L'auteur : Thomas74
La course : Grand Raid 73
Date : 25/5/2019
Lieu : Cruet (Savoie)
Affichage : 1581 vues
Distance : 73km
Matos : Altra Olympus 2.5
Sans bâtons
Objectif : Pas d'objectif
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83 autres récits :
Entraînement hivernal pas trop mal, un gros mois d’avril en terme de volume avec 4 à 6000 m de dénivelé hebdo et quatre week-end à dossard d’affilé. Évidemment en mai je le paye cash, grosse fatigue qui me tombe dessus pendant deux semaines. Ça aura été un mois très léger : trois sorties d’une heure hebdo pendant trois semaine, un peu de PPG à côté. Un peu merdique la gestion, mais bon au moins j‘aurais bien profité du beau temps d’avril, le mois de mai a été assez pourri. Au moins je prendrai le départ très frais. Je me fais une estimation grosse merdo à 14h30 de course. Si je fais moins de 14h, ce sera bien.
Veille de course, sac fait un peu à l'arrache comme d'hab. Aucun stress, une première pour moi avant une longue distance : je sais maintenant dans quoi je m'embarque. Deux heures de sommeil, le grand luxe. Un peu de musique douce pour le trajet.
https://www.youtube.com/watch?v=z8ZqFlw6hYg
Je suis sur place à Cruet à 4h. Je patiente en buvant un thé avec katman et deux potes à lui.
Dehors il fait bon. Collant 3/4 pour les jambes, pour le haut je reste en t-shirt, je sais que j'ai tendance à trop me couvrir en début de course donc on va tenter ça comme ça. On est un peu plus de 200. Départ en musique à 5h.
De Cruet (km 0) à la Thuile (km 18) : bonnes sensations
Le début est roulant dans les vignes, à la queu-leu-leu à la frontale. C'est agréable. Puis le chemin devient rapidement un étroit single, je reste sagement en file indienne (quelqu'un souhaitant faire un temps sur cette course aurait intérêt à aller plus vite au début pour mieux se placer). On monte progressivement, quelque points de vues sympa mais je n'ai pas le temps d'en profiter, je reste dans mon rythme.
Mon idée était de partir très doucement jusqu'à la Thuile, voire même les Aillons, afin d'être frais pour la suite. Cependant je commence déjà à m'impatienter, ce rythme lent ne me convient pas (encore formaté aux allures plus rapide de mes courses des mois précédents) et surtout j'en ai marre des bâtons des autres mais ça c'est moi... d’ailleurs il n’y a quasiment personne sans béquilles, j’en ai croisé quoi, cinq ? Bref au bout d'une heure trente / deux heures je prends un peu le large.
Le terrain ici est vraiment sympa, entre parties roulantes et lapiaz. Les lapiaz, c'est vraiment ce que j'adore en montagne. Je me fais plaisir sur cette portion, sans me rentrer trop dedans je reste dans une allure où je me sens bien. J'arrive au lac de la Thuile en 3h10 au lieu des 3h30 prévues. 3 minutes de pauses, direction les Aillons.
De la Thuile (km 18) aux Aillons (km 40) : parti trop vite
Un peu de piste à se farcir puis voilà la première difficulté du parcours, la montée de la Sauge. Ça monte bien et ça se raidit sur la fin. Ça commence à piquer dans les jambes. Quoi, déjà ? Ça arrive trop tôt... en haut, on enchaîne avec la Gallopaz. De beaux points de vues mais je trace. Le début de la descente est raide, il faut y aller doucement. Un traileur y va franco puis se ramasse un peu plus bas, je reviens sur lui mais pas trop de mal apparemment. La descente se fait maintenant plus roulante alors je déroule.
Un petit coup de cul et c'est là que dans la tête ça commence à sentir le roussit. Je n'arrive plus trop à relancer dans les montées roulantes et même un peu sur plat. Je commence à me poser pas mal de questions. "Pfff les longues distances c'est pas fait pour toi" ; "reste sur des 40 bornes c'est ton format tu t'y fait plaisir" etc etc... j'appréhende énormément la suite de la course notamment la fameuse montée du Colombier... l'idée d'abandon commence à germer. Bon bref cahin caha j'avance, un peu de plat montant pour arriver au deuxième ravito, je reste derrière un petit groupe et m'efforce de suivre leur allure en trottinant, pour ne pas marcher.
Me voilà aux Aillons, en 6h58 de course. J'ai mis 3h45 pour la portion précédente là où je m'étais compté 4h : je vais clairement trop vite. Il faut que je me retape. Un verre de coca, un peu de pain/fromage, quelques carrés de chocolat noir, et surtout un bol de soupe aux vermicelles. J'y passe 20 minutes sur ce ravito, c'est énorme mais c'était nécessaire. Je me refroidi alors j'enfile un t-shirt manche longue en sus. Ventre plein, je vais mieux, je repars sans trop me poser de questions.
Des Aillons (km 40) au Mont Pelat (km 58) : mort et renaissance
Je marche je marche... le sentier devient courable. Je suis prêt à relancer... et découvre que j'ai les jambes en bois. Elles refusent de courir. Montée en direction du Combier entamée : je suis d'une lenteur pachydermique. Même une famille de randonneur me doublerait. Dans la tête, c'est horrible, les voix qui me répètent en boucle que je ne suis qu'une merde, qu'il faut que j'abandonne...
https://www.youtube.com/watch?v=vKajqoXTH7k
Pas mal de traileurs me doublent, pour en rajouter une couche. Même si une partie d'entre eux sont des relais, je vois bien la différence d'expérience avec ceux qui ont géré plus doucement et qui en ont gardé sous la semelle. L'un d'eux voyant mon état s'inquiète, je lui dis de ne pas s'en faire, oui je mange, oui j'ai ce qu'il faut... j'ai même hésité à faire demi-tour, retourner aux Aillons rendre mon dossard. Mais bon, ce serait quand même trop con. Je sais qu'après cette bosse, on a fait le plus dur. Allez, je finis au moins le Colombier. Après, on verra.
Je sors enfin de ces bois à la con, sur la clairière on voit le paysage (c’est joli) et surtout le sommet que je dois atteindre. J'avance lentement mais j'avance. Il pleut : k-way casquette. Au pied de l'ascension finale, un groupe de bénévole nous pointe. Il reste une dernière partie raide à gravir pour atteindre le sommet, puis on fera une petite boucle pour redescendre et repasser vers les pointeurs. Je déconne un peu avec eux, leur disant que je suis prêt à les payer pour ne pas faire la boucle et faire la suite directement. M'enfin bon ! Me voilà en train de monter la partie finale. Celle dont tout le monde dit que c'est super raide etc... ben... ça monte mais on moins on y va franco, pas de détour. On monte et j'aime ça. C'est ce que je fais presque tous les jours à l’entraînement. Me voilà en haut. J'aurais mis 2h30 depuis les Aillons, putain de merde... j'avais estimé 2h max. Hop faut redescendre... dans les récits, tout le monde disait ouais c'est super raide... moi je trouve ça... ben normal quoi. Des petits lacets, quelques cailloux, je m’amuse bien, je joue avec le terrain.
En bas, je sens le plaisir revenu : cette petite boucle était sympa. On est sur une piste, miracle je peux courir ! Les jambes sont redevenues plus légères, la fatigue évaporée. Assez incroyable, quand même. J’aurai passé deux bonnes heures au fond du trou : je me demande après coup si, suite aux 40 premiers km trop rapide, mon corps ne se serait pas mis en mode « économie d’énergie ». Et que deux heures m’ont été nécessaires pour retrouver de la fraîcheur. Quand je lis les récits d’ultra, souvent je vois mentionné ces moments où ça va pas, pour retrouver un second souffle par la suite… c’est exactement ça. Quand j’étais au plus bas, je pensais que ça durerait jusqu’à l’arrivée, que si je finissais, ce serait en 18h le couteau entre les dents sans y avoir pris plaisir. Et bien non. C’est la première fois je crois que ça m’arrive mais voilà, quand ça ne va pas, il faut serrer les dents et continuer lentement jusqu’au prochain ravitaillement. Tant qu’on est dans les temps faut y aller. La mauvaise passe ne dure pas éternellement.
Je repasse devant les pointeurs (« je suis vivant ! ») puis direction le ravitaillement légendaire : le Mont Pelat ! Ça descend un peu, nouveau pointage plus loin où l’on m’annonce 5 km avant le ravito sur terrain vallonné. Chic ! Ça descend globalement avec quelques petites montées tout de même, je me sens bien, je trottine en faisant gaffe à ne pas aller trop vite, j’ai appris de mon erreur. Une dernière petite côte pour atteindre le Mont Pelat. Je monte en appuyant. J’ai faim ! Je double d’un bon pas quelques coureurs qui ont l’air d’en chier un peu. Je reprends d’ailleurs le traileur qui s’était inquiété de mon sort peu après les Aillons. « Tu sens la bouffe toi ! ». Et oui je suis impatient d’y arriver.
Et m’y voilà ! Bonne surprise tout d’abord, je suis exactement dans mes temps car j’avais initialement estimé devoir repartir de cet endroit au bout de 12h de course. 11H45 mis. L’avance du début m’a permis de combler le retard pris par la suite. C’est parfait ! Mes attentes n’ont pas été trahies : des frittes ! Du poulet ! Des DIOTS ! Je m’attends à ce que ce soit une portion par personne mais non : tout à volonté ! Mont Pelat : meilleur ravito de tous les temps. J’y reste 15 bonnes minutes assis sur ma chaise, je bouffe sans arrêt, fuck la diététique du sportif. Merci les gars pour l’accueil, il est 17h, je repars sous l’averse, le ventre plein, j’ai trop mangé…
Du Mont Pelat (km 58) à Cruet (73) : tracté par Obi Wan Kenobi
Par contre les jambes ont durcies après 15 minutes assis : dur dur de courir. Il y a une descente bien raide qui tape dans les cuissots, courte heureusement. Le chemin se fait plus roulant mais pas moyen de relancer… merde ! Un traileur me double, non non je ne suis pas blessé juste un peu mort… je marche… on a 10km à faire avant le dernier ravitaillement liquide. Il paraît qu’elle ne sont pas les plus simples… pfff je me dis qu’elles vont êtres longues mais ça me ferait chier d’y passer 2h30 en marchant quoi… quand soudain ! Me double alors Gilles, traileur vétéran, que j’avais doublé et échangé quelques mots, peu avant la Thuile. Ce qui me frappe, c’est qu’il a exactement le même rythme qu’au début. Un vrai métronome. Du coup il me servira de locomotive, je m’accroche à lui, objectif ne pas le perdre de vue ! Je reste derrière lui. Cette portion n’est pas simple : globalement bien descendante et un minimum technique, il faut rester concentré sur le sol et avoir gardé quelques forces pour ne pas se faire une cheville. De temps en temps on a quelques courtes bosses à remonter qui me sapent un peu le moral. Mais Gilles lui tient son rythme inébranlable alors je m’accroche tant bien que mal. Il a bien remarqué mon manège, à une ou deux reprises quand j’accuse le coup et ralentis, il fait de même, se retourne et m’encourage de continuer. Je me sors les doigts et reprends la bonne allure.
Dernier mini ravito atteint à Monlambert (en 1h50), aaah ça fait plaisir de le voir celui-là. Gilles tape la causette tranquille avec les bénévoles, il a l’air de rentrer d’une promenade cueillette de champignons. On discute quelques minutes (enfin moi moins je marque le coup), un coca et il reste à peine 5km jusqu’à l’arrivée. Elles sont super faciles : petite descente régulière sans difficultés, puis on sort du sentier pour finir sur la route. Comme d’habitude à chaque fin de course je sens l’écurie, l’énergie me revient d’un seul coup, je pourrais dévaler à fond jusqu’à l’arrivée. Mais je préfère rester discuter avec Gilles, après tout c’est lui qui m’a tiré, guidé, motivé les 10 km précédents, façon Obi Wan Kenobi... j’aurais été tout seul, j’aurais sûrement mis plus de temps. Donc pas envie de lui passer devant en sprint quoi… on cause un peu, il est expérimenté, plusieurs longs ultras, et le GR73 il connaît par cœur ce doit être sa 7ème participation… tu m’étonnes qu’il savait où il allait.
Enfin nous voilà devant l’arche d’arrivé, 73 km, 4800 m d+, on arrive sans se presser après 14h20 de course, je ralentis voulant qu’il finisse devant moi mais même pas, il s’arrête devant la ligne et me laisse cet honneur…
Je reçois mon opinel finisher et n’en suis pas peu fier. Vraiment heureux d’avoir bouclé ce parcours, c’était pas gagné. Un petite leçon d’humilité et encore de l’expérience engrangée : il va m’en falloir pour l’Échappée Belle.
Quelques parties un peu « technique » mais globalement c’est très accessible, plus qu’aux allobroges par exemple. Assez roulant j’ai trouvé, je ne pensais pas devoir courir autant. Petite course de village, l’ambiance, les ravitos, les bénévoles… tout est excellent. A refaire un jour.
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6 commentaires
Commentaire de Bacchus posté le 27-05-2019 à 16:46:08
Belle perf. Voilà une course à laquelle je vais penser aussi. J'ai appris ce qu'était un Lapiaz, j'ai été obligé de googleliser le mot, merci.
Par contre ta musique, ça ne le fait définitivement pas -:) chacun ses goûts.
Commentaire de Thomas74 posté le 28-05-2019 à 21:10:42
Oui ça ou les allobroges à la même période est dans mes recommandations persos. Pour la musique c'est pas grave personne n'est parfait.
Commentaire de bubulle posté le 27-05-2019 à 17:16:21
Merci pour ce récit qui rend bien compte de tous les états par lesquels on peut passer sur une course.....et qu'on ne s'explique pas toujours. Ce qui prouve qu'il faut parfois se faire un peu violence et que quelques détails peuvent tout faire repartir.
Tu as du presque me rattraper à un moment, en gros avant les Aillons, avant ton coup de bambou.
En tout cas, comme sur l'EB, il y aura sûrement plusieurs fois ce yoyo au niveau de l'état de forme, tu sais déjà qu'il suffit parfois de juste laisser passer le mauvais moment!
Commentaire de Thomas74 posté le 28-05-2019 à 21:12:36
Ça roule. Ça fera toujours de l'expérience engrangée, je n'en ai pas suffisamment.
Commentaire de L'Dingo posté le 29-05-2019 à 21:57:15
Super ton récit. 10ans exactement après je m'y retrouve.
Le départ trop rapide dans les sentiers de foret pour atteindre le lac, la montée sèche à la sauge, le segment galopaz - aillons où l'on commence à gamberger sur la longueur :-(.
En 2009, il faisait super chaud et la fatigue+ la température+les orages potentiels apres le gd colombier ont eu raison de ma détermination ébréchée une demi heure apres les aillons.
Alors merci de m'avoir fait finir le parcours depuis le sommet à travers les bosses jusqu'à la ligne ;-)).
y a pas a dire c'est costaud le GR73.
Well Done ;-)
Commentaire de Free Wheelin' Nat posté le 08-06-2019 à 14:24:48
Bravo pour ta course!
Tu as raison pour les petites voix de la fatigue, faut pas les écouter ;-)
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