L'auteur : Laurent V
La course : Marathon de La Rochelle
Date : 29/11/2015
Lieu : La Rochelle (Charente-Maritime)
Affichage : 1520 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Pas d'objectif
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La Rochelle, 29 novembre 2015. Mon premier marathon. Petit débrief réalisé 3 heures après la course, dans le train du retour.
Si l'entraînement est physique, la course est, elle, émotionnelle. Vraiment.
D'abord, le doute qui empêche de dormir la veille. Puis la crainte de se tromper, dans le choix de la tenue. Peur d'avoir trop froid. Ou trop chaud.
Et ce souhait de mettre mon maillot UNICEF, quitte à me mentir sur les conditions météorologiques.
Puis se fondre parmi les coureurs sur la ligne de départ.
Être ému par la sincérité du recueillement pendant la minute de silence en hommage aux victimes de la génération Bataclan.
Être touché par la Marseillaise entonnée par les 7 000 coureurs.
Être frappé par le nombre de drapeaux tricolores s'élevant dans le peloton.
Être galvanisé par la chevauchée des Walkyries crachée par la sono sur le premier kilomètre. Porté par Wagner, avoir l'impression de vivre une épopée grandiose, de participer à une tragédie grecque.
Mon frère remarque que mon cœur bat la chamade. Je vois qu'il va chercher à me rassurer, avec ses 10 marathons d'expérience. Il réfléchit et me lance, d'un ton docte : "ne me déçois pas, Laurent, ne me déçois pas !" (c'est un biologiste, mon frère, pas un psychologue).
Les premiers kilomètres sont faciles et nous ne cherchons qu'à nous ralentir.
Je suis heureux de mon choix de vêtements. Yann est heureux de courir, de voir la mer.
Alors que je n'arrive pas à canaliser mon esprit vers des pensées positives (je n'arrête pas de chercher à déceler si je ne ressens pas une douleur, ou un pli dans la chaussette, ou un pansement qui se serait décollé...), lui semble s'amuser. Il parle avec les coureurs (encore frais), remercie les bénévoles, tape dans les mains des enfants, fait une bise à sa femme venue nous encourager, avec mon Ana, sur le bord.
Les 10 marathons d'expérience, feront toujours la différence.
Semi en 1h50, sans forcer. Je suis frappé par le nombre de spectateurs sur le bord de la route, par l'ambiance de fête qui semble avoir contaminé toute la ville.
Déjà, quelques coureurs qui marchent sur le bord. C'est un peu tôt, pour marcher. Ce qui m'étonne beaucoup, c'est la proportion importante de triathlètes parmi ces premiers abandons. Je comprendrai quelques kilomètres plus tard, en payant cash mon entraînement de 110 km à vélo d'il y a 8 jours, qu'un marathon nécessite un entraînement spécifique. Ça ce respecte, un marathon.
Km 30, mon chemin de croix va commencer. Je n'ai pas la douleur redoutée, mais plus de jus. Panne sèche. Alors que jusqu'ici j'étais régulièrement au dessus des 12 km/h, je descends inexorablement à 11, 10, 10,5, 9.
Je me bats pour remonter, pas moyen. Je maudis les gens qui disent que tout est dans la tête. La volonté, je l'ai, mais ce n'est pas elle qui donne du glucose à mes muscles.
Et c'est là, au 30eme km, alors que je suis à l'agonie, que mon frère le biologiste (et non psychologue, donc) me dit, d'un air enjoué : "allez Lolo, on n'a encore rien fait ; la course commence maintenant !".
Aparté : le meurtre est puni de 30 ans de réclusion criminelle par l'article 221-1 du Code pénal.
Le pire viendra des km 37 à 39. Je suis régulièrement assailli par des crampes. Parfois je suis obligé de m'arrêter net, tétanisé. Je fais quelques étirements et je repars. J'ai les larmes aux yeux. Putain, j'ai fait 37 km, je ne peux pas abandonner à 4 km de l'arrivée. C'est juste pas possible.
Mon frère reste avec moi alors qu'il pourrait finir facile. Il faut dire que, 2 mois après les 100 km de Millau, il n'est venu que dans l'objectif de m'accompagner.
J'ai de la compassion pour les coureurs qui s'arrêtent sur le bord. J'ai mal pour celui-ci, couché dans l'herbe et emmené par les secouristes.
Et puis, le visage crispé, les dents serrées, les derniers km passent. Mon allure augmente un peu.
Je sais que je le finirai, ce marathon. J'arrive dans le dernier km où il y a autant de monde qu'à l'arrivée du tour de France à l'Alpe d'Huez. Sensation magique.
Je ne cours plus, je vole. Je ne ressens plus mon corps. Je ne maîtrise pas non plus mon esprit puisque, à 400 mètres de l'arrivée, je tape dans la main de ma femme, qui a réussi à se frayer un passage sur le bord de la route, sans la reconnaître.
Encore 100 mètres de pavés pour nous achever les chevilles, puis le tapis bleu pour les 50 derniers mètres.
Et c'est la ligne d'arrivée.
Ce sentiment indescriptible que la vie m'appartient.
Ce proverbe russe qui dit : "comment peux tu apprécier le soleil, toi qui n'a pas connu la mine". C'est pareil à l'arrivée du marathon. Cette ligne d'arrivée récompense tellement plus qu'une course de 42,195 km. Elle récompense les heures d'entraînement qui ont précédé, les dimanches matin à quitter le lit douillet parfois avant même le levé du jour, les entraînements du soir, à 22h, au retour du bureau...
J'ai passé la ligne d'arrivée, je suis heureux, mais je cherche surtout à avoir la décence de ne pas m'évanouir. J'ai froid, je tremble, j'ai des crampes.
Et puis, il me reste à marcher 1 km, appuyé sur l'épaule solide de mon frère (j'avais finalement plus besoin de cette force tranquille que d'un psychologue).
Sur le chemin du retour vers l'hôtel, alors que je suis proche du KO, nous ne pouvons nous empêcher de rire nerveusement quand nous entendons le speaker qui commente les arrivées dire : "et voilà le dossard numéro xxx, bravo Monsieur... Mais oui vous pouvez vous arrêter... Mon grand, tu devrais t'arrêter... Heu... Est-ce que la Croix-Rouge peut venir près du podium d'arrivée...".
Et là, je suis dans le train. Je me dis déjà que pour le marathon de Paris, dans quatre mois, je vais me mettre sérieusement au sport, pour battre ce chrono de 3h53.
Je viens de discuter courses 10 mn avec le contrôleur, marathonien, qui ne m'a bien sûr pas sanctionné pour l'oubli de ma carte de réduction.
J'ai ma médaille autour du cou et j'attends de la donner à mon Oscar qui m'attend à la maison. Pacotille dérisoire, comme si je pouvais racheter le temps que je lui ai volé pour mes entraînements.
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11 commentaires
Commentaire de st ar posté le 30-11-2015 à 13:14:16
bravo pour ce 1er Marathon !
Le premier c'est particulier, on ne l'oublie jamais... c'est sûr qu'être dans le dur au bout de 30km, c'est difficile pour la suite...mais c'est une bonne expérience pour les prochains
Commentaire de Laurent V posté le 30-11-2015 à 13:18:38
Merci St ar pour ces encouragements.
Commentaire de crocodile posté le 30-11-2015 à 15:53:08
les encouragements du frèro m'ont bien fait rigoler. En tout cas bravo pour ta course. Mon baptême du feu sera celui de Paris, je vais également redouter le passage des 30. ;-)
Commentaire de Laurent V posté le 30-11-2015 à 15:58:18
Pour le marathon de Paris, je n'ai qu'une chose à te dire : "ne me déçois pas, crocodile, ne me déçois pas" ;-)
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 03-12-2015 à 13:57:20
Le premier marathon, c'est magique ! Bravo à toi et à ton frangin.
Commentaire de Laurent V posté le 03-12-2015 à 14:36:14
Merci. J'avoue que, 4 jours après, je n'en suis toujours pas remis. Je ne parle pas physiquement, mais émotionnellement. Je ne pense qu'à ça, comme si j'avais marché sur la lune ! Je n'ai qu'une envie, être au mois d'avril pour courir mon deuxième marathon. C'est effectivement vraiment magique !
Commentaire de Berty09 posté le 04-12-2015 à 08:11:46
Un marathon qui en appelle d'autres. Bravo.
Commentaire de Laurent V posté le 04-12-2015 à 16:44:22
Bien vu : je me suis inscrit pour Paris en avril 2016 et Nice-Cannes en novembre 2016. Ca y est : je suis accro ;-)
Commentaire de -Syldenis- posté le 04-12-2015 à 16:40:01
Belle perf pour un 1er marathon. Alors que j'en ai couru le double !.. je n'en suis pas encore à ce niveau. J'espère y arriver un jour, mais sans prendre le mur. En plus c'est marrant d'avoir les 2 visions. Encore bravo.
Commentaire de Laurent V posté le 04-12-2015 à 16:46:03
Merci et bravo à toi pour ta ténacité (deux fois plus de marathons que moi, ouahou). Et je te confirme, si on peut éviter le mur, c'est pas plus mal ;-)
Commentaire de francois 91410 posté le 07-12-2015 à 22:57:27
Tu résumes bien dans ton récit l'exacte réalité d'un marathon, qui ne commence au mieux qu'au 30e voire au 32e km... enfin bon, l'objectif n°1 d'un premier marathon c'est de terminer, et tu as réussi ! Bravo alors d'autant que ton chrono est tout à fait correct malgré les crampes et les envies de meurtre ! bonne récup
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