Récit de la course : Eco-Trail de Paris® Ile de France - 80 km 2016, par marathon-Yann

L'auteur : marathon-Yann

La course : Eco-Trail de Paris® Ile de France - 80 km

Date : 19/3/2016

Lieu : St Quentin En Yvelines (Yvelines)

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Distance : 80km

Objectif : Pas d'objectif

10 commentaires

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"Pour nous, coureurs de fond..."

Impression étrange avant cette course. Encore une fois, j’ai obtenu un dossard par mon employeur, et pour cette nouvelle course « bonus » j’ai moins l’impression qu’il faudra se battre que pour un objectif envisagé depuis des mois. Pourtant, il y a 80 km, et depuis Millau fin septembre j’ai rarement eu l’impression d’être en pleine forme, même (ou parce que) en ayant couru deux semi et deux marathons. Je me demande bien, dans le RER C rempli de coureurs, ce que cela va donner, je rêvasse un peu quand le conducteur nous interpelle : « C’est le conducteur qui vous parle. Au nom de la SNCF, je souhaite la bienvenue à tous les coureurs et surtout à toutes les coureuses de l’Ecotrail. Vous êtes en forme ? En tout cas, je tenais à vous faire part de mon admiration, surtout que vous connaissez la nouvelle ? Ce n’est pas 80 km, mais 80 miles qu’il faudra courir ! » Succès garanti !

J’arrive un peu après 11h30 sur la zone de départ. Je pensais avoir le temps de me préparer sereinement (le départ étant prévu à 12h15), mais le speaker nous annonce qu’il faut laisser les sacs dans les camions consignes dans les 5 min ! Là, c’est un peu la panique, je décide au dernier moment de la tenue à porter, perds une gourde que je voulais emporter, oublie de manger ma banane, mais pose mon sac à temps. Il est bien sûr trop tard pour profiter du petit-déjeuner offert par l’organisation, dont je n’ai pas vu une miette, mais qu’importe ! Je me retrouve à temps dans le sas de départ, guettant des visages connus, ou à défaut des buffs ou des casquettes kikourou.

Flash spécial en direct de Saint-Quentin-en Yvelines : il va y avoir du sport !


Au coup de pistolet, je me rappelle la grande consigne des ultras (et aussi des marathons, et des semi, et des 10 km…) : ne pas partir trop vite. Pas de danger aujourd’hui, c’est un peu l’embouteillage, qui est accepté sans énervement : avec 80 km devant nous, nous avons largement le temps de nous exprimer. Mon GPS aussi mettra du temps à se réveiller, 12 min (2 km ? calcul qui m’occupera l’esprit une bonne partie de la journée). Il m’est ensuite plus facile de régler mon allure, surtout que le long du plan d’eau nous avons la place de courir. Un photographe de l’organisation essaie de nous tenter : « si vous courrez dans la flaque d’eau, vous serez dans le film officiel ». Très peu pour moi ! En ce dernier jour d’hiver, il ne fait vraiment pas chaud, je n’ai aucune envie de me mouiller plus que nécessaire.

Peu après le passage devant le nouveau vélodrome de Saint-Quentin- en- Yvelines, je rattrape la Joëlette, et suis comme à chaque fois admiratif devant la bonne humeur et l’énergie de cet  équipage. Je rattrape ensuite un coureur avec un sac en tissu en guise de sac à dos, vous savez, ces sacs qui ferment avec une ficelle qui doit lui cisailler le dos. Je rattraperai plus tard un type avec une casquette rose, « trop chelou », dirait mon fils. Et surtout, je retrouverai dans les bois un ami, avec qui nous resterons quasiment jusqu’au ravitaillement de Buc.

Je repense à cette définition de l’ultra, lue dans le magnifique « Born to run » de McDouglall : « les courses d’ultra sont des épreuves de nutrition entrecoupées d’exercices sportifs ». Si j’ai loupé le déjeuner initial, je m’applique à bien boire et manger. A Buc, j’apprécie le fromage, « brillant idea », et me jette sur les oranges. Surtout, je pense pour une fois à m’hydrater et à manger entre chaque ravitaillement (bon, un nutritionniste s’étonnerait peut-être qu’une barre d’Ovomaltine tous les 10 kms soit suffisante pour ce type d’épreuve, et pourtant…)

Le parcours est roulant dans cette première partie de course. J’aime ces chemins, même si j’imagine qu’ils doivent être mille fois plus beaux le printemps venu, dans quelques semaines. Nous retrouvons du coté de Jouy-en-Josas le parcours du 50 km emprunté l’an dernier, sans que je comprenne vraiment quand nous quitterons cette trace, avant de la recroiser plus tard. Ce n’est pas un problème, nous sommes assez nombreux pour ne pas avoir à se soucier du parcours, parfaitement balisé au demeurant. Un coureur me rattrape et m’interpelle. « comment ? Je t’ai mis un coup ? » je lui demande. « non, un Kikou », me dit-il, en mon montrant mon tee-shirt rouge. C’est ainsi que je ferai la connaissance du sympatique  doubleU, avec qui je resterai de longs kilomètres.

Après le km 40, mes pas deviennent moins légers, ce n’est pas surprenant. Je continue cependant à avancer à un bon rythme, toujours régulier, et comme me le fait remarquer doubleU, nous ne faisons que doubler. J’ai cette sensation agréable de pouvoir continuer des heures à ce rythme. Nous traversons de plus des endroits splendides, comme à Clamart ou l’observatoire de Meudon, je me régale. Une spectatrice brandit une pancarte « runners are sexy ». Des pancartes nous encouragent, nous les kikous, ce sentiment d’appartenir à une communauté me réchauffe, même si je ne connais « physiquement » pas grand-monde. Fort de mon T-shirt Kikourou, je me sers en fraises Tagada offert par Bérénice, merci à toi.

Pendant que mes jambes se baladent, mes pensées vagabondent. Je repense à ces entrainements, à ce joggeur croisé un soir sur la coulée verte, qui courait en sifflant, un phénomène. Je revois ce coureur rencontré au retrait des dossards, jeudi, et qui reconnaissait presque gêné faire parti des favoris : il remportera la course. J’observe aussi mes compagnons du jour,  en fonction de nos points forts respectifs dans les montées et les descentes, nous nous doublons et redoublons régulièrement. Un peu avant l’entrée de Saint-Cloud, un spectateur me dit deux mots qui me vont droit au cœur : « belle allure ».

Et là, j'ai eu un flash : j'adore cette course


J’arrive au ravitaillement de Saint-Cloud à la tombée de la nuit. Les stands sont éclairés par des guirlandes électriques qui leur donnent un air de fête, les monuments s’allument à Paris que nous surplombons. La vue est  magnifique, la vie est magnifique. A ce moment, je tombe amoureux de cette course. Je prends une photo, discute un peu avec les bénévoles souriants, et repars, frontale allumée, non sans avoir envoyé un SMS à mon frère et à mon épouse : « Km 67. Que du bonheur ».

500m plus bas, j’entends que l’on m’interpelle : « Yann, Yann ». C’est mon frangin qui est venu m’encourager. Nous courrons ensemble 1 km, peut-être le plus beau de la course. Il me raconte sa course du matin (il a pulvérisé son temps sur les 30 km), me demande des nouvelles, m’encourage.

Flashé à près de 8 km/h sur les quais

 

Mais les meilleures choses ont une fin. Il me laisse face à la portion que je sais la plus difficile, le long des quais. Après la dernière côte et la dernière descente, cela devient vraiment difficile. Nous sommes espacés les uns des autres, il faut courir seul. J’ai l’impression de me trainer. Des pensés littéraires me surprennent. Jean d’Ormesson s’amuse :  « l’éternité c’est long, surtout vers la fin ». Que dirait-il des ultras ? Je l’imagine en short. 500 m de gagnés. Une interview de Zatopek : « Pour nous, coureurs de fond, courir n’est pas seulement courir. C’est aussi une confession » En ce moment, je me dis que c’est la plus belle définition de la course à pied que je connaisse.

Je ne sais pas quel péché j’ai commis, mais arrivé enfin au pied de la Tour Eiffel, se passe une chose étrange : la Tour qui scintillait comme un phare s’éteint brutalement à notre approche. Un coureur me renseigne : « c’est pour économiser l’énergie, symboliquement, 1h par an, ils éteignent l’éclairage des bâtiments publics ».  A la minute où j’arrive, quelle ironie !

Le passage sous la Tour constitue un nouveau moment d’euphorie, et les escaliers jusqu’au premier étage passent plus tranquillement qu’imaginé. L’arrivée à l’étage, qui nous semble réservé, est magnifique. C’est fini, bien fini, en 8h21, temps inespéré. Je suis ultra traileur, je suis ultra marathonien, je suis simplement ultra content.

Note pour plus tard : pensez à enlever son brassard réfléchissant avant de se faire photographier au flash.

10 commentaires

Commentaire de Double_U posté le 21-03-2016 à 21:58:14

Félicitations pour ta course ! C'est vrai qu'au final on a passé un bon paquet de kms ensemble ! D'ailleurs je pensais bien me faire pacmaniser sur la fin, heureusement que le ravito de Saint-Cloud était là pour te distraire un peu :-)

Commentaire de marathon-Yann posté le 22-03-2016 à 10:33:26

Félicitations à toi ! J'ai pris mon temps à Saint-Cloud, mais c'est que j'en avais besoin. Et ca n'explique pas le 1/4 d'heure que tu m'as pris.
Belle rencontre en tout cas, au plaisir de te recroiser sur d'autres chemins (ou sur ce forum)

Commentaire de sabzaina posté le 22-03-2016 à 00:23:36

Bravo, bravo. Quelle belle course parfaite et surtout quel beau récit, leçon de vie et de bonne humeur. Merci

Commentaire de marathon-Yann posté le 22-03-2016 à 10:37:59

Merci, et bravo aussi pour ta course !

Commentaire de Laurent V posté le 22-03-2016 à 20:06:17

Magnifique récit, bravo.

Commentaire de marathon-Yann posté le 23-03-2016 à 17:30:04

et ton récit à toi, il est où ?

Commentaire de trailaulongcours posté le 25-03-2016 à 11:40:51

Super course. Super récit. Tu viens de me donner le sourire. C'est sympa d'avoir des pensées littéraires en course. Je m'attendais à un temps genre dans les 12h, ben non, 8h et des brouettes. Bravo, moi à cette vitesse là, je n'arrive plus à penser tout court.

Commentaire de marathon-Yann posté le 25-03-2016 à 16:28:37

Merci trailaulongcours. Le plus étonnant n'est peut-être pas d'avoir eu des pensées "littéraires" en course, mais de m'en être souvenu en préparant ce récit, le dimanche au laser quest, où je fêtais l'anniversaire de mon fils.

Commentaire de Bert' posté le 25-03-2016 à 17:41:10

Super récit d'abord et quelle course + chrono !

J'adore aussi tes bonnes références qui me parlent aussi, notamment « les courses d’ultra sont des épreuves de nutrition entrecoupées d’exercices sportifs ». J'avais aussi souvenir dans Born To Run d'une allusion à la "capacité de manger des sandwichs entre-coupé de course à pied"...
(du coup je m'étais préparé 2 petits sandwichs pour être en phase ;-)

Encore bravo !!

Commentaire de marathon-Yann posté le 29-03-2016 à 17:26:54

Merci Bert' pour ce commentaire, et encore bravo à toi.
Il faut maintenant que je trouve un bouquin aussi pertinent pour mon prochain récit de course !
Et accessoirement une autre course aussi sympa !

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