Récit de la course : Embrunman 2008, par Iuwenn

L'auteur : Iuwenn

La course : Embrunman

Date : 15/8/2008

Lieu : Embrun (Hautes-Alpes)

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Distance : 233km

Objectif : Terminer

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Embrunman 2008

Embrun 2008

 

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PREAMBULE

 

Je ne sais pas si c’est pour moi ou pour mes lecteurs que j’écris mais, comme tout lecteur a toujours le choix de lire ou de ne pas lire je n’ennuierai que ceux qui le veulent bien.

 

Ca y est j’ai réalisé ce qui me paraissait si inaccessible il y a 4 ans lorsque j’ai commencé le triathlon : à défaut d’être un IRONMAN : un homme rigolo ( Iron, les anglophones vous le diront, venant d’ « ironique ») je suis un EMBRUNMAN : un homme qui aime l’eau particulièrement lorsqu’elle vient du ciel (pour connaître le sens d’Embrun demandez à un Breton).

 

Une grosse semaine après ce que mon égo appellera un exploit il est surprenant de voir à quel point mon esprit retourne sa veste.

Je me rappelle encore le sympathique repas partagé le surlendemain de la course avec les Le Guern , Marie, Bernard et ma propre famille.

Au détour des nombreux sujets qui furent abordés ce soir là, car nos esprits sont bien trop élevés pour que nous nous cantonnions à parler exclusivement de notre course, un exemple parmi tant d’autres : à un moment Bernard nous a demandé où se trouvaient les toilettes du restaurant….

A cette occasion donc j’annonçais que je me sentais sevré et qu’il n’était pas certain que je reprenne une licence pour 2009.

 

Pourtant aujourd’hui je m’entraîne à 200% en prévision du CD de Quiberon et j’envisage à nouveau Embrun dans les années à venir avec des objectifs irréalistes…

Bref le rêve n’est pas complètement mort et une chose est sûre le corps et l’esprit oublient bien vite les surcharges de toxines !!!

 

 

LA PREPARATION

 

 

Avant de parler de ma course je vais évoquer les 3 mois qui l’ont précédée.

Pierre m’a félicité avant même la course pour mon abnégation et je crois qu’il a trouvé le mot juste.

Moi, qui entretient depuis toujours une culture pluridisciplinaire du sport, durant 3 mois je n’ai pas kité, planché, pas tenu une raquette, pas chassé (de toutes façons je reviens toujours bredouille)…

Non, je n’ai fait que nager, rouler et courir dans les limites du supportable pour mon corps et ma famille.

Mais je crois que la réussite était à ce prix.

Quel prix ?

 

4000 km de vélo (du 01/05 au 14/08)

300 km de cap (du 01/05 au 14/08)

100 km de natation (du 01/04 au 14/08)

 

Ca représente quelques heures d’entraînement même si, comparé aux 4500 km accomplis l’an passé par Hervé en 45 jours, ça semble bien peu..

Durant mon entraînement ma motivation n’a jamais fléchi. Ca a peut-être été ma force.

J’en profite pour remercier une nouvelle fois tous mes partenaires d’entraînement sans qui nul doute que la lassitude aurait été plus grande.

 

Je me suis donc dirigé vers les Alpes début août après 2 semaines idylliques dans les Côtes D’Armor ; soleil et chaleur. Pas d’embruns même en bord de mer !

 

LE REPERAGE

 

Un jour après notre installation  à Embrun soit le 2 août je commence la reconnaissance du parcours vélo. Tout se passe bien jusqu’à une petite localité nommée Arvieux.

La suite c’est l’Izoard, je n’ai même pas la force d’aller jusqu’au bout et m’arrête à « Casse Déserte ».

Je suis  alors à 2 km du sommet et environ 96 km des 187 km du parcours vélo ont été accomplis.

Le paysage est somptueux et le coup de pompe mémorable..

Heureusement le retour sur Guillestre, où j’ai donné rendez-vous à ma petite famille pour le rapatriement, est constitué de 95% de descente.

Ma sortie avoisine les 130 km.

Je suis vidé et cette expérience me ramène à plus d’humilité. Je ne jouerai finalement pas la gagne…

 

Le surlendemain je décide de démarrer la reconnaissance de la seconde partie du parcours en partant du pied de l’Izoard et en espérant le gravir plus facilement.

Cette fois j’ai aussi prévu plus de bouffe que l’avant-veille ma défaillance ayant peut-être eu pour origine une mauvaise gestion du carburant ??

L’Izoard fait toujours mal aux jambes mais je n’y subi pas une seconde défaillance.

Au sommet le Gamex reste dans la poche, il fait bon.

J’enchaîne les difficultés assez facilement, Champcella (Pallon) ne me paraît pas si dure ou du moins très courte (1,5km à 13%).

Arrivé à l’aérodrome je suis scotché par le vent de face.

Je jette un coup d’œil à mon beau compteur qui ne daigne pas m’indiquer la moindre pente (0%…).

Je dois me rendre à l’évidence la route est plate et pourtant j’ai toutes les peines du monde à maintenir une vitesse de 16km/h !!!

Gloups c’est pas gagné…

Heureusement au bout de quelques temps les reliefs et la végétation me protègent à nouveau.

 

Le temps passe et je me prépare doucement pour Chalvet que je crois, à ce moment là, être une patate à 15% qui pousserait nombre de concurrents à mettre pied à terre.

Avant d’entamer la montée et comble de frustration on passe une pancarte d’entrée à Embrun !

Comme Titi et Damien ne sont pas là je ne sprinte pas…

La montée commence et, comme depuis deux jours je suis devenu un être raisonnable, je mets tout à gauche et j’attends la patate.

7%, 9%, 10%, 7% toujours rien mais déjà 4 km que ça grimpe.

Enfin une inscription sur la route : « C’est fini… ». Comme pour le four de transe les supporters portent des inscriptions sur le bitume pour encourager leurs idoles.

Je ne dois être l’idole de personne….

200 mètres plus loin j’entame la descente réalisant que Chalvet est une côte de 4,5 km à 7 ou 8% de moyenne et pas une patate à 15%. Sûrement une confusion avec Pallon…

Cette dernière descente est  étroite, sinueuse bref technique.

 

Arrivé au lac le compteur affiche 104 km et je suis un peu réconforté car je finis dans un bien meilleur état qu’il y a deux jours.

En fait une sortie de 120 km en montagne vaut plus en termes de dépenses énergétiques que  120 km en Bretagne.

Pour avoir discuté avec des cyclos du coin ils préfèrent parler en heures de selle qu’en distance…

 

Je retrouve la famille Hascoët sur les bords du lac, Stéphane a l’air en forme..

 

Durant les 4 jours passés à Embrun je me suis interdit de repérer le parcours pédestre et j’ai goûté au bonheur de nager dans le lac ; 22°C, de l’eau douce, rarement du clapot .

J’ai été jusqu’à me dire que, même pour un modeste nageur comme moi, la natation serait le meilleur moment de la journée du 15 août 2008.

A ce moment je ne crois pas si bien dire !!

 

Les après-midi la température monte à 36°C , pour le marathon c’est un peu inquiétant…

 

FIN DE PREPARATION

 

Le 4 août nous quittons Embrun. Direction Val D’Isère ultime étape de ma préparation.

 

Du 6 au 8 août je gravis le Col De L’Iseran chaque jour (17 km à 7% de moyenne et un sommet à 2770m).

Pendant l’été chaque vendredi, lorsque la météo s’y prête une course est organisée. J’y participe.

Je fais la montée presque à fond : 1h01’.

Je finis troisième sur une vingtaine de concurrents, les 2 premiers sont des mobylettes que je n’aurais vues qu’au départ et à l’arrivée..

 

Le 9 : col du Petit St Bernard, de la rigolade !!

Il paraît que l’autre versant est plus dur ??

 

Le 12 et le 13 : 50 et 30 km de plat sur une route longue de 1,5 km entre 2 ronds points.

Je vous laisse compter le nombre de tours.

Superchiant mais je ne veux pas changer mes procédures de veille de course mises en place depuis un an.

J’appelle ça des sorties de frustration musculaire. Je roule en interdisant à mes jambes d’exprimer leur puissance. Elles auront tout loisir de le faire le jour de la course !!

 

Le 14 direction Embrun, demain j’en découdrai !!

 

Stéphanie se tape toute la route pour me préserver et, con comme je suis, je ne puis m’empêcher de lui faire des réflexions sur sa conduite.

Du coup c’est tendu dans la voiture, je n’ose même plus lui demander de m’arrêter pour mes vidanges et vu que je bois un litre à l’heure ma vessie est toute proche d’exploser…

Ne pouvant plus tenir j’implore une halte…ouf ! 

C’est fou comme certaines choses simples peuvent parfois être synonymes de bonheur.

Il n’en reste pas moins que, parfois, je suis vraiment un gros naze ! Trop souvent sûrement.

 

Bref, j’installe les tentes.

Xtof nous visite brièvement.

Il paraît qu’il n’a que 5’ car son gâteau sport est au four.

Je suis content qu’il ait suivi mes conseils et qu’il ait préféré faire confiance à une grande marque de la nutrition sportive plutôt que de jouer les apprentis cuisiniers en se concoctant, comme il avait prévu de le faire, son riz au lait.

 

Tout s’enchaîne ; je mange trop tard (15h00) et trop vite. Puis je vais chercher mon dossard. A peine revenu Xtof me demande si je suis prêt pour aller poser mon vélo au parc.

Il me laisse 5’ pour installer ma plaque de cadre.

Comme nous ne sommes pas à Gérardmer il n’y a pas de bâche pour le vélo. Des sacs poubelle feront l’affaire..

Enfin c’est l’heure du briefing qui s’avère être une perte de temps.

 

Je ne sais pas si la proximité de l’Allemagne avec sa légendaire rigueur explique l’organisation parfaite du LD de Gérardmer.

Tout comme je ne sais si la proximité de l’Italie explique les approximations d’une organisation Embrunnaise pourtant vieille de 25 ans ???

Ce n’est pas très grave.

 

Je prépare mes affaires, je mange, je me couche.

 

Maïwenn et Yoann mes enfants ne semblent pas décidés à dormir. Ils rient tant qu’ils peuvent malgré Stéphanie qui tente de les sensibiliser, en vain, sur l’importance de mon sommeil.

A propos de mon sommeil cela fait déjà une semaine que je me lève à 6h00 afin de me préparer au levé à 4h15 de demain.

Je me demande encore si c’était une bonne stratégie ou pas ??

 

Entre le bruit et l’excitation je n’arrive bien sûr pas à m’endormir.

Il faut dire que notre emplacement est à 10 mètres du parcours marathon et que l’organisation met en place les barrières jusqu’aux alentours de minuit.

Lorsque je dors enfin c’est la pluie qui me réveille et pas une petite pluie. C’est l’orage ; éclairs, tonnerre. Ca donne envie….

 

Je refuse de me lever tant que ma montre n’a pas sonné.

Lorsque c’est le cas je me demande si j’ai dormi plus de trois heures..

 

Ayant programmé mon réveil à 4h15 et le départ étant fixé à 6h00 je m’empresse d’engloutir mon gâteau sport.

En même temps je fais l’état des lieus.

L’eau ne s’écoule plus, elle a déjà fait son entrée dans notre tente principale.

En fait le muret supportant la clôture du camping fait office de barrage si bien que nous sommes dans une marre déjà profonde d’au moins 4 cm….

Je fais de mon mieux pour sauver les affaires de la noyade.

Cette débauche d’énergie et la perte de temps occasionnée n’étaient pas prévues..

 

Pris par ce coup de speed de bon matin je tarde à aller m’assurer du réveil de Xtof comme promis la veille.

Je suis vite rassuré car il vient aux nouvelles. Dans sa caravane il n’a pas eu de problèmes de drainage..

A 5h15 je décide de ne plus rien manger. J’ai quand même avalé les 2/3 de mon gâteau sport.

La pluie se calme enfin, j’en profite pour me rendre aux toilettes où tout se passe bien et rapidement.

Voilà au moins une chose positive pour ce début de matinée !

 

Il n’y a plus de temps à perdre, je prends mes clics et mes clacs et je me dirige vers le parc à vélos.

J’y retrouve Xtof et Stéphane qui commençaient à se demander ce que je fichais.

 

Si je ne me sens pas aussi reposé que je l’aurais voulu le timing est bon. Il ne me reste plus qu’à enfiler ma combinaison.

 

 

 

 

 

 

LA COURSE

 

Le parc est plus une piscine qu’un parc.

La nuit rend l’ambiance spéciale. L’assurance des vieux briscards se mélange avec la fébrilité des novices. Certains choisissent la parole voir l’humour pour se détendre. D’autres s’enferment dans le mutisme.

 

Encouragés par le speaker nous tapons dans nos mains pour lancer les filles dans le petit bain.

Les garçons se mettent en place et moi, qui m’étais tant de fois demandé où me placer pour le départ natation, je me retrouve tout simplement là où je peux..

Nous en profitons pour nous souhaiter bonne chance avec Xtof.

 

Le speaker demande à nouveau notre concours. Nous nous auto-applaudissons.

Le coup de pétard, 30’’ pour que ça se décante et 2 ou 3 minutes pour être dans l’eau.

 

Je m’efforce de rester plein centre du peloton. Lorsque je me relève c’est pour chercher une zone moins dense pour nager.

Les nageurs sont, pour la plupart, raisonnables. Il n’y a que peu de bousculades. Bien sûr et comme nous sommes mille dans l’eau les passages de bouées sont un peu délicats. L’espace de quelques poignées de secondes le rythme est perdu mais à chaque fois je trouve sans peine ma place et je suis relâché.

 

Une seule idée gouverne mon esprit : « profite c’est le meilleur moment ».

 

A la fin de mon premier tour le jour s’est déjà levé. Je jette un coup d’œil sur ma montre : 6h35, c’est tout bon.

 

Durant le deuxième tour il y a moins de monde et la visibilité me permet de m’orienter au mieux.

Le dernier virage pris je sens que tous ceux qui m’accompagnent accélèrent, l’odeur des écuries.

Sauf qu’une fois sortis de l’eau ce ne sont pas les canassons qui vont en chier mais bel et bien nous !!

Je décide donc de garder le même rythme et de ne pas céder à l’enthousiasme général.

La sortie de l’eau est sans problème.

Je retrouve Xtof qui ne me cache pas sa satisfaction d’être sorti de l’eau avant moi. Cela dit ma transition est plus rapide.

Avant de partir je lui glisse, en forme d’encouragement, « à bientôt ».

 

A peine en selle et alors qu’il y a un triathlète tous les 3 mètres un arbitre me fixe semblant me reprocher la proximité du concurrent qui me précède..

 

J’attaque la première côte avec prudence. Malgré cela je laisse des wagons de coureurs derrière moi.

De rares cyclistes me doublent dont Loïc de Dinan avec son maillot de meilleur grimpeur.

J’encourage tous les bretons, parfois les autres aussi.

J’attire leur attention sur la beauté du paysage, peu d’entre eux semblent y être sensibles. Nous dominons le lac de Serreponçon, le soleil éclaire les sommets semblant chasser les restes de l’orage du matin.

 

La météo semble tourner en notre faveur. Ca met du baume au cœur.

 

Je redouble Loïc qui satisfait à des besoins très naturels.

Dans la descente vers le lac je m’aperçois que je ne suis pas le plus mauvais descendeur.

Arrivé sur le plat et comme je l’avais prévu je prends ma première barre énergétique.

Je ne reprends plus personne. Plusieurs coureurs me dépassent.

J’arrive à Savine en 1h18’ soit 2’ plus vite que lors de ma reconnaissance.

Dans la courte montée qui suit je reprends à nouveau des places.

Très vite nous arrivons au rond point des Orres et certains, galvanisés par le public, accélèrent nettement.

A ce point nous sommes quasiment revenus au départ ce qui explique le public nombreux.

Il reste la grande boucle soit environ 140 km.

Je me laisse doubler et, en remontant vers Baratier, je reprends tranquillement les places perdues. Les coureurs enflammés ayant retrouvé leur calme.

 

Nous approchons de Guillestre et les choses sérieuses vont commencer.

 

Au ravitaillement précédent j’ai raté un bidon. Il faut dire que la petite dame qui cherchait à me le donner en avait 4 ou 5 dans les mains et ne pouvait donc tendre le bras.

Il me reste un bidon plein je ne m’inquiète pas trop.

A la sortie de Guillestre Loïc me reprend et je ne peux m’empêcher de penser que son arrêt pipi lui a coûté cher.

Avec surprise je vois la silhouette de Stéphane se dessiner au loin et je commence à me dire que je suis parti trop fort.

Lorsque je le dépasse il m’explique qu’il n’est pas bien.

Je lui fais un geste amical de la main et je poursuis ma course. Je reste à portée de fusil de Loïc 50 ou 100 mètres.

Dans le long faux plat montant qui mène aux premières pentes de l’Izoard tous les coureurs, moi le premier, semblent lever le pied. On s’alimente, on boit.

La peur de l’Izoard nous gagne !!

 

La partie qui me rebute le plus dans ce col se situe entre Brunissard et le premier lacet. Il doit y avoir entre 1 et 2 km à 10% rectilignes.

Mais entre mes 2 reconnaissances et aujourd’hui il y a une différence majeure : les autres concurrents.

Du coup les difficultés que j’éprouve me paraissent toutes relatives lorsque je vois la détresse de certains.

Il faut parfois que je fasse des écarts pour doubler. Quelques-uns, certainement des voileux, semblent tirer des bords. Le vent est pourtant en poupe !!

 

J’avoue que tout au long de la montée, dépassant tant et tant de coureurs debouts sur leur machine (dans le dur), je ne puis m’empêcher de me dire qu’ils ont tout faux et que la plupart d’entre eux auraient gagné à troquer leur 39/25 contre mon 34/26.

Mais j’ai cru comprendre que dans le milieu du vélo certains pensent qu’en dessous de 39/25 c’est pour les ptites zigounettes…

 

Dans les lacets je me cale derrière un gars de Valence. Son rythme me convient ; 10 ou 11 km/h je ne cherche pas à le dépasser et oscille entre 1 et 5 mètres de lui .

Déjà le froid se fait ressentir mais je décide de ne m’arrêter qu’à « Casse déserte » pour mettre mon Gamex. L’arrêt  ne me coûte pas trop. De part et d’autre de la route quelques paquets de neige témoignent des conditions météo nocturnes.

 

Dans les derniers hectomètres je ne peux m’empêcher d’accélérer pour doubler un coureur récalcitrant. Il n’y a pourtant plus de points à prendre pour le meilleur grimpeur ! C’est la première fois que je m’enflamme.

 

L’atmosphère est glaciale. Je récupère mon ravitaillement personnel et perds plusieurs minutes à attendre poliment qu’une préposée aux journaux veuille bien s’occuper de moi.

Si je comprends bien elle est en train d’expliquer à des spectateurs qu’elle ne peut leurs donner les hebdomadaires qu’ils désirent.

Lassé d’attendre je me dirige vers un de ses collègues. J’installe le précieux isolant sous le Gamex en regrettant déjà qu’il n’ait pas été plus épais.

Je ne le sais pas encore mais ces journaux ne me quitteront plus jusqu’au parc à vélo !!

 

Glacé j’entame la descente. La route est détrempée côté Briançonnais.

Ma stratégie est de faire la descente à fond pour récupérer le plus vite possible quelques degrés.

Du coup je double encore des concurrents mais j’ai de plus en plus froid.

Aussi mouillé que la route je m’interroge sur mon choix. En montagne on dit que 10 km/h de vent c’est 1° C en moins. Alors peut-être devrais-je ralentir ?

Je tremble tellement que les vibrations gagnent mon vélo, heureusement la deuxième partie de la descente n’est pas très difficile.

 

Je me force à manger un de mes 2 sandwichs au jambon. J’arrive à peine à l’attraper. A grand renfort d’Isostar je l’avale. Je le mâcherai plus tard.

 

Mes dents claquent, nous arrivons à Briançon.

Le ciel est noir, les gens nous regardent bizarrement.

Des coups de tonnerre retentissent, ce n’est que le début de l’apocalypse ; une averse de grêle s’abat sur nous achevant de peindre ce tableau peu réjouissant…

Le peu de concurrents croisés à ce moment a le même regard incrédule que moi.

Doit-on continuer alors que, devant le déluge, les automobilistes stoppent leurs véhicules ?

Les autres ne s’arrêtent pas, moi non plus. Je ne puis m’empêcher de penser qu’à ce moment nous ne sommes plus des concurrents mais des cons tout court…

 

Après la grêle je scrute le ciel en direction d’Embrun et j’ai l’impression qu’il est moins noir là-bas.

La pluie a remplacé la grêle, nous prenons grain sur grain et la température doit avoisiner les 14°.

J’ai la chair de poule et mes dents claquent de plus belle.

Le plat sur la N 94 est un enfer.

Je ne sens plus mes jambes, elles sont dures.

A peine ai-je entamé la montée des Vigneaux que les contractures surgissent. Je descends de vélo bien sûr inquiet. Je ne bouge pas, je ne m’étire pas.

Plusieurs minutes s’écoulent, seul mon esprit s’agite. Abandon ? Finalité de ce sport ? Pourquoi la météo en rajoute-telle à une épreuve déjà si dure ?

Finalement c’est la révolte qui prend le dessus et je positive dans l’adversité ; je suis super large au niveau des délais. J’ai déjà vécu bien pire à Gérardmer. Il y a des centaines de gars et filles derrière. Il ne reste que 60 km……

Je remonte le plus souplement possible sur ma machine. Je mets tout à droite et je passe la côte à 6% à 47 km/h.

Heu…Non. Je mets tout à gauche et je passe la côte à 10 ou 12 km/h.

 

Dans cette ascension je me réchauffe un peu, mes contractures ne semblent pas vouloir repointer le bout de leur nez.

Tout se passe bien.

Quand ça descend je retremble, quand ça monte je me réchauffe.

 

Pallon ne me fait pas peur. Je profite de la descente qui la précède pour prendre un maximum de vitesse et, au fur et à mesure que celle-ci diminue, je mets progressivement tout à gauche. Personne ne me résiste dans la côte c’est bon pour la tête.

Je fais la descente tellement vite que les voitures se garent pour me laisser passer. JE SUIS INSUIVABLE !!

Le moral est en hausse, il ne pleut plus et il ne reste plus qu’une difficulté : Chalvet.

 

A l’aérodrome le vent est là et bien sûr de face. Mais il est nettement moins fort que lors de la reconnaissance. Sans soleil peu de thermique.

 

Nous retrouvons bien vite la route empruntée le matin en sens inverse.

Je reprends le gars de Valence que je n’avais plus revu depuis « Casse déserte » où je m’étais arrêté pour mettre mon Gamex.

Je croise comme à l’aller Marie (Sergé) qui m’encourage.

Nous arrivons au pont sur la Durance et nous apercevons les cons courants…heu je veux dire les marathoniens.

Nous entamons la montée de Chalvet. Comme dans toute ascension je reprends des places mais cette fois dans la bonne humeur et accompagné de Denis.

Je lui décris la difficulté.

A un moment il a une roue d’avance sur moi et se félicite de m’avoir planté une sacrès mine. Il aura jusqu’à 2 longueurs d’avance mais le haut de la côte est pour moi je le laisse sur place.

Je relance sur le plat et attaque la descente au taquet.

La mise en garde de Gaël sur cette dernière descente me revient en mémoire mais je me sens lucide. D’autres le sont moins ; 2 coureurs sont dans le décor. Je fais fumer les freins.

Je décide aussi de tenter une expérience : m’uriner dessus en roulant..

De toute façon je suis trempé.

L’auréole sur le cuissard n’est pas très classe, raison de plus pour envoyer du gros !!

Un gendarme me regarde dubitatif. A-t-il vu l’auréole ou me trouve-t-il imprudent dans mon engagement ?

Les derniers hectomètres de descente, le dernier virage et, juste avant le passage entre les barrières, le plaisir de voir mon fiston.

Je ne vois pas le reste de la troupe. Un clin d’œil, un signe de la main et je me concentre pour une transition éclair.

Les pieds non plus dans mais sur les chaussures je m’apprête à sauter en marche mais ma synchronisation est mauvaise.

Je m’arrête donc devant l’arbitre avant de descendre de mon fidèle destrier.

Je cours jusqu’à mon emplacement, parfois je nage aussi tant le parc est inondé. Je pose le vélo, me mets le cul nul.

Personne n’aura l’affront de me dire quoi que ce soit vu les conditions affrontées tout au long de la journée. Journée qui sera encore longue.

Ma caisse a été manipulée, le sac poubelle qui l’entourait est à moitié oté si bien qu’une partie de mon change est trempée. Pas cool…

Je décide de garder mon T-shirt vélo.

Mes chaussettes et mes runnings ont été épargnées quant à mon cuissard course à pied il est mouillé mais je n’ai pas d’autre alternative…

Je ne vais tout de même pas garder celui dans lequel je me suis soulagé !!

Je prends mon ravitaillement cap, laisse le camel back initialement prévu et c’est parti pour 42,195 km !!

 

Il est 15h00.

Je sais à présent que rien ne pourra m’empêcher de finir.

J’ai fait une bonne natation et un bon vélo, au-delà de mes espérances et ce malgré les conditions climatiques.

Même en marchant j’arriverais avant minuit !

Le changement d’effort est accueilli comme un soulagement et les 3 premiers km sont euphoriques : 5’ au kilo.

Après 2,5 km j’ai le droit à une haie d’honneur ; mes enfants et Stéphanie, les Le Guern et les Hascoët ils sont tous là.

Le cœur monte, la joie m’envahie limite une petite larme ce n’est pourtant pas fini…

Arrivé à la première montée vers le centre ville d’Embrun je décide d’opter pour la marche active.

Au sommet je cours à nouveau mais les comptes ne sont plus les mêmes je suis à 6’ au kilo.

Progressivement je me durcis et je ralentis.

Je n’ai pas de crampe ou de douleur particulière mais je n’avance plus. Aujourd’hui encore je m’interroge sur les raisons physiologiques du déclin qui s’opère dans ces moments là ? L’alimentation étant régulière c’est peut-être l’hydratation qui n’est pas suffisante ???

 

Bref je trottine lorsque c’est plat ou en descente et je marche dans les montées. A ce rythme beaucoup me dépassent. C’est dur à accepter mais je m’y étais préparé…

 

Au ravitaillement précédant la montée vers Baratier on me propose des quartiers de tomate avec du sel. Je n’ose pas, pourtant je sature du sucré.

Je commence aussi à sentir des échauffements aux pieds. Il faut dire que je n’ai pas tiré profit de la leçon de Sizun ou des mises en garde de Stéphane sur l’importance du confort. Je cours avec mes ASICS à 200 grammes…

J’avais quand même prévu cette déconvenue, je fais donc un stop à Baratier et je mets en place un des compeed que j’avais pris le soin de joindre à mon ravitaillement cap.

Pour cet acte chirurgical je choisis les marches menant à l’entrée d’une maison. La délicate opération effectuée je repars et un de mes fans me lâche : « Ca fait du bien de se soulager ! »

Il est vrai que je m’étais mis un peu en retrait mais de là à penser que je m’étais allégé sur le pas de la porte de parfaits inconnus il y a des limites.

Quoique, tout bien réfléchi, on peut s’attendre à tout de la part d’une personne qui s’urine dessus….

Peut-être que le fan en question m’avait repéré sur la fin du parcours vélo ??

Passons.

 

Comme ça descend quasiment jusqu’au lac la partie qui suit se fait bien.

J’arrive au parc à 17h00.

A ce moment je crois être au semi ce qui me donne la banane.

Je vois Xtof assis sur sa chaise, je crie pour le saluer mais il ne m’entend pas.

 

L’euphorie perdure, je repasse devant notre clan mais cette fois Stéphanie et mes gamins manquent à l’appel.

Il faut dire qu’une journée comme ça pour des petits bouts de 4 et 6 ans c’est une sorte d’Embrunchild.

Au restaurant le soir ils s’endormiront dans leurs assiettes avant même le repas servi !!

 

Je cours même dans la montée vers Embrun. Du moins jusqu’à 50 mètres du sommet. Je ne sais pas si le fait de revoir mes proches déclenche une libération d’endorphine mais à mesure que je m’éloigne d’eux et de la ligne d’arrivée je me durcis à nouveau.

En plus je comprends qu’en réalité le passage au parc doit se trouver au km 18 ou 19.

 

Je croise Marie et lui demande si on peut encore nommer mon déplacement de la course à pied. Elle répond par l’affirmative.

Comme moi Xtof vous dirait que Marie n’est jamais avare d’encouragements.

 

Xtof que je croise d’ailleurs peu de temps après, lors du très court aller-retour sur la digue.

Nous nous tapons la main et j’ai l’impression qu’il court plus vite que moi. Cela dit une vingtaine de kilomètres nous sépare.

 

J’ai pris la décision d’essayer les tomates au sel, elles passent super bien. Du coup à chaque ravitaillement j’en prends.

 

Je tiens le bon bout ; une grosse dizaine de km et j’en aurai fini.

En plus les cons courants à me dépasser sont de plus en plus rares. Je semble être à ma place.

Je m’arrête pour placer un second compeed avant la côte qui remonte de la Durance.

Des espagnoles qui m’avaient encouragé au premier tour me snobent sur le second.

Je lance haut et fort « Venga, venga » et, de suite, elles répondent avec vigueur et sourire.

 

La fin se passe bien, je me suis fixé un nouvel objectif : moins de 14h00.

Du coup ma marche est active en montée et j’accélère ma course ; 9,15 km/h au lieu de 9,12 km/h auparavant.

 

J’arrive au bord du lac que nous contournons cette fois dans le sens horaire. Thomas Hascoët me donne le drapeau breton et je n’ai pas la lucidité de lui dire que je préférerais le prendre à 100 mètres de l’arrivée. En effet il reste au moins 3 km !!

Voulant passer la ligne avec les enfants je demande à Catherine s’ils sont au courant de mon arrivée imminente.

20’ plus tard c’est le dernier virage. Je récupère mes loulous.

Stéphanie me racontera plus tard que Yoann était à la limite de craquer, pleurant, affirmant que je n’arriverai jamais..

Nous passons tous 3 la ligne après que papa en ait chié pendant 13h50’.

Tintin le photographe professionnel est déjà tellement usé par l’attente qu’il rate la photo à ne pas rater..

 

C’est presque fini car il faut vider le parc à vélo et que mes affaires trempées pèsent des tonnes.

Lorsque j’arrive à la tente il n’y a plus d’eau et je me dis que le camping de La Clapière a quand même eu une drôle d’idée en nous installant en plein estran !!

 

Ma chérie va me chercher du pain frais et je m’engloutis un sandwich jambon-fromage. Ce n’est que le début ; pendant plusieurs jours mes repas seront pantagruesques !

 

Je me douche mais le faible débit d’eau ne me satisfait pas pleinement.

Je m’habille chaudement et nous nous rendons sur l’aire d’arrivée où Xtof ne devrait plus tarder à faire son entrée.

 

Je m’assieds d’abord puis m’allonge.

2 ou 3 promeneurs, un peu inquiets de voir un corps presque inerte gisant sur le sol humide, prennent gentiment des nouvelles. Je suis vide d’énergie mais ça va..

 

Catherine et ses fils nous rejoignent annonçant l’arrivée imminente de Xtof.

Lorsqu’il est enfin là je me lève et l’encourage une dernière fois mais je ne suis pas sûr qu’il ait conscience de ma présence..

 

La suite c’est 2 jours pour retrouver un peu de jus et une marche presque normale.

Le plaisir de l’accomplissement mais aussi un sentiment de « sevrage ».

Il est temps de passer à autre chose.

 

Au fait Bernard, Manu, Karl, David, Jean-Luc, Jean-Pierre, Jérôme, Thierry, Yves, Xtof, Olivier, Pierre, Marc, Arnaud…..et les autres pouvez-vous me compter pour le co-voiturage vers Cambrai le 30 août 2009 ?

 

En résumé une épreuve qui aura demandé beaucoup de sacrifices et qui est finalement un drôle de cadeau d’anniversaire pour un quadragénaire…

 

Vous pourrez trouver quelques photos, mes programmes d’entraînement, mes consommations en produits énergétiques et surtout une estimation du budget alloué à cette épreuve d’ici quelques jours à l’adresse suivante :

 

http://www.yannvaldisere.com/

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