L'auteur : Coureur du 34
La course : Trail du Ventoux - 48 km
Date : 16/3/2014
Lieu : Bedoin (Vaucluse)
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Distance : 48km
Objectif : Terminer
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4h30 du mat', faut être un grand malade pour se lever aussi tôt un dimanche afin de partir à l'ascension du Ventoux. C'est ce que je me dis en mangeant ma banane et mes céréales et en sirotant ma bouteille d'Hépar...
La nuit n'a pas été franchement bonne car honnêtement, j’ai la boule au ventre avant ce saut dans l’inconnu. Certes, j’ai pas mal de kms au compteur et un bon entraînement route. Par contre, à part un peu de PPG artisanale et irrégulière (répétition de génuflexions pour les cuisses et pointes des pieds pour les mollets devant la glace le matin), je n’ai rien fait de spécifique pour le trail long et encaisser le dénivelé de 2800+.
A 5 heures, je quitte la maison endormie et 1 heure 40 plus tard, me voilà donc au point du jour à Bédoin avec le Mont Ventoux en arrière-plan qui se détache dans le ciel bleu, majestueux, imposant, impressionnant : la vue est sublime et il mérite bien son appellation de géant de Provence. "Ah ouais quand même" est la phrase qui me vient à l'esprit et la boule au ventre prend quelques tours de taille supplémentaires.
Le temps est idéal, presque chaud mais très venteux. J'ai un double objectif : terminer dans les délais soit moins 9/h9h30, 8h me semble dans mes cordes, et physiquement pas finir trop à la rue.
J’ai donc décidé de suivre mon pote marseillais, celui qui a fait le trail des sangliers avec moi aussi. Il est plus lent mais a l’habitude de faire du long, finisher de quelques 60/70 kms au compteur et un 110 kms dans les Alpes, et de gérer la barrière horaire. Et puis c’est sympa de courir en duo pour ne pas trouver le temps trop long. En l'attendant sur le parking de Bédoin, je mange un demi Gatosport aux fruits rouges et graines de chia, ma touche personnelle. C'est pas mauvais et très digeste.
Le pote est un peu à la bourre pour se préparer et nous arrivons au départ 5 minutes avant. Il faut dire que le parking se trouve à l'entrée de Bédoin et qu'il faut marcher environ 1 km pour rejoindre le départ du trail du Ventoux. On loupe la majorité du briefing mais j'ai capté que le parcours a été un peu rallongé à 48 kms (47.4 kms à mon GPS), que nous ne passerons pas au plus haut du Ventoux pour cause de gel et vent violent...
J'emporte avec moi des Yaktrax glissés à l'extérieur dans les lanières basses de mon camel back, un cuissard long Quechua acheté 2 jours avant, les bas de contention pour les crampes et en complément de protection contre le froid aux jambes, buff, bonnet, gants (2 paires au cas où), 4 gels et 1 barre énergétique sécable goût amandes grillées, un tube de Sporténine (homéopathie des Laboratoires Boiron) contre les crampes et douleurs musculaires, couverture de survie, bande chauffante et mon coupe vent flambant neuf. Mon camelback est plein à craquer!
Nous partons donc très tranquillement en fin d’un peloton de 1500 coureurs. En fait, nous partons trop tranquillement et au 3ème km, je commence à m’impatienter. Le pote me dit que tout va bien et que l’on rattrapera les autres plus tard. M’ouais… Au 7ème km, je vois que nous commençons carrément à être loin derrière et il montre déjà des signes inquiétants de fatigue. Il me dit que ce ne sera pas facile de rester dans les délais horaires alors je décide d’y aller tout seul, tant pis. J’accélère en douceur et j’aurai le plaisir de doubler de manière ininterrompue jusqu’au 30ème km environ, que du bonheur.
Le parcours est somptueux : on démarre à la sortie de Bédouin dans des dunes d’ocre, ça monte bien et on part sur une crête au milieu de falaises. Par moments, nous apercevons le Ventoux au loin avec le soleil derrière. Nous sommes bloqués une paire de fois de longues minutes à l’entrée de monotraces étroits. D’ailleurs, certains coureurs bloquent carrément toute la file en prenant des photos du paysage !!
On poursuit dans des sous-bois de pins et sapins avec des vues ponctuelles sur les Alpilles et le massif alpin côté nord et enfin on arrive au pied du Ventoux enneigé. Il y a une grosse majorité de monotraces, c’est tout simplement magnifique.
Peu après le premier ravitaillement où je remplis mon camel back maladroitement, j’arrive toujours à mon rythme cool mais plus rapide que les autres à la fameuse bifurcation du 14ème km : à gauche, on part pour le 48, à droite, c’est le 26 kms. Aucune hésitation, j’y suis, je me suis levé à 4h30 pour ça, le trail du Ventoux c'est le long avant tout (ah ah ah), je ne vais pas me défiler et puis j’ai vraiment, profondément envie de me mesurer au Ventoux maintenant que je suis à son pied. J'ai une pensée pour mon pote, passera-t-il ici dans les délais et quelle option choisira-t-il?
Nous traversons maintenant de nombreuses plaques de neige mais ça ne gêne pas trop.
Depuis la bifurcation, c’est une montée non-stop jusqu’au 20ème km le sommet du Ventoux. Il y a de plus en plus de neige et nous courons dans la trace des autres, ça glisse un poil mais rien de terrible. Et puis surprise, nous arrivons sur des pistes du ski ensoleillées, la station de Mont Serein que nous traversons pendant une paire de kms au milieu des skieurs ahuries. Rigolo de courir dans ce décor, de passer sous un tire-fesses…
En tout, il y a eu entre 10 et 15 kms de course sur neige et je n’ai jamais utilisé les Yaktrax car l’adhérence était raisonnablement bonne. Je dirai qu’un tiers des coureurs en étaient équipés.
Après la sortie des pistes un peu de sous-bois et nous rejoignons la route fermée (2 mètres de neige !) qui monte au sommet. Je continue à doubler à mon petit rythme, les sensations sont correctes. Cette montée en épingle sur la route est longue de 4 kms approximativement. La vue vers le sommet qui nous domine est extraordinaire, un moment de grâce et de respect où l’on se sent tout petit dans l’immensité de la montagne.
A un kilomètre du mont Ventoux, le vent a forci méchamment et je suis obligé d’enfiler mon coupe-vent, super efficace contre le froid. J’enfile aussi bonnet et gants. Je perds 5 minutes à lutter contre les bourrasques pour arriver à passer mes bras dans les manches du coupe-vent mais ce n’est rien contre ce qui nous attend au sommet.
Lorsque je l'atteins enfin, c’est le déchaînement : des rafales de vent à 100-120 km/h. Nous sommes stoppés nets par moment, comme si nous prenons de violentes claques sur le corps. Ma capuche s’arrache et je suis obligé de mettre la main sur mon visage contre les herbes et les feuilles folles qui volent et nous fouettent. Un enfer, j’ai un moment de panique et je vois devant moi des coureurs arrêtés qui se tiennent à des poteaux ou qui se couchent. Nous basculons face sud du Ventoux, dans les pierriers, en l’absence totale de végétation. Ce vent terrible dure un à deux kms de descente avant de s’apaiser.
Cette descente est très longue et raide et la neige amortit l’impact des foulées donc c’est bien moins traumatisant que la rocaille des pierriers. Nous rejoignons le 2nd ravitaillement du chalet Reynard du 25 kms : 2nd plein de camel back, retrait du coupe-vent, gants et bonnet. La végétation revient enfin et la neige commence à disparaître. Je suis toujours en forme, le moral est bon. Je prends régulièrement des gels Overstim et un peu de salé, ça passe bien côté gastrique.
On m’avait averti que la bascule face sud du Ventoux ne serait pas une partie de plaisir et je commence à comprendre pourquoi. Après une longue descente d’une 10aine de kms depuis le sommet, nous enchaînons par une succession de combes à son pied, descentes raides et montées abruptes, souvent dans la roche et très techniques, toujours dans de bons décors (sous-bois, pied de falaises…). Et là, ça commence à marquer sérieusement l’organisme.
Vers le 35ème, je ne double plus grand monde, je me cale derrière un coureur dont le rythme me convient et je serre un peu les dents. Je regarde ma montre GPS régulièrement pour savoir le nombre de kms restants. Pas de réelle défaillance, pas de crampes, pas de « mur » mais une fatigue musculaire des jambes qui s’installe inexorablement. Je marche dans toutes les montées, je trottine sur le plat et je descends prudemment en retenue.
J’ai pris consciencieusement chaque heure approximativement un cachet de Sporténine qui me semble efficace: je n’ai eu absolument aucune crampe sur toute la course, incroyable. Est-ce ce médicament ? Est-ce un effet placebo ? Est-ce la neige qui a atténué les impacts ? Est-ce l’entraînement ? Un peu de tout ? En tout cas, j’étais heureux de ne pas en avoir eu.
Après les traversées redoutables des combes, j’ai même gagné quelques places, une 20aine je dirai. Puis c'est une longue descente dans un canyon au milieu de falaises et de grottes nous amène au 44ème km et là, nous sortons de la montagne et retournons à la civilisation, au milieu de plantations, vignes et oliviers, encore quelques bosses mineures en sous-bois et nous voyons le village de Bédoin. Je suis cuit dans les jambes mais je peux trottiner sur du plat et allonger en descente.
Une portion goudronnée, la seule de tout le parcours et nous voyons l’arrivée. Je rêve. Et là, ultime "farce" des organisateurs, à 300 m de l’arche d’arrivée à gauche, le parcours part à droite direct dans une dernière montée : je les maudis et je double un coureur qui choppe des crampes devant moi, le pauvre ! Puis nous descendons et je me permets d’accélérer pour franchir la ligne en 7h30.
Je suis super-heureux, j'ai envie de hurler ma joie, je l’ai fait sans défaillance physique ni mentale. Mon classement est modeste, 347ème sur 588 arrivants mais j’ai très bien géré pour terminer en bonnes conditions. Le niveau était globalement relevé avec pas mal de teams Asics, Salomon… au départ. Que dire du premier qui termine en 4h20, un extraterrestre.
Après avoir bu (j'ai trouvé le ravitaillo de l'arrivée du trail du Ventoux vraiment pas terrible pour une course de ce gabarit), je vais au parking me changer dans la voiture et je vois que celle du pote garée à côté de la mienne n’est plus là. Je l’appelle et il m’apprend qu’il a été arrêté au 25 kms hors délais horaires et raccompagné au point de départ par les organisateurs. C’était prévisible malheureusement.
Voilà, le trail du Ventoux, c'est fini, c'est bouclé. Beaucoup de plaisir dans des décors d'exception, un peu de souffrance sur les 10 derniers kms mais rien de terrible (comparé à un final de marathon par exemple) et une certaine fierté de ne pas voir flanché alors que je partais dans l’inconnu. 7h30, c’est presque le double de mon temps de course le plus long jusque-là (3h49 marathon Nice Cannes en 2010) et j'ai tenu : yeeeeeeeees!
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