L'auteur : Ptit Denis
La course : L'Echappée Belle - 145 km
Date : 29/8/2014
Lieu : Vizille (Isère)
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Distance : 145km
Objectif : Terminer
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Kikoureur attentif, mais franchement passif, au sein de notre communauté de coureurs de tous poils, voici après Le Milano City Marathon 2013, le second récit (seulement) que je vous propose. Est-ce par manque de temps, par timidité, ou par volonté (excessive certainement) de demeurer discret ? Je n’en sais rien, mais c’est aujourd’hui avec beaucoup d’envie et de plaisir que je souhaite vous faire partager mon ECHAPPEE BELLE 2014.
Cette aventure débute au terme d’une magnifique escapade autour du Mont Blanc fin août 2013. Tout auréolés de notre statut de finisher de la TDS acquit de haute volée, attablés à la terrasse d’un restaurant, encore plein d’adrénaline, Franck et moi (… et oui toujours Franck de Brignais) échafaudons déjà, à voix basses, l’objectif de l’été 2014 (il convient de rester, pour l’instant, discret vis-à-vis de nos familles respectives !). Tout naturellement, nous nous arrêtons sur l’UTMB ; choix somme toute logique mais que nous ne serons pas les seuls à faire, nous en avons conscience. Finalement pas si discrets, nous sommes immédiatement démasqués par nos épouses qui prennent plutôt bien cette « information ».
Vous n’êtes pas sans savoir que prendre le départ de cette course, même en disposant des points indispensables, n’est pas chose facile. Il convient de passer l’ultime étape du tirage au sort, très improbable la première année en raison de la forte demande et du petit coefficient 1 dont nous disposons. Nous optons pour une inscription groupée afin de demeurer solidaire dans la satisfaction comme dans la déception. Le 15 janvier 2014, la décision tombe : nous ne sommes pas retenus pour l’édition à venir. Nous décidons de ne pas reporter notre inscription sur une autre course de cette édition afin d’espérer une issue plus favorable, par le biais du coefficient 2, lors du tirage au sort de l’année prochaine. D’ici là, il convient de remplir le calendrier, particulièrement le mois d’août 2014, par une épreuve nous permettant de disposer des points nécessaires un an plus tard.
Après quelques temps de recherche, je propose à Franck « une jeune course qui me paraît sympa dans le massif de Belledonne ». Je ne connais pas tous les « détails » mais les kilométrages proposés, et particulièrement le plus élevé, me paraissent être idéaux pour « préparer » l’UTMB à venir. C’est donc sur cette première (et très sommaire) analyse que je valide mon inscription pour l’Echappée Belle Helly Hansen Intégrale. Franck, quant à lui, certainement mieux renseigné, s’aligne sur La Traversée Nord. Face à ses remarques, je prends malgré tout la peine, alors que les dés sont jetés, d’aller plus avant dans mes recherches par l’intermédiaire du site internet et des blogs des concurrents de la première édition. Je commence alors à prendre conscience que mon engagement n’a rien d’anodin. Cette épreuve est annoncée comme la « course de tous les superlatifs » : 145 km et 11000 m de D+ comme de D-, 37% d’arrivants seulement en 2013, des témoignages de participants considérant cet ultra comme le plus dur de l’hexagone (je vous souhaite de pouvoir en juger par vous-même !). Cela m’inquiète d’autant plus que depuis le marathon du Beaujolais en novembre dernier, je suis en délicatesse avec ma hanche droite. Le corps médical ne parvient pas à trouver la cause de mes maux et je dois « adapter » mon entrainement, autrement dit le réduire. Je vis d’autant plus mal cette période que c’est la première fois en dix ans que je suis confronté à une blessure aussi handicapante et persistante, et que le marathon de Barcelone 2014, autre objectif de l’année (je reste et demeure un adepte des 42.195 !), approche à grands pas. Malgré un diagnostic finalement avisé mais tardif de mon ostéopathe, je dois me résoudre à parcourir les rues de la capitale Catalane sans le moindre espoir de passer la ligne sous les 3h00, mon objectif actuel sur cet exercice. C’est enfin le 8 mai que j’obtiens le feu vert du praticien qui m’autorise à m’adonner sans restriction à mon activité préférée.
Je décide alors de me lancer dès à présent dans une préparation longue (plus de 3 mois et demi) version Alekseï Stakhanov, comportement que j’adopte systématiquement dès lors que j’ai un objectif en tête. Je ne vous cache pas que la crainte de l’épreuve à venir ainsi que la frustration d’avoir été contraint de lever le pied durant près de cinq mois et demi sont autant de raisons qui me poussent d’avantage dans cette direction. Afin de mettre encore plus de chances de mon côté, je décide également d’adapter mon alimentation. C’est toujours le cas en période de préparation mais là, je ne le fais pas seul. Si l’idée de départ était de faire appel à un nutritionniste (mon entourage m’y pousse), c’est finalement vers une ambassadrice d’un « régime alimentaire » que je me retourne. Je ne pense pourtant pas avoir besoin de perdre du poids (67 kg pour 176 cm avant la préparation, ça paraît cohérent non ?!), mais je ne résiste pas à mon côté «jusqu’au-boutiste». Les semaines s’enchaînent avec un planning chargé duquel je ne déroge pas : six séances hebdomadaires composées notamment d’une à deux en salle de sport axées sur le fractionné court (tapis horizontal comme incliné), d’une autre pour travailler au seuil anaérobie, et je consacre mes dimanches aux sorties longues sur des circuits sollicitant par leurs profils, leurs distances, ainsi que par leurs portions « sans intérêts » (les bordures de routes nationales par exemple), idéal pour forger le moral. J’ajoute à cela des séances régulières d’étirements, en soirée, coaché par ma danseuse de fille. A partir de mi-juin, j’intègre également des entrainements basés uniquement sur le travail en côtes (en monté comme en descente), ainsi que de la proprioception afin de renforcer mes chevilles dont les ligaments sont plus que distendus après avoir subi prêt d’une dizaine d’entorses, d’un côté comme de l’autre, durant mes années de pratique du handball. Tout cela, combiné à mon substitut de petit déjeuné journalier et à mon attention de tous les instants sur le sujet de la nourriture, m’amène à constater une très nette amélioration de mes chronos, mais également une très nette baisse de mon poids : 58 kg sur ma balance début août. Rétrospectivement, je suis certainement allé trop loin sur ce dernier aspect d’autant plus que l’ultra-trail nécessite de pouvoir compter sur quelques réserves. Ce sentiment est d’ailleurs conforté par les multiples réflexions de mes proches qui s’inquiètent de ma santé et qui constatent également une modification (et pas en bien !) de mon humeur. Ils ont compris plus rapidement que moi les causes de tout cela, mais ne m’en ont pas tenu rigueur : merci à eux et encore pardon. Les mois de juin et de juillet sont ponctués par Le Trail des Aravis et le Maratrail des Passerelles qui se déroulent conformément à mes attentes. A partir du 9 août, et pendant deux semaines, je profite de mes vacances dans les Alpes pour passer en version rando agrémenté de quelques sorties courtes (sauf quand je me perds du côté de Serre Chevalier !). J’essaie également de retrouver une alimentation plus « normale » même s’il n’est pas évident psychologiquement de mettre de côté ce que je me suis imposé durant des semaines.
28 août 2014 – 14h15 : Christelle, les garçons et moi-même (Solène reste à Brignais pour suivre un stage de danse) prenons la route pour Aiguebelle afin de retirer le précieux dossard. Sur place, l’organisation est au top. L’épreuve est annoncée dès l’entrée dans la commune, le parking fléché, et les bénévoles viennent au-devant de nous bien avant l’entrée du gymnase. Un petit tour devant la liste des engagés sur l’Intégrale me permet de prendre connaissance de mon numéro, le 361, et de constater qu’il y a seulement 377 engagés sur ce parcours. Je m’en étonne auprès de la personne chargée de la remise des dossards, qui m’explique que cette deuxième édition « bénéficie » des retours d’expériences de l’année précédente et que la difficulté du parcours limite mécaniquement le nombre de participants. Ce n’est pas fait pour me rassurer, mais il n’est plus temps de reculer. Quelques demandes de précisions concernant la météo, l’équipement obligatoire, et nous prenons la direction de Vizille où nous avons réservé une chambre d’hôtel « au pied » du parc du château d’où le départ sera donné le lendemain matin à 6h00. Après repérage sur place, cet établissement se situe à 30 bonnes minutes « à pieds » de la ligne ; en tenir compte au moment où je déterminerai l’heure du levé. Dîner en famille avec ravioles au menu, retour digestif à l’hôtel, derniers préparatifs (une bonne heure me sera nécessaire !) pour être efficace le lendemain matin, puis il est temps d’espérer passer une bonne nuit qui le sera finalement.
29 août 2014 – 3h30 : Je ne suis pas un adepte des longues matinées au lit mais là, il est vraiment tôt ! Pourtant se lever est facile, l’excitation du départ y est pour beaucoup. Je me prépare discrètement pour permettre au reste de la famille de dormir, aval un petit déjeuné version « tu risques de ne rien manger durant deux jours », vérifie pour la énième fois que le contenu de mon « Kamel » ne s’est pas volatilisé durant cette courte nuit, fais le plein de ma poche à eau, et quitte l’hôtel à 4h40. J’arrive au parc du château 30 minutes plus tard et constate que l’organisation a également prévu le petit déj’ ! Ni une ni deux, je m’attable à nouveau … ben quoi, il reste encore un peu de place au fond de mon estomac, et lors de mon premier repas je n’ai pas tenu compte que j’allais également passer au moins une nuit dehors ! C’est l’occasion d’échanger avec les autres concurrents de l’épreuve, et je ne m’en prive pas. Je passe notamment quelques minutes en compagnie de Jean DUFOUR, organisateur des Corsières des Monts du Lyonnais, qui a participé à la première édition. L’année dernière, le staff médical ne l’a pas laissé repartir du Pleynet suite à un sérieux traumatisme à la cheville, mais cette année, il compte bien rallier Aiguebelle. Ses précieuses indications confirment la réputation que s’est déjà fait cet ultra. Ça va être extrême !
29 août 2014 – 5h40 : Le petit troupeau se dirige calmement sur la ligne de départ pour le briefing. L’organisation nous annonce une matinée clémente mais un après-midi … humide, … très humide. Etant donné la technicité de la course, cette information jette un froid sur le peloton qui n’avait pas forcément besoin de cela. Chacun gère son stress à sa manière. Pour ma part, je vérifie une nouvelle fois que ma « Garmin » est bien opérationnelle, et notamment que les alarmes sont bien désactivées afin de disposer d’une autonomie maximum. J’ai pensé à prendre une batterie afin de la recharger (merci Yves pour ce cadeau), mais le plus tard sera le mieux. Subitement, alors que ce petit concentré de technologie a toujours répondu présent, c’est le bug. Pas celui de l’an 2000, mais le vrai, le définitif. Je scrute rapidement les poignets de mes compagnons d’Echappée à la recherche de propriétaires de ce même outil et potentiellement de l’aide qu’ils pourraient m’apporter. Mais même à plusieurs, rien n’y fait, ma montre ne répond plus. Je dois m’y résoudre : je vais prendre le départ de l’épreuve la plus extrême sur laquelle je me suis aligné sans indication de temps, de vitesse, d’altitude, d’heure, … . « Ne pas psychoter sur cet incident », voilà ce que j’ai en tête ! « Ce n’est qu’un ingrédient supplémentaire qui donnera encore plus de piment à cette Echappée et qui la rendra plus Belle ».
29 août 2014 – 6h04 : Le départ est donné. Cette première étape (il y en aura onze) nous fait quitter la plaine (Vizille est à 271m d’altitude) pour rallier le foyer de ski de fond d’Arselle situé 16,4km plus loin, à 1629m d’altitude, en passant notamment par le col de la Madeleine et le lac de Luitel. Ce tronçon, bien qu’escarpé, ne présente apparemment pas de difficultés techniques majeures. Il est d’ailleurs annoncé sur le roadbook comme « sans difficulté, facile ». C’est effectivement mon impression. Même si les courbes de niveaux se dressent devant nous dès la sortie du parc du château de Vizille, le sentier (profitons-en, il n’y en aura pas toujours un!) est très praticable. Malgré la pénombre, je me suis équipé en mode « jour » afin d’éviter d’avoir à m’arrêter à de trop nombreuses reprises. Je compte donc sur mes petits camarades pour m’apporter la clarté nécessaire durant ces premiers instants de course et ce pari est gagnant. Je peux, sans difficulté, me concentrer sur mon rythme sur cette portion qui m’est favorable. En effet, le côté « roulant » de ce début d’épreuve correspond bien à mes caractéristiques et ne me met pas en délicatesse avec mes chevilles. Le dénivelé crée rapidement de petits groupes mais, je ne me résous pas à en occuper un de façon prolongée. Mes impressions sont excellentes, je me sens bien, j’en ai sous le pied, et mes « traquas électroniques », bien que présents, se transforment en anecdote. J’avale donc régulièrement, mais sans précipitation, les grappes de coureurs qui se présentent à moi. Arselle et son ravitaillement sont annoncés. Il est prévu que Christelle soit là avec les garçons et que mes parents les y retrouvent. Mais rien n’est moins sûr. Seront-ils partis de l’hôtel suffisamment tôt ? Auront-ils trouvé le lieu du ravitaillement facilement? Mes parents, jeunes retraités en vadrouille durant la semaine, seront-ils au rendez-vous dès à présent ? Soudain, j’aperçois Christelle, Rémi et Titouan et lève les bras afin qu’ils m’identifient. Malgré l’heure matinale et la courte nuit qu’ils ont passée (ils se sont levés à 5h00), ils sont au taquet ! Christelle m’informe que mes parents les rejoindront un peu plus tard et que je suis dans le top 10 (relais compris). Elle doit se tromper, mais si c’est vrai, autant continuer de profiter de ce terrain tant qu’il se présente. Je prends malgré tout le temps de me délester de ma batterie (montre out = batterie inutile) mais conserve ma « Garmin » par peur d’une disqualification éventuelle pour cause d’absence d’équipement obligatoire. Je me restaure rapidement pendant que Christelle fait le niveau de ma poche à eau, et jette un œil aux affichettes d’encouragements réalisées par les garçons. Titouan, 6 ans et demi, se lance dans une explication détaillée de son chef d’œuvre que je dois délicatement abréger sans quoi j’y serais peut-être encore, et s‘étonne de me voir repartir. Ça ne manque d’ailleurs pas de faire sourire les autres accompagnateurs présents sur place.
Prochain objectif : le refuge de la Pra (au km 27.5 et à 2116m d’altitude) en passant par un chapelet de lacs (Achards, Robert, David) et de cols (de l’Infernet, de la Botte, des Lessines). Je repars à l’arrière du petit groupe que je précédais à mon arrivée à Arselle. Une zone de plat puis le sentier s’élève à nouveau en restant facilement praticable jusqu’au col de la Botte. Est-ce le ravitaillement ou le D+ qui provoque cet effet-là (544m de D+ et 17m de D- en 4.7km), mais le petit groupe éclate doucement mais surement. Je me retrouve rapidement en compagnie de Christophe ANSELMO, dossard n°7, (je ne le connaissais pas, je suis allez récupérer son nom sur la liste des arrivants !) avec qui j’échange quelques mots. Le contact est d’autant plus facile que nous venons du même secteur (il est de Lyon). Il est alaise, tout comme je le suis pour l’instant, et nous prenons le large rapidement. J’apprends que cette épreuve est son premier ultra (pour une première, c’est du suicide !) et qu’il a fini sur le podium du Maratrail des Passerelles. Cette dernière précision m’inquiète quelque peu (j’ai fini 27ème sur cette course) et je crains d’être en surrégime … ou c’est peut-être lui qui fait preuve de prudence face à ce type d’exercice qu’il aborde pour la première fois !? Je continue malgré tout à faire confiance à mes impressions et garde le même rythme pour l’instant.
Au col de la Botte, le dénivelé s’inverse jusqu’au pied du lac David. Je suis moins à mon aise sur ce type de profil dès lors que la technicité s’accroit (dito mes chevilles en carton) et c’est le cas à partir du lac Robert. J’adapte donc, comme prévu, ma vitesse à mon ressenti, et vois mon compagnon d’Echappée s’éloigner doucement. J’atteins le refuge de La Pra en milieu de matinée, et constate que je ne suis pas le seul à avoir finalement ralenti. Tous les feux sont au vert. Les bénévoles, ici comme sur les autres ravitaillements, sont au top. Ils nous servent de quoi grignoter, nous encouragent, font le niveau de nos poches à eau, et renseignent sur la suite du parcours. L’un d’eux m’indique également, en me voyant sortir mon portable, qu’il n’y a pas de réseau ici. Dommage, je comptais informer Christelle, qui n’a pu se rendre à ce ravitaillement, de ma position. J’enverrai un SMS du prochain ravito.
Un 360° pour en prendre plein les yeux, et c’est reparti. Prochaine étape : refuge Jean Collet (au km 39.7 et à 1942m d’altitude). Cette portion aurait dû nous faire passer par le point culminant de la course : La Croix de Belledonne. Cependant, les prévisions météo rendent l’accès à ce sommet trop dangereux et l’organisation a pris la décision (sage selon certains, malheureuse selon d’autres : c’est toujours le même débat au sein du peloton dans ces cas-là !) de nous le faire contourner. Sur le papier, ou plutôt sur le roadbook, cette étape c’est du lourd, du très lourd. Les couleurs utilisées pour caractériser les difficultés sont le rouge, le noir et le violet. Je traduis : difficile, très difficile et très délicat (pas de sentier). Les appréciations de l’orga sont fidèles à la réalité. Certains passages présentent même de réels risques de chutes, et pas simplement de sa propre hauteur si vous voyez ce que je veux dire ! Ce « terrain de jeu » n’est pas celui sur lequel je m’exprime le mieux, c’est clair, mais nous sommes tous logés à la même enseigne, alors je me mets dans ma bulle et j’avance. Je profite malgré tout du spectacle que nous offre mère nature au bord des lacs du Domenon, du col et du glacier de Freydane, et du lac Blanc, mais recentre rapidement mon attention sur ma progression. C’est dans ce secteur que je fais mes premières chutes, que mes pieds décident de se désaxer plus que de raison des couples tibia / péroné. Cependant, je reste branché sur l’objectif premier : avancer à un bon rythme, en monté comme en descente, dans les pierriers comme sur les monotraces, pour avoir la chance de pouvoir finalement faire les compte à … Aiguebelle. A proximité du lac Blanc (me semble-t-il), afin d’ajouter un peu de difficulté, mon genou droit se dit qu’il peut certainement fendre le rocher qui se présente à lui ! Quel con celui-là ! Je suis bon pour une belle entaille, une douleur vive puis lancinante qui me tiendra jusqu’à l’arrivée, et la sensation que cette articulation ne demande qu’à enfler. Mais l’essentiel est préservé : je peux toujours courir ! Je termine ma descente sur Jean Collet en me disant que ça se passe finalement bien pour l’instant, et constate que je ne me suis pas fait avaler par tant de coureurs que cela. Le départ de Jean Collet empruntant, sur quelques décamètres, le même « sentier » que l’arrivée, je m’aperçois que mes prédécesseurs sont juste-là. Il est 12h20, je suis badgé par le G.B. (gentil bénévole) et pointe à la 15ème place pour l’instant. Un petit SMS à ma super team, ravitaillement solide et liquide, puis demande de renseignements concernant le parcours à venir et la météo. Sur ce dernier point, la réponse est assez évasive : « qui vivra verra ! ».
L’étape qui se présente nous fait rallier le pas de La Coche au PK 46.8 et à 2000m d’altitude. Le niveau de difficulté reste dans la même veine que celui auquel je viens d’être confronté. Il se résume très simplement : 537m de D+ en 3.9km pour rejoindre la Brèche Fendue par le col de la Mine de Fer, puis 479m de D-, en 3.7km, pour avoir droit à la prochaine soupe. J’entre à nouveau dans ma bulle car cette portion demande encore plus d’attention. Les passages « exposés » succèdent aux tronçons chaotiques, aux secteurs techniques et aux pierriers. Autour de moi, tout n’est que minéral et le risque d’y laisser une cheville ou un genou me paraît permanent. Malgré mes précautions, notamment dans la descente de la Brèche Fendue jusqu’au ruisseau de la Grande Montagne (407m de D- en 1.7km seulement), la valse des chutes et des chevilles tordues se poursuit sans pour autant me faire décapsuler. Un gros « MERDE » ponctue parfois ces incidents, mais à part quelques égratignures aux mains, aux pieds, et des raideurs ligamentaires, qui disparaissent rapidement eu égard à l’inutilité de ces « tendeurs » me concernant, rien de grave. Mon allure n’est évidemment plus la même, mais la motivation est toujours là. La pratique de l’ultra-trail, contrairement aux épreuves plus courtes, nécessite d’accepter les changements de rythme et les baisses de forme. Le secret est de garder en tête que rien n’est définitif, qu’après la pluie vient le beau temps. Comme le dit le « grand philosophe JCVD » : « step by step ». C’est notamment à l’aide de cet adage, et finalement sans trop réfléchir (là aussi inspiré par JCVD !), que j’atteins le pas de la Coche à 14h40 et à l’allure vertigineuse de 3.26km/h de moyenne depuis ma dernière pause. Un nouveau SMS à Christelle pour lui indiquer ma position et l’informer estimer à 3h environ le temps qu’il me sera nécessaire pour rejoindre Le Pleynet. Elle me répond immédiatement que mes parents, les garçons et elle viennent justement de prendre la route depuis Allevard (où nous avons loué un mobil-home) pour rejoindre cette base de vie, véritable stand pour les participants de l’Intégrale et lieu de départ des concurrents de la Traversée Nord le lendemain matin.
Après avoir fait le plein, je repars impatient d’atteindre le 62ème km pour y retrouver ma team ainsi que la famille Berthillot (dont Franck est le patriarche) qui a prévu de m’y attendre dans la mesure où je ne traine pas trop. Prenant le départ de la Traversée Nord le lendemain, Franck ne peut se permettre de compromettre ses chances par manque de repos la veille. Le profil conserve la même logique que celle qui nous est « proposée » depuis le refuge de la Praz, à savoir un bon raidard puis une sévère descente et tout cela identifié en rouge et en noir. Une variante cette fois-ci : après avoir grimpé jusqu’au col de la Vache puis rejoint celui de la Vieille, le dénivelé reste descendant jusqu’au Pleynet mais en version « facile ». Je demeure donc en mode « sécurité » durant la première partie du parcours en m’aidant de mes précieux bâtons et en tentant d’éviter les torsions (toujours les mêmes). Le passage en bordure des lacs des 7 Laux annonce la barrière des 2000m d’altitude, le retour à un paysage plus arboré et à des sentiers plus praticables. Je ne suis d’ailleurs pas mécontent de quitter cet environnement minéral, traversé sans être confronté à la pluie et … heureusement. Je retrouve un terrain qui me permet de m’exprimer sans retenue. Je profite d’ailleurs des 2.8km qui séparent le chalet du Pra du terme de cette étape pour « envoyer sévère ». Cela me permet de revenir sur les concurrents qui m’ont dépassé dernièrement et de prendre le large sur ceux qui me suivent. Sur le dernier kilomètre, mon allure est même à peine raisonnable, l’odeur de l’écurie certainement, et c’est « plein badin » que je passe sous l’arche suivi par mon père venu à ma rencontre.
L’accueil réservé aux concurrents est magnifique et c’est chargé d’émotion que je réponds aux questions du speakeur en cette fin d’après-midi. Je retrouve enfin ma tribu ainsi que Caro, Thomas et Franck. Ma démarche n’est pas très rectiligne, ma voix chevrotante, et cela semble les inquiéter. C’est sans doute l’effet d’un cocktail détonant composé des 62km que je viens de parcourir durant ces 12 dernières heures (avec 5035m de D+ et, 3862m de D-), de la tension qui fut la mienne durant les passages très techniques, et de la charge émotionnelle énorme liée à ma fierté et à ma satisfaction d’être ici entouré de mes proches. En m’apercevant, les réactions de ces derniers sont différentes et correspondent parfaitement à leurs caractères. Ma mère, très inquiète, semble catastrophée mais ne s’en ouvre pas à moi directement. Elle préfère le faire remarquer à plusieurs reprises à Christelle, qui, elle, gère cela comme un chef malgré ses propres angoisses. Mon père, quant à lui, est « à fond ». Est-ce un surcroit de confiance ou de l’inconscience … ? Il finira par raisonner les plus inquiets. Franck, très préoccupé par l’arrivée de la nuit combinée aux difficultés à venir, est aux petits soins et n’est pas avare de recommandations. C’est donc « coucouné » que j’ai droit à un vrai repas et à me changer intégralement (le sac d’allègement était acheminé par l’organisation).
Certains concurrents iront même jusqu’à s’assoupir un moment mais pour ma part, je n’en ressens pas le besoin ; trop d’adrénaline ! C’est malgré tout après une vraie bonne coupure (plus d’une heure) que je me présente à nouveau sous l’arche équipé en version « nuit » et remonté comme un coucou.
C’est reparti pour 16.4km, 1120m de D+ et 1480m de D-, qui me permettront de rejoindre le Gleyzin. Cette entame me rappelle le départ de Vizille. Pas par son dénivelé, qui ici est descendant sur 5.7km, mais par sa faible technicité. C’est le terrain idéal pour mon redémarrage (physiquement comme psychologiquement) ainsi que pour les concurrents de la Traversée Nord qui, le lendemain matin, profiteront certainement de cette large piste pour en découdre dès le départ. J’imprime un bon rythme dès à présent, quoique moins rapide que mon allure d’arrivée au Pleynet. Il reste encore un bon bout de chemin à parcourir et les 82km à venir ne me seront certainement pas tous aussi favorables. Je ne sais pas si mon arrêt a été plus ou moins long que ceux des autres concurrents, ni à quelle place je me situe, mais je ne m’en inquiète pas ; l’objectif est bien de rallier l’arrivée. Je vis cette remise en route quasiment comme une nouvelle course (toujours step by step !). J’ai rapidement un coureur en ligne de mire que je rejoins sans tarder. A l’entrée dans Fond de France, des banderoles d’encouragements lui sont adressé. Il effectue cette course en relais et débute son périple par la traversée de sa commune : géniale comme motivation ! Nous passons devant le refuge de la Martinette, longeons le lac de Fond de France, puis attaquons les 4.4km de monté à travers les bois. Cette ascension est très raide jusqu’au premier chalet de la Grande Valloire (826m de D+ en 2.3km), et le sentier se rétréci au fur et à mesure de notre progression. Après avoir distancé mon compagnon de route dans cette côte, le terrain s’aplani, les arbres commencent à disparaitre (nous sommes au-delà de 1800m d’altitude) et c’est finalement ensemble que nous atteignons, à la lueur des frontales, le deuxième chalet de la Petite Valloire. Le profil se raidit à nouveau dans un environnement plus minéral jusqu’au refuge du Léat. C’est alors que deux traileurs « off », sortent de nulle part, se portent à notre hauteur, et interpellent mon compagnon d’Echappée en lui reprochant, avec humour, de ne pas les avoir attendus. Motivés par ces retrouvailles, les 3 compères prennent le large dans la descente de 4km qui nous emmène au Gleyzin. Je retrouverai finalement ce coureur à plusieurs reprises sur le parcours et finira par le lâcher définitivement. Il est 23h28 quand je suis bipé, et retrouve Christelle et mon père, toujours au taquet. Je les laisse prendre soin de moi pendant que je centre mon attention sur les indications des bénévoles quant à l’étape qui va suivre. C’est en effet le col de Moretan qui s’annonce, secteur délicat à franchir de jour, alors qu’en dire de nuit !?
Il est 23h45, je quitte la bergerie pour affronter ces 9.7km, 1419m de D+ et 691m de D- qui me séparent de Périoule. Sur le roadbook, tout n’est que rouge, noir et violet. Les organisateurs conseillent de faire le plein avant d’affronter ce secteur, mais mon arrêt fut finalement assez bref. J’espère ne pas avoir à le regretter plus tard. Je m’élance, sur quelques décamètres et en sens inverse, sur le sentier plat emprunté précédemment, et bifurque à gauche prêt à en découdre avec les courbes de niveaux. Cette ascension de 6.1km permettra d’atteindre le col Moretan … 1410m plus haut. Elle se décompose en deux secteurs de dénivelés quasi identiques : le premier propose un sentier raide mais plutôt régulier jusqu’au refuge de l’Oule, et le second voit la trace devenir de moins en moins visible en cheminant dans les blocs. J’opte pour l’option « débranche ton cerveau » afin de me concentrer sur un objectif unique : avancer aussi régulièrement et rapidement que possible sans m’autoriser le moindre arrêt. Bien qu’habituellement à l’aise dans cet exercice assez simpliste (dito mon côté stakhanoviste), la pente est un rude adversaire et, malgré l’aide précieuse de mes « Leki », les cuisses grimacent, les mollets crient quand j’atteins le refuge. Avec l’apparition des pierriers, le terrain devient, pour moi, plus hostile. Je n’excelle pas dans cet exercice d’équilibriste pour la raison physique déjà évoquée, mais également parce que l’utilisation des bâtons ne peut se faire qu’avec la plus grande vigilance sous peine de les coincer entre les blocs. De plus, la nuit ne simplifiant pas l’exercice, je dois partager mon attention entre mes appuis et le repérage des fanions qui donnent le cap. Je me retrouve d’ailleurs à plusieurs reprises hors trace à chercher le reflet du drapeau suivant. Certains, titulaires des options « chamois » et « GPS », s’en tirent beaucoup mieux que moi, et atteignent le col à une allure qui me paraît folle. Je ne fais cependant pas cas de ces frontales qui s’élèvent dans la nuit, et avance à mon rythme : la tortue a finalement battue le lièvre ! C’est avec un gros « QUELLE SALOPERIE ! » que je me présente aux bénévoles postés sur la crête. Nouveau grand coup de chapeau à eux qui ont passés deux jours et deux nuits dans le froid et sans confort pour le nôtre. En dix ans, je me suis aligné, à la louche, sur prêt d’une centaine d’épreuves, et les bénévoles rencontrés en traversant Belledonne décrochent sans conteste la palme de l’accueil, de la gentillesse et de la serviabilité. C’est plus que l’esprit trail, c’est l’esprit Belledonne ! Quelques mots échangés et il est temps de basculer pour en découdre avec 685m de D- étalés sur 3.6km seulement. Au menu : un long névé équipé de cordes pour espérer ne pas avoir le derrière trop humide, une moraine très raide, un nouveau pierrier comme plat de résistance, puis en guise de douceur, retour de la trace considérée malgré tout comme très difficile. En résumé tout ce que j’aime ! Je me cale alors en mode « 2CV » avec comme idée permanente de ne pas finir mon aventure sur cette pente. Alors que certains me donnent l’impression d’être équipés de skis, j’entame la descente du névé par petits pas, la corde soigneusement enroulée autour de mon avant-bras droit, et en prenant bien soin de planter mes talons dans la neige glacée. Toutes ces précautions n’empêchent pas les chutes (je tomberai 3 fois sur cette patinoire), et lors de la dernière, ma main gauche, dans laquelle je tiens mes bâtons, s’ouvre au contact de la glace. S’il n’y a aucune incidence concernant celui de gauche accroché à ma mitaine, il n’en est pas de même pour le droit qui prend la poudre d’escampette. Je l’entends, durant quelques secondes, prendre de la vitesse comme pour me dire « au revoir », puis plus rien. Naïvement, je pense pouvoir le retrouver coincé sur les rochers situés plus bas. Mais il n’en est rien. J’inspecte pourtant pendant plusieurs minutes l’interface entre la neige et la roche, en aval comme en amont, mais je dois m’y résoudre, je l’ai bel et bien perdu. Je me résigne à reprendre, toujours sur le même rythme, ma descente, passe le secteur de la moraine, et « m’élance » sur les blocs. Toujours aussi peu sûr de mon équilibre, je m’aide beaucoup de mon unique bâton pour rester debout, quand je me fais surprendre par un rétrécissement subit de ce dernier et manque d’embrasser le rocher situé devant moi. Certain qu’un brin c’est desserré, j’inspecte son extrémité pour m’apercevoir qu’il n’y en a plus. Je vous épargne la diarrhée verbale à laquelle je m’adonne à cet instant précis, mais ce décapsulage ne dure que quelques secondes, juste le temps de me vider. Je reprends ma progression, atteins les lacs Moretan, puis retrouve la trace qui me conduit jusqu’au ravitaillement de Périoule. Juste le temps de constater que ce dernier pierrier vient d’avoir raison de mes guêtres, qu’une détonation sourde se fait entendre au lointain. Etonné, je ne m’attarde pas et reprend une allure plus convenable sur cet itinéraire encore franchement technique. Les détonations s’enchaînent à intervalles réguliers et me semblent de plus en plus audibles au fur et à mesure de ma progression. Je « fonds », toute proportion gardée, sur le ravitaillement de Périoule installé au milieu d’une prairie et me fais badger. Il est 4h20. J’envoie un SMS à Christelle, échange avec les coureurs avec lesquels un regroupement c’est créé durant cette ultime descente, et joue les apothicaires avec l’un d’entre eux en lui fournissant de quoi se « Noker » les pieds. Nous arriverons d’ailleurs tous dans la même fourchette horaire à Aiguebelle. La fatigue ainsi que la satisfaction se lisent sur les visages (sur le mien aussi j’imagine). Nous sommes conscients que malgré les 56km qui nous séparent encore de l’arrivée, la majeure partie des difficultés est maintenant derrière nous. Concernant les coups de canons, qui retentissent toujours, les bénévoles nous indiquent, en nous servant la tant attendue soupe de pates, que nous n’avons pas à nous en inquiéter. C’est juste pour éloigner les loups des troupeaux de moutons qui paissent dans le secteur ! Cette dernière anecdote nous fait finalement tous sourire, puis il est temps de se remettre en chemin.
Prochain objectif : Super Collet, au PK 98.4 après avoir perdu 750m puis regagné 981m : une vraie montagne russe ! Je continue de descendre, sur 5.8km, un sentier encore très technique durant 1.4km. L’arrêt à Périoule m’a vraiment fait du bien et je n’ai aucun doute d’arriver à bon port. Ce n’est malheureusement pas le cas de tous. Je rattrape en effet quelques trailers qui m’avaient déposé la veille et qui n’ont plus la force d’avancer. Ils ne sont pas nécessairement blessés, j’aperçois tout juste un genou strapé. C’est la volonté qui est entamée. Ils ont baissé les bras, mis le clignotant, et malgré mes barres énergétiques et mes encouragements, je ne parviens pas à les faire repartir. A cet instant de la course, il n’est pas étonnant de voir des concurrents sur la bande d’arrêt d’urgence. En fin de nuit, l’état de fatigue extrême a souvent raison de la motivation, et l’intérêt même que représente cette aventure s’étiole aussi rapidement que l’issue semble inaccessible. Une dernière tentative, mais en vain. Je reprends la trace, qui se transforme en piste, et indique aux bénévoles postés à un check point intermédiaire, aux environs du chalet du Planet (c’était par-là, je crois … ), la présence de coureurs à secourir. Peu après, le dénivelé s’inverse à nouveau, et c’est une montée très raide longue de 4.5km, en forêt puis en alpage, qui m’emmène au refuge de la Pierre du Carre puis me permet d’atteindre le ravitaillement de Super Collet. Je suis d’autant plus heureux de clôturer cette ascension que mes quadriceps et autres mollets sont en feu. Disposant uniquement d’un bâtonnet de 80cm maxi, je ne peux les soulager, et j’avoue même ressentir une courte déception en arrivant au refuge et en constatant, après avoir tenté de l’ouvrir, que ce n’est pas encore ici que me sera servie ma soupe chérie. C’est finalement à 7h56 que je parviens au sommet du télésiège et que j’ai droit au buffet. Au menu : soda pour le coup de fouet, cacahouètes et fromage pour garder l’eau et … parce que je ne vais quand même pas m’en priver durant la course ! Pour me réchauffer, rien de tel que le breuvage qui fait grandir et le soleil qui apparaît au travers de la brume. Traditionnelle prise de renseignements concernant ce qui m’attend auprès des bénévoles, et il faut penser à repartir. C’est que je n’suis pas d’ici moi !!!
Prochain arrêt au stand, Val Pelouse, suite à un long parcours de 14.4km au terme duquel je devrai cumuler 9639m de D+ et 8192m de D- depuis Vizille. Cette antépénultième étape « propose » une longue descente, qui s’accroit en technicité au fur et à mesure que les courbes de niveaux dégringolent, jusqu’au chalet du Pré Nouveau au PK 103.3. Puis, c’est une remonté soutenue jusqu’au col d’Arpingon, point culminant de cette portion : 2256m d’altitude. Les derniers décamètres de cette ascension ainsi que le premier kilomètre suivant la bascule sont caractérisés par la couleur noir. Il en fallait bien encore un peu avant de fondre sur Val Pelouse où je dois retrouver ma meute au grand complet. Depuis Super Collet jusqu’au refuge de Claran, le parcours sur les crêtes est superbe. Je suis à distance un duo de coureurs dont celui qui m’a sollicité à nouveau au dernier ravito pour crémer ses pieds. Il semble préoccupé par l’état de ses petons et m’a accueilli tout à l’heure par un « voilà mon sauveur ! » de soulagement. En ce qui me concerne, ces extrémités commencent à piquer mais je n’ose pas délasser mes pompes pour l’instant. Le soleil joue avec la brume et le spectacle est magnifique. J’apprécie d’autant plus que le terrain me convient bien. La barre des cent bornes est franchie et pour fêter cela, la couleur rouge s’invite de nouveau pour caractériser cette sente pourtant si agréable jusque-là. J’atteins le terme de la descente non sans un certain soulagement. Petit bain de pieds dans le torrent pour marquer l’inversion du profil (avec les arpions qui chauffent, ça risque de macérer sévère sous les lacets !), et c’est 930m de D+ qui se dressent pour parvenir au col 4.6km plus loin. J’optimise l’utilisation de mon unique bâtonnet, tantôt comme une pioche, tantôt comme un étai, pour me propulser jusqu’en haut, puis enchaîne la redescente de 4.9km sur Val Pelouse en mode sécurité. Le chalet, où le ravitaillement est installé, est situé au bord d’un sentier large dont la déclivité fait grimacer mes quadriceps. Dire qu’il va falloir se le taper dans l’autre sens après le casse-croûte celui-là ! L’heure du repas me semble légèrement dépassée quand je me pose enfin. Je n’ai plus les idées très claires mais parviens malgré tout à conter mes péripéties de la nuit à Christelle ainsi qu’à mes parents.
Par chance, ces derniers, qui randonnent régulièrement, disposent d’un bâton de marche dans leur véhicule. Mon père le règle à la même taille que celui qu’il me reste et me le confit. Ce n’est pas le top, mais toujours mieux que mon demi équipement de ces dernières heures. Fatigué, je n’entends plus mes garçons pourtant hyper concernés par le périple de leur papa. Tout en me restaurant, j’essaie de me concentrer sur les explications du bénévole qui détaille la suite du trajet. Je n’ai pas le sentiment d’avoir tout saisi et comprends qu’une fois le coup de cul du départ passé, ça sera de la crème jusqu’au Pontet – les Granges.
Je donne rendez-vous à la famille à ce prochain ravitaillement, au PK 130, et repars assez confiant dans une purée de pois terrible qui ne me permet de percevoir qu’un seul fanion à la fois. J’emprunte le sentier, descendu tout à l’heure en sens inverse, qui rappelle à mon bon souvenir le ras le bol de mes ischios et de mes mollets, puis les fanions s’orientent sur la gauche et attaquent le coup de cul dru dans le pentu. Et quel cul ! 307m de D+, d’un seul coup d’un seul, sans trace, au milieu les pâturages. J’ai beau aimer cet exercice, j’en bave sévère pour atteindre la crête de la Grande Montagne d’Arvillard au bout d’1.8km. Jusqu’au col de la Perrière, la trace est semblable à celle empruntée du côté du refuge de Claran en début de matinée : magnifique. Je n’en profite cependant pas très longtemps puisque déjà la combe est en vue, et je dois y plonger en suivant un sentier très technique. Malgré le grand nombre de kilomètres parcourus sur ce genre de terrain depuis le début de l’aventure, je suis toujours très hésitant sur ces pentes, et pas plus rapide. De plus, mes panards commencent sérieusement à me préoccuper. J’ai l’impression que mes pompes ont rétréci, qu’un essaim de guêpes est en train de s’y former, ou que j’y ai renversé une boite de punaises. En résumé, ça fait plus que picoter quand j’atteins enfin les sources du Gargotton. Petit passage dans l’eau (ça tombe bien, j’avais presque séché depuis la dernière fois, et puis … ça noiera les guêpes !), et le sentier se dresse à nouveau. Ce changement de profil n’est pas normal ! La description du trajet faite par le bénévole à Val Pelouse était pourtant claire : la grimpette, les crêtes, une longue descente technique puis du beurre pour finir ! Or là, c’est une sacrée motte qui se dresse face à moi. Seul depuis le début de la descente, je m’arrête, sort mon roadbook (seulement cette fois-ci !) et constate que j’ai bien à me tartiner le col de la Perche (343m de D+ sur 1.5km). Ensuite seulement, j’aurai droit à une sente vallonnée (col d’Arbaretan, lac des Grenouilles, sommet du Grand Chat) avant de fondre sur le Pontet – les Granges. J’attaque donc les lacets, conscient qu’il n’y a pas que mon physique d’atteint, un peu en colère contre ma faiblesse, mais également soulagé par ce profil qui sollicite moins mes pauvres pieds. La seconde partie de cette ascension est exceptionnelle. Le col est en vue très tôt. Les silhouettes des bénévoles présents à ce check point intermédiaire se découpent sur le bleu du ciel. Oubliés les doutes et les craintes de tout à l’heure, je progresse, bon pied bon œil (heu … faut peut-être pas exagérer là !) dans ce large goulet verdoyant jusqu’au point le plus haut qui me sépare encore d’Aiguebelle. L’accueil de nos anges gardiens est, une fois encore, à la hauteur de cette course : exceptionnel. Quelques mots échangés, une info sur mon classement (entre la 45ème et la 50ème place à ce moment-là), paramètre dont je me préoccupe à nouveau (on ne se refait pas !), et c’est reparti dans un environnement paradisiaque. Le temps est idéal, le panorama digne d’une carte postal, et le parcours légèrement vallonné jusqu’au sommet du grand Chat. Un petit signe au berger et à ses Patous présents sur ces pentes, et c’est la bascule ultime vers le casse-croûte. Au 124ème kilomètre, alors que je n’ai plus vu l’ombre d’un participant depuis près de dix bornes, c’est un train qui fond sur moi, que dis-je, un TGV ! Un peu soucieux, je me retourne juste le temps d’apercevoir le dossard du vainqueur de la Traversée Nord qui me dépose copieusement. Impressionné, je le félicite. Il a la délicatesse d’en faire autant et poursuit sa progression victorieuse en direction de la vallée. Les courbes de niveaux s’espacent. Deux ou trois autres concurrents au dossard vert (c’est la couleur des engagés sur le 85km) me doublent, puis le Pontet est en vue. A 500m du terme de cette avant dernière étape, je retrouve la famille au grand complet, et c’est en meute que nous couvrons les quelques décamètres nous séparant du hameau. Ils ont remué ciel et terre pour me dégoter une nouvelle paire de bâtons et c’est sans regret que je les échange contre mes « brindilles ». Je ne souhaite pas trop m’attarder dans cette salle communale. Pas que je sois mal reçu, bien au contraire, mais l’odeur de l’écurie intensifie mon souci d’éviter d’être repris par des dossards rouges (la couleur des fous lancés sur le 145km). Afin de rallier l’arrivée, le menu est simple : 4km de grimpette à 11% de moyenne jusqu’au fort de Montgilbert, puis onze bornes de descente pour enfin sonner la cloche à Aiguebelle, et tout ça sans perdre une minute.
En cette fin d’après-midi, je repars donc le mord entre les dents, en imprimant un rythme soutenu dès les premiers mètres de la monté afin de compenser ma faiblesse prévisible dans la descente qui suivra. En quittant une dernière fois les miens, mon père, qui a deviné mes intentions, me rappelle que l’important est d’atteindre Aiguebelle. Ses paroles me font sourire. Je dois vraiment l’inquiéter pour qu’il me fasse ce genre de remarques ! Toute proportion gardée, j’envoie du steak dans cette grimpette, en tout cas c’est mon intention. Je rattrape un coureur et parviens même à atteindre le Fort quelques décamètres devant lui. Les bénévoles que j’y rencontre n’ont pas tous le même discours. Certains, conscients de notre état d’esprit à ce moment de la course, me conseillent d’y aller piano, d’autres m’assurent que je couperai la ligne avant la nuit. Pour ma part, je revois mes « objectifs » à la hausse. Atteindre Aiguebelle, c’est quasi acquis ; arriver avant minuit aussi ; franchir la ligne avant 22 heures serait génial. Je vais même jusqu’à imaginer boucler la Traversée de jour, mais là, ça risque d’être chaud. Et chaud, ça l’est. C’est même brulant. Au sens figuré bien sûr, mais surtout au sens propre, et comme vous l’imaginez le foyer se situe au niveau de mes pieds. Dans cette longue descente, chaque pas est délicat. Je prends soin d’éviter chaque racine, chaque caillou par peur de me mettre définitivement hors service. Mon esprit également me joue quelques tours. Les arbres, les souches, les rochers prennent vie à mes yeux (I believe I can fly, I bielieve I can touch the sky …). Ma préoccupation de ne pas être rejoint est toujours présente et s’intensifie de plus en plus. Cependant, mon allure n’est pas à la hauteur de mes ambitions. J’ai l’impression d’être un apprenti fakir qui veut brûler les étapes, mais là, ce sont mes petons qui crament ! Inévitablement, je me fais reprendre par quelques coureurs. L’un d’eux, me glisse deux ou trois mots d’encouragements en me doublant. Un peu vexé et afin de garder un semblant de contenance, je lui fais remarquer que je franchirai la ligne d’arrivée malgré tout. J’ai un peu honte de ma réponse aujourd’hui. L’apparition de portions de route annonce le retour dans la vallée. L’organisation a modifié cette fin de parcours par rapport à l’année dernière où les dix derniers kilomètres n’étaient qu’un ruban d’enrobé. Mes pinceaux lui en sont, aujourd’hui encore, reconnaissant. La pénombre s’installe. Je persiste un moment puis me résous finalement à prendre une minute pour m’équiper de ma frontale. J’identifie bien mieux les obstacles et notamment ce énième bourbier qui se présente du côté de Montgilbert. Comme tant d’autres, je le traverse sans y prêter plus d’attention, sauf que cette fois ce n’est pas de la boue qui me souille jusqu’à mi- mollets, mais du lisier de cochon ! Après les torsions, les contusions, la macération, c’est l’infection qui me guette. Aiguebelle est en vue. J’entends le speaker qui s’efforce de faire vivre chaque arrivée comme une victoire, et elle l’est ! Chapeau à lui aussi, il assumera parfaitement sa tache durant une amplitude horaire de plus de 29 heures ! A la sortie de Montgilbert, j’accélère. Il n’est pas question de franchir l’arrivée autrement que sur un bon rythme. Je traverse le pont enjambant l’A43, puis emprunte sur la droite le large sentier de terre qui m’a permis d’atteindre le parking deux jours auparavant. Ce finish me rappelle celui de la Sainté au cœur du parc de Gerland. Tout comme en bordure du Rhône début décembre, dernier virage sur la gauche et l’arche est en point de mire. Mon père, venu une nouvelle fois à ma rencontre m’encourage, mes enfants accrochés aux barrières hurlent et je passe la ligne à 21h21, en 51ème position, et après 39h17min18sec inoubliables.
Tout comme les 174 autres finishers de ce périple (46% d’arrivants cette année), je fais sonner la cloche, trophée de l’épreuve, à en fendre le bronze et reçois la précieuse dotation que je peux enfin m’autoriser d’arborer. Mon corps comprend alors que la course est finie et se statufie. Ma team est là pour m’assister mais c’est quand même à pieds, et à l’allure vertigineuse de 500m/h environ, que je rejoins le gymnase pour une douche qui sera bien loin de suffire à me requinquer.
Je passe ensuite entre les mains du pédologue et du kiné qui sortent l’artillerie lourde (perceuse pour le premier, huile de coude pour le second). Leurs soins me permettront de récupérer finalement rapidement même si, durant quelques jours, mes pieds ont mutés en pizza Calzone et mes orteils en Knacki Ball.
Cette ECHAPPEE BELLE restera pour moi une aventure hors du commun. C’est pour cette raison que j’ai tenu à vous la faire partager en vous proposant ce récit, un peu long je vous le concède. Il fallait bien cela, me semble-t-il, pour tenter de vous la faire vivre fidèlement. J’espère vous avoir donné l’envie de tenter l’AVENTURE DE BELLEDONNE qui vous laissera, comme à moi, une marque indélébile. A bientôt sur nos courses.
P’tit Denis
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14 commentaires
Commentaire de Arclusaz posté le 28-09-2014 à 19:13:46
Waouch, le cr !!!!!!!!!!
et quelle course.....
P'tit Denis, il a out d'un grand.
Marrant la rencontre avec Christophe. Je l'ai croisé la semaine suivante à la Nuit des Cabornes et effectivement il est très sympa.... mais il court trop vite !
A bientôt j'espère.
Commentaire de franck de Brignais posté le 28-09-2014 à 19:28:05
Je l'ai attendu avec impatience ce récit ! Et je ne suis pas déçu... tu as relaté une sacrée aventure. J'en ai goûté un tout petit bout, mais il me permet de bien me rendre compte ce que tu as traversé...
Une fois encore félicitations !! On sent que tu as vécu quelque chose de spécial... bien loin des chronos supersoniques que tu tutoies, tu as découvert une course hors du temps où seuls les "redescentes" vers les ravitos ramènent à la civilisation. Tu as appris encore, tu t'es renforcé... où t'arrêteras tu ?
Commentaire de Ptit Denis posté le 29-09-2014 à 21:46:20
Je ne sais pas où je m'arrêterai, mais tant que je n'y suis pas contraint (tout comme toi, c'est la catégorie V1 que m'attend l'année prochaine!), je ne me pose pas la question.
Commentaire de Jean-Phi posté le 29-09-2014 à 11:33:52
Superbe récit et superbe performance.
Bravo à toi, arriver au bout de cet effort n'est pas une mince affaire mais tu l'as fait et qui plus est avec la manière. Vraiment bravo !
En revanche, tu viens définitivement de me donner raison à me dire que ce genre de course n'est pas pour moi et que donc, je ne tenterai pas l'aventure. Trop dur pour le petit coureur que je suis.
Au plaisir sur nos petits sentiers.
Commentaire de ChristopheA posté le 29-09-2014 à 15:07:40
Super récit Denis! Merci de nous faire revivre la course un mois après le départ!
J'espère que tu as bien récupéré depuis.
Peut être à l'année prochaine si tu n'as pas le tirage au sort favorable pour l'utmb... De mon coté, il y a de très grandes chances que je revienne :)
PS : un lien avec quelques photos que tu n'as peut être pas vu : https://www.flickr.com/photos/120647974@N04/sets/72157646932498116/page2/
Commentaire de Ptit Denis posté le 29-09-2014 à 21:34:03
J'ai bien récupéré. Tout comme toi, mes pieds ainsi que mes genoux ont pris du volume durant quelques jours et j'ai du me délester d'un ou deux ongles, mais aujourd'hui tout est ok. Concernant l'année prochaine, je ne te cache pas que l'UTMB est un objectif, d'autant plus que le parcours correspond mieux à mes caractéristiques. J'espère que le tirage au sort me sera favorable, mais si ce n'est pas le cas, il n'est pas impossible que l'on se retrouve sur le massif de Belledonne.
Commentaire de Ptit Denis posté le 29-09-2014 à 21:22:29
Content que vous appréciez. Par ce CR, j'ai tenter de vous faire partager tout ce que j'ai vécu, ce que j'ai ressenti ... en essayant de ne rien oublier. Ca explique sa longueur et ... le temps qu'il m'a fallu pour le boucler.
Commentaire de chef_lolo posté le 30-09-2014 à 14:34:04
Merci pour ce magnifique récit ... deux ans déjà que cette course me fait de l'oeil. Je crois bien que ton récit vient d'achever de me convaincre et que l'année prochaine je me laisserais tenter par cette folle course ... qui en plus se déroule chez moi.
Peut-être aura t'on l'occasion de se croiser. Bonne chance à toi pour le tirage au sort de l'UTMB
Commentaire de ddfutmb posté le 01-10-2014 à 13:54:28
Un grand bravo, excellent récit. Beaucoup de plaisir à le lire. Et que dire de la performance. Par contre, pour moi qui espère en être en 2015, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer en lisant l'épopée !
Commentaire de sebmelalix posté le 08-10-2014 à 10:38:59
Salut Denis,
Tout d'abord, MERCI de nous avoir narré ton aventure.
Elle a été exceptionnelle, je suis vraiment admiratif face à la course que tu as réalisé mais également ta détermination, ta préparation...
Et que dire de la performance que tu réalises!!! Respect et chapeau bas.
J'espère que tu pourras réaliser l'UTMB en 2015, car c'est sûr une belle perf t'y attend.
Encore Bravo et j'espère qu'on se reverra sur une course... Enfin qu'à l'arrivée car maintenant, je ne pourrais pu t'accrocher ;)
A+ Seb
Commentaire de Ptit Denis posté le 10-10-2014 à 00:28:28
J'espère aussi te recroiser les running aux pieds ... peut-être sur la Sainté si tu y participe cette année?!
Commentaire de bubulle posté le 15-02-2015 à 08:53:02
Je suis timbré, je suis timbré, je suis timbré..... C'est en gros ce que je me dis après une deuxième ou troisième lecture de ton CR, à la suite des autres CR de l'Echappée Belle que je lis régulièrement....pour me convaincre que je suis timbré de m'être inscrit à cette course.
Mais on apprend énormément avec toutes ces impressions de course et je commence à visualiser progressivement ce qui m'attend...et n'espère qu'une chose : le finir aussi bien que tu l'as fait (bon, si je pouvais ramener mes deux bâtons à bon port, ce serait une idée). Et bravo à tes suiveurs car, il faut le faire d'accompagner "son" coureur ainsi, ce qui est une motivation idéale, sans doute....et un but, sur la fin, que de ne pas les "décevoir".
Merci encore pour cette tranche d'expérience !
Commentaire de Ptit Denis posté le 15-02-2015 à 09:57:56
Nous sommes nombreux à l'être (timbrés), puisque cette année je remets ça, et je ne suis pas le seul! Vite, un psy en Belledonne! Il y a du taf!
Tu verras, la fierté, l'émotion, la satisfaction de boucler cette épreuve dépasseront sans conteste l'appréhension et la tension qui est la notre depuis la validation de notre inscription. Ce sera je l'espère pour toi, une véritable expérience qui te marquera à vie. En tout cas, c'est ce que cette course fut pour moi et pour plein d'autres.
A bientôt en Belledonne!
Commentaire de lecoureurdesbois posté le 17-08-2015 à 16:55:33
Un très beau CR pationnant et riche d'émotion. Bravo pour ton courage, ta performance...
Je vais me contenter du parcours des crêtes si je peu dire seulement.
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