Récit de la course : Grand Raid 73 2006, par Olivier91

L'auteur : Olivier91

La course : Grand Raid 73

Date : 20/5/2006

Lieu : Cruet (Savoie)

Affichage : 3232 vues

Distance : 73km

Objectif : Pas d'objectif

6 commentaires

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Cà c'est du trail , du vrai!

T'en voulais du trail ? Et ben n'en v'là !!

Vendredi 19 mai 17h17: le TGV arrive en gare de Chambéry. Ca y est, cette course tant attendue est toute proche et je vais faire connaissance de Marmotte, une des mascottes UFO, ainsi que de quelques autres UFOs hébergés obligeamment par cette même Marmotte ! Prise de contact aisée, on a bien évidemment un thème de conversation tout trouvé !
Les 5 autres coureurs arrivent les uns après les autres (Sandrine, Olivier74, DidierP, Val et Soul). Les gâteaux faits maison (dont le redoutable KokoCake!) et les bouteilles de champagne et de rouge s'amoncellent sur la table de la cuisine. On est assez loin de la diététique du sportif !

Les derniers préparatifs se font dans la bonne humeur, bonne humeur qui nous conduit tard dans la nuit !! 23h20, il est peut-être temps de se coucher, le réveil est à 2h30 ! Réveil qui me paraît finalement assez facile, car nous avons tous envie d'en découdre. En plus, le ciel est étoilé et la température douce…. Belle petite promenade en perspective !
3h23, les voitures démarrent pour un petit trajet d'1/4 d'heure à peine. Mais les ¼ d'heure savoyards sont un peu plus longs qu'en plaine puisque nous arrivons à 4h14 à Cruet, soit 1 minute avant la fin de la remise des dossards. Qui sait quelle place aurait eu Val s'il n'avait pas perdu 50% de son influx dans le stress de ce petit trajet ??!!! ;-)))
Sur place, nouvelles rencontres avec des coureurs jusque là virtuels (dont Patrak, Gilbert, et Michel Poletti, auquel j'oublie de dire tout le bien que je pense de l'UTMB). L'ambiance est bon enfant, le monde de l'ultra est accueillant !

A 2 minutes du départ, j'échange un peu avec Olivier74, lui disant que pour moi c'est toujours le moment où je me demande ce que je fais là. Pour lui, c'est tout le contraire, ces quelques minutes avant le départ, c'est son moment préféré. Je cherche désespérément Marmotte pour qu'il prenne la photo avec le drapeau UFO. Tant pis cette photo, on la fera à l'arrivée !
Cà y est, le départ est donné. Je me trouve très vite séparé du petit groupe de mes nouveaux amis. La première montée commence tout de suite (700 m D+) et je me cale dans un petit groupe. Au bout de 20 minutes, je me sens bien, je commence à doubler quelques coureurs. J'avais prévu un rythme moyen de 600 m/h dans les montées. Comme d'habitude, je me suis royalement planté, puisque ces premiers 700 m sont avalés en 40 min.

Après une première descente agréable et souple, on arrive le long d'un joli petit lac et c'est le premier ravitaillement à La Thuile. Il fait jour, je quitte ma micro polaire. Il fait doux. Quelques mots avec les bénévoles, 2 verres de coca et une tranche de saucisson et c'est reparti. L'heure qui suit est composée d'un parcours riche en relances. Celles-ci me font mal, car la petite rondelle de saucisson a décidé de me faire un compte-rendu détaillé de tout son trajet dans mon système digestif. C'est la première fois que cela m'arrive en course ! Brûlures d'estomac, nausées ! Ben me v'là bien ! Je m'accroche, et si un ou deux coureurs me doublent, j'en fais de même régulièrement. Je double aussi un coureur qui, accroupi, collant au niveau des genoux, constate avec étonnement que sa tranche de saucisson à lui a déjà trouvé la sortie!!

Un peu plus haut, en sortant de la forêt, je me pare de mon plus beau sourire pour la petite photo. Nous sommes maintenant dans les champs et je vois en ligne de mire quelques coureurs s'égrainant sur le sentier. Cela me permet d'en doubler encore quelques-uns. En particulier, je constate que je vais bien dans les descentes … et surtout, mes genoux (et mes intestins) tiennent. Cela me conduit à une période d'euphorie. Le saucisson me laisse tranquille, je suis à fond dans la course. Mon seul souci est la difficulté passagère que j'éprouve après chaque ingestion (lait concentré, barres de céréales ou même eau). Il me faut 5 minutes à chaque fois avant que ces bouchées ou gorgées me laissent tranquille.
La montée (sérieuse) vers le Colombier se dessine et nous croisons un coureur à fond dans le sens inverse (aurait-il oublié quelque chose plus bas?). Visiblement, il a dû se tromper de chemin plus haut (j'ai appris plus tard qu'il était alors 2è de la course avant son erreur).
Cà y est me voilà au col, juste sous la raide montée finale du Colombier. Le vent commence à souffler sérieusement, moi aussi! Mais quand je constate que mes compagnons du moment semblent souffrir autant que moi, je m'accroche et monte à allure régulière. Arrivé en haut, le vent vire à la tempête. Les bénévoles frigorifiés m'annoncent que je suis 47è à 1h10 du premier … et que la descente est glissante, élément dont je me rend immédiatement compte en tombant 2 fois en 10 m. Je m'assagis et limite la casse dans ces premiers décamètres réellement glissants. Ensuite, sur la pelouse alpine parsemée de crocus, la foulée peut s'allonger jusqu'au prochain contrôle que je passe sous les premières gouttes de pluie. Une petite remontée vers le col de la Cochette et après un passage commun avec la montée, passage où je croise un Olivier74, parfaitement serein et souriant, j'attaque une longue descente que je fais intégralement seul. Personne devant, personne derrière. Heureusement le balisage est suffisant pour me rassurer sur le chemin.

Arrivé aux Aillons, je rejoins quelques coureurs que je double grâce à un arrêt express. Quelques hectomètres de bitume pendant lesquels je mets mon coupe-vent, car la météo devient franchement exécrable! Le bitume quitté, me voilà dans une montée glissante à souhait. Cà dérape de partout! Et çà monte souvent dur. Il faut choisir des petites racines qui dépassent ou des pierres qui ont l'air de tenir pour limiter les retours en arrière!

C'est la première montée où je ressens le besoin à 2 reprises de m'arrêter le temps de 2 expirations, pas encore grand-chose, mais des premiers signes que çà va bientôt tirer un peu! Déjà 35 km et 2700m D+. Dans la descente suivante, je patauge dans la boue et double quelques coureurs, en particulier les imprudents qui n'ont pas pris leurs bâtons. Ils sont faciles à reconnaître, ils sont intégralement couverts de boue. En bas, je m'aperçois que mon sac s'est ouvert dans les tressautements de la descente. J'ai perdu ma micro-polaire, mes chaussettes de rechange et ma couverture de survie! Quelle corniaud je fais! J'arrive peu après à un point d'eau où je signale cette perte et indique mon n° de dossard.

Les écarts se resserrent avec mes poursuivants et avec les poursuivis. Lors du début de la montée à La Galoppe, nos positions fluctuent. Dans un faux plat descendant, mon prédécesseur me prend 200 m. Il disparaît puis réapparaît au gré des virages et de la pente. La dernière vision que j'ai de lui le situe dans une ligne droite. Quand j'arrive à la hauteur de ce point, je vois que le parcours quitte le chemin pour suivre un sentier escarpé. Mon camarade de jeu s'est planté. Je l'appelle, pas de réponse! Je suis épuisé, hésite un instant à essayer de le rattraper, mais y renonce, car je suis dans le rouge et il va à un rythme supérieur au mien. L'image de ce coureur sur le mauvais chemin me hante pendant toute la montée. Le pauvre! Je m'imagine à sa place, je ne crois pas que j'arriverais à ne pas abandonner dans cette configuration, à ce moment de la course. Je n'ai pas eu de nouvelles de lui après coup!
Je continue nonobstant, car il est vraiment important d'enquiller les km pour me mettre au chaud.

En sortant de la forêt, 3 coureurs apparaissent devant moi. Je les prends en objectif et attaque la montée finale de la Galoppe. Les conditions sont vraiment terribles. Le sentier est impraticable, la pente et la boue le transforment en une patinoire peu artistique. Il faut passer dans l'herbe, avec des appuis moins réguliers, mais qui tiennent. Peu à peu, les 3 coureurs devant moi cèdent. Moi qui étais sur le point de le faire aussi, les voir arrêtés dans la pente me donne le petit plus au moral qui me permet de tenir. Je suis frigorifié mais je monte ce dernier ressaut à 840 m/h. Je crois que la volonté de me retrouver le plus vite possible au chaud m'aide beaucoup! Cela fait ¼ d'heure que je ne sens plus mes mains. Elles sont absolument blanches!! Plus une goutte de sang ne parvient jusqu'aux doigts. Je ne sais comment les réchauffer, je suis en t-shirt et coupe-vent léger. Rien pour protéger mes mimines! Arrivé au sommet j'échange quelques mots avec le bénévole gelé, en ciré rouge, qui oriente les coureurs qui doivent couper le parcours pour éviter une crête devenue dangereuse. Stoïque, le bénévole! Il me dit qu'il est frigorifié, mais qu'il essaie de ne pas y penser et qu'il ne peut laisser les coureurs seuls dans la montagne (à l'arrivée, on me parlera de rafales à 120 km/h!). Un peu plus bas, auprès d'un large névé pentu qu'il me faut traverser, 2 bénévoles qui s'activent auprès d'un reste de braise pour se réchauffer me disent:" Tu vas dans l'axe du coureur avec la couverture de survie, fais gaffe quand tu le retrouveras, il ne va pas bien du tout! Il vient de rester ½ heure avec nous, il est à bout"! Réjouissant, non! Le sentier suivant est en dévers, çà glisse de partout, même dans l'herbe. Parfois, c'est dré dans l'pentu, sans aucune prise pour les pieds ou les mains. Heureusement les bâtons permettent de faire avorter plusieurs chutes. Puis la descente se poursuit dans la forêt. Enfin, mes mains se rappellent à mon bon souvenir, mais un peu trop peut-être! Me voilà avec une onglée comme j'en ai rarement eu!!! Mais au moins, je peux tenir ma gourde maintenant et me réhydrater.

Un peu après, j'entends le pas accéléré d'un coureur qui se lâche: DidierP déboule! "Dis, c'est pas toi qui aurais perdu des affaires ?". C'est Didier qui les a ramassées et déposées au point d'eau suscité! Merci à toi Didier! Et Didier de me lâcher irrémédiablement dans la descente: "Je ne t'attends pas, j'ai trop froid!".

Son rythme de descente m'inspire et j'accélère aussi. Je double 4 à 5 coureurs supplémentaires, dont Philippe Delachenal, l'organisateur du TGV, avec lequel nous ferons le yoyo jusqu'à la fin. Il n'a pas de bâtons donc les descentes me sont favorables. Par contre sur le plat et surtout dans les faux-plats montants, il court tout le temps!!! Comment fait-il. Moi, c'est fini, je ne cours plus que par (petite) intermittence. La fatigue est bien installée. Je goûte cependant cette descente et son passage directement dans le torrent (pour laver les chaussures sans doute!).

Un point d'eau improvisé permet de faire une petite pause: "Vous prenez la route et La Thuile est à 20 mn". Ne jamais écouter les bénévoles pour ce qui est de la description du parcours! Ils se trompent pratiquement tout le temps. Il restait plus d'une heure, en fait, avant La Thuile, dont une montée de 150m! A l'entrée de La Thuile, Philippe qui me double une dernière fois me dit que la course sera interrompue au ravito.

Le ravito se présente enfin et effectivement, la course se termine. En 9h26 pour moi. Un petit regret: les positions au moment de l'arrêt ne sont pas enregistrées. Je ne saurai donc pas combien j'étais (35, 40è? Au-delà??) Pas dramatique, mais cela aurait été sympa de le savoir!
J'apprends que 24 coureurs ont passé le ravitaillement avant la décision d'arrêter la course. Ceux-ci seront classés, ils l'ont bien mérité! Nous sommes 6/7 à être là, DidierP et Patrak en tête. Rapidement, la décision de ne pas attendre la navette qui mettra sans doute près de 2h à nous ramener se dessine. Une première fournée de 6 coureurs est partie me dit-on (j'en déduis que je devais être 35 ou 36è!). Je suis rincé, mais maintenant que je suis UFO, pas le droit de faillir, alors je décide de suivre les félés. Et nous voilà partis pour 5,6 km et 150m d+ en plus des 56 kms et 4000m d+ déjà effectués. Remettre les vêtements mouillés sur soi est une première épreuve. Suivre les autres ostrogoths en est une. Je vois là que je suis à ma limite. Les autres en ont encore sous le pied, pas moi. La montée ne se passe pas trop mal, mais la descente est vraiment difficile. L'absence de préparation avec du dénivelé se fait sentir. Des douleurs à l'aine se font sentir, les cuisses n'amortissent plus grand-chose. Bref, le bonhomme est à bout.

Arrivés en bas, nous passons le dernier km en marchant et devisant avec DidierP et Patrak. Nous décidons de passer l'arche d'arrivée, malgré tout, comme un symbole nous n'avons pas abandonné, non mais !). Ma petite femme, Maëlle et Fabien m'attendent et me rejoignent. Ca fait du bien de les voir ! Une petite photo avec le drapeau UFO et direction douche, massage (Hmmm et aïe aïe). Puis un des bons moments de la journée, le repas d'après course partagé avec les autres coureurs. Peu à peu les rapatriés des différents points d'arrêt de la course arrivent, Sandrine, Olivier74, Soul, Gilbert. Ils sont radieux et ravis de leur journée. Nous apprenons que Val termine 12è, bel exploit, pour cet humble parmi les humbles! Je fais connaissance de Gillesdoche et de Vinca, qui revenant de son accident de voiture, s'était inscrite au Petit Savoyard (25 km).

Les rires et les encouragements variés témoignent de la bonne humeur générale. Meurtri par sa décision, l'organisateur est applaudi par la salle, qui offre aussi aux bénévoles une standing ovation (souvent méritée, mais là encore plus que d'habitude !).

Une merveille de course, sauvage, âpre, dure, merveilleusement organisée.
La fête se termine par un dernier dîner chez Marmotte avec ma petite famille, Sandrine et Soul. C'est presqu'à regret que nous nous séparons, mais certains de nous revoir bientôt, au plus tard pour l'UTMB, qui aura particulièrement été bien préparé grâce à cette course!

6 commentaires

Commentaire de olivier74 posté le 23-05-2006 à 21:55:00

Belle course Olivier.
Encore bravo.

Commentaire de akunamatata posté le 24-05-2006 à 02:41:00

très beau récit, très beau récit
Akuna

Commentaire de Sandrine74 posté le 24-05-2006 à 07:06:00

Mais si je l'ai vu !!! rire
Super ton cr.... A bientôt
Sandrine

Commentaire de Isa posté le 25-05-2006 à 22:19:00

Dis donc, c'était mouvementé !!!!!!!!
Chapeau, encore un sacré défi que ce GR73 et un pas de plus vers l'UTMB !
(mais c'est malin, maintenant, une rondelle de saucisson, ça va me faire ricaner...)
A bientôt,
Isa

Commentaire de samontetro posté le 29-05-2006 à 17:34:00

Ce qui me fait sourire, c'est que c'était dur, pluvieux, venteux, glacial, boueux, pentu, glissant et même dangereux au point que les organisateurs se sont résignés à neutraliser la course. Et tous les C.R. disent que c'était genial et qu'on s'est éclaté comme des fous! Moi aussi je reviendrai en 2007 avec mes grands batons ;-) pour en découdre de nouveau avec cet itinéraire fabuleux!

A bientôt les kikoureurs!

Commentaire de Jerome_I posté le 15-05-2007 à 14:34:00

Je viens de lire ton CR car je viens de m'inscrire à cette course qui je l'éspère sera belle et la météo meilleur que l'an dernier.

Sportivement

Jérome

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