Récit de la course : La Montagn'Hard - 109 km 2021, par bubulle

L'auteur : bubulle

La course : La Montagn'Hard - 109 km

Date : 3/7/2021

Lieu : St Nicolas De Veroce (Haute-Savoie)

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Distance : 109.3km

Objectif : Pas d'objectif

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Le retour du fils de la revanche de la Montagn’hard


3 juillet 2016, 9h56. Après un long et épique combat contre moi-même, le brouillard, mais avec l’aide d’un letton plus anglais que letton et d’une Free Wheelin’ Nath qui avait laissé temporairement de côté un représentant du plat pays qui n’est pas le sien, je termine ma deuxième Montagn’hard 100, sur le parcours « historique » avec sa visite nocturne de la pampa beaufortaine. Mon premier totalement complet (2015 nous avait vu faire un demi-Beaufortain seulement).

8 juillet 2017. La Montagn’hard part….sans moi. Mon neveu se marie et a calé le jour de son mariage « le week-end après la Montagn’hard » en croyant que la course a lieu le 1er juillet. J’ai choisi le neveu !

7 juillet 2018, 5h et quelques. J’arrête au bout de 20km la mythique 10ème Montagn’hard. Je ne serai pas l’un des 47 golgoths qui terminent cette édition dantesque de 126km. J’écrivais alors « Un dernier ultra ? Probablement pas. Un ultra raté ? Sûrement pas. Une dernière Montagn'hard ? Vous rigolez, j'espère... »

6 juillet 2019, 5h. Mors aux dents, départ de St-Nicolas. On inaugure un nouveau parcours qui commence par le Joly et tourne « à l’envers » du précédent. Je suis sur un nuage pendant…. 44 kilomètres. Arrêt de la course. Orages. Fuck.

4 juillet 2020, 5h. A 11, nous prenons le départ d’une Montagn’hard 70 en off. Nous la terminerons à près de minuit. Je n’avais pas choisi le 100 cette année car l’objectif était le Beaufortain. D’objectif il n’y aura point…. ni d’autre course de toute l’année.

 

Donc, au moment, de cliquer, l’évidence était là : en cette année 2021, je ne pouvais que cliquer sur la Montagn’hard 100 (et quelques…). 5 ans sans finir une MH, il est temps d’en finir avec ce sort contraire, ça va chier.

Evidemment, en cliquant, il y a fort longtemps, je n’imaginais pas que, à nouveau, les courses prévues s’évanouiraient les unes après les autres dans le magma covidesque : Raid 28…annulé… Citadelles…. Annulées ….. UBS…. annulée…. GR73….annulé. Et comme, l’an dernier, absolument toutes mes courses depuis le funeste mois de mars ont été annulées (avec la chance, quand même, d’avoir fait quasiment une des dernières courses sur l’Ultra du Bout du Cirque) , ce dossard est donc le premier depuis le 7 mars 2020, 11 jours avant Confinement v1.0

Autant dire que, comme saut dans l’inconnu, on ne fait pas mieux. Surtout lorsqu’en remontant le temps je me rends compte que ma dernière course de cette durée, c’est la Swisspeaks 160 2017, arrêté au bout de 29h50 pour cause de météo défavorable. Et ma dernière course terminée plus longue en distance, si on excepte les 146km de l’Ultra Boucle de la Sarra, c’est la Transgrancanaria de février 2018. Autant dire une éternité. Et autant dire que je manque un peu de repères récents comme tout le monde.

Donc, serein, sûrement pas. Par contre, revanchard, ça, on ne peut pas dire. En fait, je me suis fait la promesse que, quoi qu’il arrive j’irai au bout. Et, pour en être sûr, j’ai mis mon arme secrète dans le sac : le dossard n°2 de la Montagn’hard 2018, celui qui n’a fait que 20km et qui doit en faire 106 de plus pour terminer les 126km qu’il devait faire.

 

Pour le reste, nous tentons de mettre toutes les chances de notre côté. Je dis bien « nous » car Super Suiveuse sera de la partie et pas qu’un peu. Déjà, nous avons notre camp de base bien en place et rôdé depuis le Off de l’an dernier. C’est que cette course est maintenant tellement un bonheur pour moi que lorsqu’il nous a été possible de chercher un pied à terre à la montagne, c’est à St-Gervais que nous l’avons trouvé. Du coup, depuis 2 ans ½, c’est à raison de 3 à 4 fois l’an que nous venons dans le Val Montjoie. Et pas du tout pour rien : chaque semaine passée ici se terminer en général par 10000m de dénivelée et l’exploration méthodique des moindres recoins et possibilités du secteur, que ce soit avec des chaussures de trail ou avec des raquettes (et bientôt des skis de rando). A tel point qu’en regardant le parcours des 108 (environ) km de cette année, je me rends compte qu’il n’y a que 4km que je ne connais pas.

Bref, saut dans l’inconnu tout relatif, finalement.

Le plus de cette course, c’est surtout que c’est le rendez-vous annuel de la communauté Kikouroù. Et, maintenant que nous avons la chance d’avoir un endroit où « nous poser » avant le départ et après la course, nous en profitons : c’est donc une « Team Arolles » de haute volée qui se rassemble autour de notre appart’. Nos voisins normands (et complices du TRM) Boubou27 et Mumu, sa suiveuse étoilée, l’incontournable Jacques, MOB de son état et bénévole inamovible sur la course, notre Alex à nous qui se lance sur le 100km…. Et que notre Sophie a autorisé à partager son lit avec l’indestructible Hamster des Buttes-Chaumont, mon Rayounet complice de Raid28 et de bien d’autres TALC. Et même, pour une nuit, un Arclu venu bien accompagné d’une indispensable Tome des Bauges et d’un Margériaz qui était à tomber. Et, par la pensée avec nous, notre cher Steph « Le Givré » qui ne peut pas venir à cause d’une année très pourrie, mais qui sera là l’an prochain, nous n’en doutons pas.

Et quand je dis « nous », ce n’est pas un pluriel de majesté de Versaillais. C’est la Team Bubulle qui est là, avec ma SuperSuiveuse qui rêve elle aussi d’en découdre à nouveau avec une course…à sa façon.

Et le gang des Arolles ne se limite pas à cela : j’ai entraîné dans une conversation Whatsapp mémorable d’autres vaillants guerriers : Yves_94 et Blandine avec qui nous avons partagé le Off de l’année précédente, et mes deux coéquipiers à venir de Serre-Ponçon, Spir et Free Wheelin Nath, tous deux avec leurs suiveurs internationaux, Ingrid et Gaby.

La tradition est bien entendu respectée aussi la veille de course, avec la Pasta Party au Schuss de l’ami Pierre, que j’ai organisée certes un peu militairement (doodle d’inscription, arrivée dans l’ordre, répartition organisée sur les tables) mais cela facilite l’organisation à Pierre, qui n’est du coup jamais effrayé d’accueillir chaque année ces fous de kikoureurs.

Arclu va même y organiser une boutique Kikourou improvisée qui va permettre d’alimenter pour quelques mois les caisses noires de la branche lyonnaise de la communauté.

C’est donc non seulement une team de trailers warriors (tous engagés sur le 100km) mais aussi une Dream Team absolue de suiveuses (oui, Gaby aussi, y’a pas de raison) qui se constitue. Ce récit va raconter ma course…. mais je crois qu’il serait encore plus long si je devais vous raconter LEUR course. Peut-être un jour l’une (ou l’un) d’elles le fera, comme une certaine Caro l’avait fait pour l’Echappée Belle d’un V3.

Et donc tout ce petit monde se réveille à 3h du matin après une nuit passée… essentiellement à compter les moutons et les patous (et le nombre de montées du parcours). Bref, une veille d’ultra normale. Le petit détail amusant est que, dans l’agitation du départ des 8 personnes de l’appart’, avec 3 voitures, nous….. oublions Raya en l’enfermant, croyant qu’il était déjà parti avec Jacques. Cela va nous valoir quelques fou-rires inimitables de notre Raya, qui ont réveillé la vallée jusqu’à ND de la Gorge.

Sur la ligne de départ, il y a une petite tension électrique. Pour la quasi-totalité d’entre nous, c’est la première course de 2021. Souvent, c’est même la première course tout court depuis 16 mois. Pour moi, le mantra est « gestion, gestion, gestion » (où donc ai-je déjà entendu cela ?).


Il est donc d’office pré-décidé que je vais m’enfermer dans ma bulle sur le début de course en veillant à ne pas me faire entraîner par le rythme général et l’esprit de compétition. La montée au Mont Joly est mon terrain de prédilection, je sais que je peux facilement y forcer à l’excès. L’objectif est de mettre 2h ou plus. Si je passe en 1h50 en haut, je suis trop rapide (c’était le temps en 2019). L’autre objectif, c’est 2h42 à l’Aiguille Croche. Oui, on va parler chrono tout du long, désolé. Et cela alors que, tout du long, il sera le cadet de mes soucis.


Et donc, dans ma bulle, je fais cette montée à mon rythme en me calant instinctivement sur les amis coureurs, en résistant à cette envie souvent un peu irrépressible de dépasser celui de devant, surtout s’il a un peu l’air M5 (eh oui, j’ai changé de catégorie, cette année, fini d’être le vieux quinqua, je suis le jeune sexa). J’ai rapidement perdu de vue Boubou27, mais ce n’est pas une surprise. J’aperçois fugitivement Yves94 au-dessus, à quelques dizaines de mètres, cela me fait un bon rythme : je sais qu’il ne faut pas que je le dépasse, comme j’ai pu le faire certaines fois. Même s’il dit que je lui mets des mines dans les montées, c’est quand je force excessivement. Donc, on laisse monter le grand Yves devant, avec ses mains dans le dos et son rythme en apparence tranquille et pourtant diablement efficace.

Je guette aussi un peu derrière, l’air de rien. Déjà, j’ai Raya qui me suit. Je sais qu’Alex n’est pas loin et j’aperçois parfois en me retournant le bob de Nath ou la casquette de Spir. Il est là, le rythme qu’il faut que je tienne. Mais, en fait, soyons clair : je m’en occupe sans m’en occuper. Peut-être finirons-nous par nous rejoindre avec un de ceux-là. Cela s’est déjà produit parfois sur des courses avec Alex (un Ecotrail entier, même, mais aussi une bonne partie d’Origole), ou Raya. Nous avons aussi des morceaux de courses en commun avec Nathalie (la MH2016) ou avec Spir (les bois entre le Grand Chat et le Pontet, quand je m’obstinais à vouloir rattraper mon allemande) et surtout le souvenir de notre off de Serre-Ponçon l’an dernier, là où nous testions notre équipe de 3. Il y a une petite possibilité pour que l’équipe de forme ou se reforme à un moment ou un autre, mais je crois que nous pensons d’abord tous qu’il y a besoin de retrouver ses sensations de course et qu’on verra bien.

Bref, on monte, monte, monte. Il n’y a pas grand-chose d’autre à raconter, en fait. Comme toujours, le jour se lève vite et la frontale est vite rangée. Nous profitons surtout de la belle lumière de ce début de journée, dont on sait qu’elle ne va pas durer (les prévisions météo de Meteo-Chamonix de la veille au matin donnaient une dégradation pluvieuse en toute fin de journée avec un maximum vers 18-19h…. on en reparlera).

Lever du jour sur les Fiz, les Aiguilles Rouges et les Aiguilles de Chamonix

Raya me rattrape et nous allons faire un bout de chemin en nous suivant. J’essaie d’éviter de lui décrire chaque caillou, d’autant plus qu’il les connaît aussi bien que moi. Nous avançons sans trop nous presser, en ignorant les relances trottinées sur les quelques parties plus roulantes (au-dessus du Déchappieu ou sur le début de la crête au-dessus du téléski du Vanay).

Raya a la banane face au Joly

Quelques échanges aussi avec notre nouveau kikoureur Nigaulois, qui connaît très bien le secteur aussi et avec qui nous pourrions aussi discuter de la couleur de chaque caillou…. si seulement je n’étais pas handicapé par mes lacunes totales en langue des signes. Merci à toi d’avoir partagé (ou tenté de partager) ce moment avec nous.

Bref, le tout nous amène au Mont Joly sans problèmes et… sans neige (ce qui n’était pas gagné en mai).

Selfie-Montée Joly


Allez, un dernier coup de cul et on y est à ce Mont Joly

Et le chrono, il dit quoi, le chrono ? 1h56 finalement. On est plutôt bien ! Le roadbook disait 1h55, tout cela est bien respecté. Et voilà donc mon 12ème Mont Joly (bin oui, j’aime compter, on a les défauts qu’on peut…. je n’ai pas fini de compter sur cette course).

L’avantage, aussi, que ce soit la douzième fois, est que je peux me permettre de ne pas m’attarder trop. Blasé, quoi, le mec.

Je me débrouille juste pour viser de repartir avec pas trop de monde derrière car je sais que j’ai toujours un peu de mal à me remettre en mode descente. Or, la crête Joly-Croche dans ce sens, ce sont 2 descentes un peu techniques et essentiellement une montée finale… et surtout 4 kilomètres de magie. Tout blasé que je sois, il faut savoir en profiter même si nous n’aurons pas les spectres de Brocken de l’an dernier (allez, comme je n’avais pas fait de récit, je vous en mets un).

Je ne suis jamais très rapide sur cette section, je sais, donc je prends mon rythme sans nécessairement attendre Raya, Spir, Nath et Alex qui vont en fait suivre à peu de distance (j’entendrai Raya dans la montée finale à l’Aiguille Croche). Dans sa bulle, l’Ours du Val Montjoie. Il dépasse peu, il est peu dépassé, bref, tranquille.

Je pense quand même à ce compte-rendu à venir et au fait qu’il faudra l’illustrer de photos.

L'arête Joly-Croche direction Beaufortain

Et quand on regarde derrière, le Joly, il est tout loin

Et l'Aiguille Croche, elle n'est pas encore là

Toute l'arête Joly-Croche derrière moi

Pour le reste, tout va bien, pas d’alerte physique, les chaussures sont parfaites (j’ai pris le risque de partir avec les « cochonnes », Evadict MT Cushion, jamais utilisées en ultra, mais de meilleure adhérence sur terrain gras que les Speedgoat). Il vaut mieux car, le sac d’allègement étant trop petit pour cela, je n’aurai pas d’option de rechange à mi-course, à la base-vie.

Tabarnak, elle est toute Croche, cette Aiguille

Bref, on monte à l’Aiguille Croche, on admire le Beaufortain toujours très enneigé (ça promet pour dans 2 semaines) et là, aussi, le Gorille du Val Montjoie bascule vite fait dans la descente, profitant de l’absence de coureurs derrière pour faire le petit bout technique en descendant à sa façon quichesque habituelle.  2h46 à l’Aiguille Croche, je me permets d’être EN RETARD sur le roadbook, ça c’est….  une bonne nouvelle.

Contrairement à l’an dernier où un ravito y était prévu, on ne redescend pas au Monument, mais plus directement vers le Haut des Tierces puis par la route de 4x4 plus ou moins sous le télésiège. Pas hyper glamour, mais bien roulant, à part quelques plaques de neige. Je descends un peu plus vite que prévu car un groupe très bavard occupe l’espace sonore (et, en plus, coupe les virages…. cela, ça m’agace fortement).

L’avantage aussi est que la traversée qui suit est moins longue (seulement 2 kilomètres, ce qui paraît toujours long). Je pacmanifie un petit peu, ici : les relances en marche nordique, ça réveille mon côté Hagår Dünør (comment ça, vous ne lisiez pas le Journal de Mickey dans les années 70 ?).

Dans la descente vers Les Tappes : vue vers le Col de Tricot, l'arête du Tricot et l'Aiguille de Bionnassay.

Au même endroit, vue en direction du Signal, de Roselette et au fond, Mont Tondu et Tré la Tête. D'ici on voit les 3 prochains ravitos : Les Tappes (bâtiment blanc tout à gauche en bas), le Signal (bâtiment en haut des pistes tracées dans la forêt) et Refuge de Tré la Tête (sur l'autre versant)

 

Du coup, je trouve cette partie très rapide et le passage dit, depuis l’an dernier, « de la pirouette du Benman », passe comme une fleur et il ne reste plus qu’à plonger sur Colombaz, cher à Arclu. Je suis déjà plus ou moins tout seul, les écarts sont maintenant plus importants, tout va bien et Colombaz est là…. ainsi que le mini ravito quasi traditionnel organisé par le propriétaire du chalet juste au-dessus que je ne manque pas de saluer.

 

En profite pour me rattraper, euh….  je ne sais plus trop qui (quand je dis ours, on fait pas mieux), je me demande même si ce n’est pas Spir (edit, avec l’aide des autres membres de la team : bin oui, c’est Spir, banane !). Et on va finir ensemble jusqu’au ravito des Tappes (ou de l’Etape, ça se discute) où le niveau sonore monte de 20 décibels grâce à l’animation mise par Ingrid, Elisabeth, Murielle : KIKOU KIKOU KIKOU, on n’arrive pas dans la discrétion (il y a aussi Gaby, mais il est assez nettement moins sonore).

 

Gestion, gestion, gestion, que dit la montre (cette fois-ci c’est une course où je la regarde un peu même si je ne compare presque jamais au roadbook) : 3h56. Bon, clairement, le roadbook n’est pas optimiste sur mes capacités en descente car il annonçait 4h04. Donc 8 minutes d’avance.

 

Ravito un peu compliqué car nous arrivons de manière assez proche les uns les autres et l’application des mesures sanitaires (nettoyage des mains avant de passer au ravito, ne pas se servir soi-même, exiguïté du local) font qu’il y a même un peu la queue à l’entrée.

J’ai décidé de faire un gros effort pour bien m’alimenter à chaque fois, je suis parfois un peu trop négligent sur ce point. Salé, salé, salé. A part ma traditionnelle banane (enfin, morceau de banane), je prends surtout une grosse poignée de chips, de fromage (il y a de la Tomme avec deux « m ») et je vais m’installer à l’écart, avec les autres kikous. Nath arrive très vite, Raya aussi, Alex suit pas très loin mais parle malheureusement d’un point douloureux au genou qui le préoccupe. Les suiveurs s’affairent : Ingrid masse son Spir, Gaby aide Nath et, bien sûr, Elisabeth est avec moi. Comme on ne savait pas trop ce qu’il y aurait sur les ravitos, nous avons même notre Tomme personnelle et le super jambon cru des Fermes du Mont-Blanc à Saint-Gervais, fournisseur officiel de la Team Bubulle. Je me gave allègrement et en prenant mon temps, en complétant par du bouillon aux pâtes. Ce protocole s’appliquera absolument à tous les ravitos. On verra que cela a été très efficace même si cela signifiait passer 1/4h à chaque fois, plus que prévu dans les roadbooks.

Et nous voilà repartis en 4h12, soit avec 7 minutes d’avance.

Nous.

Eh bien, la Kikou Team s’est formée. Je repars avec Spir et Nath. Serait-ce le début d’une course d’équipe qui ne dit pas son nom ?

Je prends la tête de notre petit train, je crois avoir entendu Nath mentionner à Gaby une douleur quelque part et, à tout pour le moins, il semble que nous allons faire la petite descente vers ND de la Gorge ensemble. Je l’ai souvent trouvée longue, cette descente, du temps des MH « historiques », quand elle signifiait le début de la grande virée dans la pampa beaufortaine, après la base-vie des Tappes. Mais, pour l’avoir reparcourue plus récemment à l’occasion de sorties plus courtes, j’ai pu en prendre la mesure plus exacte : un peu longuette au début car descendant très peu, puis plus pentue mais sans trop de grosses difficultés. Je reste cependant sur l’objectif de gérer et je l’entame assez prudemment. Spir, qui est bien plus rapide que moi en descente, préfère, malgré mes propositions, rester derrière, cela l’aide à gérer. On garde en fait un œil sur Nath qui suit pourtant très bien : je crois qu’on a un peu surestimé son petit problème physique car cette descente se fait sans difficulté.

Jacques nous pointe tous les trois en bas, sur la route de ND de la Gorge. Il avait pointé Boubou27 alors que nous arrivions au ravito, ce qui me confirme que Benoît a l’air parti sur des bases vraiment élevées. Yves94 est également annoncé 1/4h devant.

Le ravito du Signal n’est pas très loin, il est « juste » 700m plus haut. Cette montée, par l’Anery, je la connais maintenant quasiment par cœur. Elle aussi constituait le départ vers la pampa dans les MH historiques, mais là aussi, pour l’avoir depuis pratiquée plusieurs fois (sur la MH 2019, sur le off l’an dernier, en raquettes les 2 hivers dernier, à la montée et à la descente…), eh bien, c’est un peu un de mes jardins.

Je prends donc la tête de notre trio avec la ferme intention de nous faire bien avancer même si, tout au pied de la côte, deux coureurs nous dépassent à vitesse élevée ce qui ne manque pas de m’étonner. Et, jusqu’au panneau « l’Anery », je vais bien envoyer, sans guère me retourner. Je « sens » Spir pas très loin ainsi que Nath, donc vu qu’ils suivent bien, je continue à monter avec vigueur.

Sauf que non. Arrivé au panneau « l’Anery », plus de Spir, plus de Nath. Les pauvres, j’ai bien peur de leur avoir fait un sale coup en partant comme ça. Décidément, quand je suis dans ma bulle… Bon, qu’à cela ne tienne, parti pour parti, autant profiter du bon moment présent…et je repars dans un beau pacman. Une bonne dizaine de coureurs dépassés plus tard, nous voilà aux 2 barrières à troupeau qui sonnent la fin de la partie raide de cette montée. Le chemin devient plus facile en prenant la direction du Signal (sur les anciennes MH, on redescendait vers Nant-Borrant). Et voilà à nouveau que je vois arriver un avion, puis un autre….. des avions à dossards verts. A ma grande surprise, ce sont les premiers du 70km qui nous dépassent ! Et les deux coureurs en bas, c’étaient les 2 premiers de ce 70km. J’en tombe un peu des nues car, il y a 2 ans, sur quasiment le même parcours, les premiers du 70km me dépassaient au Bolchu. C’est là qu’on se sent un peu tout petit, quand même, lorsqu’au bout de 5h et quelques de course, on se fait dépasser par des coureurs partis 2h après nous. Pour m’occuper, je fais ce que je fais toujours pour m’occuper : je compte. Et je leur annonce à tous leur position, jusqu’au 10ème.

Mais je garde la pêche et vais continuer mon pacman entre la Bûche Croisée et le Signal : encore 6 ou 7 coureurs. La toute fin de cette section fait partie des chemins de moi inconnus, notamment le chemin en traversée qui rejoint la piste sous la télécabine : je pensais le reconnaître en mai, mais l’enneigement le rendait totalement invisible et particulièrement dangereux.

J’arrive en grand coup de vent au Signal, en 5h47, donc avec 6 minutes d’avance sur le roadbook. Curieusement, j’ai perdu du temps par rapport aux prévisions car à ND de la Gorge, j’avais 12 minutes d’avance. Cela alors que je pense pourtant être monté vite (trop vite, d’ailleurs). Le roadbook est en fait globalement un peu trop rapide en montée et un peu trop lent en descente.

En tout cas, tout va bien et c’est avec la banane que je salue nos suiveurs (montés depuis les Tappes par la télécabine).

Et, bien que cela fasse moins de 2h que j’ai quitté le ravito précédent, j’applique la même routine d’alimentation. C’est que, là, on part pour 3h sans ravitaillement, et même 4h30 si on considère que Tré-la-Tête sera un ravito léger.

Je vais donc rester 17 minutes ici au lieu des 10 initialement prévues. Ce qui laisse à Spir et Nath largement le temps d’arriver, et donc nos suiveurs s’activent à nouveau : massages pour les 2 ! J’ai même le temps de voir Raya qui arrive peu de temps avant que je ne reparte, il a l’air vraiment bien.

Ravito du Signal

La surprise est par contre de voir débarquer…Alex Forestieri ! Alors là, avoir Alex derrière moi est une grosse surprise. Certes, il sort tout juste de la mi-MilKil (500km couvert en moins de 3 jours !), mais, quand même, il devrait être devant. En réalité, il devait courir cette MH100 avec sa compagne qui reprend tout juste le trail après quelques années de coupure, mais elle a renoncé assez vite, ne se sentant pas encore prête. Et donc, dernier très loin à l’Epaule du Joly, il remonte depuis des dizaines de coureurs.

Par contre, la moins bonne nouvelle est que la pluie commence à s’inviter. J’hésite un peu et repars avec la veste de pluie, même si je ne suis pas convaincu. Il se met à faire plus frais, et du coup, les uns et les autres étant encore sur la fin de leur coupure ravito, je repars devant. On verra bien, me dis-je. Je crois que je prends un peu Spir de court car il serait peut-être bien à nouveau reparti avec Nath et moi. Mais je suis toujours dans cet état d’esprit un peu égoïste que cette course est un objectif bien particulier à moi, donc honnêtement je ne suis pas dans un état d’esprit d’équipe (du moins pas encore…). Evidemment, à froid en écrivant cela, je crois que je n’ai vraiment pas été cool, désolé, Sylvain.

L’attaque de la montée vers Roselette et la Fenêtre se fait donc seul et…pile dans les temps du roadbook. Evidemment, au bout de 200m je me débarrasse de la veste de pluie, c’était couru d’avance. C’est mon problème avec le temps pluvieux : je déteste avoir trop chaud, donc soit je mets la veste très tard… soit je la quitte trop tôt.

Cette montée vers Roselette (en deux temps, avec une traversée descendante qui nous fait rejoindre le parcours de 2019 où on ne passait pas au Signal) se fait très tranquillement. Je me suis rendu compte que j’ai trop forcé dans la montée précédente et qu’insister aussi vite serait un peu suicidaire. Je vois derrière moi que Nath est repartie peu de temps après et suit à 100 ou 200m à la même vitesse. Un genre de course d’équipe à distance, quoi.

Regar vers l'arrière lors de la montée à Roselette. A gauche la crête du Joly, au centre, encore le Tricot (qui s'éloinge, mais c'est pour mieux y revenir)

Et regard vers la haut en direction de la crète à 2100m où nous allons

Les vitesses entre coureurs sont globalement équivalentes même si j’en rattrape quelques-uns (j’ai curieusement tendance à me rappeler plus de ceux que je dépasse que de ceux, en général aussi nombreux, qui me dépassent). Il fait bien moins chaud qu’il y a 2 ans, donc cette montée se fait très bien. La « bascule » côté Beaufortain est assez roulante, en traversée, mais sans grosse difficulté. Tous les signaux sont au vert pour l’instant : je sais être dans mes temps prévus, ne pas être en sur-régime, mais par contre une inconnue subsiste : quand va arriver l’incontournable coup de moins bien ? Il y a 2 ans et l’an dernier lors du Off, je n’avais pas été très facile dans la descente du Col de la Fenêtre, étant lent et emprunté. Mais je courais alors avec des Yves, Boubou, Tomtrailrunner, tous bien plus à l’aise que moi sur ce terrain. La petite montée du Col de la Fenêtre se fait plutôt bien même si je vois derrière que Alex Forestieri est en train de revenir, et Nath également.

Sous le Col de la Fenêtre (la petite échancrure au 1/3 gauche)

Col de la Fenêtre : 6h59 pour….6h59 prévues ! Si ce n’est pas de la précision, ça !

Je fais la photo règlementaire et bascule vite. C’est que la météo se dégrade maintenant pas mal. Il bruine par moments, le ciel se couvre, tout cela ne présage rien de bon et ce, bien plus tôt que prévu !

Passage du Col de la Fenêtre


Alex me rattrape après la partie technique du haut de la descente. Je lui propose de passer, mais il me dit gentiment que mon allure lui va très bien et que si ça ne m’embête pas, il va me suivre. Je suis scié : un sénateur du Tor, double vainqueur de la Mil’Kil, un des avaleurs de bornes les plus infatigables qu’on connaisse dans la communauté, trouve que mon allure en descente lui va bien !

Et me voilà à emmener ce petit trio (Nath suit de près) et à passer…..toute la descente à parler du Tor et des démêlés des sénateurs avec l’organisation, mais aussi de nos amis communs, notamment notre incontournable Jean-Mi Touron. Et patati, et patata… c’est qu’Alex est un vrai moulin à paroles. Cela doit d’ailleurs saouler un peu Nath qui prend un peu de distance vers l’arrière ! Mais c’est un moment particulièrement sympathique à échanger avec Alex sur sa vie perso, sur les débuts de Kikourou, sur la fine équipe du « Zoo » qui a précédé Kikouroù avec Le Bœuf (Mathias !), la Souris (on en reparlera) et toute une ménagerie de joyeux lurons trailers, y compris un certain Olivier qui a inventé la Montagn’hard au milieu des années 2000 avec l’aide (pour le nom) de cette bande de fous courants.

Et, avec cela, eh bien, la descente de la Fenêtre passe comme une fleur et nous arrivons presque sans nous en rendre compte à La Laya où nous devons retrouver notre équipe de suiveurs de choc, descendus à pied du Signal via Nant-Borrant.

Sauf que non. Personne.

Bon, cela arrive, me dis-je. Peut-être sommes-nous allés trop vite ou ai-je mal estimé la durée de la descente à pied. Je ne me fais pas de soucis, on se reverra aux Contamines.

Un coup d’œil à la montre : 7h50 de course. Un coup d’œil au roadbook : 7h50 prévues. Là, on entre dans la 5ème dimension : bubulle respecte un de ses roadbooks à la lettre. C’est en fait la première fois que je m’en rends compte à ce point car sur les arrêts précédents, je n’avais pas vraiment regardé, ne voulant pas être obnubilé par cela.

Donc, Laya et, avec qui ? Avec Alex et… Free Wheelin Nat, ce qui me fait pressentir qu’on n’a peut-être pas fini de se voir.

Mais, pour l’instant, l’heure est à la montée vers le Refuge de Tré-la-Tête et il faut bien dire que j’ai, là, un bon coup de mou. Du moins est-ce mon impression car, dès le début, je sens que les montées des marches très irrégulières de ce sentier, sans difficulté majeure à part le fait d’être bien raide, ne sont pas si simples que cela. Je préviens Alex que je ne vais pas être très rapide, donc qu’il n’hésite pas à passer à son allure. Mais il me confirme à nouveau que cela lui va bien, toujours en mode cool, toujours en mode Alex qui ne se prend jamais la tête. Quelle crème de coureur !

Bien que je ne me sente pas au mieux, je vois Nath perdre un peu de terrain sur ce début de montée et, eh bien je commence, comme sur la montée de l’Anery, à rattraper lentement d’autres groupes de coureurs. Bref, en fait de coup de moins bien, c’est une petite remontada. Je finis même par ne plus voir Alex (qui me dira plus tard qu’il a eu un gros coup de barre et s’est arrêté pour se poser et manger un peu). Mais, contrairement à tout à l’heure, je ne me mets pas trop à accélérer pour remonter coûte que coûte. Il y a 2 ans, je m’étais un peu grillé à ce petit jeu, en essayant de suivre ce Yves94 qui persiste à penser que je monte plus vite que lui.

Là, en fait, j’ai un objectif : 50 minutes. J’ai à nouveau cet avantage de connaître cette montée presque par cœur et, vu que les 2 dernières fois que je l’ai faite, c’était en raquettes en cherchant la trace (ce qui est plutôt pas simple) ou en baskets… dans la neige sur le haut, en mai…. Eh bien, là, c’est quand même nettement plus facile. Et donc, à une bonne vitesse, sans excès, je gère plutôt bien cette montée.

Et quand on sait que ça dure moins d’une heure, une montée, même raide, ça passe plus vite, non ?

Bilan : 48 minutes. A deux minutes de mon meilleur temps réalisé en mai dernier sur ce segment Strava « Combe Noire à Tré la Tête ». Plus vite que l’an dernier lros du off et même qu’il y a 2 ans. Et, surtout, j’arrive en excellent état au petit ravito. Pas de Bagnard, pas de bière, c’était annoncé. Mais pour une fois, un vrai ravito. Succinct, certes (il faut tout monter en hélico), mais bienvenu pour ceux qui attendent cela depuis le Signal. Mais en fait, je me dis que le « gros » ravito des Contamines n’est pas si loin que cela et sans grosse difficulté, donc ce ravito sera le seul que je zappe : à peine 3 minutes d’arrêt, le temps de voir Nath arriver (comme quoi elle est aussi bien montée).

Tré-la-Tête : 8h38 en sortie pour…8h55 sur le roadbook. Oups (mais bon, OK, j’ai gratté 7 minutes avec l’arrêt rapide).

Je repars en mode « gestion, gestion, gestion ». La « descente » vers les Contamines via Armancette est très longue car, sur une bonne partie… eh bien elle ne descend pas vraiment, voire même elle remonte. Donc, il est en fait assez facile de s’y épuiser et gâcher beaucoup de ressources nécessaires pour la suite.

Niko3006 repart avec moi. Il est en fait bénévole sur la course (c’est avec lui que j’ai balisé « ma » descente de Montivon hier) et je crois qu’il a ouvert une partie du parcours. Donc, après avoir emmené avec moi un Sénateur du Tor, voilà que j’emmène le vainqueur de la mythique Montagn’hard 2018 de 126km. Il redescend sur les Contamines et va m’accompagner en me suivant jusqu’à la bifurcation du chemin du Cugnon. Sympa car on peut papoter tranquillement et qu’en plus, il me prévient des coureurs qui doivent dépasser. Utile car c’est maintenant le gros 1er tiers du peloton du 70km qui nous arrive dessus, voire même la tête de course du 50km. Donc, les « dossards rouges » que nous sommes se font beaucoup dépasser par les verts et les gris.

C’est toujours cependant dans un grand respect entre coureurs, à l’image de cette course, je crois qu’Olivier aimerait beaucoup voir cela. Toujours un petit « merci » en passant pour répondre à mon « vas-y, passe à gauche » ou au petit geste qui dit la même chose. Et un encouragement en prime.

Tout cela en mode gestion. Je marche (à grande vitesse) la partie traversante initiale, je cours prudemment la première descente, à l’économie pour les cuisses et les genoux. Et, évidemment, je marche la looooooooongue traversée remontante vers le haut de la Combe d’Armancette. L’avantage ici, quand tu l’as déjà fait plusieurs fois, c’est que tu sais déjà que ça n’en finit pas de monter en traversée avant de finir par redescendre cette p….. de combe. Donc tu sais bien que, comme c’est de règle en montagne, la fin de la traversée qui n’en finit pas, ce n’est JAMAIS au virage à droite que tu vois là-bas et où tu crois que, après, c’est bon ça descend. Tu sais très bien que ce n’est jamais là-bas : les gars qui font les chemins de montagne, c’est en fait juste des sadiques qui se délectent à l’avance de tracer des trucs qui font que tourner à droite pour te faire croire que c’est là-bas et que c’est jamais là-bas.

Et ils sont tous pareils, ces vicieux traceurs de chemins, qu’il soient savoyards, yautards, baujus, isérois, ariégeois : je te fais rien que des sentiers qui font rien que de tourner à droite et que c’est pas fini là (avec des fois la version où c’est à gauche que c’est pas là). A la longue, c’est lassant même si certains font des variantes (par exemple, pour les ariégeois, c’est jamais là MAIS avec cailloux).

Bref, quand tu sais que c’est jamais là, bin tu attends que ça soit là.

C’est là. Haut d’Armancette. Le truc que, quand on faisait la course dans l’autre sens, tu arrivais en mode liquéfié après avoir fait les 3692 virages de la montée. Là, bin j’ai l’impression d’avoir beaucoup traîné, mais ça va bien. D’ailleurs, 9h19 (mais comme je n’avais pas écrit le temps sur le roadbook, je ne sais pas si je suis en retard ou en avance, mais RAB)….

Donc, 3692 virages à descendre. Tiens, si je les comptais ? La dernière fois, je m’étais dit ça en milieu de descente que ça serait rigolo à faire. Cela va bien m’occuper pendant cette descente que j’aime bien mais qui est quand même bien longue. Déjà, définir ce qui est un lacet et ce qui n’en n’est pas un, c’est à peu près aussi délicat que définir ce qu’est un « coude » de chemin. Bon, un « coude », moi je sais ce que c’est, Fa2 aussi, mais Sab, Bert et Raya ne savent pas. Donc ils ne pourraient pas compter les lacets, bien sûr. La preuve, c’est que Raya ne l’a pas fait car il se serait de toute façon trompé vu qu’avec sa définition de ce qu’est un « coude » il serait effectivement arrivé à 3692 coudes.

Bon, trêve de suspense : il y a donc 49 lacets sur ce sentier de la Combe d’Armancette. Je suis sûr que si vous montez un jour ce chemin dans l’autre sens, vous me remercierez de cette précision topographique indispensable. Il y a aussi probablement 49 coureurs qui me dépassent ici : pas seulement des « dossards verts » mais aussi des rouges. Je prends mon temps, un point c’est tout.

Donc, pépouze, la descente. Et pépouze ensuite après la passerelle, sur le chemin de 4x4 qui ramenait à La Frasse. J’y rejoins un couple de coureur (en fait pas un couple, juste un gars et une fille qui se sont trouvés courir ensemble), elle sur le 70km, lui (je crois) sur le 100. Et, comme ça arrive souvent, il m’interpelle : « ah, mais c’est Monsieur Bubulle ». Mince, encore piégé, physionomiste comme je ne suis pas, je ne suis pas sûr de le reconnaître. En fait, il est sympa, il me sort d’embarras en m’indiquant qu’il est Fabien de Montigny-en-Mordor, un des rares coureurs qui ont fait TOUS les Ecotrails 80km jusqu’ici et dont c’est le premier gros trail de montagne. On ne se connaît pas très bien, mais, c’est la magie des trails (et de Kikouroù), ce n’est pas un problème : nous allons nous tenir compagnie jusqu’en bas, aux Contamines.

La coureuse qui était avec lui fait la trace un bon moment dans le single sympa qui nous ramène directement sur les Contas (un des morceaux de cette course que je n’ai jamais pratiqués) ce qui permet de bien « débrancher » et finir cette très longue descente tranquillement.

Et, en bas de la descente, qui vois-je arriver ? Non, pas Alex Forestieri, mais l’infatigable FWN et son légendaire bob.

Et c’est donc avec Nath que j’arrive aux Contas avec une traversée de village très sympa où nous jouons aux Héros Antiques applaudis par la foule en délire. Bien sûr, on court sur les 100 derniers mètres avant le ravito pour se la jouer, car on est comme ça, avec Nath… Le melon…

Les Dieux Grecs font se pâmer Les Contamines


Contamines, gros ravito. La Bubulle and Arolles Team est là au complet, ou presque. En fait, Mumu est déjà repartie depuis une heure, à essayer de suivre comme elle peut l’autre azimuté de Boubou27 qui est en train de faire une course de dingue. De même, Blandine a aussi, à la poursuite du Yves94+++ qui démontre, preuve à l’appui, que, non, je ne monte pas plus vite que lui.

Mais, en tout cas, Elisabeth, Gaby, Ingrid sont bel et bien là, à attendre leurs bubulle, Nath et Spir. La Team Kikourou qui va tout déchirer à Serre-Ponçon, même si, sur cette MH, nous n’avons pas totalement couru ensemble (j’ai bien peur d’avoir ma grosse part de responsabilité là-dedans, euh, je crois que je l’ai déjà dit).

Dieu grec qui grimace....et, derrière, le Belge avec qui je descendrai vers la Passerelle tout à l'heure


Malheureusement, Elisabeth me donne la nouvelle que je n’attendais pas. Notre Alex à nous, le Alex de notre Sophie, a dû arrêter au Signal, victime de ce qui était probablement un début de TFL, puis d’une hanche très douloureuse. Dire que je suis déçu pour lui est bien peu dire, c’est bien plus que cela. Alex, c’est la famille, sa passion pour le trail, c’est un peu à cause de moi. Nous avons beaucoup de points communs, et pas seulement ma fille. Nous avons cette chance incomparable d’avoir maintenant dans notre vie 5 personnes qui comptent plus que tout, et il en fait partie. Donc, savoir qu’il ne pourra pas aller au bout de ce rêve, cela me met un coup, quand même, même si cela ne se voit pas et si je ne le sais même pas immédiatement.

Je reste bien sûr aussi focalisé sur ma course, elle a aussi beaucoup d’importance pour moi, c’est cela qui me fait rester « focus ». Donc, ravito. Et, une chose est sûre, il est encore moins question pour moi, maintenant, de ne pas aller au bout.

Jambon, fromage, bouillon, re-bouillon, re-re-bouillon, banane (pas oublier, sinon Magali pas contente et quand Magali pas contente, elle toujours faire ainsi), flasques. Faut nourrir le bestiau. Surtout que le temps se dégrade méchamment. Il commence à pleuvoir sérieusement pendant que je suis à ce ravito ; Il est temps de sortir vraiment la veste de pluie. 

Tout cela va allègrement prendre 26 minutes (pour 20 prévues) et je repars en 10h33 pour….10h59 prévues ! Eh oui, je suis allé notablement plus vite que le roadbook sur la section Laya-Contamines. Et cela, en ayant l’impression de gérer plus que me « lâcher ». Le roadbook était donc prudent, c’est bien.

Départ des Contamines sous la pluie, ce n’est pas la joie. Surtout, dans la montée qui suit, la pluie démarre, s’arrête, redémarre, s’arrête à nouveau. Difficile de savoir que faire. Je n’aime pas avoir une veste, j’ai toujours trop chaud. Du coup, je vais m’arrêter 3 ou 4 fois pour la mettre, l’enlever, la remettre, etc. Efficacité assez faible et progression laborieuse. Cette remontée vers les Chalets du Truc va me sembler prendre une éternité, d’autant qu’arrivés au chemin de 4x4 (une partie que je connais bien), la pluie est désormais continue.

Dans l’affaire, je ne sais pas ce qu’est devenue Nath. Je pense qu’elle est repartie devant (elle s’arrête moins que moi), mais n’en sais rien en réalité. C’est une longue période de solitude, à faire le yoyo avec d’autres coureurs du 100km et de rares coureurs du 70. L’arrivée aux Chalets du Truc est quand même une belle délivrance même s’il pleut désormais de façon continue. Je me lance le plus vite possible dans cette petite descente un peu technique et devenue… un marécage. Là, je dois dire que les « cochonnes » font merveille et, même si ce n’est pas follement drôle de descendre sous un rideau de pluie, cela se passe plutôt bien.

L’ambiance aux Chalets de Miage est glauquissime. Il n’y a évidemment personne (en fait, si, il y avait pinpin), d’autant que la pluie redouble d’intensité. Nous sommes trempés de la tête aux pieds…si ce n’est que le « nous » se résumé à un gars tout seul sur le chemin et, vaguement, une fille en jupe rose 200m devant (j’ai un truc avec les jupes roses, je les attire, ça doit être mon aura naturelle).

Direction le Tricot. ça fait envie, hein ?


Miage : 11h51 pour 12h32 prévues. Toujours cette belle avance qui, en plus, augmente. Mais je ne le sais pas. Regarder la montre, sans lunettes, sous ce déluge, on n’y pense même pas !

Avancer, avancer, avancer. Monter, monter, monter. Le Tricot, depuis Miage, c’est toujours impressionnant. Enfin, quand tu le vois.

Là, l’avantage, c’est qu’à part une douche constante, on ne voit rien. Donc, avancer, avancer, avancer.

Cette montée du Tricot, c’est simple. J’y ai toujours dépassé du monde. Même à la TDS quand je trainais ma misère. Eh bien, là, même pas. La jupe rose, devant, elle est tout le temps à 200m. Les deux gars, en dessous, ils sont toujours à la même distance. J’ai l’impression d’être une grosse limace verte (enfin, pas verte…bleue…comme la veste Kalenji que la moitié des trailers utilisent). On prend des seaux d’eau sur la tronche et la limace avance en mode escargot.

Segment Strava du Tricot, 48’25. On a vu mieux… mais on a vu pire !

Au sommet… bin rien. Le bénévole, ou secouriste, est réfugié sous sa tente, personne ne s’arrête pour une petite photo, pas de bouquetins, bref, on fonce dans la descente.

Ziouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuup. on fonce moins.

Le problème c’est que de l’autre côté c’est une patinoire… Encore un problème avec les gars qui font les sentiers dans les montagnes. Là, c’est une nouvelle catégorie de sentier qu’on déteste : les collections de spaghettis dans un alpage, qui font des creux de 50cm, qui se remplissent de flotte que il pleut, sur une espèce de glaise qu’on croirait faite exprès pour de transformer en cloaque immonde et glissant dès que c’est mouillé.

Bref, le genre de truc où courir est réservé aux bergers et à leurs chiens, avec grosses godasses de bergers, mais pas aux humains normaux en cycliste moule-boules et en MT Cushion à 90 boules. Je crois me retrouver dans cette descente de Susanfe de la Swisspeaks où j’ai allègrement décoré l’arrière du moule-boules avec différentes nuances de marron.

Bref, à part marcher, il n’y a rien à faire. Et en plus, tout d’un coup, j’ai les mains gelées. C’est sûr que je n’ai que ça à faire, sous ce déluge, d’aller chercher au fond du sac, la paire de gants salvatrice et mettre au moins 3 minutes à les enfiler. Je vois donc défiler une cohorte de coureurs, c’est-à-dire en gros… les 2 ou 3 qui me suivaient à moins de 5 minutes.

La descente sur la passerelle est du même acabit. J’y retrouve un coureur belge à côté de qui je me ravitaillais aux Contas. Nous tombons d’accord assez rapidement sur le fait qu’on en chie bien sévèrement et que si ça voulait bien s’arrêter ça serait une idée. J’essaie de lui expliquer où est Bellevue (scoop : c’est pas loin), mais vu qu’on n’y voit pas grand-chose, ça n’a pas l’air de l’aider des masses.

En plus, il y a cette fichue remontée de la passerelle où on se dit un peu qu’ils auraient quand même pu la mettre moins bas, leur passerelle (euh, en fait, non, quand on voit mon air rassuré sur la passerelle existante).

La traversée vers Bellevue depuis le Plan de l’Are se fait à une vitesse d’escargot. En fait, tout d’un coup, je ne peux plus relancer, je suis très essoufflé et n’ai qu’une envie : arriver à la base vie et pouvoir me poser confortablement à une table, me changer, prendre mon temps au sec, reconstituer tout ça pour repartir pour la nuit dans la pampa. La microscopique remontée finale termine de m’achever, j’ai l’impression de remonter le Tricot une deuxième fois.

Mais enfin, voici cette base-vie tant attendue, ce n’est pas trop tôt.

Bellevue atteint en 13h51 pour…. 14h37 prévues. Dans ce qui semblait un naufrage, j’ai encore gagné 20 minutes sur le temps prévu !

Par contre, bonjour la déception. La fameuse base-vie est en fait un bazar sans nom. J’apprendrai plus tard que suite à un imprévu, deux tentes qui devaient abriter les sacs d’allègement des coureurs n’ont pas pu être acheminées. Résultat, la salle hors-sac, qui devait servir au ravito/base vie, est à moitié encombrée de ces sacs, il ne reste que des chaises et quasiment aucune place libre. Le lieu ressemble à un mouroir.

Je fini par repérer Nath dans le fond de la salle, posée comme elle peut sur un lit de camp. Elle est plutôt mal en point. Arrivée 5 à 10 minutes avant moi, elle est hors d’haleine et n’arrive pas à retrouver un souffle normal. Pendant 5 à 10 minutes, nous allons commencer par essayer de retrouver un peu d’air sans guère pouvoir faire autre chose. Par chance, les bénévoles ne viennent pas trop par là car je ne suis pas certain qu’ils auraient autorisé Nath à repartir. Mais, petit à petit, nous revenons tous deux à la normale. Nous avons récupéré nos sacs, nous pouvons nous changer, commencer à nous retaper à coup de soupes et de bouillons, bref revenir à un peu d’humanité.

J’essaie de m’occuper d’un point qui me soucie : mon pied droit commence à être douloureux sur le dessus, sur le cou de pied : j’ai l’impression que cela appuie un peu trop et entreprends de desserrer les lacets Unchain, ce qui n’aura pas trop d’effet au final.

Malgré tout cela, et bien qu’on entende de très nombreux coureurs annoncer leur intention de bifurquer sur le 70km à Bionnassay, 5km plus loin, il n’en est question ni pour Nath ni pour moi.

Et, sans que nous ne nous le disions une seule seconde, l’évidence s’impose : non seulement nous allons repartir ensemble, mais il est plus que probable qu’on aille au bout ensemble. Et cela, nous n’avons même pas besoin de nous le dire : bien que, tous deux, nous ne soyons pas de grands adeptes de la course à plusieurs, ici elle est tout simplement la logique. Bien sûr, je sais que je regretterai beaucoup que cette évidence n’ait pu se faire à 3, avec notre équipier Spir. Cela s’est joué certainement à peu de choses (notamment au Signal…mais il était trop tôt, alors). Oui, je sais, je l’ai déjà écrit.

Mais là, voilà, au bout de 51 minutes (45 prévues), nous repartons tous deux de Bellevue…en espérant bien voir nos suiveurs à Bionnassay (Elisabeth m’a dit qu’elle ne montait pas à Bellevue, vu la météo et Nath sait que Gaby l’attend à Bionnassay) et profiter encore le plus possible de la lumière du jour.

Sortie de Bellevue en 14h42, avec 40 minutes d’avance. En fait, je sais que nous sommes en avance, mais plus exactement de combien. Je mets un message pour prévenir.

La descente nous est annoncée comme « très difficile » par les bénévoles du ravito. En fait, bon, elle glisse, quoi. Mais par rapport au chantier du haut de celle de Tricot, ce n’est rien. Par contre, les belles chaussettes blanches toutes propres ne vont pas rester immaculées bien longtemps (remarque fait par Runphil60 quand nous e dépassons et que je ne le calcule même pas, le pauvre) et les jambes continuent à se parer de toutes les nuances de marron.

Bon, bien tranquilles, nous descendons sur Bionnassay par ce chemin somme toute facile. On ne court que lorsque cela descend, d’un commun accord. Ne pas se battre contre le terrain, il gagne toujours.

Bionnassay et…… Ingrid et Elisabeth réveillent tout le village à elles seules (bon, OK, il n’est que 20h, mais même), nous n’arrivons pas dans la discrétion.

Les Dieux Grecs un peu plus flapis


Et nous avons même un ravito improvisé en mode « coffre des voitures » et surtout….les makis de Nath que Gaby va nous transporter de ravito en ravito. Je ne sais plus si j’en ai pris là, mais le coup des makis, c’est une tuerie.

Alex est aussi venu avec Elisabeth pour m’apporter un petit coup de soutien, malgré sa déception. Etonnez-vous, après, que je sois motivé à fond pour aller lui faire l’assistance quand le moment de sa TDS sera venu.

Nous avons toujours environ 30 minutes d’avance sur mon roadbook et c’est parti pour le Prarion.

Cette montée-là, je ne l’ai jamais faite dans ce sens, du moins en totalité. Je pensais me rappeler d’une montée pas trop raide… eh bien je me trompe. C’est très très raide e nous accusons un peu le coup tous les deux. Donc, dès le départ, nous allons nous mettre sur un rythme vraiment très lent, en restant côte à côte, chacun de son côté du chemin. Cela permet de ne pas trop risquer que l’un lâche l’autre sans vraiment s’en rendre compte et ne pas être dans le mode « un qui tire devant, l’autre qui suit comme il peut ». De toute façon, je ne sais pas lequel des deux aurait tiré l’autre (hum, mauvais esprits s’abstenir !).

Plus tout seuls, on ne peut pas. Les coureurs du 70km ont bifurqué à Bionnassay et beaucoup de coureurs du 100 également. Donc, aussi lents soyons-nous, nous ne voyons personne pendant un bon moment avant que, finalement, un petit groupe ne nous rattrape. Il y a dedans un coureur que je connais (mais que je ne reconnais pas, peut-être à nouveau Fabien ?) et au moins deux autres avec qui j’ai fait le yoyo depuis Tré la Tête. Nous les laissons partir devant à l’occasion d’une pause technique et reprenons notre montée très lente. Arrivés au Chalet de la Charme, un pauvre patou à 200m fait son travail de patou et va probablement aboyer ainsi une bonne partie de la nuit, le pauvre.

Depuis Bionnassay, le temps s’est beaucoup éclairci, la pluie a cessé et lorsqu’on arrive enfin, au bout de 1h15 en haut de la télécabine du Prarion, la vue est très belle sur la vallée de Chamonix d’un côté et, bien sûr, le Joly de l’autre.

Vallée de Chamonix un peu floue, mais je n'ai pas mieux!

Joly du soir....espoir...de retourner sains et saufs de l'autre côté

La fin de la montée vers le Prarion, de ce côté, est une formalité. Nous avons espéré un moment ne pas avoir à mettre les frontales, mais il faut s’y résoudre au pied du dernier petit ressaut.

Et le Prarion est finalement atteint en 17h10 de course. Là, soit nous avons pris cher, soit le roadbook était trop optimiste car nous n’avons plus que 10 minutes d’avance.

Et cela ne va pas s’arranger, loin de là. Je n’avais jamais descendu le Prarion de ce côté, ni probablement grand monde sur la course (elle n’est jamais passée dans ce sens puisqu’elle avait été interrompue avant, en 2019). Cette descente a surpris presque tout le monde par da difficulté, accentuée par le terrain très glissant. Donc, déjà, je ne suis pas à l’aise sur ce type de descente, mais quelques passages un peu exposés (sans gros risque, mais avec quand même 10-15m de vide sur le côté) n’arrangent rien. Je suis TRES lent, je pense que Nath seule aurait été nettement plus vite.

Je sais que cela va durer jusque peu avant le Col de la Forclaz, mais le petit replat qui l’annonce se fait désirer. Le plus étonnant est que, malgré tout cela, personne ne nous rattrape et, même, nous finissons par dépasser 1 ou 2 petits groupes (dont ceux qui nous avaient passés à la montée). Ce chantier va durer 33 minutes avant de retrouver le chemin de 4x4 bien plus roulant qui va nous amener à Montfort puis Les Toilles. Sur ce chemin, enfin un peu libéré, je vais mener un train d’enfer, nous avons tous deux très envie d’enfin arriver aux Toilles, notamment Nath qui sait que Gaby l’y attend. Nath y regagne (provisoirement) une place féminine au moment où nous dépassons Virginie « La Souris ».

Cette descente est une tuerie pour les quadris. A posteriori, je me demande si nous n’aurions pas dû être plus sages, mais je crois qu’il y avait une volonté nette d’en finir le plus vite possible. Le seul avantage que j’ai est de bien la connaître, donc savoir à quoi m’attendre….surtout après Montfort avec environ 1,5km de chemin 4x4 plat jusqu’aux Toilles….le genre de truc sans fin, une fois de plus (mais cette fois tracé par Monsieur « on dirait que c’est là après le virage à gauche et en fait non c’est pas là »….. la preuve qu’il est aussi sadique que celui qui trace les chemins qui tournent à droite).

Arrivée aux Toilles en 18h20 pour 18h41 prévues. Je confirme donc que j’ai mené un train d’enfer dans la descente ! De toute manière, vous allez le voir par la suite, à partir de maintenant, nous allons perdre du temps dans les montées… et en gagner dans les descentes.

Le fidèle Gaby est là, il a osé monter « le camion » en haut des lacets des Toilles. Et surtout, il a monté les makis…. Donc, à nouveau, nous prenons notre temps : Nath pour se faire masser un peu et moi pour essayer à peu près tout ce qu’il y a sur les tables. Je crois que je défonce 3 sandwiches, 4 ou 5 tranches de jambon, je ne sais combien de morceaux de tomme, et quelques litres de bouillon chaud. Je suis un ventre.

Ah, en passant, les locaux qui officient à ce ravito (une sacré fine équipe de joyeux lurons, certainement tous en –AZ ou en –OZ) nous corrigent légèrement sur la prononciation du lieu. Moi, jusque-là, fort de quelques lectures sur la bonne prononciation des noms savoyards (histoire de pas passer complètement pour le monchu de service), je ne disais certes bien sûrement pas « Les toualles » (de tente), mais « Les to-yes ». Il semblerait, cependant, que la variante locale préfère dire « Les toi-yes ». Donc, allons-y pour « La toi-yes ». Je repars moins bête de ce ravito.

Et avec Nath, évidemment. Après quand même un message dans la liste Whatsapp histoire qu’Elisabeth sache à quoi s’en tenir. Sortie en 18h37 de course, pour 18h51 prévue : c’est-y pas beau, ça ?

Mais ce n’est pas le tout, il faut se taper un nouveau pensum : la remontée, quand même plus ou moins inutile sur la carte, en haut du téléski des Plancerts. Une sacrée purge, surtout qu’on va redescendre du même côté et que, même le plus allergique aux cartes se rend bien compte qu’on fait quand même une boucle pour rien. Bon, là, j’avais anticipé et, en mai, j’avais justement fait exactement ce parcours en partant des « Toi-yes » (même si, alors, je partais des « To-yes »). Bon, en mai, au moins, il y avait une belle couche de neige fraîche, les arbres étaient superbes, bref c’était sympa….et de jour. Là, beuuuuuuuuuh.

En plus, au cas où ils veuillent nous faire repasser par là, il faudra que je leur montre le joli single qui monte (certes un peu raide) dans la forêt, au lieu de cette bête route de 4x4. Donc, purge, purge, purge. Nous sommes encore assez lents et nous faisons dépasser 2 ou 3 fois, mais le fait d’être à deux est une grosse aide, même si nous sommes à peu près aussi bavards en course l’un que l’autre (Spir va avoir du boulot, avec son duo d’huîtres, en septembre).

Haut du téléski, 19h53 pour 20h00 prévues. Un peu plus lents que prévu, mais pas tant que cela.

A cet endroit-là, nous sommes… à 700 mètres du haut de la télécabine du Prarion, où nous étions 3h20 plus tôt ! Vous avez dit « sournois » ?

La redescente est plus sympa, mais elle fait 900D-, donc on sait d’emblée que les quadris vont prendre cher. Cela dit, jusqu’à Montivon, c’est largement un single dans les bois (c’est parce qu’il aime bien ce single qu’Olivier avait commencé à faire monter la MH par là, il y a quelques années). Nous allons la faire à relativement bonne allure, sans excès. Je sais qu’il reste derrière la descente de Montivon à St-Gervais, sur un chemin de 4x4 empierré très destructeur pour les cuisses, il faut encore en garder un peu.

Pas âme qui vive dans cette descente sur Montivon, donc je ne sais dire si nous allons vite, lentement ou pas, mais globalement, cela se passe bien et nous voici à ce petit hameau qui est un peu mon arrière-cour quand nous sommes à St-Gervais. Je sacrifie à ma tradition établie depuis quelque temps : une photo de l’abreuvoir avec le Mont Joly derrière.

(bon, pour le Joly, il faut de l’imagination, mais elle est belle, la photo, non ?)

Et c’est parti pour « Montivon-St-Gervais down » qui va me permettre, en passant, de récupérer le titre de Local Legend sur ce segment, on a les fiertés qu’on peut. Et là, nous devons encore avoir un bon rythme car nous y rattrapons, il me semble, deux petits groupes de 2 ou 3 coureurs. En bas, sur la petite section de route avant la gendarmerie de St-Gervais, ça tape quand même dur dans les cuisses.

Un petit « merci » aux bénévoles signaleurs qui nous font traverser cette route….évidemment déserte à 2h du matin et, hop, ça c’est fait.

En gros, si on compte bien, il reste 2 montées et 2 descentes.

20h58 de course pour 21h03 prévues. Si c’est pas de la précision, ça, Madame !

En fait, ce qu’il ne faut surtout pas se dire ici, justement, c’est qu’il ne reste que 2 montées et 2 descentes.

Certes, on va aller de 820m à la traversée du Bon Nant jusqu’à 1813m au Mont d’Arbois. Mais c’est un peu plus compliqué que cela.

Nous voici maintenant sur le trajet UTMB entre St-Gervais et les Contamines. Le truc que, sur le profil tout le monde se dit « wow, c’est cool, c’est un plat montant en fond de vallée ». Non, c’est pas cool. En réalité, ça ne fait que monter et descendre, c’est très casse-pattes. Là aussi, ça aide bien de connaître le chantier par cœur, il suffit de détailler en tout petits morceaux, ça passe plus vite.

Donc, hop, traverser l’aire des parapentes : marcher tranquille, pas se cramer à trottiner, on récupère de la descente. Envoyer message Whatsapp en tapant un peu au jugé, flemme de remettre les lorgnons de vue, de nous faire nous arrêter. Bref, je mets 3 minutes à taper « Saint-G », puis décide de taper la fin au jugé.

Nous sommes donc passés à 2h du matin à Saint-Grbzkd. Sur sa moto trop.

Hop, descente de la route des Margagnes, on trottine, ça tape un peu mais c’est pas long.

Hop, petite remontée en marchant, on prend le sentier que j’appelle « des conduites ». Il monte, descend, remonte, redescend, le long du torrent et d’une grosse conduite forcée. Marcher, courir, marcher, courir.

Hop, chemin de 4x4 un peu longuet le long de la conduite forcée. Il y a 3 coups de cul. Marcher tout le long et être patient. Pas se cramer. Un. Deux. Trois.

Hop, Route de Tague et, bim, grosse montée raide en 7 lacets pour regagner encore 30 ou 40 D+. Cool, on voit des coureurs au-dessus, on les rattrape. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.

Hop, re-single en traversée vaguement montant. Marcher, mais vite.

Hop, descente casse-pattes sur 150 mètres pour reperdre les 30-40m qu’on avait gagnés. Prendre une grande respiration et….

Biiiiiiim, le mur. Voilà. J’avais dit à tout le monde que ce sentier remontant sur Les Plans, reconnu en mai, était une tuerie. Je confirme. C’est une tuerie. Surtout quand tu vois les coureurs de devant qui sont devant, mais surtout tout là-bas au fond, laaaaargement plus haut que toi. 3 lacets. Il n’y a que 3 lacets. Mais, entre les lacets, des murs. Uuuuuuuuuun. Deuuuuuuuuuuux. Troiiiiiiiiiiiiiiiiiis

J’ai au fur et à mesure détaillé tout cela à Nath sans trop en rajouter mais pour essayer que ça passe plus vite. Je sais que lors de le reco de mai, j’avais trouvé cette section bien plus longue qu’on ne pourrait imaginer. Le roadbook ne s’y trompait pas, qui annonçait quasiment 1h pour un peu moins de 4km.

On est quand même contents quand on débouche de la forêt et qu’on voit la route au-dessus de nous : mais oui, c’est là, il ne reste plus qu’un dernier raidillon dans un pré et nous voilà au meilleur ravito de toute la Montagn’hard… puisque c’est celui tenu par Alice et Dan …..avec l’aide d’Elisabeth !

Les Plans. A……1 kilomètre, -6 mètres de D+ et 15 minutes de l’arrivée en trace directe… .et à 24km, 1500D+, 1500D- et 400 minutes par la trace de la course. On a le choix, quoi.

En fait, non, on n’a pas le choix. Bâcher aux Plans, merci, j’ai déjà donné, c’est même pas la peine d’y penser.

Je ne regarde rien de la montre, vu que nous avons quand même un comité d’accueil grand luxe qui se pâme d’admiration devant notre arrivée triomphante, tels un couple de gladiateurs musclés, le torse luisant, émergeant de la nuit tels une apparition quasi-divine, les Arès et Athéna de Saint-Nicolas.

Arès et Athéna et le Grand Prêtre d'Athéna qui apporte les makis sacrés

Il est pas mimi, notre Gaby, à couver sa Nath comme ça, quand même?

Quant à Arès, on va dire "Dieu...ou pas." A vous de dire d’après la photo de Dan.

Il est fort pour me donner l'air d'un zombie, Dan, non ? Cela va devenir une habitude...

En tout cas, grecs ou pas, on est tellement pile dans le roadbook que ça finit par faire peur, à la fin : 22h02 pour 21h59 prévues.

Elisabeth est aux petits soins pour moi, Gaby s’occupe de Nath. Comment voulez-vous qu’on se rate avec des suiveurs pareils ? Je vous rappelle qu’il est quand même 3h du matin et que ni l’un ni l’autre n’ont dormi, comme nous. Et hop, le frometon, et hop, le jambon, et hop, les makis (les makiiiiiiiis). N’oublions pas la sacro-sainte banane, bien sûr.

Bon, à côté de cela, quand même, je suis raide de partout, mais que peut-on espérer de plus après ces casse-pattes sans fin depuis Bionnassay, pour moi la partie la plus physique de la course.

Du coup, eh bien, on y passe 16 minutes à ce ravito. Décidément, c’est le tarif. Nous voilà donc repassés un peu derrière le roadbook, d’une dizaine de minutes. On a vu pire.

Mais il faut repartir. Direction le Mont d’Arbois et un nouveau ravito. Là aussi, j’ai fait la reco en mai et c’est une montée relativement facile, qui se découpe en 3 sections à peu près égales, séparées par deux liaisons plus ou moins à niveau sur environ 1km chacune. En gros, il doit nous falloir 2 heures (en mai : 1h08).

Nous repartons donc d’un pas un peu plus allant qu’avant d’arriver aux Plans. C’est presque reposant de monter ainsi sans avoir l’impression de piocher dans un mur. On arrive sans problèmes au Sautet, pour enquiller la première traversée vers La Crète, repartir pour un deuxième raidillon, faire la traversée jusqu’au dessus des Communailles. Allez, on enquille la dernière des 3 sections de montée. Tutto va bene, le rythme est régulier, un peu monotone, rythmé par le bruit des bâtons et le poc-poc de nos pas. Tiens, un panneau sur le bord où il est écrit « Montagn’hard ». Bien balisée, cette course. On avance bienxzw.

Vraiment, on devrait arlksiver assssssez vitez en hauuuuuuu…..là, je dérive, là, j’ai bien évité le caillou rose. C’est que c’est pazsrg le moooooment de thombé vu qu’on mooohoooontebien.

Euh, kskisspass ? Pourquoi j’ai mes yeux qui se sont fermés 5 secondes là ? Et le caillou rose et le panneau Montagn’hard, euh c’est pas trop normal, ça, non.

Hop, les yeux qui se ferment à nouveau tout seuls. Hé hooooooo.

« Nath, je crois que je m’endors, là »

Elle trouvait effectivement que je marchais un peu bizarre depuis un moment, mais là, paf, ça me tombe dessus sans vraiment prévenir. J’allais bien, je montais bien et, paf, je dors.

On cause un peu, je prends une compote, je bois un peu, ça repart un petit moment et…. re-paf, les yeux qui se referment, la sensation que tu gliiiiiiiiisses et qu’il ne va pas tarder à y avoir des trucs qui apparaissent tout seuls au bord du chemin.

Nous voilà beaux, tiens. On n‘est même pas au bas du télésiège, même pas passés à la Grand Montaz, il reste facilement 300D+. Je fais quoi ?

« Remarque, le gars devant il est pas mieux ». Ah oui, effectivement, la frontale devant, elle oscille pas mal, aussi. Le gars, il fait des lacets sur le chemin. En fait je dois faire pareil vu de derrière, mais au moins pour un moment, ça me réveille un peu. On le rattrape et, effectivement, il nous dit qu’il dort un peu debout. Pas très simple dans mon état de lui conseiller quoi que ce soit, vu que je suis pareil. Comme je n’ai aucune envie de me poser au bord du chemin pour dormir un peu (il ne fait vraiment pas chaud), je ne vais pas lui conseiller ça. Donc, bref, à part lui dire ce qu’il reste avant d’arriver au ravito, je ne suis d’aucun secours pour ce pauvre coureur, j’ai assez à m’occuper de moi, là.

De toute façon, c’est décidé : on va chercher à atteindre le ravito. Il y a en gros 3 grands lacets pour monter ces 250D+, je vais bien y arriver et puis je ne suis pas tout seul. J’essaie de parler un peu, de décrire les cailloux à Nath (en évitant de parler des roses). Je compte, aussi. Les pas, les plantés de bâtons (y’en a autant), le nombre de pas sans avoir les yeux qui se ferment. On cherche les frontales de ceux qui redescendent du Mont Joux (tout à l’heure, quand on était en face au-dessus de Montivon, nous nous sommes arrêtés pour regarder les frontales de ceux qui redescendaient sur St-Nicolas). On regarde de l’autre côté, sur le versant en face où on voit… eh bien les frontales de ceux qui descendent de Montivon.

Eh bien, ça avance. Pas vite, mais ça avance. Peut-être qu’arrivés en haut du télésiège de la Croix, le coup de barre sera passé et je ne m’endormirai plus sur place ?

Bin non. Même si le jour commence à poindre et que les cailloux sont du coup moins roses et que les panneaux « Montagn’hard » au bord du chemin ne sont plus là, je tombe toujours de fatigue. Bref, je dis à Nath, je crois avant le ravito : « il faut que je dorme là, je n’y arriverai pas ». J’espère juste qu’ils auront un coin potable pour ça et que le ravito n’est pas juste une tente en plein vent.

Coup de chance, je pense que je tombe sur le ravito le plus adapté pour cela. Il est en effet dans la salle hors sac du Freddy’s, sur le sommet « St-Gervais » du Mont d’Arbois et les bénévoles ont installé 3 lits de camp dans une petite salle à l’arrière. Je dis à Nath de filer, que je vais aller essayer de dormir 15-20 minutes, on verra bien. Elle ne peut pas gâcher sa course juste pour attendre et qu’on finisse ensemble, on n’a même pas besoin de se le dire, d’ailleurs.

Un petit message sur Whatsapp pour que personne ne s’inquiète (je n’ai pas fait attention si on pointe en entrée ou en sortie). Il est 5h30, je règle le réveil sur 5h50 : de toute façon, c’est un peu quitte ou double et soit je m’endors et je fais une de mes siestes de 10-15 minutes que je fais souvent au taf, après déjeuner. Soit ça rate et je repars dans le gaz, donc autant ne pas essayer trop longtemps.

Au final, je n’ « arrive pas à m’endormir »….sauf que le réveil sonne au bout de « 3 minutes ». En fait, j’ai bel et bien dormi….tombé comme une masse et réveillé 15 minutes plus tard. Enfin, il me semble.

Hop, c’est reparti, maintenant, c’est la suite du quitte ou double. J’embarque quelques trucs à grignoter que je vais manger entre les 2 sommetsle. Le Mont d’Arbois a 2 sommets : l’un, où les remontées de St-Gervais arrivent, et où était le ravito, et un autre où arrivent les remontées de Megève et d’où nous allons descendre. Entre les deux, eh bien je me ravitaille, je gave la machine.

Je profite aussi de la vue, car c'est pas trop moche


Je suis resté 33 minutes au Mont d’Arbois, au lieu des 7 prévues. Donc, évidemment, j’ai 46 minutes de retard sur le roadbook, maintenant. Mais le plan est fait : j’arrive en haut de la télécabine « Princesse » et c’est parti pour tout lâcher dans la descente. On oublie les jambes bien raides, on oublie le pied droit qui me fait mal (un truc qui appuie sur le cou de pied, je ne sais trop quoi, mais ça fait des heures que ça me gêne en descente.

M’en fous.

J’enclenche la course et il est hors de question de marcher dans cette descente. En plus, je l’aime bien (parcourue seulement deux fois mais bon, vous me connaissez, je peux déjà en décrire certains cailloux). Je vais faire une descente de dingue… du moins (restons réalistes) par rapport à ce que peut faire quelqu’un qui court depuis 25 heures. Sur le segment « Descente du Darbelet » qui représente la partie la plus technique de cette descente, les 400 premiers D-, je mets 30 minutes, certes mon 3ème temps sur 3 passages… mais pas si loin que cela de mon meilleur temps de 20 minutes. Je dois bien quand même y dépasser 7 ou 8 coureurs.

Résultat, je suis très très vite aux Pettoreaux à Megève. J’ai donc repris plein de temps, hein, un truc énorme, de ouf, le truc que ton ego il va doubler en rien de temps ?

Euh, non.

J’avais 46 minutes de retard sur le roadbook, là j’en ai….49 ! Je ne sais pas où est le bug du roadbook, mais c’en est un beau.

Ambiance champêtre au-dessus des Pettoreaux


Mais comme je ne le sais pas, ça ne change rien. Toujours le mors aux dents, j’attaque le sournois 150D+ entre les Pettoreaux et le Planellet, déjà parcouru une fois. Et encore plus le mors aux dents car il y a un coureur au loin… que je me dois d’aller rattraper. Là, clairement, dans la côte, ça envoie bien… et je le rattrape pile en haut pour repartir de plus belle dans cette « descente » en traversée. Normalement, là, je marcherais probablement, mais je ne suis plus vraiment moi. Donc, je cours cours cours. Le gars qui titubait sur ce chemin d’Arbois, on ne sait plus où il est. Maintenant, il guette devant lui le fameux bob blanc.

Les prés sont détrempés, il y a 50cm de boue…je te passe ça tout droit en en mettant partout comme un gros cochon. Je m’arrêterai juste quelque temps pour causer avec un coureur qui… arrive en face, à l’envers de la course. Avec un dossard rouge. « On n’est pas déjà passés par là ? », qu’il me dit. Euuuuuh, ça non, c’est sûr que non. Il croit reconnaître les vaches dans le pré. « Non mais je suis sûr qu’on est déjà passés par là ». Non, mais moi je te dis que non. Enfin, si tu es déjà passé par là en allant comme moi, mais là tu remontes la course à l’envers, je te jure, je connais bien le coin j’y suis déjà passé plein de fois (euh, en fait….une fois, mais ne lui dites pas !).

Il n’a pas l’air super convaincu, mais je ne vais pas non plus y passer la journée, hein. Dès que je vois qu’il repart dans le bon sens, je colle un vent et je repars comme un dératé. C’est que j’ai un bob blanc à rattraper, moi monsieur.

Planellet, 26h11. Roadbook : 25h27. 44 minutes. Wow, quel exploit, j’ai repris…. 5 minutes. Heureusement que je ne le sais pas, ce serait à désespérer.

Allez, on souffle un peu quand même dans le début de la montée, entre les monstrueux chalets appartenant probablement à la moitié de la mafia russe, gâchis horrible d’argent, d’énergie et de matériaux pour… rien, car probablement inhabités 80% du temps. Demandez à Nath ce qu’elle en pense.

Mais bon, moi, j’ai maintenant une remontée au Mont Joux à négocier. Troisième passage sur ce chemin au milieu des alpages, souvent bien raide. La première, c’était cette MH2018 où je suivais Raya. La deuxième, lors d’une reco l’an dernier. Là, je crois bien que je monte largement plus vite que lors de la MH2018 (malheureusement, je n’ai pas l’enregistrement exact). En tout cas, j’y jette tout ce qu’il me reste, en picorant un à un coureur après coureur, mais… toujours sans trouver de bob blanc. Tu vas voir que la Nath, elle va aussi s’être retrouvé un flow et qu’elle nous aura aussi fait ça aux taquets.

Tellement obnubilé par la volonté d’aller le plus vite possible, je me trompe même à un endroit dans l’alpage : un piquet au bord du chemin penche légèrement à gauche, juste là où une espèce de sente quitte justement le chemin principal. Ce n’est qu’après avoir monté 30 ou 40 mètres dans une pente de folie que je me rends compte qu’en fait je suis en train de « couper » un lacet du chemin, dans le bois, mais en tirant tellement dré dans l’pentu qu’évidemment je ne gagne pas vraiment de temps…..mais je n’en perds pas non plus…et je retrouve le chemin plus haut après une bavante mémorable. Même pas mal !

Et je continue à dépasser. Et toujours pas de bob. On contourne la forêt pour aller récupérer le haut du téléski des Etudiants (je me suis toujours demandé quels étudiants il y avait là car, à part des vaches…). Après, je sais que c’est un replat, un petit lac et le dernier coup de cul pour le Mont Joux et toujours pas de……….

….le bob !

Voilà le bob ! Pile 200m avant le ravito du Mont Joux, qui est en fait situé à l’alpage en dessous du sommet, je retrouve Nath. Décidément, cette course était faite pour qu’on la finisse ensemble, ça devait être écrit. Elle me dit qu’elle a bien avancé, mais qu’elle est en rogne car elle aime pas cette boucle « qui ne sert qu’à aller voir les gros chalets de Megève ». Donc, je me dis que si elle est en rogne, elle a quand même du bien avancer, on la connaît, Nath et que, donc, bin je crois que j’ai fait un truc pas mal depuis le Mont d’Arbois.

Ravito Mont Joux, 27h13 pour 27h43 prévues (environ car j’avais mis le ravito tout en haut). Et nous regagnons même encore un peu de temps en repartant en vitesse du ravito derrière… Alex Forestieri, qui revient d’on ne sait où. Je ne savais plus s’il était devant ou derrière : en fait il était devant et nous l’avons tous deux dépassé pendant… qu’il faisait une sieste en bas de la dernière montée.

Ravito du Mont Joux, avec un gros tas blanc derrière et le joli Joly sur la droite.


Nous repartons en vitesse car un autre coureur un peu saoulant qui cause tout le temps et que Nath a surnommé « le vieux » semble vouloir repartir en même temps que nous. Donc, rien de mieux que ça pour piquer la Miss et elle est repartie sans à peine m’attendre. Heureusement, j’ai Alex en lièvre pour commencer ces derniers très durs 100D+… enfin, pendant 3 minutes car Monsieur a décidé de monter ça… en courant. Là, évidemment, on ne joue plus dans la même cour, donc on le laisse filer et, quand même relativement péniblement (j’ai le flow qui est en train de s’évanouir), on arrive au Mont Joux. Là, il y a un gros doute sur la suite. Mon roadbook me dit qu’on doit monter au Refuge du Joly (donc encore 100D+), mais quand nous montions au Mont d’Arbois, j’ai vu des frontales descendre depuis la Croix du Christ : est-ce que finalement le parcours aurait été réduit, ici ?

Que nenni. Il faut bien monter au Refuge du Joly. Nous essayons d’en profiter, avec Nath, pour distancer définitivement « le vieux » (je me suis figuré qu’il est M5), ce qui marche plutôt bien et nous voilà enfin en haut de l’ultime côté, à 2000m au Refuge du Joly. 27h47 pour 27h19, plus que 28 minutes de retard, merci, « le vieux », de nous booster.

Sauf que, bin non. Il reste cette méchante petite traversée en direction du Mottey. Sur un chemin quand même très glissant et avec une pente qui ne pardonne pas sur la gauche. Là, je ne me sens plus sûr du tout, les peurs reviennent (probablement à juste titre : fatigués comme nous sommes, un faux pas est vite fait) et je deviens très lent. Mais alors très très lent.

Résultat, qui voit-on revenir au Mottey….notre « vieux »….et il part irrémédiablement dans la descente. Etait-il M5, nous ne le saurons jamais. Il y en a un 9 minutes devant nous, en bas, en tout cas.

Nous voilà revenus à la case départ, sur cette montée du Joly, 27 heures plus tard. Je vais finir la Montagn’hard. Bon, cela je le sais depuis Bellevue, depuis qu’on est sortis de la glaise du Tricot. Mais je vais finir la Montagn’hard en bon état, et surtout avec une super copine coureuse, avec ma future coéquipière de Serre-Ponçon. Nous allons la finir car nous l’avons surmontée ensemble, cette course et donc, maintenant, sur cette descente, il faut certes penser à en finir, bien sûr… mais surtout il faut penser à en profiter. On oublie toujours d’en profiter des fins de courses, tellement on en a souvent marre et qu’on ne veut qu’une chose, que ça se termine.

Alors, bon, la Crête des Vernes, non on n’en profite pas trop avec ses 3 descentes hyper raides qui tuent ce qu’il reste des cuisses. Le chemin de 4x4 au-dessus du Déchappieu, on y couperait bien les lacets car les descentes de chemins de 4x4 on en a soupé, la piste bleue en dessous, on en profite moyen car on est surtout occupés à ne pas de croûter tellement c’est glissant.

Mais à partir du Plateau de la Croix, là c’est adrénaline++ (enfin, pour moi, c’est sûr : j’y ai trop mis dans cette course). Pour commencer, et tant pis pour les 2-3 places perdues, nous nous offrons notre moment à nous, celui qu’on n’aura sûrement pas plus tard : nous nous asseyons sur le banc en bois juste sous le Plateau de la Croix et on se fait juste un selfie. Le selfie de notre moment à nous qu’on a et qu’on partage tous les deux. Nous ne sommes pas des démonstratifs, Nathalie ou moi, mais on sait reconnaître LE moment à partager. En bas, ce sera trop tard : nous avons nos chéri(e)s respectifs qui nous attendent, probablement des tas d’amis qui vont être content de nous voir et vont partager notre plaisir d’arriver. Alors, avant……30 secondes pour l’équipe du jour. Ces 30 secondes qui resteront, en haut de toutes les autres images.

Et après… eh bien, il est bien temps de le dévaler ce chemin. Dévaler est le mot, on ne sent plus les jambes qui font mal, on repasse tous ceux qui étaient passés (« merci », « bravo les gars », « bien joué », « super course », « profite »…) sauf notre « vieux » (allez, toi aussi t’as fait une super course !).

Et, ça y est, on commence à entendre le micro de Ugo, on entend des encouragements sonores (« ça c’est Elisabeth », que je dis à Nathalie…. En fait, elle est bien aidée par Ingrid, aussi).

Nous le connaissons tellement bien, ce sentier qui paraît si long la première fois alors que lorsqu’on en profite, il est si court. Et ce sont les maisons, le passage devant la Ferme de Véroce, la route…. Dan qui nous attend et fait des photos, le petit sentier entre les maisons….

Ah, on a retrouvé de la dieugreckitude, hein ?


Et Boubou en bas, posté à la route qui nous annonce. On a l’impression d’être les rock stars. Et, dans notre tête (la mienne en tout cas), c’est le cas. 100 mètres, c’est trop court pour absorber tout ce qui passe, ça y est, je l’ai refait.

 Mince, c’est pas rien, quand même : j’ai 60 piges et je te recours un 100 bornes comme ça, sans avoir couru autant depuis 3ans ½. Oui, je crois que je peux m’autoriser à avoir une petite fierté. Et aussi de l’avoir fait en le partageant. Avec Nathalie, bien sûr, dans cette espèce de communion silencieuse qui est toujours restée en dedans. Mais aussi avec Elisabeth et Gaby, qui nous ont accompagnés tous les deux, qui se sont défoncés pour être là partout où c’était possible, qui ont dormi dans leurs voitures, qui ont connu quelques galères (on en parle du sprint pour revenir du parking après nous avoir déposés….et de la rencontre avec le goudron de la route ?), qui sont aussi soutenue nos amis ou famille (pensée pour Alex, encore).

C'est un peu flou, mais je m'en fous, c'est ma chérie qui l'a faite, celle-là, donc elle vaut cher


Donc, oui, nous pouvons être fiers. Mais pas que de finir cette course. Fiers aussi d’emmener et de faire partie de ce groupe qui s’est construit tout seul, de faire partie de cette communauté Kikouroù qui a su se retrouver en un week-end et oublier toutes les galères de cette année et de l’an dernier.

Fiers de rendre Olivier fier de « sa » course car c’est pour cela qu’il la fait avec cette belle équipe que nous recroiserons le lendemain.

Fiers de faire partie de cette famille de la Montagn’hard.

Et de n’avoir qu’une envie : revenir l’an prochain. Juste pour revoir des images comme ça :

(photo dan60)

 

(et dire qu’il faut remettre ça dans 29 heures à peine, me dis-je, en mettant le point final à ce récit le 15 juillet à 23h19 et en me demandant quel récit je vais écrire à partir de dimanche)

 

 

9 commentaires

Commentaire de Mazouth posté le 19-07-2021 à 20:57:41

Tout raide dans tes cochonnes, le torse luisant et le moule-boule marron, bubulle tu es unique ! Et tu peux être fier de toi, en plus ;)

Commentaire de yves_94 posté le 20-07-2021 à 08:37:55

Bravo Grand Maître! Ça c'est du compte-rendu ! Une belle gestion, une belle ballade, un beau paysage, une belle drache, un beau dodo, une jolie équipe et un super finish !

Commentaire de Twi posté le 20-07-2021 à 16:54:33

Haletant et hyper précis, comme à son habitude.
Et peut-être le récit fondateur du futur traditionnel maki-kouroù ...

Bravo, belle course !

Commentaire de jpoggio posté le 21-07-2021 à 13:49:58

Attends de vivre l'envers du décor, c'est de la bonne.

Commentaire de kolin78 posté le 24-07-2021 à 10:07:29

Ce super récit est un ultra à lui tout seul ! J'ai découpé la lecture en 3 portions pour y caser des ravitos, histoire de rester lucide. J'ai pu finir la lecture avant la nuit et ne pas avoir à sortir ma frontale...y'a pas de petites économies :)
Impresionnants tous ces détails en tout cas ! A croire qu'il y a un Bubulle qui court et un autre qui prend des notes sur un calepin et des photos !! (J'imagine que personne ne les a d'ailleurs jamais vu dans la même pièce !! (enfin dans le même ravito) .
Top de pouvoir revivre la course grâce à cette prose prolifique ! Le grand maître possède une belle plume... (littéraire la plume...ne pas la chercher ailleurs :)
Bref, sinon moi c'est Fabien, le type de "Montigny-en-Mordor", de passage à l'UBBC 2021 d'ailleurs...et déjà prêt à rempiler sur la MH100 2022 avec tous les kikous !

Commentaire de bubulle posté le 24-07-2021 à 14:27:14

Merci pour ton petit mot, Fabien. On se verra donc à l'UBBC...et à la MH 2022 où j'ai un secret espoir de pouvoir pimenter un peu le parcours...;-)

Commentaire de BouBou27 posté le 24-07-2021 à 15:08:49

T'as oublié le massage de Mumu à l'arrivé !
Elle va le prendre mal, a moins que Mme Bubulle ne soit pas au courant !!
(j'en suis au Prarion pour le mien...)

Commentaire de Cheville de Miel posté le 02-08-2021 à 15:45:39

Après un récit comme ça, cela donne une folle envie de cliquer pour 2022.......

Commentaire de Souris posté le 21-08-2021 à 09:00:08

Quel récit détaillé et quelle gestion de course... Bien joué. Ca m'a fait plaisirs de vous croiser avec Nath. La Montagn'hard est une course que j'aime particulièrement mais c'était la 1iere fois dans le sens inverse. Bonne balade à vous autour de Serre-Ponçon !!

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