L'auteur : Zaille
La course : Trail des Marcaires - 54 km
Date : 20/5/2018
Lieu : Muhlbach Sur Munster (Haut-Rhin)
Affichage : 2480 vues
Distance : 54km
Matos : Altra Lone Peak 3.0
Objectif : Terminer
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Voilà un trail qui me fait de l’œil depuis un moment mais je devais attendre d’être prêt. Prêt pour digérer 54km et 2600m de D+. J’ai donc sagement validé quelques petits trails de 25 à 33km 3 années durant avant d’oser m’attaquer à ce que j’appelle mon premier vrai trail. « Vrai » car on allait rentrer dans des durées d’effort qui définissent ce qu’est vraiment le trail pour moi.
Matériel obligatoire
C’est donc la veille et en famille que je m’installe au camping de Muhlbach-sur-Munster situé à 3km du départ de la course. Le départ étant donné le lendemain à 7h30, je ne me voyais pas faire les 1h30 de route le matin-même. On nous promet un temps clément pour ce W-E de Pentecôte donc autant que tout le monde profite du cadre verdoyant de la vallée de Munster.
On se rend à la salle des sports de Muhlbach le soir pour récupérer le dossard qu’on ne me donne qu’après un contrôle rigoureux du matériel obligatoire (couverture de survie, veste, gobelet, sifflet, eau et téléphone). C’est bien la première fois que je me fais vérifier le sac, déjà je sens que je suis dans une autre catégorie de course. Je récupère le lot de course, un superbe T-shirt Salomon « Time to Play » avec couleur du logo au choix. On reste un peu pour assister à l’arrivée de la petite course de 12km puis je vais sur le stand Salomon pour leur montrer ma 2ème et dernière flasque qui fuit. Apparemment ce serait sous garantie, à moi de contacter le SAV. Au prix auquel c’est vendu, ce serait pas mal effectivement !
Une bière plus tard on retourne au camping pour mon dernier repas. Je squeeze les pâtes et me commande une pizza 4 fromages accompagnée de 2 bières, je suis un traileur, un vrai ! Il est 21h00, je suis impatient d’être à demain, on se couche dans notre tente mais la nuit va être infernale. Entre les discussions des tentes voisines jusqu’à 1h du mat’, les bourrés du samedi soir à une heure indéfinie, les traileurs du 72km qui partent pour leur départ de 4h et l’inconfort du matelas, j’ai dormi que par fragments de quelques dizaines de minutes.
On a tous conscience que ça va être une longue journée
Je me lève à 6h30, me prépare en 15 minutes et me fait conduire au départ. J’arrive pour les 7h00, 30 minutes avant le départ. Juste le temps de déposer le sac en consigne et de me crémer les pieds et l’entre-jambes avec de l’anti-frottement. Pas d’échauffement, je sais que je ne vais pas partir bien vite, la gestion de course se fera avec comme maître mot la prudence. Je me place d’ailleurs en toute queue de peloton sur la ligne de départ. Mon objectif, en me référant au milieu de tableau de l’an dernier, est de 7h30.
Vraiment content d’être là et le speaker met l’ambiance (je l’avais déjà entendu à 4h du mat d’ailleurs) avant de lâcher la horde dans la descente vers le village. Les 2 premiers km sont sur du goudron le temps d’arriver en forêt et le 1er single-track, il n’y aura quasiment que ça durant la journée. Ca bouchonne un peu mais personne ne s’excite à vouloir dépasser à tout prix, on a tous conscience que ça va être une longue journée.
Je me surprends à appuyer des 2 mains sur mes genoux
Au km4 les choses sérieuses commencent ! J’ai emmené un profil avec moi et un connaisseur derrière moi confirme qu’on va beaucoup marché à présent jusqu’au Hohneck le point culminant de la course à 1300m. On marche en file indienne sur des chemins très rocailleux. Le rythme est peinard et ça discute pas mal. Je peste en évitant les coups de bâtons du gars devant moi qui ne maîtrise absolument pas ses engins et n’a pas du tout conscience que ces pointes passent parfois à 20cm de mon visage. Je n’ai pas encore franchi le cap du trail en bâton et ça ne risque pas d’arriver !
On arrive quand même à courir par moment dans des parties moins pentues mais ça reste du stop-and-go sur plusieurs km avant d’arriver au 1er ravito au km10 à la station du Gaschney. Je m’arrête comme tout le monde pour du liquide et un peu de fromage et de saucisson (comme les vrais traileurs). Déjà plus de 1h30 de course et tout va bien, encore heureux ! On n’est pas encore tout en haut, il reste une montée sur une piste de ski le long d’un télésiège et là ça monte vraiment. C’est ambiance KV ! Tous au ralenti, je me surprends à appuyer des 2 mains sur mes genoux pour déplier ma cuisse. La vache que c’est raide ! Je dépasse quand même quelques « bâtonniers » et ça me fait bien plaisir !
J’ai sorti ma veste coupe-vent
A présent on est en montagne, il y a des plaques de neige sur certains versants et la vue est dégagée à 360°. C’est splendide, tout ce que j’aime ! 12km au compteur et déjà 1100m de D+, autant que la MAC6 dans les Vosges du Nord qui fait 26km. Un concurrent me dit que le plus dur est fait, je le crois, grand naïf que je suis !
Première grosse descente à présent et qui commence le long des crêtes sur un single bien roulant avec une vue panoramique. J’ai sorti ma veste coupe-vent et c’est bien plus agréable, je comprends mieux maintenant cet article dans la liste du matériel obligatoire, ce n’est vraiment pas du superflu. Les quelques spectateurs sont tous en en doudoune avec des bonnets sur la tête.
On rentre en forêt la descente continue sur du chemin qui alterne pierriers et zone humide, je fais gaffe mais malgré ma prudence personne ne me dépasse ni même me talonne. Ça sera 6-7 km comme ça où la concentration est mise à rude épreuve. En fond de vallée, on contourne le lac Altenweiher qui semble perdu au milieu de nulle part juste au profit de 2-3 pêcheurs.
La nature commence à devenir hostile
20km et 3 heures de balade, une nouvelle montée. Tout d’abord en forêt, je regarde en l’air et pense à travers une trouée voir le sommet qui ne me semble plus très loin. Et bien … pas du tout. En sortant de la forêt, un vrai paysage alpestre. Le chemin devient caillouteux et au loin, un sommet, le Rothenbachkopf culminant à 1300m se cache dans les nuages. Je distingue ça et là quelques silhouettes colorées qui montent un chemin en lacet.
Je pense au 2ème ravito, j’ai envie de grosses gorgées de boissons sucrées et aussi de salé. C’est technique et raide, on marche. Plus on monte, plus je suis content d’avoir ma veste. Le vent fracasse les nuages contre les flancs de la montagne, la nature commence à devenir hostile. Des supporters courageux attendent leur poulain blottis contre une paroi. Certain on même une couverture en plus de leurs vêtements. Je ne ressens pas le froid et plaisante avec eux. J’espère juste que le ravito ne sera pas là-haut.
25km et 4 heures de course
Finalement on redescend très vite via un nouveau sentier bien sympa et technique juste ce qu’il faut. Très vite les conditions climatiques changent et on arrive au 2ème ravito installé dans une prairie ensoleillée. Je m’attarde un peu plus longtemps. Je fais l’appoint sur une de mes flasques et mange un peu : tuc, fromage, bretzel (on est encore en Alsace ici quand-même). Je me risque même à m’assoir un peu tout en remettant les choses en ordre dans mon sac et ça me fait du bien. 25km et 4 heures de course, je pense encore être dans mon estimatif de 7h30. Je me fixe mon prochain objectif, le prochain ravito dans 12km.
J’ai consulté le profil, ça ne devrait pas trop grimper mais sur le terrain la moindre bosse commence à être perçue de façon non négligeable. Mes mollets commencent à se durcir et le spectre de la crampe commence à me hanter. Je biberonne ma flasque d’anti-oxydant maison (Sirop d’Agave + citron pressé) et j’ai l’impression que ça marche plutôt bien. Je re-dépasse pour la 2ème ou 3ème fois les mêmes coureurs qui doivent moins squatter les ravitos que moi et ça nous fait bien marrer. Je remarque aussi que c’est souvent dans les montées que je dépasse. A petit rythme mais plus rapidement quand même que certains Full Salomon Equiped.
Je kiffe vraiment malgré presque 6 heures d’effort
Mine de rien, le profil que j’avais estimé facile nous emmène quand même une fois de plus pas loin des 1300m au Breitfirst avant une longue descente de 4km où j’arrive encore à m’amuser. J’ai même un regain de forme en passant certaines pierres avec des sauts que j’imagine impressionnants (Je crois que c’est le début des hallucinations). Je surveille ma montre car une fois de plus j’ai très soif et j’attends le ravito avec impatience. Par moment je me sens vraiment seul et redouble donc de vigilance pour ne pas louper le balisage. C’est un peu l’aventure et donc je kiffe vraiment malgré presque 6 heures d’effort.
Enfin, le voilà, l’arrêt au stand tant attendu. Je fais le plein et le point. Je me rends compte que 1h30 pour 17km avec encore 600m de D+ ça ne va pas le faire. J’envoie un petit SMS à la famille pour ne pas les faire poireauter trop longtemps et me résigne à du 8h00 au mieux. Pas de déception car le temps n’est pas un objectif. « Finir », c’est tout ce qui compte et je pense que c’est bien parti pour !
Il me manque clairement des heures de sommeil
Tout de suite une montée bien raide dès les premiers mètres depuis ce ravito. 9km nous a-t’on promis avant la dernière halte. Je commence à fatiguer, je marche de plus en plus volontier sur des portions où 2 heures plus tôt j’aurai tenté une petite foulée. Je discute avec Antoine qui est étonné de me voir sans bâton. Je lui réponds effrontément que je réserve ce genre d’ustensile à des tracés vraiment difficiles, on rigole et la fatigue s’estompe pour quelques moments.
La fatigue est pourtant bien présente et depuis un moment, il me manque clairement des heures de sommeil. Même si l’adrénaline a un effet anesthésiant, il y a des limites quand-même et je n’en suis pas loin. La montée n’étant pas assez dure, on nous fait passer par une coupe de bois qui sera la pente la plus raide du parcours. Je m’accroche avec les mains à tout ce que je peux pour gravir ces quelques centaines de mètres au pourcentage impressionnant.
Le Petit Ballon
En sortant de la forêt on arrive à un des sommets mythiques d’Alsace, le Petit Ballon. On est à 1200m encore avec cette végétation typique de la « haute » altitude ou rien de fait plus de 20cm de haut. Devant moi une nouvelle montée raide de chez raide mais le dernier ravito est à gauche, ouf ! On nous l’épargnera celle-là !
Une dernière collation, je me risque même à du Coca, je suis un ouf, avant de repartir sur 8km de quasi-descente. Mais d’abord une montée sur une vue époustouflante, au loin un village que je devine comme étant Muhlbach. Il y aura en fait 6km de vraie descente. D’abord des petits sentiers pas très roulants se faufilant entre les rochers puis du plus gros chemin où je déroule un peu. « Dérouler », façon de parler, je pensais filer à toute allure mais au mieux je ferai du 6:12, la rigolade !
J’ai gagné
J’ai hâte d’arriver, ça devient long là. Je fais un check sur ma montre tous les 300m. En plus, pas un chat, ni devant, ni derrière. Sur les 2 derniers km je commence à voir du monde, ceux du 32km notamment, quelques spectateurs et au loin j’entends le speaker qui me donne un vrai coup de boost. Plus que 500m me dit quelqu’un, je sprinte (à 5:26, LOL), je vois l’arche, je lève les bras, j’ai gagné !
8h15, ça en fait du temps sur les pattes ! Content, satisfait, sans exubérance mais pour moi la mission est accomplie. Pas de nausée, pas de crampe, tout va plutôt bien. Je reste même debout le temps de boire au ravito tout en assistant aux podiums. Ma famille est arrivée à la bourre mais au moins ils n’auront pas passé des heures à m’attendre.
J’ai très bien géré ma course, peut-être trop mais je n’ai pas eu de souffrance extrême et ça ouvre des perspectives sur plein de choses. Déjà réitérer la distance c’est sûr, le reste on verra. En tout cas, je reviendrai !
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7 commentaires
Commentaire de barney posté le 22-05-2018 à 16:55:45
Bravo pour ton trail, pour quelqu'un qui a dormit quelques miettes la nuit précédente, c'est bien joué.
Je me note ce trail pour l'année prochaine. Comme toi, j'ai décidé cette année de passer au long et je me retrouve totalement dans ton récit, que ce soit dans la gestion, l'appréhension mais aussi le plaisir dans la douleur (enfin restons mesuré!)
J'ai fait les tranchées y a un peu plus d'un mois, et dans 3 semaines je pars sur la vallée des lacs sur le 56 (plus ou moins le même profil que ta course), et comme toi je ne vais pas pouvoir dormir des masses avant le départ, mais je prendrais les batons ;-)
Commentaire de novass396 posté le 22-05-2018 à 17:35:00
Bon temps je trouve!Félicitations !
Commentaire de tomtomgps67 posté le 22-05-2018 à 18:59:56
Encore une fois chapeau! On sent clairement que tu as passé un cap, tant dans l'effort que de sa gestion. T'es un peu un exemple à suivre pour moi :)
Commentaire de Shoto posté le 22-05-2018 à 19:14:25
Sympa ton récit. Bravo pour ton 1er trail long. Je suis un adepte des bâtons mais tu as raison, certains traileurs les gèrent bien mal. Je suis aussi un adepte du coca qui permet en général de mieux digérer et qui est un antivomitif ... surtout quand on se baffre de bons fromages et saucissons :-)
Commentaire de JLW posté le 22-05-2018 à 22:23:02
Bravo Zaille et merci pour ton recit bien écrit et très agréable à lire. Originaire d'Alsace j'ai ce trail en point de mire depuis quelques années déjà et ton compte-rendu me donne encore plus envie d'y participer.
Commentaire de GlopGlop posté le 23-05-2018 à 10:33:55
J'ai bien aimé ton récit ! J'y ai trouvé ce que j'aime aussi y poser quand je me prends à écrire. Très descriptif et un point régulier sur les sensations font qu'il est très attrayant. Il va me booster pour le mien à venir ce WE sur la MaxiRace d'Annecy.
Et moua, j'irais avé les bâtons ! :)!
Commentaire de la bête du 88 posté le 26-05-2018 à 09:46:07
Bravo et merci pour ce récit ! Ce trail me donne vraiment envie depuis quelques temps ! Il a l'air vraiment authentique, différent de certaines organisations qui mises tout sur leurs prestations, leur communication et leur nombre d'inscription, au détriment du paysage, des petits sentiers dénichés au milieu de nulle part, de l'ambiance "balade entre copains"... C'est dommage pour moi que ma disponibilité en cette période de l'année ne soit pas très suffisante vis-à-vis de mon métier !
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