L'auteur : Yannael
La course : Marathon de Toulouse
Date : 25/10/2009
Lieu : Toulouse (Haute-Garonne)
Affichage : 1560 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Pas d'objectif
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« Finir. Sans fausse modestie, c’est mon 2e marathon seulement, le 1er date de plus de 4 ans, je n’ai pas d’expérience. Ce sera déjà bien de finir. Après, j’ai suivi un plan 3h15, donc je vise 3h15. Si c’est moins, tant mieux. Si c’est plus, pas grave. »
Voilà, en substance, ma réponse à ceux qui m’interrogeaient sur mes objectifs sur ce marathon de Toulouse. Ceci étant, je pensais sincèrement être en mesure de finir avec un chrono sympa, quelque part entre 3h10 et 3h20. J’en étais même convaincu.
Coupons court au suspens : J’ai atteint le 1er objectif (finir), et suis passé à des années-lumière du 2nd (chrono). Pourquoi ?
- Les meneurs d’allure sont partis trop vite ? Mauvaise excuse : Je n’avais qu’à ne pas me laisser entraîner.
- La météo n’était pas clémente ? Mauvaise excuse : La petite bruine n’était pas gênante, et il ne faisait pas chaud.
- Le parcours n’était pas roulant ? Mauvaise excuse : Quasiment tout plat.
- Pas assez entraîné ? Mauvaise excuse : 11 semaines, 53 séances et près de 63h d’entraînement.
- Trop entraîné ? Mauvaise excuse : Vu les difficultés à finir, je manquais même d’endurance sur la fin.
- Mal alimenté ? Mauvaise excuse : J’avais sur moi des gels, testés à l’entraînement.
- Trop alimenté ? Mauvaise excuse : Rien n’oblige à se gaver et boire tous les 2.5 km.
- Pas assez de réserves ? Mauvaise excuse : J’avais fait le plein de glycogène.
- Mal équipé ? Mauvaise excuse : L’équipement était au top.
- Fatigué de la veille ? Mauvaise excuse : On a évité le sport, on est resté calme, couché tôt.
- Mal dormi ? Mauvaise excuse : Bien dormi.
Alors ? Alors, avec le recul, sans doute une combinaison de plusieurs facteurs, résultant en une course sur un faux rythme, en manque d’énergie, avec de mauvaises sensations …
Au lever donc, tous les voyants sont au vert. Motivé comme jamais pour mon 2e marathon, en mode rouge : T-shirt rouge sur moi, T-shirt rouge offert par l’organisation, sas rouge des 3h15, bracelet rouge associé, ligne rouge dans le final, dans cette ville rou rose, où j’ai passé 3 ans, dans un passé pas si lointain. Mes copains attendent de mes nouvelles, je ne veux pas les décevoir. Encore moins ma copine qui a supporté mes longues et nombreuses séances d’entraînement. Pour elle, pour eux, et aussi très égoïstement pour moi, je suis prêt à tout donner, à me mettre dans le rouge, pour finir ivre de bonheur …
Km 1 : Et c’est parti. Très vite, un petit paquet de coureurs se forme derrière les 2 meneurs d’allure rouges. Je décide donc de passer juste devant. Bien m’en prend, ça permet d’éviter les secousses. Je cours donc quelques foulées devant le paquet. Passage en 4’35 (pour 4’37 visé), tout va bien.
Km 2 : 4’32, un poil rapide. Faudrait lever le pied. Mais dès que j’essaye, le paquet rouge me rejoint, ça bouchonne. Mieux vaut rester devant pour ne pas courir dans le flot et y laisser de l’énergie.
Km 3-5 : Faute d’avoir vu les panneaux 3 et 4, je dois attendre le 5e km pour s’avoir où j’en suis. 13’15 pour les 3 km, soit 4’25 par km : C’est bien trop rapide ! Les meneurs sont partis trop vite. Il faut que je freine. Et c’est sans doute à ce moment-là que je grille mes chances : Dès que j’essaye de ralentir, le groupe me reprend, et je me crois obligé de rehausser un peu le rythme, pour rester devant. Cruelle erreur.
Km 6-16 : Idem dans chaque côte : Le groupe me reprend, et me « force » à accélérer un peu. A chaque ravitaillement, je prends quelques longueurs, en buvant à la volée, puis le groupe revient, et je « dois » rehausser très légèrement le rythme. Bien sûr, le tempo n’est pas exagérément élevé. Mais cette course sur un rythme saccadé ne me convient pas du tout, moi qui préfère rester sur un rythme le plus régulier possible. Les sensations ne sont pas bonnes.
4’46 pour le 6e, 4’35 pour le 7e, 9’07 pour les 2 suivants, 4’35 au 10e, pour un total de 45’25, soit jamais que 45 secondes d’avance.
4’40, 4’43, 4’31, 4’44, 4’37, 4’30 : Toujours aussi irrégulier.
Pendant ce temps, un autre problème vient se greffer : Le premier gel pris au 10e ne passe pas. Je ne le digère pas. Pourtant, j’avais testé plusieurs gels à l’entraînement, et retenu ceux qui était passés le mieux. Mais aujourd’hui, non, pas moyen de l’assimiler. Et l’eau que je m’enquille tous les 2.5 km n’arrange rien, car si elle m’hydrate, elle me ballonne aussi un peu.
Km 16-23 : Par un éclair de lucidité tardif et +/- involontaire, je laisse – enfin – passer le groupe rouge devant moi, et le suis à une vingtaine de mètres. C’est beaucoup mieux, je peux courir de manière plus fluide. Je me sens mieux.
9’09 pour 2 km, 4’38, 4’40, 4’42. Au semi, je passe en 1h36’45, soit toujours 45 secondes d’avance. Dans l’absolu, le rythme n’était donc que légèrement trop élevé sur cette première moitié du parcours.
9’15 pour 2 km de plus. Et toujours des encouragements, dans les banlieues toulousaines, malgré le temps maussade.
Km 24-31 : Ca commence – déjà – à devenir dur. Je sens que les secondes m’échappent, que le groupe rouge s’éloigne, lentement mais inexorablement. Mais j’ai encore confiance. Je sens que je vais finir en 3h16, puis 3h17 puis 18, 19, 20 … Une lente descente aux enfers. Les gels des km 20 et 27.5 ne sont pas mieux passés. Je suis mal, mais je m’accroche.
4’45 pour le 24e, 4’42, 4’45, 9’34 pour les 2 suivants, 4’41, 4’43, 4’49.
Au 32e, alors qu’on est de retour dans le centre de Toulouse, les encouragements se font plus forts. J’en ai des frissons, j’essaye de profiter de la clameur pour me relancer … alors qu’il faut plus y voir un chant du cygne …
Km 32-42 : Et là, je comprends. Je comprends ce qu’est le mur du marathon. Je comprends pourquoi certains marchent. Pourquoi le marathon est une épreuve si dure et si mythique. Pourquoi je vais galérer comme jamais pour rallier l’arrivée. Mais pas question d’abandonner, j’ai fait trop de sacrifices ces derniers mois pour en arriver là. 10 km à tenir, ce n’est rien. Et en même temps, c’est énorme, de pire en pire.
10’16 pour 2 km : Je suis à moins de 12km/h.
5’08, 5’24, 5’36, 5’36, 6’12. Je suis à moins de 10km/h. La pluie s’en mêle un peu. Je passe sur les cadavres de gels coup de fouet. Le mien est sans effet.
Ce n’est plus par secondes, mais par minutes que le temps perdu s’accumule. Je marche à chaque ravito depuis le 35e. Puis entre les ravitos. Puis tous les 500m. Les relances ne durent pas. Les jambes sont à l’agonie, les crampes surgissent, le ventre est en souffrance.
6’35 pour le 39e. Plus que 3 bornes à tenir, j’essaye de repartir, de faire bonne figure, de faire honneur à tous ces encouragements, de remercier toutes ces personnes qui prononcent mon prénom, marqué sur le dossard (faut dire qu’ils ont bien le temps de le lire à la vitesse où je vais !).
Allez, si je donne tout, je peux même finir en 3h28, et battre mon chrono d’il y a 4 ans …
7’37 pour le 40e. Au secours !
Puis je m’arrête. Envie de vomir. Impossible d’avancer. Je reste immobile, appuyé contre une barrière, à me demander comment je vais pouvoir finir autrement qu’en marchant.
8’09 pour le 41e.
La fin est proche, heureusement. Fin du parcours s’entend, car mon énergie, ça fait longtemps qu’elle s’est volatilisée. Il ne reste plus rien pour faire avancer la machine, le coureur en perdition que je suis.
Les nombreux spectateurs donnent de la voie. Le final entre les barrières m’incite à ne plus marcher jusqu’à l’arrivée. 6’36 pour le 42e. Encore 200m. Et la délivrance.
Et enfin, l’arrivée, en 3h31’40. Fini ! J’ai fini malgré tout. Mais je suis KO. Impossible de me ravitailler. Les sandwichs saucissons qu’on me propose m’écoeurent (sic). Je n’arrive pas à boire non plus. Et finalement, ce qui devait arriver arrive. Je rends sur la Place du Capitole tout ce qui n’est pas passé pendant la course (Toutes mes excuses au service de nettoyage !). Et bizarrement, comme libéré d’un poids, ça va soudain mieux. Je repartirais bien pour un tour, moi !
Zou, direction chez mon pote, qui habite juste à côté. Une bonne douche, et je peux commencer à méditer sur ce semi-succès (j’ai fini), semi-échec (dans un temps décevant). J’essaye de faire bonne figure, et, malgré le sentiment vif d’être passé à côté d’un beau chrono, je savoure le fait de n’avoir pas renoncé.
La moralité de cette course est toute trouvée : Finir un marathon en bon état, après avoir couru sur un faux rythme, poussé par des meneurs d’allure un poil trop rapides, pendant 15 bornes, et avec des ravitaillements non digérés, ça relèverait du miracle. Il n’y en eut point à Toulouse ce jour-là.
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7 commentaires
Commentaire de francois 91410 posté le 31-10-2009 à 17:22:00
Vraiment une course difficile ce jour-là !
Ceci dit, je veux bien dans les mêmes conditions échanger ton chrono raté avec mon chrono raté !!
Bonne récup, merci pour ce récit.
Dommage qu'on ait pas pu se croiser au cours du WE ...
François
Commentaire de chanthy posté le 31-10-2009 à 22:43:00
super chrono malgré tout!
bonne récup.
au plaisir de se croiser
Commentaire de taz28 posté le 01-11-2009 à 10:08:00
En tous cas, je note ton soucie du détail, tu as harmonisé ta couette avec les dessins japonais du maillot du marathon ;-))
Toulouse ne fût une réussite pour personne, étonnant tous ces semi échecs ce jour là !! (enfin tu gardes un chrono tout à fait honorable !!)
A croire que le dieu du marathon ne voulait pas entendre nos souhaits !!
Récupère bien
Taz
Commentaire de hellaumax posté le 01-11-2009 à 21:42:00
J'ai beaucoup aimé ton récit, Yanael, notamment ta description du mur, ô combien réaliste, et j'en sais quelque chose! Il devait quand même être dur ce marathon, pour qu'on souffre tous autant...
Commentaire de bluesboy posté le 03-11-2009 à 14:37:00
C'est un chrono qui ferais honneur à pas mal de monde (dont moi).Ca te laisse de la marge pour améliorer ton temps,il faudrait soigner tes ennuis gastriques ,j'ai lu il n'y a pas trés longtemps que c'est une des raisons majeures des échecs sur les longues distances
A plus
Commentaire de Cliersou posté le 02-01-2010 à 20:53:00
Merci pour ce récit. Il correspond aussi au film que j'ai vécu à Toulouse ce jour même pour mon premier marathon fini en un peu moins de 3h30. Sur une base de 3h12 jusqu'au 29ème puis collision frontale avec un mur du 30ème et des crampes. Une galère pendant 10 km avec des kilos à plus de 7' sur la fin. Je finis les jambes raides et impossible à bouger pendant 10 minutes. Bonne continuation.
Commentaire de Cliersou posté le 02-01-2010 à 20:57:00
Merci pour ce récit. Il correspond aussi au film que j'ai vécu à Toulouse ce jour même pour mon premier marathon fini en un peu moins de 3h30. Sur une base de 3h12 jusqu'au 29ème puis collision frontale avec le mur du 30ème et poursuivi par un archer qui me criblait de flèches dans les cuisses et les mollets. Des crampes comme je n'en ai jamais eues. Une galère pendant 10 km avec des kilos à plus de 7' sur la fin. Je finis les jambes raides et impossible à bouger pendant 10 minutes. Bonne continuation et peut être RDV au 24/12/2010.
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