Récit de la course : Grand Raid du Golfe du Morbihan - 177 km 2018, par Spads

L'auteur : Spads

La course : Grand Raid du Golfe du Morbihan - 177 km

Date : 29/6/2018

Lieu : Vannes (Morbihan)

Affichage : 3765 vues

Distance : 177km

Matos : - Salomon Sense Mantra 3
- Bâtons Black Diamond Distance Carbon Z
- Sac Raidlight Ultra Vest 12l

Objectif : Terminer

5 commentaires

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La boucle est bouclée !

24 heures après l'arrivée, il est temps d'essayer de mettre un peu d'ordre dans tous ces souvenirs et émotions qui se bousculent...

Les chiffres pour commencer : parcours terminé en 37h55 sur mon chrono (sans le temps de traversée en bateau), réparti en 30h40 en déplacement (à une moyenne finale de 6 km/h) et 7h15 d'arrêts divers (repos, repas, soins...).

Impression globale sur cette expérience : ça s'est plutôt bien passé, je pense avoir mis à profit mon expérience de l'année dernière. "Seulement" deux passages dans le dur, que j'ai finalement réussi à gérer correctement.

 

C'est parti :

Le départ de la course a pourtant été difficile : j'ai souffert pendant les 2 premières heures. Trop chaud, un gros mal de crâne qui s'est installé 1h avant le départ, beaucoup de tension un peu partout... Je pense que c'était des manifestations d'un stress qui ne voulait pas s'assumer...

Le passage pieds dans l'eau à Arradon a été comme un réveil pour moi, et a tout débloqué : 1er secteur sur les rochers avec de l'eau à mi-cuisses voir plus (très limite, relativement dangereux, j'ai trouvé le moyen de me casser la g... et de me retrouver mouillé jusqu'à la poitrine !) et 2ème secteur plus "cool" (eau aux genoux, sur plage de sable sans pièges).

Je suis ensuite rentré véritablement dans ma course à partir du 18ème km : je passe le plus clair de mon temps à courir autour de 8,5 km/h, et je marche dans les endroits techniques ou dans les montées. Je garde cette allure jusqu'à Larmor Baden au 35ème km (1er ravito avec mon assistance : on discute tranquillement, on rempli mes gourdes pendant que je mange, je récupère mon petit sandwich seigle / jambon / chèvre que je mangerai ensuite en marchant pour ne pas être arrêté trop longtemps).

Ensuite, toute la nuit, du 35ème km jusqu'à l'embarcadère de Locmariaquer au 82ème km, tout se passe super bien : j'alterne marche avec bâtons (à environ 6,5 km/h) et course (lorsque c'est roulant ou descendant). Je passe une bonne partie du temps avec un coureur qui avance de la même manière et c'est vraiment bien : on se relaie devant régulièrement, sans discuter plus que ça, mais un truc est passé entre nous (on s'est même retrouvés à l'arrivée, presque ensemble, alors qu'on s'était perdus de vue depuis Arzon !).

Vient ensuite la traversée en bateau, 10 minutes pendant lesquelles j'ai failli m'endormir bien callé à l'avant du Zodiac (et donc à l'abri des éclaboussures, ceux qui connaissent comprendront) et un petit bout de 5 km ensuite pour rejoindre le gymnase d'Arzon au 87ème km : 2ème assistance.

Je mange, je me raffraichi un peu, je me fait masser les épaules et le cou, je change de t-shirt, on discute, on me rempli mes gourdes, et je peux repartir (avec le sourire) pour la 2ème partie du parcours qui s'annonce difficile : il est environ 9h, la chaleur va commencer à arriver. Je me mouille régulièrement tout le corps, je bois très souvent mais par petites quantités. Physiquement je me sens bien, je marche les 2/3 du temps et je peux continuer à courir doucement quand le terrain s'y prête (ça fait du bien à la tête, ça relance et cela permet de faire travailler différemment les muscles).

Premier coup dur : un peu avant le point d'eau de la Pointe de Bernon (qui est au 110ème km) quelqu'un a mis le bouton sur OFF, d'un seul coup ! Plus de jambes, trop chaud, je ralenti un peu ma vitesse de marche (je ne vais plus courir à partir de ce moment) et je me bat pour ralier ce fameau point d'eau. Là, je me mouille entièrement, je retire mes manchons aux mollets, je m'assois à l'ombre 15 min, je mange un peu et... ça passe !

Je repars uniquement en marchant, je fais attention de bien utiliser les bâtons et la puissance des bras pour soulager les jambes et aider à avancer, en restant autour de 5,5 / 6 km/h. Je rejoins ainsi Sarzeau au 120ème km : 3ème assistance.

Routine habituelle : manger, on me masse les cuisses qui commencent à se contracter un peu, remplir les gourdes, etc... Il fait très chaud dans la salle, je me balade torse nu en cuissard sinon je transpire à grosses gouttes, plus que dehors et je risque de perdre le bénéfice d'une bonne hydratation jusque là.

Ca repart, j'arrive à garder une bonne allure de marche (quelle bonne idée j'ai eu de m'entrainer avec ces bâtons depuis 2 mois !). Je passe Le Hezo (135ème km) qui est l'endroit où j'ai jeté l'éponge l'année dernière (tout un symbole)... Mais cette année je vais au bout, je le sais. Arrivé à ce point c'est une évidence pour moi !

Je rejoins le point d'eau de Noyalo au 141ème km : 2 robinets isolés au bord d'un stade, personne de l'organisation, pas de pointage (je pense à ceux qui me suivent à distance et qui vont s'inquiéter car le prochain ne sera qu'à Séné, en SORTIE de ravito et il y aura donc beaucoup de temps écoulé depuis le dernier pointage au Hezo)... Mon assistance est là pour me faire un coucou (mon père et mon beau-père), certains coureurs les remercient d'être là, les prenant pour des bénévoles de l'orga...

Deuxième coup dur : 3-4 km avant Séné je suis épuisé. J'ai besoin de sommeil (pas dormi depuis le départ), heureusement que j'ai les batons sur lesquels m'appuyer. J'ai des hallucinations : les arbres deviennent des têtes d'animaux étranges qui me regardent passer (véridique...)... Je suis vraiment à la limite... 50 mètres devant moi un coureur s'assoit (se laisse tomber ?) sur le bord du chemin. Je lui demande si ça va : il est épuisé aussi, et veut dormir là. Je lui dis que je suis dans le même état et lui propose de repartir avec moi pour faire la route ensemble jusqu'à Séné où on pourra dormir à l'abri. On rejoint doucement la salle, juste avant d'un très gros orage n'éclate (et là je pense à mon compagnon qui aurait été très mal couché dans l'herbe, de nuit, sous cet orage qui durera plus d'une heure...). On ne s'est pas revus, j'espère qu'il a terminé.

J'arrive donc à Séné, au 155ème km, à 00h30. Je prévoyais d'y rester 1h30 environ, le temps de me reposer. Mais la violence de l'orage et la pluie qui ne s'arrête pas m'a fait prendre une décision qui sera la bonne (j'en suis persuadé) : je reste plus longtemps, je mange, je soigne des grosses ampoules qui risquent de me poser des problèmes sur la fin... Je ne dors pas beaucoup (30 min environ) mais je passe presque 2h allongé, ce qui me fait beaucoup de bien (mais qu'est ce que la salle est bruyante...).

Je repars à 4h30. La pluie reprend de plus belle mais il faut bien y aller. Mais au moins je suis reposé, motivé comme jamais, remonté comme une horloge : dans ma tête je suis déjà arrivé. Je connais par coeur la fin du parcours. J'avance bien, je marche même à 6,5 km/h sous la pluie, de nuit, sur le chemin côtier un peu technique de la Pointe du Bil à Port Anna. J'ai le sourire, je chantonne dans ma tête, je suis trempé : ça y est, le Grand Raid est pour moi !

Je vais mettre tout pile 4h de Séné à l'arrivée. Je retrouve Valdes venue à ma rencontre un peu avant le port, qui me trouve en forme (un grand merci, encore une fois), je m'arrête quelques instants pour retirer l'équipement de pluie (j'ai trop chaud), ma petite famille est là pour les 300 derniers mètres et partager ce moment, je retrouve mon père et mon beau-père, pour finalement passer la ligne sous le soleil à 8h30 (en courant, à mon grand étonnement), le sourire aux lèvres.

Je suis très content d'avoir bouclé ce Grand Raid. C'est une expérience à part, ma première très longue distance (je n'avais jamais dépassé 140 km, l'an dernier). 38h hors du temps, hors du monde...

Il faut redescendre doucement de mon nuage... Tout va bien 24 heures après : pas de douleurs particulières pour le moment, pas de mal de jambes. Seule chose handicapante : les ampoules sous les pieds, soignées mais encore douloureuses, qui demandent à marcher sur des oeufs. Et de la fatigue bien sûr, mais avec du sommeil ça va passer.

Madame m'a dit "Tu peux être fier de toi". Je ne suis pas fier, ce n'est pas de la fierté. Mais j'ai une grande satisfaction, des images et des sensations plein la tête, pour un bon moment je crois...

5 commentaires

Commentaire de Twi posté le 02-07-2018 à 15:49:11

Toujours impressionnant ! Respect !
Satisfait, étymologiquement ("satis" = assez en latin), ça veut dire que tu en as juste ce qu'il faut. Je suis d'accord avec Madame, tu peux être fier.

Commentaire de philou85 posté le 02-07-2018 à 19:29:06

reste encore sur ton nuage , serein ; bravo pour ta belle gestion et ton CR

Commentaire de Shoto posté le 03-07-2018 à 14:09:26

Très belle course et très bon récit. Merci.

Commentaire de valdes posté le 03-07-2018 à 18:20:14

Ben je suis très contente que tu l'ai fini ce foutu ultra marin et contente d'aller à ta rencontre (autrement je ne l'aurais pas fait). C'est encore une plus belle victoire quand on sait comment c'était compliqué cette année, tu peux envisager d'autres trucs encore plus oufs que ce truc de ouf de Morbihan, vu le moral d'enfer que tu as.
Un gros bisous. J'ai passé un chouette moment avec toi. Faut qu'on remette ça

Commentaire de Spads posté le 03-07-2018 à 18:26:30

Bien sûr qu'on va remettre ça, comme je te le disais à l'instant ! :)

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