Récit de la course : L'Echappée Belle - Intégrale - 145 km 2017, par raidboul

L'auteur : raidboul

La course : L'Echappée Belle - Intégrale - 145 km

Date : 25/8/2017

Lieu : Vizille (Isère)

Affichage : 3490 vues

Distance : 144km

Objectif : Objectif majeur

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Comment j'ai doublé...

Comment j’ai doublé…

 

… le 11ème

Ravito du Habert d’Aiguebelle, 48ème km.

J’y pointe en 12ème position. La remontée est déjà en marche puisque j’étais 43ème à l’Arselle, 25ème au refuge de La Pra (en compagnie de Marco, qui y est resté un peu plus longtemps) puis 16ème au refuge Jean Collet.

Me voilà donc 12ème et au moment où j’arrive, un trio repart vers le col de l’Aigleton. C’est bien, ça me donnera des proies en ligne de mire une fois ma pause effectuée. Grosse ambiance au Habert, beaucoup de monde installé sur les tables de pique-nique au soleil, ce qui forme une haie d’honneur appréciable. Laura et les parents de Marco y attendent leur champion.

Je prends le temps de remplir l’eau car il fait chaud en ce milieu d’après-midi. Très bonne pâte d’amandes, j’en profite également. Puis sans tarder, je me lance dans la montée du col de l’Aigleton, nouveau venu depuis 2 ans sur le parcours à la réputation déjà bien établie.

Plus haut, j’aperçois le trio qui s’est disloqué. L’un d’eux est à la peine et je reviens progressivement sur lui. En revanche, les 2 autres se suivent à distance respectable en grimpant à un bon rythme.

Je rejoins et double mon prédécesseur avant la mi-montée marquée par un lac puis une traversée à flanc précédant la rampe finale très raide menant au col.

Il s’agit d’Erlantz Zaldunbide, qui rendra son dossard à Gleysin (80ème km).

 

… le 10ème

Passé l’Aigleton, il faut redescendre hors sentier dans un vallon pour rattraper le chemin montant au col de la Vache. Depuis le début de la course, je ne fais pas d’étincelle dans ce genre de section. Je fais attention à poser mes pieds correctement, avec toujours en tête la volonté de ne pas prendre de risque avec ma cheville fragile. Du coup, les 2 coureurs que j’avais en ligne de mire s’éloignent peu à peu.

Parvenu sur le sentier marquant la fin de cette descente compliquée, c’est reparti pour quelques centaines de mètres de dénivelé à avaler. J’en profite pour discuter avec un membre de l’orga qui filme. En montée, je reviens progressivement de nouveau sur le 10ème, qui s’est fait légèrement distancer par le meneur du trio.

Finalement, nous prenons pied au même moment au sommet du col et échangeons quelques mots sur la difficulté technique du parcours qui, il est vrai, ne nous a offert que très peu de répit depuis ce matin. Je bois, soulage ma vessie, reprends mon souffle avant d’attaquer la descente dont le début est, une fois de plus, à appréhender avec la plus grande vigilance. Lui n’a pas fait de vieux os et je le vois disparaître derrière un rocher.

Une fois de plus, je suis prudent et perds du terrain. Mais la partie technique n’est pas trop longue, et peu de temps après je rejoins les vertes pelouses des 7 Laux, à proximité de lacs qui scintillent au soleil. J’ai quasiment l’impression que c’est la première fois que je peux courir sans trop regarder où je pose les pieds. Qu’est-ce que c’est agréable !

Visiblement, je suis plus rapide que les 2 autres sur ce genre de section. Le long d’un lac, je reprends et double Sébastien Baillieul, qui abandonnera à la base vie du Pleynet quelques kilomètres plus loin.

 

… le 9ème

Et dans la foulée, même sentence pour Joris Botton, que je connais pour l’avoir vu remporter la Traversée Nord (Pleynet – Aiguebelle) en 2014, l’année où Fanny avait fait l’Intégrale.

C’est donc très bon signe de doubler quelqu’un qui a l’expérience des lieux et un niveau confirmé sur distances longues. Je suis dans le rythme, sans aucun doute. Je prends rapidement de ses nouvelles, il me dit qu’il a choisi de temporiser un peu. Bonne gestion de course puisqu’il accrochera finalement la 7ème place à l’arrivée en 30h50.

 

… le 8ème

Au bout des lacs s’amorce une descente assez technique le long d’une falaise au nom évocateur : « le cul de la vieille ». De façon étonnante, j’ai déjà en ligne de mire un autre coureur depuis le bout des lacs.

Au détour d’un virage, je le vois assis sur le côté, visiblement occupé à retirer des cailloux de sa chaussure. Voilà, je passe Sébastien Goudard, futur 8ème en 31h34.

 

… le 7ème

Avant la base vie du Pleynet, il reste ce tronçon à flanc de forêt où l’on remonte environ 200 mètres avant de piquer sur la station. Je connais donc ça ne me pose pas de problème, c’est plutôt roulant et je sais que du coup ça m’est profitable.

Les jambes sont en très bonne forme, j’ai plaisir à courir y compris dans les petites relances. Un coup d’œil au chrono : je tiendrai mon premier objectif qui était d’arriver à la base vie en 12h environ. Mon état physique est très bon, je ne cesse de doubler, tout ceci est de bon augure pour la suite.

Me voilà sur la piste, plus que 2km à courir jusqu’au ravitaillement. J’ai le plaisir de tomber sur Tom et Alex qui sont venus à ma rencontre. Et j’ai le double plaisir d’apercevoir un nouveau coureur devant moi. Je reviens à sa hauteur et reconnais Nicolas Prin, que je double pour la 3ème fois en 9 mois (Origole, Bouffémont, Echappée Belle). Il me glisse « j’étais sûr que c’était toi ».

Un peu plus bas, Fanny est venue également et m’emboîte le pas. Puis juste après Audrey qui attend au bord du chemin et garde la magnifique banderole « Allez fafa » fabriquée pour l’occasion. Que de soutien ! Sans parler de Quentin et Laurent qui sont restés sagement au ravito mais complètent mon cercle de soutiens de luxe.

Entrée du Pleynet en 7ème position, 11h43 de course, le sourire aux lèvres et de très bonnes sensations aux jambes. La course commence à ressembler exactement à ce que j’avais imaginé. Un départ sage puis une remontée progressive. Je sais que devant, certains ont voulu suivre le rythme de Sylvain Court. J’espère qu’ils le regretteront et que ça me profitera…

 

… le 7ème

Et oui, je l’ai doublé 2 fois celui-là. En effet, Nicolas Prin s’est très peu arrêté à la base vie. J’ai moi-même été très raisonnable avec mes 11 minutes, très loin de mes standards de l’UT4M (30 minutes à Rioupéroux et à St-Nazaire…), mais le bougre est reparti sans m’attendre.

A la limite c’est une bonne nouvelle, ça me donne un objectif raisonnable pour la montée de la Grande Valloire qui se profile. D’autant qu’à part lui, je n’aurai pas grand monde en ligne de mire avant un moment : j’ai 28 minutes de retard sur le 6ème.

Finalement, je le rattrape au pied de la montée et me colle à ses basques. Il a encore du jus et je ne me sens pas du tout les moyens de le doubler. C’est même une très bonne chose qu’il fasse le rythme, ça m’oblige à ne pas relâcher alors que mentalement, je navigue en eaux troubles.

Je ressens une envie de dormir. Il est bientôt 19h, ça fait 14h que je suis réveillé, c’est sûrement le rythme naturel du corps humain qui me rattrape. J’avais d’ailleurs eu la même sensation de somnolence sur l’UT4M en attaquant le kilomètre vertical après la mi-course, à la même heure.

Alors je m’accroche derrière Nicolas, sans réfléchir, et je laisse mon cerveau cogiter. Plus on s’élève, plus je me dis que je vais arrêter à Gleysin. Ça ne me fait plus envie. Ce n’est pas que je souffre physiquement, c’est que j’ai la flemme et que je ne comprends absolument pas l’intérêt de repartir pour 15h dans la montagne alors que la nuit tombe, que j’ai déjà fait une très belle sortie en Belledonne de 80km.

C’est la course de trop. Je n’ai pas grand-chose à aller chercher que je n’aie pas déjà connu. Rien ne pourra être plus fort que la victoire à l’UT4M. Par ailleurs, la lutte quotidienne sur le GR10 pour ne pas craquer mentalement, accroché à cette volonté de parvenir à Banyuls avec Fanny, a dû fatiguer ma résistance mentale et cette fois, je n’ai pas envie de lutter contre mes envies du moment. Comme il se trouve que celles-ci me mènent plutôt à ma douche et à mon lit, voilà, je me dis que j’arrêterai à Gleysin. Je ne trouve pas ça grave du tout, je sais que je n’aurai aucun problème à le vivre. En revanche, ça me gêne un peu pour ceux qui m’accompagnent sur la course. C’est très égoïste comme décision. J’espère qu’ils comprendront…

Voilà que Nicolas me fait signe de passer devant. Honnêtement ça ne m’arrange guère, j’ai l’impression que j’irai plutôt moins vite sans lui. Mais c’est normal de partager le travail alors je m’y colle. Et je réalise qu’en fait, il s’arrête pour une petite pause. Me voilà donc de nouveau seul 7ème mais ça m’importe peu car la course sera finie pour moi dans quelques kilomètres.

Nicolas connaîtra un gros coup de mou mais s’accrochera pour finir 42ème en 38h39. Et je l’aurai donc doublé une 4ème fois cette année.

 

… le 6ème

Et oui, finalement je suis encore là. Arrivé en haut de la Grande Valloire, j’ai profité de la source pour me verser beaucoup d’eau froide sur le visage et la nuque. L’effet a été très bénéfique, je n’ai plus sommeil. J’ai également pris le temps de boire et de confier mes doutes aux bénévoles présents. Ça m’a fait du bien d’échanger avec eux, ils ont essayé de me rebooster.

C’est la descente qui m’a définitivement fait changer d’avis. Je sens bien que mes jambes sont encore en pleine forme, et j’ai pris beaucoup de plaisir dans cette descente en forêt où il est facile de courir. Alors voilà, je vais repartir de Gleysin, c’est décidé, pour m’engager dans un tronçon d’environ 5h passant notamment par le célèbre col de Moretan. Et à Super Collet, il me restera moins de 50km. Je demanderai alors à Fanny de m’accompagner de façon à pouvoir absorber plus facilement les potentiels futurs coups de barre mentaux. Très bonne idée de l’orga que d’accepter les « pacers ».

A Gleysin, je retrouve un magnifique comité d’accueil environ 1km en amont du ravitaillement. Qui plus est, renforcé par Laetitia et Vincent (connus par l’UT4M) venus en voisins. Sans parler de Laura et des parents de Marco qui sont également au ravitaillement pour leur champion. Pour finir de me remotiver, j’ai droit à une compote poire-banane concoctée par les bénévoles pour le ravitaillement, tout simplement divine.

Et, cerise sur le gâteau, je double Vivien Reynaud sans faire d’effort puisqu’il abandonne ici. C’était une mauvaise idée de vouloir suivre Sylvain Court…

 

… le 5ème

Le chantier s’annonce costaud pour continuer à gagner des places. Mon prédécesseur à Gleysin a… 38 minutes d’avance ! Bon par contre, ils sont 3 dans un mouchoir de poche. J’ai quand même en perspective un grand moment de solitude avec ma frontale pour seule compagne. Il est 21h, je repars affronter le Moretan et tenter de combler progressivement une partie du retard. Après tout, la mésaventure Vivien Reynaud peut arriver à d’autres. De plus, l’objectif que je me suis fixé est de boucler la traversée en moins de 29h. Si j’y parviens c’est formidable. Après, si il y a devant 6 coureurs capables de faire mieux, c’est la vie, il ne restera qu’à les féliciter.

Au Moretan, j’ai toujours 35 minutes de retard.

A Périoule, 37… mais j’ai droit à des nouilles chinoises immergées dans une soupe de légumes maison ainsi qu’une demi-merguez grillée.

Il faut croire que c’était de la potion magique : lorsque je parviens à Super Collet quasiment 5h après avoir quitté Gleysin, l’écart n’est plus que de 13 minutes, et surtout mon prédécesseur est encore au ravitaillement.

Il est un peu plus d’1h30 du matin, Fanny est en tenue, prête à m’accompagner sur les 47 derniers kilomètres. Je suis évidemment le seul, parmi les 6 premiers, à avoir une paceuse et non un pacer. Je sais la chance que j’ai, c’est formidable de pouvoir compter sur elle dans ces moments, j’ai une confiance absolue en elle, je sais qu’elle tiendra, qu’elle ne se plaindra pas. J’ai hâte de partager l’aventure avec elle, a fortiori avec cette 5ème place en ligne de mire. Lui faire goûter la tête de course, lui permettre de vivre ça à mes côtés, puisque ses jambes sont capables de le faire.

Nous repartons 6 minutes derrière le 5ème, qui est japonais et a également un beau comité de soutien aux ravitaillements. Au loin, sa frontale et celle de son pacer nous donnent le cap à suivre. Objectif top 5, ça serait super !

On doit monter 450 mètres, on discute avec Fanny, elle me raconte la tête de course qu’elle a vue passer aux différents ravitos. Je lui parle de mes sensations, la montée passe vite. Récompense en haut : on reprend le Jap’, son pacer et un 3ème type (2ème pacer ?) qui demande à Fanny si elle est la 1ère féminine.

Voilà, c’est fait, je suis 5ème. De son côté, Mochizuki Shogo terminera 5ème ex-aequo en 30h12.

 

… le 4ème

Fanny me glisse « par contre fafa je crois que tu viens d’en doubler 2 d’un coup : le mec avec eux, je suis presque sûre que c’est Nahuel Passerat ». Alors ça, ça serait inespéré ! Je suis surpris car je pensais que seul le Jap’ avait eu un coup de moins bien et que les autres étaient toujours une bonne demi-heure devant.

Peu après, un bénévole pointe les dossards. Parfait, on va en avoir le cœur net. « Vous êtes 5ème ». Bon, fausse joie. Mais honnêtement ça m’importe peu, je suis bien dans ma course, je suis ravi par cette 5ème place.

On descend jusqu’à un torrent qu’on traverse avant de remonter vers les Férices. Au passage du torrent, nouveaux bénévoles. On repose la question car Fanny est presque sûre d’elle et qu’on a du mal à savoir qui pourrait bien être ce 3ème larron qui se promenait à 3h du mat’ sur les crêtes de Super Collet…

Cette fois, on nous annonce 4ème. Voilà, c’était bien deux pour le prix d’un. On a doublé Nahuel Passerat, qui fera toute la fin de course avec le Jap’. Ils finiront main dans la main en 30h12, en 5ème position.

Les bénévoles ajoutent : le 3ème est à 10 minutes, puis 30 pour le 2ème et 30 pour le 1er. Podium jouable…

 

… le 3ème

Nouvelle surprise : voilà qu’il se met à pleuvoir ! Et l’orage gronde dans les vallées voisines. La météo n’indiquait pourtant rien de tel.

Et bim : au-dessus de nous, dans les alpages, une paire de frontale. La 3ème place est là, et on semble fondre sur elle à toute vitesse. Parvenus au refuge des Férices, nous voilà tous les 4 réunis (il est accompagné d’un pacer) sous les yeux des bénévoles qui assistent en direct à cette passation de pouvoir.

Nous sortons nos vestes, je remplis mon eau, les 2 autres en profitent pour repartir avec un peu d’avance. Mais c’est de courte durée car nous les rejoignons peu après, alors que la pluie continue à tomber et rend glissants les petits chemins que nous empruntons jusqu’au col d’Arpingon. On double donc Samuel Verges qui gardera sa 4ème place en 29h41.

 

… le 2ème

Podium ! Un temps, Samuel semble vouloir s’accrocher mais on pousse fort dans la montée et on parvient à créer un écart. Je me dis que le coup au moral qu’il vient de prendre fera le reste.

Cette course se passe décidément comme dans un rêve ! Accrocher un podium sur l’Echappée Belle, c’était un espoir un peu fou mais difficilement crédible. Il y a quelques heures, j’avais même décidé d’arrêter. Et voilà que, sauf gros coup de barre, je vais monter sur le podium en compagnie notamment de Sylvain Court. Quel honneur !

Alors voilà, maintenant il ne faut pas se relâcher, consolider cette place en ne laissant aucun espoir aux autres de revenir. Et profiter de ces jambes qui, décidément, semblent ne jamais vouloir faiblir et prennent un plaisir fou à courir dès que les chemins le permettent.

Ravito de Val Pelouse, on a déjà creusé un écart de 20 minutes sur le 4ème, une bonne chose de faite. Le père du 2ème est là, sans doute pour prendre les écarts. Il semble légèrement inquiet par notre état de fraîcheur. Dans un coin de ma tête (et sûrement dans celle de Fanny) germe l’idée que ce n’est peut-être pas fini, qu’à ce rythme il pourrait bien encore se passer quelque chose…

Et on repart sans mollir, montée au taquet, descente maîtrisée mais rapide, nouvelle montée au taquet puis longue section de crête où on peut courir. Je jette régulièrement des regards au loin sur le chemin pour tenter d’apercevoir une silhouette. Rien, c’est vide. Je me dis que l’écart doit être conséquent, et que le 2ème doit lui aussi être toujours en bonne forme. Tant pis, continuons à avancer le plus vite possible, guidés par l’objectif de terminer en moins de 29 heures.

Poste de bénévoles avant la descente sur le Pontet. Je passe en éclair, Fanny est curieuse et s’enquiert de l’écart : « 5 à 7 minutes ». C’est évidemment une super nouvelle parce que ça veut dire que c’est jouable, mais c’en est une mauvaise car commence à se dessiner une course-poursuite après 130 km dont le dénouement risque de se jouer à la toute fin. Il va falloir pousser le corps à fond, et ne pas renoncer si jamais l’écart met du temps à se combler. C’est parti, le combat est ouvert, on dévale dans la forêt aussi vite que mes jambes me le permettent encore.

Au panneau « ravito 1 km », on entend des cloches sonner plus loin. Il vient sans doute d’arriver au ravito. Ce qui signifie qu’il a maintenu l’écart de 5 à 7 minutes. Ça ne m’étonne pas, je pense qu’il a de la ressource et que ça va être sacrément dur de le doubler avant la fin. Mais je suis d’humeur combative et je compte sur la dernière montée pour combler le retard. Avant une hypothétique dernière descente au coude à coude pour arracher la 2ème place…

Je m’accroche à la foulée de Fanny sur ce kilomètre plat en vallée. Ce n’est pas facile, mais c’est très loin de certains souvenirs de souffrance en course où je n’en pouvais plus de courir (Madagascar…). Donc ça passe, et la carotte au bout est suffisamment énorme pour me permettre d’endurer 1 km de plat.

Nous voilà au ravito, Quentin nous accueille. Il n’y a pas grand monde : quelques bénévoles et quelques personnes assises à une table de pique-nique. Pendant que je vais pointer, je demande à Fanny si elle voit le 2ème ou si il est déjà reparti. « Il est là », confirmé par Quentin.

Ni une, ni deux, je ne réfléchis pas plus longtemps et choisis de ne pas m’arrêter. J’attrape à la volée un morceau de pain aux fruits et je repars en courant le plus vite et le plus aériennement possible. Lui mettre un gros coup sur la tête, absolument. Lui montrer qu’il n’a aucune chance. Ça y est, je suis 2ème de l’Echappée Belle. Je ne me retourne pas, continue à courir, porté par une énorme poussée d’adrénaline. Fanny a été prise par surprise également et j’ai une centaine de mètres d’avance. Rien n’arrive à me calmer, pas même les premières rampes montant au fort de Montgilbert. Je relance sans cesse. Dans ma tête, c’est simple : il faut absolument que je creuse l’écart dans cette montée car je ne suis pas du tout sûr d’être plus rapide que lui en descente. Alors tant que mes jambes me le permettent, je cours, je fonce.

Au bout d’un moment, je me retourne de nouveau, Fanny n’est pas loin. Pour 10 secondes, je décide de la laisser me rejoindre. Elle est à bloc également, contrainte de me suivre dans ma folie. Elle m’apporte de précieuses infos. Au ravito, elle a vu plus de choses que moi : elle l’a vu se relever pour m’emboîter le pas, mais repartir en marchant en déclarant « c’est mort ». Evidemment, tout ceci est de très bon augure. Malgré ça, on termine la montée le plus vite possible. Je ne veux pas avoir de regrets. Si il parvient à me reprendre, j’aurai au moins le sentiment d’avoir tout donné.

Au fond de moi, j’y crois de plus en plus. Je donnerais beaucoup pour savoir où il est, à quelle vitesse il va, si il a repris espoir ou non. On prend le temps de boire l’eau fraîche d’un abreuvoir en atteignant le premier village de la descente. Aiguebelle est toute proche désormais. Ça fait un peu mal sur la route, notamment aux pieds, mais c’est tellement plus simple de souffrir quand on a en ligne de mire un tel résultat…

Quentin est monté à Montgilbert en voiture et reste après notre passage pour vérifier que personne n’est collé à mes basques. Il nous redouble plus bas et nous rassure : resté 5 minutes en observation, il n’a pas croisé âme qui vive.

C’est fait, c’est fou. Nous sommes 2èmes  de l’Echappée Belle, 20 minutes derrière le champion du monde 2015 dont nous regardons toutes les vidéos et qui est une demi-idole pour nous. Tom et Alex sont là de nouveau et font flotter dans l’air la banderole derrière nous. Passage de la ligne main dans la main avec Fanny, immense bonheur d’avoir dépassé toutes mes espérances et d’avoir vécu cette magie en sa compagnie.

L’émotion est forte, Fanny était déjà au bord des larmes dans la descente. J’arrive à me contenir y compris lorsque je prends le micro pour livrer mes premières impressions. Ce sport est magique mais bien sûr il ne faut pas oublier ce qu’il y a derrière, notamment les 3 semaines de GR10 où il a fallu s’accrocher chaque minute pour ne pas lâcher.

Merci à tous ceux qui étaient présents : Fanny bien sûr mais aussi Quentin, Laurent, Tom, Alex & Audrey, Laetitia & Vincent. Merci à tous ceux qui ont suivi sur internet, à tous les messages reçus par les différents canaux possibles.

Je ne sais pas d’où je sors cette force mais je sais à quel point c’est un privilège de pouvoir vivre de telles émotions. Merci à la vie, au hasard, au destin, à tous ces mots qui ne signifient pas grand-chose mais ont décidé de se placer sur mon chemin pour me porter vers ces moments inégalables.

22 commentaires

Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 29-08-2017 à 09:17:15

Quelle joie de lire un tel récit !!!
Merci Fabrice pour ce partage !!!

Commentaire de JuCB posté le 29-08-2017 à 09:26:11

Tu nous vends du rêve : à te lire, on pourrait croire que tu as fait un 30km.
Merci de partager la tête de course avec nous.

Le passage de Tignieux est des plus destructeurs même pour vous, hallucinant.

Bravo pour vos perfs à tous les 2. Je n'ai pas regardé le temps de Fanny mais nul doute qu'elle aurait cartonné avec un dossard sur le 47.

Commentaire de Rama70 posté le 29-08-2017 à 10:04:13

Merci pour ce RC épique ! c'est beau ! c'est fort ! et bravo !!!!

Commentaire de Leseb posté le 29-08-2017 à 10:25:30

Enorme, celui là je le garde au chaud dans la catégorie "gestion de course au top" et "j'ai la niaque jusqu'au bout"!
Bravo à toi et à ta paceuse de luxe, sacrée duo!

Commentaire de DavidSMFC posté le 29-08-2017 à 10:25:48

Un récit assez simple mais.. magnifique ! Quelle belle aventure et quelle performance. Cela paraît si facile et c'est pourtant une telle prouesse, un grand coup de chapeau Fabrice !

Commentaire de seb90 posté le 29-08-2017 à 10:30:44

Alors là, chapeau! Tu es un mec d'une humilité incroyable (je t'ai vu sur FB lors de ton interview (émouvante!) à l'arrivée, je me suis dit "ça c'est un sacré sportif avec un excellent esprit".
Ta course et la progression du classement montrent à quel point tu sais gérer un Ultra, et là tu termines 2ème d'un des + durs, derrière un immense champion.
Bravo aussi à ta copine, qui a l'air d'être tout sauf une amatrice!
Merci en tout cas, c'est un régal de te lire, en plus de savoir parler, tu sais écrire sans fautes!

Commentaire de TomTrailRunner posté le 29-08-2017 à 10:50:03

Merci, on ressens bien la logique "course/compétition" qui s'anime peu à peu et la subtile alchimie de mental et de physique qui est en jeux.

Le mot qui me plaît le plus : "NOUS" => bravo à toi, bravo à vous :)

Commentaire de Quentin38 posté le 29-08-2017 à 11:26:06

J'avais adoré lire ton récit de l'UT4M lors de ta victoire en 2013, j'ai adoré vous suivre en live toi et Fanny en 2015 lors de sa victoire et j'ai pris beaucoup de plaisir à te suivre et à lire ce récit.

A ton arrivée, le speaker de l'EB te qualifiait "d'anonyme" du peloton (ou un truc dans le genre). Quand on te voit ou quand on te lit c'est l'impression que tu dégages, une grande humilité et on croirait presque que tu es comme nous, un coureur lambda passionné par son sport (votre présence à Fanny et toi au ravito du Habert de Chamechaude l'année dernière sur l'UT4M en est aussi un bon exemple).

Sauf que tes performances sont très loin d'être à la portée de tout le monde !!! Tu n'as peut être pas le potentiel d'un Sylvain Court mais ce que vous avez fait avec Fanny à partir de Super Collet c'était vraiment énorme ! (le reste aussi est énorme, on ne termine pas aussi fort sans avoir géré à la perfection les 100 kilomètres qui précèdent...)

Félicitations en tout cas pour ce super résultat, comme tu le disais à l'arrivée, cette 2ème place c'est vraiment une belle victoire pour toi ! Et merci aussi de partager ça avec nous en tout simplicité.

Commentaire de Papakipik posté le 29-08-2017 à 12:04:50

Bravo ! Et récit très original et bien écrit, on s'y croirait ! Vraiment haletante cette fin de course. Récupère bien.

Commentaire de Yvan11 posté le 29-08-2017 à 14:42:22

Très beau récit avec un point de vue original.
Par contre, je m'étonne de ne pas voir une mention de ton état d'esprit au moment d'accéder à la 2eme place, quand tu as du penser que tu allais perdre un point au jeu des Pronostics ! ;-)

Commentaire de jujuhrc posté le 29-08-2017 à 15:22:01

Merci de nous avoir fait partagé votre course. Bravo

Commentaire de centori posté le 29-08-2017 à 17:53:42

juste impressionné ! un moment on se dit bon c'est finit il va arrêter sa remontée et non c'est une chevauchée fantastique ! dingue !

Commentaire de fred_1_1 posté le 29-08-2017 à 18:17:19

Merci pour ce récit.
ça donne envie de prendre les baskets et d'aller courir.

Commentaire de ch'ti lillois d'vizille posté le 29-08-2017 à 18:43:40

Comment faire vivre l'EB sinon avec un récit tel que le tien.
Dans un post sur le suivi, j'avais dit que tu avais un potentiel de vainqueur, c'était pas très loin de la vérité.
Bravo à toi et ta gestion de l'effort aidé par Fanny et tes amis.

Commentaire de bubulle posté le 29-08-2017 à 19:05:46

On l'a tellement vécue par personne interposée, cette course, que c'est génial de vitre ça en direct, même quand on connaît la fin. Heureusement pour Sylvain qu'lle ne faisait pas 100 miles, cette Echappée Belle, en fait. J'adore le redémarrage du Pontet, en mode "mors aux dents", surtout que, bon, la "petite" remontée qui suit, l'air de rien, ce n'est pas qu'une promenade de santé.

Le plus amusant, finalement, c'est de voir que tu regagnes du terrain....sur les parties "roulantes". Presque gagner l'Echappée Belle à cause du terrain roulant, c'est quand même un beau paradoxe...:-)

A bientôt sur le fil des pronos : y'a un nom de plus que je saurai désormais repérer dans les listes de départ. Et à bientôt, peut-être sur une de nos courses de parigots (Origole à nouveau ?)...du moins au départ...:-)


Commentaire de loiseau posté le 29-08-2017 à 20:00:40

Merci Fabrice, et bravo encore une fois. On était au col de Mine de Fer avec la cloche du kéké, dommage qu'on t'a pas reconnu :-). C'étais toi qui a lancé un petit sprint à la fin de la montée en nous voyant ? En tout cas, en plus d'être un coureur hors norme tu as aussi une très bonne plume (je me souviens bien de ton CR de l'UT4M...) !

Commentaire de Arcelle posté le 29-08-2017 à 20:46:34

Encore un beau récit pour une course rondement menée ! Ça parait simple en te lisant, mais j'imagine l'entrainement derrière, surtout en habitant en RP.
Et cet état d'esprit de compétiteur, tout le monde ne l'a pas. J'aime bien les accélérations aériennes pour mettre le moral des adversaires dans les chaussettes ;-)
Et en plus en duo, ça doit être magique, bravo !

Commentaire de Spir posté le 29-08-2017 à 23:56:44

Impressionnant ! Ça a l'air tellement simple et faidable par tous en te lisant ! Mais quand je compare tes temps de passage aux miens, ce de te clairement un autre monde !
Merci de partager ce qui se passe en tête de course avec nous tous !

Commentaire de le_kéké posté le 30-08-2017 à 17:22:33

Merci pour ce compte rendu très sympa et merci de nous avoir fait rigolé en finissant le col de la mine de fer au petit trot sous nos encouragements !!!!!
Et bravo aussi pour la perf, trop roulant Belledonne !!!

Commentaire de Albacor38 posté le 30-08-2017 à 21:50:35

Comme quoi sur Kikourou y'a pas que des poireaux (j'en suis pourtant un superbe spécimen). Y'a aussi de grosses légumes qui n'ont pas le melon et qui sont à deux doigts de chou-rave la première place de la course au champion du monde de trail (!!!). Et que dire de ton CR : tout sauf un navet : un bijou mijoté aux petits oignons. Bref. Toute cette joyeuse communauté forme un beau potage.

Commentaire de lagopède posté le 08-09-2017 à 13:39:22

Bravo pour cette belle perf', ton récit passionnant et ta simplicité !
J'étais assez loin derrière, en duo avec ma femme, avec "juste" l'objectif d'aller secouer la cloche ;-)
Si j'ai bien compris, ta prépa spécifique a surtout consisté à faire 3 semaines de GR10 ? En entier ... ? Ca semble adapté en tout cas pour mieux tutoyer la caillasse !

Commentaire de Gilles45 posté le 15-09-2017 à 22:01:48

Hello Fabrice
J'étais déjà admiratif de ta course (j'ai moi-même fini le 144...très loin derrière toi), puis j'ai vu l'interview de ton arrivé sur Youtube. je suis doublement admiratif car je trouve que ton discours, ton attention pour Sylvain, tes potes, l'orga...prouvent qu'en plus d'être un beau champion, t'es un mec bien.
A bientôt dans la caillasse !

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