L'auteur : shef
La course : L'Echappée Belle - Intégrale - 145 km
Date : 31/8/2018
Lieu : Vizille (Isère)
Affichage : 3202 vues
Distance : 144km
Matos : Sac: trail instinct Eklipse
Batons: BZ Z Distance Carbone
Chaussures: La Sportiva Akasha
Lampe: Stoots Hekla + Wapi
Veste: Arc'texry Norvan
Hauts: Mizuno Thermo + Xbionic
Bas: decath + CWX
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
130 autres récits :
Début 2018, malheureux au tirage au sort de l'UTMB (c'était le plan pour avoir coef 2 en 2019), je ne mets pas longtemps à me décider pour l'Echappée Belle. C'était mon premier ultra en version 85 il y a deux ans. J'aime le côté technique et les cailloux. J'ai un peu peur de la taille du chantier. Je finis par cliquer quand même, et je préviens Vincent qui me répond du tac au tac "Bienvenue en enfer".
Ma préparation se déroule en une première étape hiver/printemps plutôt axée kilomètres/vitesse, validée par ma participation à l'Ultra-Trail des Balcons d'Azur Défis (25km + 80km avec 4500mD+) mi-avril.
Je bascule ensuite sur un parcours plus accidenté, avec week-ends chocs (de 2 jours seulement) tout le mois de juillet et quelques courses de montagne sur lesquelles je fais de beaux classements.
Je me prépare un petit roadbook basé sur les temps de passage des concurrents l'an dernier. Je vise d'abord 40h, puis plus raisonnable, 44h. Je valide ça avec Vincent qui s'empresse de me dire de ne pas faire de roadbook, et de tabler sur: arriver au Pleynet après le coucher du soleil, Super Collet en début de matinée, Val Pelouse dans l'après-midi, le Pontet début de soirée et Aiguebelle milieu de nuit. Ca correspond à peu près.
Je me présente à la course avec 1200km et 60000mD+. Si le dénivelé me paraît pas mal, j'ai un doute sur le volume kilométrique, même si je me méfie d'en faire trop au risque de me blesser (j'écoute mon corps, avec quelques alertes fin mars notamment). Je termine mon gros du travail fin Juillet, puis nous partons 2 semaines en vacances un peu light en famille (pour cause d'entorse sévère de Clémence), puis à nouveau 1 semaine de boulot, et c'est le départ pour Fond de France. Nous passerons les derniers jours au gîte de la Martinette avec mes parents.
Je stresse, normal, je me pose pas mal de questions sur le volume de mon entraînement, de l'avoir coupé un peu tôt, et ce n'est pas en voyant les copains enchaîner les dernières sorties sur Strava que ça va s'arranger ! Enfin, je me dis que de toute façon l'essentiel est bouclé depuis longtemps, et que je ne peux plus rien y changer.
Au gîte je rencontre un certain Grant Guise, qui arrive de Nouvelle-Zélande et qui participe également. On discute beaucoup de trail, de la course, je lui indique les endroits "pièges" à connaître (la boucle surprise avant d'arriver au Pleynet par exemple), on parle également pas mal des différences entre nos deux pays. Le mec est super sympa, très ouvert, beaucoup d'humour, nous passons vraiment de bons moments. Il m'explique qu'il est importateur en Nouvelle-Zélande pour UltraSpire, Compressport et Altra, et qu'il revient de Chamonix où il a un peu bossé.
Ce n'est qu'après coup que je jette un oeil sur la liste des participants et je vois qu'il est 2ème parmi les favoris, et qu'il a un palmarès assez impressionnant. Et pourtant, il reste super accessible et ouvert. La veille de course, il m'offre un gobelet souple UltraSpire, juste comme ça :)
On flippe en scrutant la météo chaque jour. Mercredi puis jeudi, temps très moyen mais ça semble se préciser pour du temps couvert mais sec. Je prépare le contenu de mon sac de course et de mon drop-bag avec comme d'habitude une tonne de bouffe, emballée dans 3 sacs marqués "Pleynet", "Super-collet" et "Extra/secours", et je fais de même avec mes kits de change prévus pour chaque base de vie. Le drop-bag est énorme, donc j'en profite !
Jeudi, après un dernier pique-nique avec la petite et mes parents, nous partons chercher le dossard à Aiguebelle, puis direction Vizille où nous posons le California dans le parc de départ avec quelques autres campeurs. Derniers fignolages de sac, de tenue, remplissage du drop-bag (ouf, tout rentre), puis on mange relativement tôt, et je me couche dans le toit. Clémence s'occupe un peu en bas puis finit par me rejoindre. J'ai mis le réveil à 4h15 pour avoir le temps de digérer mon petit-déjeuner. Alors que je lutte pour m'endormir, vers 22h mon téléphone est pris de soubresauts. C'est les beaux-parents qui m'envoient leurs encouragements. Deux minutes plus tard, un SMS de l'organisation qui prévient "Alerte Brouillard. Marche par groupe de 3 en zone brouillard obligatoire". Bon. Je passe mon téléphone en mode avion, histoire d'éviter de recevoir d'autres nouvelles du genre et de trop gamberger. Je réussi à dormir quand même un peu, jusqu'à vers 3h du matin où les premiers bénévoles arrivent pour installer l'aire de départ. Je descends, commence mon petit déjeuner et à m'équiper. Je n'oublie bien sûr pas la crème solaire.
Ensuite, c'est le classique rassemblement, le briefing où on nous explique encore bien qu'il va y avoir de brouillard, du bon, du gras, du qui mouille. Et c'est le départ.
20 mètres après le départ, on entend un gros plouf, on se retourne et on aperçoit un suiveur (une suiveuse ?) qui ressort du petit ruisseau qui traverse le parc. Cet incident nous fait exploser de rire et nous fera une bonne partie de la première montée. Il faudra garder ça dans un coin de la tête pour les mauvais moments. Les premiers kilomètres étirent bien le peloton et la montée démarre sur un chemin large, aucun bouchon à l'horizon. On monte tranquillement tandis que le jour se lève et la météo se confirme bien couverte. Je passe un peu de temps à papoter avec un autre Guillaume, on fait quelques kilomètres ensemble, on se dit que la journée va être longue et qu'il ne faudra pas s'exciter. On finit par entrer dans les nuages et je le perdrai après Arselle. J'ai vu qu'il était arrivé au bout lui-aussi !
Il y a des ambiances parfois un peu irréelles avec ces silhouettes qui se dandinent dans la brume, ça fait un peu penser à Walking Dead. Passage au lac du Luitel où des supporters nous acclament avec cloches et vuvuzelas. Clémence est là. Un petit bisou et on continue. Un peu plus haut, j'arrive à Arselle où la visibilité est un peu meilleure. Le temps reste quand même plutôt humide. Le ravito est coincé sur la petite terrasse du refuge et les suiveurs sont là, du coup un peu difficile d'accéder aux tables. Je remplis les flasques, prends du solide et une soupe et je sors pour retrouver Clémence. On discute un peu et c'est déjà le temps de repartir. Je croise alors Bertrand et Sylvain, deux compères connus du 06. On va faire presque toute la course à moins de 5 minutes d'écart. 6 minutes de pause à Arselle.
La montée reprend en direction du refuge de la Pra, le terrain devient un peu moins forestier au fur et à mesure. Encore beaucoup de brouillard, notamment au passage du col de la Botte, très joli sur les photos et vidéos de l'an dernier.
Cette fois on sait qu'on approche grâce au son des vuvuzelas. Visibilité à 20 mètres au col. Clémence, qui a pris le télécabine, me rate pour quelques minutes.
Clémence agite la cloche pour mes pouvrsuivants. Photo Thomas Vigliano
Le passage au col est un peu frisquet. On continue de cheminer, les cailloux deviennent de plus en plus nombreux. On longe quelques lacs, à de courts moments la vue se dégage un peu à quelques centaines de mètres. J'ai un peu de mal à bien me situer, à la fois sur le plan géographique et dans mes souvenirs de randonnée, car finalement l'environnement a beaucoup été composé de cailloux et... de brouillard :)
On prend un petit raidillon où l'on croise un gros troupeau de moutons, les bergers sont là et les patous tranquilles. Le brouillard finit par se déchirer et on a une belle vue qui se dégage à l'approche de la Pra. Soleil, ciel bleu, l'espoir renaît !
Une dernière traversée de pelouse et me voici au refuge de la Pra. Le premier gros morceau arrive à ce moment: l'ascension de la Croix de Belledonne. Hélas, les bénévoles douchent vite notre enthousiasme: on n'y montera pas, trop de brouillard, peur que des gens se perdent, météo mauvaise annoncée pour la nuit. Vu ce qu'on a eu jusque-là, je comprends la décision. Je pense aussi que l'organisation essaye de faire gagner du temps à tout le monde pour que la plupart des gens soient sortis du "Belledonne sauvage" (c'est à dire arrivés aux 7 Laux) avant la nuit qui pourrait être problématique en cas de mauvaise visibilité.
D'ailleurs le beau temps qui avait fait une apparition est vite menacé par des bancs de nuages qui remontent les vallons. Il fait plutôt frais au ravito et j'essaye de ne pas trop traîner, de trouver le bon équilibre entre petit repos, manger suffisamment, et ne pas prendre froid.
10 minutes de pause à La Pra, puis je repars dans les nuages.
On commence par monter pour rejoindre les lacs du Doménon. Une fois encore, les nuages se déchirent, soleil et ciel bleu sont là. On monte en direction du col de Freydane et on dit au revoir à la Croix. Un peu de déception bien sûr, surtout que la météo semble aller vers le bon.
Photo Matthieu Rieux - pour montrer qu'on a eu du soleil quand même vers Freydane
Pour les plus lents, la décision semble quand même avoir été bonne, et en ce qui me concerne, une fois arrivé au bout de l'aventure, cette coupe de parcours aura permis d'économiser quelques forces. Peut-être aussi qu'inconsciemment, cet allègement de parcours nous font tous aller un peu plus vite. Derrière le col de Freydane, on bascule à nouveau franchement dans les nuages. De la descente vers Jean Collet, je me rappelle surtout de beaucoup d'humidité, de sentiers glissants, et pas trop de paysages. Je crois que c'est sur cette section que je rattrape M_Baton puis campdedroles, très reconnaissable avec sa banane en guise de tout bagage. Avec l'humidité, le froid revient. On ne devine Jean Collet vraiment qu'au dernier moment, englué dans la brume. Je passe la veste mais on a quand même vite fait de se refroidir. Mon roadbook indique deux longues sections à venir jusqu'au Pleynet avec un ravitaillement léger au Habert d'Aiguebelle, je dois donc y faire une bonne pause, bien m'alimenter et repartir avec de quoi manger. Sauf qu'avec le froid, impossible de trop traîner. Je bois une soupe chaude, m'assois un peu, vide les petits cailloux de mes chaussures, mange, et après 12 minutes de pause à Jean Collet, je repars avant d'être frigorifié. Je suis globalement bien à tous les niveaux, pas de douleurs, fatigue normale.
On entame directement dans les cailloux pour la montée au col de la Mine de Fer. C'est moins horrible que ce à quoi je m'attendais. On monte dans les cailloux et la brume et hop, le col est là. J'imagine qu'il y a quand même un petit avantage à ne pas voir où l'on va, c'est qu'on se fait moins démoraliser par la vue de ce qui arriveLe passage ensuite à la roche Fendue me paraît presque dans la continuité, au point que lorsque j'arrive à celui-ci, je vérifie le nom sur la balise, pensant être passé précédemment à un petit collet et me trouver seulement maintenant à la Mine de Fer. Mais non, c'est bien Roche Fendue. Cette impression est due à la quasi absence de descente après la Mine de Fer. S'ensuite une descente un peu technique au début puis plus facile ensuite, avec un long flanc à tirer sur la gauche jusqu'au Pas de La Coche, enchaînant quelques descentes et remontées. La vue se débouche un peu, par contre je ne reconnais aucun paysage. Il y a un lac artificiel dans une vallée en face. Ce doit être vers l'Oisans, et en tout cas il a l'air de faire meilleur là-bas. L'arrivée au col est franchement froide, ventée et humide.
A 14h58 je reçois un SMS de Clémence qui m'informe qu’Aigleton et Moretan sont annulés également.
Et effectivement, quand on entame la descente vers le Habert d'Aiguebelle on commence à croiser des coureurs sur le chemin. Flûte alors, on est en train de me priver de tous mes cailloux !
C'est sur ce chemin que je croise Grant, qui doit donc avoir au bas mot 1h d'avance. Il a la mauvaise tête, et m'explique qu'il a mal à la gorge et du mal à respirer. Puis il me lance un grand "But you guy look really great ! Go on man", et on se quitte comme ça. Le brouillard reste au col et on retrouve une assez bonne visibilité. Cette section où l'on croise les autres coureurs est finalement plutôt sympa (en tout cas dans la descente) car on peut tous s'encourager, croiser quelques copains...
J'arrive au Habert et un bénévole me confirme qu'on ne fera ni Aigleton ni Moretan. Il est prévu de la neige pour la nuit, et des bouquetins auraient bouffé le balisage !
Je prends une simple soupe, un peu de pâte d'amande et repars sur mes pas après 6 minutes de pause.
Je remonte donc jusqu’au Pas de la Coche, encourage au passage les autres concurrents. Au col il fait toujours aussi froid et brumeux, cette météo n'incite décidément pas à la flânerie. On s'envoie ensuite une grande traversée pour contourner la montagne. La vue à l'Est se dégage un peu, une fois quitté le col, les nuages nous laissent un peu tranquilles. On aperçoit au bout d'un certain temps le col de la Vache au loin, c'est effectivement un sacré tas de cailloux, mais plutôt plaisant à monter je trouve. On bascule derrière dans la descente vers les 7 Laux. Encore du froid, et du brouillard. Début de descente un peu technique, mais encore une fois, ça passe vite, et le long des lacs on retrouve un peu de visibilité. On peut un peu dérouler et courir, sous la caméra d'un drone qui a enfin trouvé l'ouverture pour décoller. Je rattrape quelques concurrents et finalement je reviens sur Bertrand juste après le dernier lac. On papote encore pas mal. Il me dit qu'il trouve qu'on arrive sacrément tôt au Pleynet, je lui explique qu'on a déjà zappé 2 ascensions, il ne s'en était pas rendu compte. En fait, il ne connaît pas vraiment le parcours, il est là pour accompagner Sylvain ! Et à part qu'il n'aime pas trop les cailloux, ça roule pour lui, tant mieux ! On passe assez tranquillement la partie acrobatique au-dessus du chalet du Gleysin, puis on s'enfile le grand contournement de la vallée, que j'imaginais à flanc mais qui monte quand même pas mal. Je préviens la famille de mon arrivée imminente une fois rejointe la grande piste qui revient sur la station. Il faut déranger quelques vaches, on peut encore un peu dérouler, et j'arrive au front de neige.
Je retrouve les parents, Clémence et Léna qui m'explique qu'elle a fabriqué un cadeau et qu'elle me le donnera à l'arrivée. Ensuite elle me dit "Papa je suis fière de toi", de quoi se donner du moral pour les futurs coups de mou.
Je fais un premier bilan: le timing est correct, pas trop tôt, pas trop tard. Je suis un peu plus fatigué que ce que j'aimerais, même si j'ai été plutôt sur la retenue dans les descentes (je garde toujours le souvenir cuis(s)ant des deux dernières descentes sur le 85 il y a deux ans où mes quadris avaient rendu l'âme et la fin fut compliquée). Pas d'échauffement aux pieds, aucun souci digestif, hydratation ok. Je récupère mon drop-bag avec sa liste de choses à faire. Il n'y a pas vraiment d'endroit pour se poser, donc je me mets par terre près d'un bac à fleurs. Sur ce genre de stop, l'assistance est un confort important. J'envoie Clémence vérifier s'il y a de la place au massage pendant que je branche ma montre et met quelques barres dans mon sac pour refaire l'appoint. C'est à ce moment que je vois Grant qui vient vers moi, habillé de pied en cap, doudoune, soupe à la main.
Il a donc préféré abandonner plutôt que d'affronter la nuit avec ses problèmes respiratoires. Il m'encourage bien, puis je file au massage, il n'y a personne pour le moment. J'espère récupérer un peu de cuisses pour affronter la fin de parcours sereinement. Je reste environ 20 minutes, dorloté, au chaud, un petit moment hors de la course. Après ça, je retrouve la famille, je me lave avec un gant de toilette, et changement au milieu du parking (glamour).
J'ai aussi demandé à Clémence de me cuire une patate douce, je la mange presque en entier avec un peu de sel. Vu le froid qu'on a eu la journée et la météo prévue, je mets le collant et le haut à manches longues. Nokage, frontale sur la tête, remplissage de flasques, un dernier tour au ravitaillement, je zappe le repas chaud et c'est le départ.
1h de pause au Pleynet, un peu large, mais je pense qu'il faut ça pour repartir bien frais de cette base de vie, et j'ai profité d'un bon massage.
J'entame la descente en sous-bois et je dois vite allumer la frontale. J'arrive à fond de France et je passe devant le gîte où les futurs concurrents du 85km sont tous attablés. La famille est encore là, petit coucou, bisou, et c'est parti pour la nuit, en même temps qu'une belle averse qui ne dure pas heureusement. Par contre mon ventre commence à faire des siennes. Ca n'est pas la nausée mais on n'en est pas loin. Je trottine jusqu'au pied de la montée aux chalets de la Valloire et il faut se rendre à l'évidence: il y a un truc qui ne passe pas. Je mets ça sur le dos de la patate douce, que je n'avais jamais testé en course avant ça (idiotie). Je démarre la montée et je sens qu'en plus j'ai une légère hypoglycémie qui pointe le bout de son nez. Mauvais timing ! Je sens que je ne peux rien avaler, et il y a presque 1000mD+ à s'enfiler. Je fais le dos rond. C'est la première fois que j'ai un vrai coup de moins bien sur un gros ultra, mais je sais que ça finit par passer. Je rattrape un concurrent qui va un peu moins vite que moi, je me cale dans ses chaussures et je fais toute la montée comme ça. Et effectivement, ça finit par passer.
L'arrivée aux chalets marque la vraie entrée dans la nuit: on va croiser beaucoup de bénévoles avec leurs feux, leurs tentes, chalets, sacs de couchages, toujours avec un bon mot, proposant café, thé... La nuit, l'ambiance change vraiment du tout au tout, c'est plus intime, plus "calme". Avec le froid et l'humidité, ils doivent bien déguster aussi. Le début de la descente est un peu délicat, les rochers sont vraiment glissants, il faut rester vigilant. Je me souviens de la descente à Gleysin qui est bien raide et bien casse-pattes. J'évite de m'emballer. J'ai rattrapé (ou bien c'est lui qui m'a rattrapé) un certain Florent, depuis quelques temps. On va se croiser encore et au final passer pas mal de temps ensemble. On arrive au Gleysin, et surprise, j'y retrouve mon père, Clémence et Céline. Encore un peu de discussion, je me ravitaille, remplis les flasques. Il y a une sorte de smoothie pomme/poire/citron qui fait du bien. Le parcours de repli pour le Moretan réduit bien le D+, on devrait gagner pas mal de temps pour Super Collet. Clémence ne pourra pas m'y rejoindre car je vais arriver au milieu de la nuit. On vise plutôt un rendez-vous à Val Pelouse, et c'est le départ dans la nuit.
18 minutes de pause à Gleysin.
On commence donc ce repli par une montée dans les alpages. Je reviens sur Florent (ou alors c'est lui qui revient sur moi ? J'ai un peu de mal à me souvenir). On aborde ensuite une assez longue traversée à flanc, on croise encore plusieurs bénévoles. Il fait toujours aussi humide, il faut constamment rester vigilant sur les appuis. Je sens également le sommeil me gagner peu à peu, je suis moins reposé que l'an dernier. Je décide donc de faire 15 minutes de sieste quand on arrivera à Super Collet. On passe une épaule, un pointage, et c'est la descente, un peu longuette, sur une piste carrossable (au moins les quelques kilomètres défilent). La couche de nuages se déchire pour laisser apercevoir une lune encore assez belle. Vraiment, quel dommage cette météo ! Au fond du vallon on retrouve une partie du ravito de Périoule qui a été redescendue ici à dos d'homme oO Encore une fois, chapeau aux bénévoles. Je suis à ce moment avec Petra qui finira 3ème féminine 1h30 devant moi. Elle se plaint de ces longs faux plats, elle aime quand ça grimpe (elle court en vibrobarefoot, des chaussures minimalistes oO). Elle va être servie avec la montée au refuge de la Pierre du Carré qui se profile. Comme il y a deux ans, je fais la montée plutôt à bon rythme. Je n'ai pas trop de repères vu qu'il fait nuit cette fois. Je me souviens surtout du haut qui m'avait paru un peu long pour arriver à Super Collet. Je double quelques personnes. Le brouillard est bien revenu. Je rattrape notamment une féminine que son conjoint a rejoint depuis Super Collet. Quelle assistance. Il se prend une belle gamelle en glissant sur les racines humides, heureusement sans trop de mal apparent. On traverse les pistes, et c'est l'arrivée à Super Collet.
L'ambiance est bien morne. Vent, froid, humidité, quelques tables en plein air, 2 ou 3 coureurs. Je récupère mon sac d'allègement, et file au dortoir, obnubilé par mon idée de dormir un quart d'heure. J'essaye de ne pas faire de bruit ni trop de lumière. Je n'ouvre pas mon drop bag, je pose simplement mes affaires et m'enroule dans une couverture. Du coup, je ne charge pas ma montre, ni ne fait rien de ce qui était prévu avec mon rechange (appoint de barres, toilette...), un point à revoir peut-être: faire les tâches prévues et dormir ensuite ?
Je retrouve Sylvain et Bertrand dans le dortoir, ils s'en vont quand j'arrive. Ils étaient partis du Pleynet quelques minutes avant moi, je ne les ai jamais rejoints.
Je ne parviens pas à dormir, mais je me repose quand même au moins 5 minutes, puis le froid vient s'immiscer sous la couverture, sous les habits, et je me retrouve assez rapidement frigorifié. Je reste quand même au bout des 15 minutes. Puis je ressors et là, c'est glacial ! Brouillard épais, visibilité à 20 mètres au mieux. Je fais vraiment le minimum: pas de plein de barres (de toutes façons je n'ai presque rien mangé depuis le Pleynet en dehors des ravitaillements), je charge un peu la montre, pas de changement de tenue (en même temps je ne me voyais pas repartir en short/t-shirt comme c'était prévu au départ), pas de toilette, pas de Nok, je ne vérifie pas mes pieds (pourtant les chaussettes sont humides depuis presque le début), je marche un peu au radar et surtout transi de froid. J'enfile le bonnet, les gants, la veste, il ne reste que la polaire dans mon sac.
SMS à Clémence: "Suis à super collet petit somme il fait bon'e froid. Val pelouse vers 9 ou 10h".
C'est à ce ravitaillement que j'ai la première et seule "panne" de moral. Je gamberge un peu. Pas trop de plaisir depuis le Pleynet. Encore 3 grosses étapes de plusieurs heures. Les deux grosses descentes interminables à venir. Le froid, la météo merdique. J'ai déjà mentionné dans certains CRs de courses passées que le mental peut venir à la rescousse pour se mettre à courir alors qu'on pense être au bout du rouleau. Cette fois, c'est plus compliqué. Il faut se remettre en route pour des heures. L'effort est plus important. J'essaye de chasser les mauvaises pensées au plus vite, je pense à ma petite qui est fière et qui m'attend à l'arrivée pour me remettre mon cadeau. Il faut repartir d'ici avant d'être vraiment congelé.
Je mange un peu, et on nous annonce que les départs se feront par groupes de 2 au moins. Je me retrouve donc à attendre encore. Même près des braseros, j'ai froid. Heureusement, quelques minutes seulement d'attente et un autre coureur est prêt à partir. "Encore toi ?". Je retrouve donc Florent et on va cette fois rester ensemble quelques heures.
45 minutes de pause à Super Collet, pas très rentables au bout du compte.
On remonte les pistes de ski, et c'est course d'orientation. On doit vraiment chercher les fanions tellement le brouillard est épais, on n'avance pas, on illumine des gouttelettes dans le faisceau de la frontale. Il me semble qu'on revient sur 2 autres coureurs et on se retrouve à 4 pour cheminer, c'est un peu plus simple. Ca dure comme ça jusqu'à la crête où on y voit un peu mieux. La descente vers le refuge de Pré Nouveau se passe bien, mais c'est vraiment très glissant, on est sur des oeufs. Au refuge c'est ambiance "cosy" avec les luminaires Ikea. Florent fait une petite pause et rempli ses flasques. Puis on repart, et on se retrouve à 3 avec Laurent qui nous fait un bon rythme régulier.
Passage au refuge des Férices (thé chaud) pour le levé du jour (et pas du soleil, car c'est toujours brouillard), puis col gigogne d'Arpingon.
Froid d'ours polaire vers Arpingon je crois. Photo Jean-Luc Augier
photo Jean Luc Augier
La descente vers Val Pelouse est également délicate et glissante. Je commence à avoir quelques hallucinations (je prends certains blocs énormes pour des bâtiments où les sapins ressemblent à des tourelles). L'arrivée au ravitaillement fait plaisir. Il reste encore 2 étapes, avec 2 grosses descentes, mais le plus dur est derrière nous. Clémence n'est pas là, c'était attendu car il est un peu trop tôt.
SMS à Clemnce: "Val pelouse dur dur".
Je me pose un peu, mange pas mal (soupe chaude, quatre-quarts, chocolat, fromage...) je vide les cailloux de mes chaussures. Laurent repart quelques minutes avant et m'enjoint de le rattraper. Mais je reste un peu trop longtemps et je ne le reverrai qu'à Aiguebelle. J'ai besoin d'une bonne pause de moral également. Florent arrive également (on l'a un peu perdu dans la fin d'Arpingon). 21 minutes de pause à Val Pelouse, je repars (toujours dans le brouillard). Ca s'ouvre un peu quand on bascule derrière le premier col, je peux voir tout le fond de la vallée (que je n'avais pas vu en 2016, de nuit), par contre c'est encore bouché à la Perche. Descente moyenne et remontée à la Perche (je commence à compter combien de montées/descentes il reste). L'arête du Grand Chat me paraît vraiment longuette, et puis c'est la descente, interminable, jusqu'au Pontet, et son chemin à remonter avant le ravitaillement, où j'arrive à relancer un peu pour que le purgatoire ne soit pas trop long. Cette fois c'est sûr, on termine !
Au Pontet je retrouve toute la famille, ce qui fait vraiment plaisir. Léna m'explique qu'elle a fait du tir à l'arc, elle a l'air très content. Je suis bien crevé, surtout le sommeil. Les jambes, ça va à peu près. Nickel en montée, moyen en descente. Je pense que je manque globalement d'énergie car je n'ai presque rien mangé depuis Val Pelouse. Fatigue générale, manque d'attention, perte d'appétit. Peut-être aurais-je eu un meilleur rendement en me forçant à mieux manger. Je prends un café pour tenter de me réveiller. 14 minutes de pause au Pontet et je me botte les fesses pour boucler ces quelques kilomètres et en finir avec cette Echappée.
La montée à Montgilbert est bien raide, mais au moins ça passe plus vite. Il vaut mieux se la faire de nuit celle-là. Je sens vraiment le sommeil, et je dois me forcer à rester bien concentré et vérifier les fanions. Je commence à halluciner même en plein jour. Les enchevêtrements de branches me font imaginer des cabanes, des chalets. Il est temps d'arriver. Le haut est une fois encore interminable. Puis je croise le dernier poste de pointeurs (JuCB), on discute quelques minutes, ils essayent de me rassurer (font-ils ça avec tous les coureurs) en me disant qu'ils ont vu d'autre coureurs avec des vraiment mauvaises mines. Je dois avoir seulement mauvaise mine, alors. Mais quand même, ça sent l'arrivée. 2 ou 3 derniers raidillons (il en faut toujours), et c'est l'ultime descente, bien longuette encore, vers Aiguebelle. Sur la fin, je poste un SMS à Clémence pour prévenir de mon arrivée imminente. J'arrive à courir tout le plat final. A l'entrée dans le parc je les retrouve, et on se fait un passage de ligne d'arrivée en famille. Ma première pensée: "ouf, c'est fini !"
On se fait interviewer sur l'aire d'arrivée, même Clémence. Bière de finisher, je revois des visages connus, avec qui j'ai partagé quelques heures ici et là (Laurent, Sylvain, Bertrand, Florent qui arrivera peu après moi). Ca fait plaisir de voir qu'ils ont rallié l'arrivée. Grant vient également me féliciter. Je lui dis qu'il va devoir revenir.
Léna me raconte qu'elle a fait de l'escalade. Elle me remet ma "récompense": une silhouette de coureur découpée, attaché à un petit drapeau. Je suis bien rincé !
Douche, massage, on traine encore un peu et puis mini sieste dans le California pendant que les parents vont à la recherche d'un restaurant pour le soir. Je m'endors comme une masse. J'arrive à faire bonne figure au resto, mais je suis vanné.
Le lendemain après une bonne nuit plutôt réparatrice, j'ai un peu mal aux pieds (mais une seule petite ampoule à déplorer), pas trop de courbatures.
Si je dois tirer un bilan de cette course: je pense que je peux m'estimer heureux du shunt de la Croix de Belledonne et du Moretan, sans quoi j'en aurais certainement plus bavé, peut-être même aurais-je eu du mal à finir. Peut-être que de savoir le parcours raccourci m'a aussi inconsciemment fait un peu accélérer et moins gérer, difficile à dire. En revanche, même si le parcours était plus facile, il aura fallu à tout le monde de sacrées ressources mentales pour s'envoyer ce parcours sans presque profiter des jolis paysages, pour affronter le froid, l'humidité permanente, la concentration pour éviter les glissades et chercher les fanions dans la nuit brumeuse.
Pour moi c'est un sacré pas franchi par rapport à la TDS l'an passé. Physiquement bien sûr (parcours plus long et surtout plus de D+), mais aussi pour le mental: j'ai dû bien plus m'employer pour repartir à chaque pause. Le nombre élevé d'heures à faire entre chaque ravitaillement est un facteur important. Le côté plaisir joue également beaucoup, et quand il finit par disparaître temporairement, il faut trouver d'autres leviers. De ce côté-là je pense m'en être sorti pas mal.
Pour la suite, je me pose pas mal de questions. Je voudrais aller vers le format 170 (j'ai un coef 2 pour l'UTMB l'an prochain), mais je ne suis pas certain d'arriver a franchir encore le pas manquant. Pendant la course j'y a repense plusieurs fois, et ca me paraissait encore un autre monde, en voyant a quel point il fallait se botter les fesses pour repartir de Super Collet notamment, je m'imagine la meme chose a 70 ou 80 bornes de l'arrivee, pas certain de reussir a surmonter ca, en tout cas dans ces conditions similaires.
Et le point qui fâche: il va vraisemblablement falloir revenir pour boucler la vraie EB !
Points positifs:
- J'ai été capable de boucler le parcours (même si on a eu une belle ristourne de D+/D-) dans des conditions pas toujours très motivantes (météo notamment).
- J'ai été plutôt régulier.
- Physiquement, bien: pieds impeccables, quadris presque encore en bon état à l'arrivée. J'ai même battu quelques uns de mes "records" de montée d'il y a deux ans sur le 85.
Points d'amélioration notés:
- gestion du sommeil: arriver à s'endormir rapidement
- gestion du dropbag avec la fatigue: penser à faire les choses essentielles avant de se reposer. Au Pleynet c'était plutôt efficace mais j'étais encore parfaitement lucide et entouré de la famille.
- gestion de l'alimentation après 24h: trouver un moyen pour continuer à s'alimenter régulièrement. J'ai pas mal tournée au coca/eau sur la fin, mais je pense que c'est un peu limite.
Mes remerciements vont en vrac:
- à Clémence et Léna qui me supportent et me soutiennent toute l'année, avec le temps que ça prend, supportent également le stress des derniers jours, les voyages, les absences.
- ma famille qui a fait le suivi et les encouragements, c'est toujours un pilier sur lequel s'appuyer
- les amis qui ont assuré le support par SMS au milieu de la nuit
- Vincent (qui a réalisé une belle course à l'UTMB pendant que je jouais dans les cailloux) qui prodigue toujours de bons conseils
- Celine et le gîte la Martinette pour l'accueil des jours précédents
- tous les bénévoles et leur charmant accueil.
- la communauté kikou toujours aussi riche de conseils.
Il y a également de belles photos à voir sur le facebook de l'Echappée Belle.
Accueil - Haut de page - Aide
- Contact
- Mentions légales
- Version mobile
- 0.05 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !
2 commentaires
Commentaire de Leseb posté le 09-09-2018 à 17:54:51
Jolie gestion , mental costaud, bravo pour ce chouette récit et ta course! 33h vs 44h, même avec les shunts, c'est une belle perf!
Commentaire de campdedrôles posté le 09-09-2018 à 18:24:57
Merci pour ton récit et pour ta régularité dans la conduite de ta course (qui m'a hélas privé de te revoir après le premier matin
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.