadence. Le bénévole m'encourage et annonce à la radio « le deuxième et le troisième ensembles au pied du pas de la Motte ! Ensembles»... presque ! Je vais « ferailler » dans la monté mais jamais je ne verrais le dos du second. Et ça c'est ma deuxième boulette ! Au sommet un bénévole pointe mon passage. Je lui demande « le précédent est passé il y a longtemps ? ». Il me répond « 6mn30 » ! J'ai pris 6mn30 en moins de deux kilomètres ! La valise ! Ca s'appelle se faire remettre à sa place... dans le peloton. Respect M'sieur (Laurent Tissot) pour ce chrono dans la côte.
A partir de là je vais payer très cher cette boulette. Dans les bosses de la Laveuse j'ai l'impression que l'on m'a coulé du béton dans les jambes. La chaleur lourde n'aide pas non plus. Je rampe. J'ai beau pousser sur les bâtons, je n'avance plus.
A ce moment là, ma tête n'est plus dans la course non plus. Il y a trois ans, je parcourais ces crêtes ventées et aériennes avec Damien. Il y a deux semaines Damien est parti, sans dossard, pour son dernier voyage. Je regarde la vallée 1000m plus bas la gorge nouée par l'émotion. Je porte aujourd'hui le tee-shirt que Damien nous avait fait pour les « accompagnateurs de trace de cime » cette année là. Lui il avait bouclé son truc de fou comme il disait. Quel importance peut bien avoir un chrono face à tout ça? Et si ton Tee-shirt je l'amenais sur le podium, Damien ? Oui ! On va le faire ! Un autre truc de fou ! Je m'arcboute sur les bâtons, il ne reste qu'une bosse derrière celle-ci avant la longue descente, alors go! Go Samontetro!
J'arrive au rocher de la Laveuse, enfin ! Il y a un bénévole qui pointe le passage. Je m'assoie pour plier les bâtons mais impossible de les dévérouiller ! Entre la fatigue et la transpiration mais mains glissent. Il me les débloque, je les glisse sur le sac en le remerciant et c'est reparti ! Un sentier, puis une piste pentue rejoignent en contrebas le chemin forestier de la forêt de Saou. Ca monte un peu avant de faire une longue traversée jusqu'au pied du pré de l'âne et... je cours ! Je plonge dans la gorge où je retrouve enfin un peu de fraicheur. Courir. Rester concentré dans cette « caillasse ». La gorge est étroite, coincée entre deux falaises pendant près de six kilomètres de descente. Avancer. Courir. Rester concentré. Enfin je rejoins la portion de chemin qui nous amène à l' « auberge » et le ravitaillement. Le prochain est à huit kilomètres avec deux bosses à franchir. Je rempli la gourde, mange quelques abricots secs et c'est parti pour la première bosse. Je vais en courir une bonne partie. Deux randonneurs m'interpellent « Allez Samontetro ! » Je m'arrête incrédule. Ce sont les parents de Nico26. Quelques mots, Nico travaille aujourd'hui. Ca tombe bien, je ne serai pas sur le podium sinon:).
D'après Photogone.
Puis c'est la longue piste qu'il faut redescendre. Chaque virage est négocié au point de corde. Ne jamais perdre de temps comme dit mon pote Bernard. Je rattrape les derniers concurrents du 35km au pied du pas du Faucon. Bâtons ? Pas bâtons ? Pas bâtons ! J'attaque bille en tête en poussant sur les cuisses et au bout de 100m je sors les bâtons ! Ce passage qui m'avait fait souffrir il y a quelques années ne sera qu'une formalité. Au sommet je plie les bâtons pour la dernière fois. Direction Crest maintenant. Hormis la petite bosse des Ubacs, tout se courre désormais. Je suis bien, je relance dans les petites bosses avec bonheur . Je pense à Hémérodrome, à ces kikous généreux qui font profiter les touristes du trail que je suis de leurs compétences et en font (presque) des athlètes. Merci Bertrand de m'avoir fait vivre ces sensations.
La dernière descente. Un motard de l'organisation me rattrape et m'explique que c'est la tour de Crest que l'on voit, que l'arrivée est proche. Je n'ose pas lui dire que je suis né à Crest et que j'y ai vécu 20 ans !
Un dernier regard en arrière, non, il n'y a personne ! Et je file à grandes enjambées vers l'arrivée.
D'après Photogone.
Je fais irruption dans la salle où les marathoniens dégustent la pasta. Je l'ai fait ! Je suis troisième au scratch ! Jack est là pour l'accueil. C'est mon premier podium scratch à 50 ans et je suis tellement heureux que ce soit chez Jack et dans ma ville natale !
Ces 105Km de bonheur, je les dois à ces kikous et coureurs rencontrés sur les sentiers. Hémérodrome pour son plan de préparation, Bernard « le phacochère » pour ses petits conseils si précieux sur les ultras. Avec Bernard on s'est connu sur cette course en parcourant une quinzaine de kilomètres ensemble et c'était la naissance d'une amitié qui m'a conduit jusqu'à la Réunion en 2009 vivre un rêve éveillé ! Et il y a eu l'étincelle avec les encouragements de kailassa. Son « tu peux le faire » auquel je ne croyais pas. Il y a enfin le géant aux grandes épaules, l'ami, le Ptijean et ses conseils avisés sur l'hydratation et la nutrition en course. Réussir une course, se faire plaisir sur 105Km, c'est finalement une simple histoire d'amitié.
A Damien.
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17 commentaires
Commentaire de the dude posté le 29-06-2012 à 20:36:02
Dis donc ça a l'air chouette d'être V2, je suis pressé d'y être :)
Blague à part tu as tout simplement été ENORME, de grandes jambes et beaucoup de coeur, on le sent bien dans ton récit!
L'image de Cobonne est parlante: je suis déjà grillé, tu es frais comme une fleur.
Tu l'auras attendu 50 ans mais je pense que ça valait le coup et surtout je suis convaincu que ce n'est pas le dernier.
A+.
Commentaire de Byzance posté le 29-06-2012 à 22:24:22
Pfiou ... Bravo, champion !!!
Commentaire de Arclusaz posté le 30-06-2012 à 12:22:45
Grand CR, grand champion, grand coeur.
Tout y est.
Et le petit lapsus du début "je cours quand je veux, où je jeux, comme je veux ! " est génial (ne le change surtout pas !). Tout ça n'est effectivement qu'un jeu, on a de la chance de pouvoir jouer... même à 50 ans. Grand gamin !
Commentaire de Mustang posté le 30-06-2012 à 14:43:16
Quel bonheur!! Tu as touché les étoiles!!! je suis sincèrement ému de ta "victoire"!
profite-bien........!!
Commentaire de Françoise 84 posté le 30-06-2012 à 17:40:59
C'était super de te voir aussi heureux à l'arrivée!!! Bravo Monsieur!!
Commentaire de ptijean posté le 30-06-2012 à 18:08:05
Merci 'grand machin' pour ton CR de champion. Moi je le sais depuis longtemps que t'en est un. Alors maintenant, si tu en prends conscience, attention, ça va chauffer dans les bosses. A+ JF
Passe nous voir quand tu auras le temps.
Commentaire de richard192 posté le 30-06-2012 à 19:45:32
Enorme performance,je ne comprends pas pourquoi il t'a fallu attendre cet age pour monter sur un podium! Car visiblement depuis tes bonnes intentions d'entrainement tu as enchainé de grosses courses.
D'un côté avec un lièvre comme the Dude t'étais forcément sur des bonnes bases.
Encore Bravo et merci pour récit!
A très bientot sur les sentiers du Vercors!
Commentaire de akunamatata posté le 30-06-2012 à 22:51:45
Bravo Samontesurlepodium !
Commentaire de phoon posté le 01-07-2012 à 13:53:13
Un grand bravo pour ce résultat et pour ton podium,
tu as fais une super course
Quand on sait que repartir de Saillans aprés avoir fait 65 kms est déjà une performance en soit.
Commentaire de Jean-Phi posté le 01-07-2012 à 18:48:19
Alors là bravo ! Superbe récit, superbe perf, super bonhomme. Bravo Samontetro
Commentaire de nono_la_robote07 posté le 02-07-2012 à 12:35:27
Bravo champion, ton récit est le reflet de ta personnalité ... une belle histoire d'amitié.
Commentaire de kailasa posté le 03-07-2012 à 10:45:34
Superbe récit d'un trail qui semble superbe, et bien sur une superbe course, récompensée par un superbe podium ô combien mérité ! En un mot, superbe Patrick !
Commentaire de Tabaz posté le 19-07-2012 à 10:50:47
Hé bé !
Commentaire de hemerodrome posté le 20-07-2012 à 15:06:16
Tu as fait la course au niveau de tes capacités, des podiums tu en feras bien d'autre si tu en as l'envie ... Bon tu es fort et ça ceux qui te connaissent le savent depuis longtemps. Mais tu es surtout un grand monsieur en tant qu'Homme.
Merci Patrick
Hémé
Commentaire de laurentS posté le 04-02-2013 à 14:54:16
Je débarque qq mois après la bataille...Super ce CR et je serais incapable d'en faire autant, ne gardant pas en tête tout ça. Sinon, bravo pour ce résultat, et c'est marrant la photo du podium : j'ai tout de suite pensé qu'il manquait Averell (j'ai pas dit Joe !!).
Commentaire de smilingmimi posté le 29-04-2013 à 15:55:28
Merci pour ce beau résumé et encore félicitations pour cette belle course.
Commentaire de TomTrailRunner posté le 09-05-2013 à 18:17:44
Récit passionnant pour qui connait les sentiers parcourus et l'homme qui est capable de courir si vite dessus. Rspect
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