L'auteur : vincevador
La course : Cross du Mont-Blanc
Date : 29/6/2013
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 3779 vues
Distance : 23km
Matos : La tête et les jambes
Objectif : Terminer
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Cross du Mont Blanc Voyage au bout de moi-même...
Comment d’une simple engatsade entre amis un soir à minuit, et la touche “enter” du clavier enfoncée l’on peut se retrouver embarqué dans l’un des plus beaux défis de sa vie sportive.
Bien sûr le terme défi peut sembler risible en comparaison d’un “trail long”, d’un “ultra trail” voire d’un “ultra trail long”. Je voulais d’ailleurs tenter le MMB cash, mais ma sagesse guida le bout de mon doigt largiligne sur une épreuve initiatique plus réalisable pour mon mignon petit corps. L’avenir me donnerait raison.
Presque une année entière à m’imaginer avec ma dizaine de kilos déjà perdu et ceux que souhaitais encore dégommer d’ici l’épreuve mythique. Je me voyais déjà en haut... non pas de l’affiche, mais bien de La Flégère virevoltant littéralement dans les sentiers tel Michel Lanne ou Kilian survolant les sommets. La vérité était ailleurs. Au mois de mai, le constat devenait même alarmant. Blessure à l’ischio jambier contractée chez les ultras potes de Peynier (le badmiton avec les enfants n’étant pas la discipline idéale pour récupérer !).
Puis ce foutu poids, puisqu’il en est souvent question et qu’il dicte in fine ma vie sportive comme souvent ma vie tout court, était remonté en flèche jusqu’à l’olympe des sommets. A défaut de me démoraliser totalement, il influait indubitablement sur ma VMA et ma fréquence cardiaque. Je payais chaque effort consenti. Je rassurais ma coach bien-aimée en lui soutenant mordicus que je ne prendrais pas le départ de cette édition si ce poids n’était pas redescendu à temps dans l’énorme... hem, non : dans les normes !
Une fois encore foutaise !!! (désolé Lili...). Ma stratégie de combat était déjà échaffaudée. Stopper net la Cap pour récupérer au mieux de ma lésion mais garder une sortie trail longue (2h30) dans le Massif de l’Etoile 15 jours avant le D-Day, histoire de balayer mes dernières incertitudes. Un soupçon de vélo pour le cardio et des entraînements quasi quotidiens dans le “Cosmos” (du nom du tapis de course d’ESP qui vous emmène promener à 28% d’inclinaison). Je trouvais ainsi ma cadence minimum en montée : 2,5 km/h maxi pour éviter de me faire sauter le caisson ! Pas brillant, mais un métronome à suivre coûte que coûte, en trottinant dans les descentes pour compenser au mieux les précieuses minutes (ou heures) perdues. Il allait falloir jouer serré...
Cette nouvelle préparation bien rôdée, ne me manquait plus que l’alimentation pour gratter encore quelques hectogrammes avant la grand messe. Et là, hic !... après plus d’un mois de diète et malgré l’intensité des entraînements, le célèbre effet yo-yo faisait son entrée en scène... Un mois et une semaine pour perdre mon premier kilo ! “Putaindebordeldemoimeme” fût le premier mot qui me vînt à l’esprit. Heureusement, durant mes insomnies, je me remémorais la citation de Mark Twain : “Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait”. Je l’adaptais juste à ma petite personne : “Il savait que c’était possible, alors il allait falloir le faire aussi”.
Pour le courage, je n’avais qu’à allumer mon écran estampillé Pomme. Le soir venu quand la maison s’endormait, je puisais chez Anne-Marie, Aurélie, Emeline ou Ida pour ne citer qu’elles, ou tous ces diables de la runnosphère qui rivalisaient de challenges plus ou moins invraisemblables. Comme par exemple Christophe Vissant, un ciotaden adorable parti gambader 377 jours durant sur quelques 28000 km, pour aller essayer de rassurer les tortues australiennes sur l’avenir de la Barrière de Corail... Les défis humains et sportifs s’empilaient ainsi sous mes yeux.
Et puis j’avais le Mont-Blanc. Pas uniquement l’imposante et majestueuse montagne, mais ce qu’elle symbolise encore dans mon petit cœur d’artichaud. Cette part de mon enfance, ce creuset de souvenirs. La Mer de Glace, le Lac Blanc, Tête Rousse... Des randos incroyables avec mon paternel, ma mère nous attendant plusieurs centaines de mètres plus bas, un bon bouquin entre les mains. Durant le trajet, sur la route et traversant Flumet, je reconnu immédiatemment notre centre de vacances... “Le Mont-Blanc”... Tous les chemins m’y emmenaient !
Une halte par Chamonix était programmée. Pour récupérer en catimini mon dossard et tenter rapidement de venir voir l’arrivée de mon “idole” au doigt de pied cassé : le talentueux Michel Lanne. Le champion était encore là, tout sourire, venu simplement encourager ses amis qui s’élançaient sur le Kilomètre Vertical (encore un beau défi de fadas cette épreuve !). Michel était déjà arrivé depuis un moment... Premier ex-aequo avec François d’Haene, main dans la main. Outre la leçon de volonté et la performance, le partage et les valeurs humaines venaient de triompher au bout de 80 km de course de montagne. Chapeau les artistes !
Ne souhaitant pas importuner plus longtemps mon ami, je m’éclipsais après une salve d’encouragement du champion et de sa charmante épouse. Une idée venait une fois encore de germer dans mon esprit farfelu. Si Michel avait encore raflé la mise malgré une blessure douloureuse au pied, je m’imaginais soudainement capable de venir à bout de mon satané cross sans mes bâtons, qui étaient de surcroît interdits sur l’épreuve (L’espoir fait vivre !).
Rayon partage, je n’étais pas au bout de mes surprises non plus. Parmi la foultitude d’amis que je me faisais une joie de croiser à “Cham”, Carole Clairement Sympa me bigofonna pour m’annoncer une excellente nouvelle. Elle venait d’obtenir un dossard pour le cross et souhaitait, comme ma chère Nadia avant elle, jouer les libellules autour du bourdon trailer. J’eût la même réaction qu’avant le marathon. Ce mélange de joie et de gêne en devinant l’allure de la bestiale bestiole. Je crois que je n’avais pas le choix et c’était très bien ainsi.
Un dîner en loup solitaire la veille, repassant dans ma tête chaque KM du parcours et chaque parcelle de dénivelé. Le dernier coup d’œil à la météo du lendemain me fît toutefois frissonner d’avance... Pluie annoncée toute la journée, 3° le matin et 4° l’après-midi... j’imaginais déjà le tarif à La Flégère ! Pas grave. Tant qu’à relever un défi, autant que les conditions soient bien pourries, m’amusai-je. L’avantage de cette péripétie fût d’alléger au maximum mon paquetage. Je ne risquais dorénavant plus de me déshydrater !
Jour J
Une bonne nuit de sommeil plus tard, je rejoignais le site de départ où je retrouvais Carole accompagnée d’un très sympathique Loriot. Le départ était ainsi donné sous une belle pluie froide d’été... Engoncé dans mon anorak, nous nous élançâmes derrière une foule de trailers tous plus affûtés et plus sapés les uns que les autres. C’était incontestablement the Cross to be.
Deux cent mètres à peine et je me sentais déjà dans les choux... Pas de souffle, un poids plus pesant que d’habitude (Si l’on compare souvent un individu obèse à quelqu’un qui porte une machine à laver sur son dos, ce matin-là, la mienne était sûrement une Vedette et la Mère Denis s’était assise dessus !). Mes jambes étaient raides comme des poteaux.
Mon inquiétude grandît quand deux cent mètres plus loin le serre file vînt déjà se caler sur mon flanc droit. Je le saluais poliment, lui lançant un “Enchanté, on risque de se croiser aujourd’hui !”. Le vieux briscard lâcha à son tour à notre petit groupe de retardataires un laconique “Allez, hop ! hop !”. A cet instant précis, je m’imaginais juste dans la scène mythique du “planté de bâton” des Bronzés. Je verdissais dangereusement.
Je me reconcentrais rapido quand une lueur vînt heureusement éclairer ce début de course poussif. Le gang des sudistes, emmené par Ingrid et Xenath nous attendait au détour d’un chemin forestier. Le moment fût bref mais me mît du baume au cœur, à tel point qu’il lança définitivement ma course. Dans la côté qui suivait, je me mis immédiatement en marche active en gardant en respect les quelques autres concurrents à ma portée. Carole me secondait, commençant à distiller ses encouragements non sans efficacité.
Seul un marcheur alsacien à la coupe “punk’s not dead” était tout fier de nous avouer qu’il enchaînait le cross après le 80 km de la veille et avant le marathon du lendemain. Le bavard était bien sympa mais il n’était quand même pas loin de se prendre une flammeküche dans la gueule.
Nous enchaînâmes ainsi fortes montées et descentes en pentes de douce pour arriver à Tré le Champ au KM12 en 2h05. Une bénévole m’annonçait seulement 5 minutes avant le temps éliminatoire alors que nous avions en fait 25 minutes d’avance (première victoire). Je ne relevais pas, et nous ne comptions de toute façon pas rester à déjeuner. Les premiers abandons commençaient.
Nous repartîmes au petit trot, continuant à allier marche rapide et petites foulées. Seules les descentes les plus abruptes me servaient pour griller la politesse aux concurrents un peu en délicatesse avec les dénivelés négatifs. Un grand “PARDOOOON !!!” crié d’en haut était suffisant pour qu’ils laissent un peu de place à la grosse boule jaune qui leur déboulait dessus !
Quelques passages superbes en forêt, à flanc de ravin, à l’approche de petits torrents, voire presque en via ferrata (sous le regard bienveillant des hommes du PGHM) me procurèrent ce sentiment de liberté et d’absolu que j’étais venu chercher.
L’ascension vers La Flégère fût soutenue, rude. Un pas lent mais sûr me faisait progresser inlassablement. A défaut d’avoir le souffle coupé par le panorama, le dénivelé s’en chargeait. Je fît ainsi 2 ou 3 pauses d’une vingtaine de secondes pour faire redescendre le palpitant.Je redoublais aussi d’attention dans les courses en descente en raison de la boue devenue bien glissante. La dernière grimpette vers La Flégère fût longue et très pentue mais le dernier raidillon (mur) presque amusant !
Nous arrivâmes avec 5 minutes d’avance sur la dernière barrière horaire (seconde victoire). Les mains engourdies par le froid, Carole troqua sa tenue trempée contre des vêtements secs. Il ne fallait pas traîner, cette splendide journée d’été commençait à nous glacer sur place. Je restais concentré sur les 5 derniers kilomètres à boucler, avec quand même quelques bonnes tranches de rigolade avec ma super suiveuse. Elle me bichonnait, ramassait mes bâtons que j’avais prudemment emmené dans mon sac, juste au cas où. Je ne voulais en fait même plus les toucher.
J’aurais pu relancer un peu sur cette fin de parcours, mais je préférais garder un peu de jus pour le final vers Planpraz, réputé costaud. La sono résonnait dans la vallée et donnait envie d’envoyer du bois, mais 1 km en montagne après tous les efforts déjà fournis, ça peut faire mal. Carole se lâchait dans quelques belles descentes. J’appréciais et dévalais à mon tour bien sagemment derrière elle.
Le dernier rush vers la finish-line fût épique. Je devait facilement être à... 1 km/h !!! J’avançais, heureux avec ma Bestiale, regardant au loin (en haut surtout) le portique d’arrivée sous la pluie, avec pour unique public un animateur déchaîné donnant toujours de la voix pour les derniers rescapés. La scène était étonnante. 5h27 à ma montre. Bien loin des 6 ou 7 h que je pensais réaliser (dernière victoire). J’étais profondémment ému et laissais éclater quelques sanglots avant de rejoindre avec Carole la tente de ravitaillement pour une soupe chaude bien méritée, ma médaille en or massif autour du cou.
Notre punk alsacien était là et vînt nous féliciter quand la dernière concurrente arriva. La jeune britannique carrément bleue nous ravît donc la dernière place du podium. Les autres coureurs avaient dû être rattrapés par la barrière horaire de La Flégère.
Dans le télécabine, mon bonheur fût un peu gâché quand, alors que je cherchais mon portable dans mes poches humides, il se mit à sonner. Ma chère et tendre, en sanglot, m’annonçait qu’elle m’avait cru décédé depuis plus d’une heure. Les pisteurs l’avaient en effet contactée. Ils avaient perdu mon signal entre deux balises (une vingtaine de puces défectueuses...) et cherchaient à me joindre en vain. Je rassurais du mieux que je pouvais mon ex-veuve éplorée.
C’est sur cette dernière fausse mauvaise nouvelle que Carole et moi retournions sur chamonix pour aller nous désembouer un peu avant de retrouver entre autres Nathalie, Ingrid, Luc, Pat, Sonia, Steve et même Carine. Je ne cachais pas ma joie. J’étais, une fois n’est pas coutume, fier et heureux d’être allé au bout de cette épreuve et presque au bout de moi-même. J’ai bien dit presque...
Vince
Special thanks : Carole évidemment qui m’a encouragée de bout en bout, assuré l’intendance et avec qui nous avon tant ri. Nathalie et Giao de m’avoir “obligé” à m’inscrire ! Toute la runnosphere de m’avoir servi de bâtons. Anne-Marie pour son incroyable courage. Kilian, Michel, Cécile et nombre d’athlètes sans qui je n’aurais sûrement jamais osé quitté l’asphalte bien plat des courses classiques. Lili et ESP pour la préparation et le soutien de toujours (Quelle récup... Je recommence dès demain !). Et puis là-haut Maman et Papa... évidemment toujours là...
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7 commentaires
Commentaire de benoitb posté le 03-07-2013 à 11:08:18
Superbe récit plein d'émotions, et, ce qui ne gâte rien, très bien écrit. Merci !
Commentaire de Reg posté le 03-07-2013 à 14:06:31
Un récit de grande classe.
Bravo et Merci
Commentaire de PhilippeG-641 posté le 03-07-2013 à 14:55:06
Génial !
Très beau récit, j'ai bien rigolé, merci à toi et bravo de l'avoir terminé ce cross.
Commentaire de Samkikour posté le 03-07-2013 à 15:00:45
Super récit, très touchant !
La preuve qu'en course à pied, tout ceux qui finissent la course et remplissent leurs objectifs sont des vainqueurs, parfois même encore plus heureux et fiers que le gagnant de la course !
Bravo pour ta très belle victoire !
Commentaire de joris posté le 03-07-2013 à 16:17:01
récit très émouvant dans lequel on ressent bien tout le travail en amont qui donne à ta performance une saveur toute particulière
bravo et continue sur cette voie !
Commentaire de Arclusaz posté le 03-07-2013 à 17:44:13
J'aime bien les récits du fond de peloton (j'en fais partie aussi !).
celui ci est particulièrement bien tourné avec plein d'auto-dérision. Super gestion de course, juste la britannique bleue qui n'était pas prévue.
Le Marathon l'année prochaine ?
Commentaire de vincevador posté le 04-07-2013 à 12:20:14
Merci à tous.
Cette année je me travaille au corps et me fixerais un bel objectif (MMB, UTAT ou autre rêve du genre...) pour l'année suivante si j'arrive à gambader suffisamment vite d'ici là !
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