L'auteur : Bruno CATANIA
La course : Marathon de Marseille
Date : 25/3/2012
Lieu : Marseille 01 (Bouches-du-Rhône)
Affichage : 1536 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Pas d'objectif
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Je me suis longtemps interrogé sur le bien-fondé d’un CR sur cette édition 2011 du Marathon de Marseille. Un marathon préparé depuis (trop) longtemps, fait, fait et refait dans ma tête dans MA ville, sur des terrains d’entrainement parcourus tous les jours ou presque.
Une édition 2011 sans blessure pendant la préparation parce que si on compare avec les éditions précédentes :
- Préparation Edition 2009 : déchirure au muscle couturier 3 semaines avant le départ – abandon dans la tempête au 25° kilomètre
- Préparation Edition 2010 : Bursite au talon à S-15 + Rencontre imprévue avec un certain poteau du Parc BORELY lors du passage au semi – je termine sur une jambe mais je termine
- Préparation Edition 2011 : Déchirure aponévrose plantaire pendant le pré-cycle VMA
- Edition 2012 : Ouf rien du tout
Ce CR sera donc l’occasion d’exorciser cette malédiction, d’un marathon qui ne semble pas vouloir de moi.
Mois de Janvier 2012, début du cycle d’entrainement sur 12 semaines, tout est axé sur la vitesse spécifique et le volume. Point de fractionné, d’allure VMA de machin compliqué, générateur de fatigue inutile et surtout, surtout de blessures.
12 semaines ça veut dire quand même 680 km à l’entrainement, deux semaines à 80/85 km à S-6 et S-5. Et pourtant même sans insister sur l’intensité, du mal à enchainer les sorties longues, même si les tests sur 21 km font ressortir de (très) bonnes sensations.
Toujours pour éviter LA blessure qui ruinerait toutes mes illusions, pas de course préparatoire, si ce n’est un petit plaisir à S-10 un trail en guise de sortie longue.
Après les 3h37 de Novembre 2010 et presque un an sans bobo il me semblait que 3h30 ne me semblait pas trop ambitieux, en plus 3h30 ça fait compte rond : 5 minutes au kilomètre c’est facile à retenir.
1 semaine avant, je ne cours plus, je fais du jus comme on dit. Quand on a habitué son corps à 6/7 heures de course dans la semaine, le sevrage est difficile, parfois dans la nuit je me réveille avec une folle envie de chausser mes runnings. En vingt ans de pratique plus ou moins régulière, jamais je n’avais ressenti le manque à ce point.
Et pourtant, pourtant malgré ce repos indispensable je reste fatigué, je traine une forme d’indolence tout aussi inhabituelle. Et dans mon esprit, je parcours et je parcours un tracé que je connais par cœur – à tel endroit il faudra que je passe en x minutes, à 2 heures de course je serai là, à 3 heures là.
La veille, retrait des dossards, les organisateurs se trouvent relégué à un obscur et bien impersonnel du Hall du Parc Chanot. Je conçois qu’il faille trouver un lieu plus grand que l’habituel Palais de La Bourse, mais que c’est tristounet et ça fait bien parent pauvre pour un marathon dans la deuxième ville. Enfin, ma petite dernière m’accompagne et à la vue de la médaille de finisher me fait promettre de revenir avec. Pour moi c’est sur ramener la médaille devrait être une formalité mais mais … l’avenir va prouver qu’il faut rester humble et modeste.
Dimanche : Ca y est c’est le grand jour, je me lève au petit matin et comme d’habitude je n’ai quasiment pas dormi de la nuit, vieille (et mauvaise) habitude des veilles de compétition.
Déjeuner reste toujours une épreuve, la boule au ventre, une multitude de petites douleurs qui surgissent çà et là. Bon c’est clair comme d’habitude je psychote «à donf », voire je sommatise…mais jamais dans ces proportions. Pour me rassurer je répète comme un mantra « ce qui compte c’est terminer après si ça veut sourire », je n’ai même pas osé prendre la ceinture du cardio pour ne pas voir « l’étendue des dégâts », là aussi autre erreur.
Le métro est plein de …coureurs, il faut dire que outre les 1000 coureurs du marathon, il y aussi 2500 coureurs au semi organisé parallèlement. Me voilà rendu au point de rendez-vous des kikous du 13, je profite pour vite déposer mon vestiaire et deviser avec quelques potes plongeurs présents.
Je retrouve enfin les kikous bucco-rhodaniens et comme d’habitude nous devisons gaiement sur nos « petites » ambitions, j’adore ces petits moments d’amitié qui permettent d’éviter (tout du moins en ce qui me concerne) de trop ressasser. Et puis cela donne un côté club, une sorte d’émulation sans la pression.
Jean Louis, le solitaire le lièvre, poisson pilote pour un sub 3h30, compagnon du 1er marathon est là aussi, grand adepte des longues distances et marathonien infatigable. Pour lui ce sera l’occasion de rajouter une étoile à son bâton de maréchal.
Tout en papotant nous gagnons la ligne de départ, les petites douleurs n’ont pas disparu, pas que ce soit franchement gênant mais ça commence vraiment à m’inquiéter. Un petit échauffement bienvenu et normal quand on vise moins de 3h30 ne me rassure pas vraiment mais je garde mes doutes pour moi, il est temps de profiter. Après tout, la course commence que vers le 30° kilomètre avant c’est une ballade (mort de rire rétrospectif).
La facilité d’entrée dans le sas des moins 3h30 me donne à penser que l’organisation est encore « un peu jeune » malgré sa quatrième édition, les réactions post-marathons ne feront que renforcé ce petit goût d’inachevé.
Et pan on est parti, malgré notre volonté de partir prudemment, la belle descente que constitue la Canebière (qui comme chacun le sait fini au bout de la Terre) nous permet de boucler le 1er kilomètre en 4’50. Les 20 premiers kilomètres se déroulent sans accroc particulier, si ce n’est que les petites sensations du début se sont transformées en franches douleurs et surtout plus inquiétant, cette sensation de fatigue, de jambes lourdes.
Je sais que je vais avoir du mal, pourtant coté chrono rien d’affolant, bien au contraire Jean Louis s’est évertué à me ralentir pour rester le plus souvent possible proche de la moyenne fixée (5’/kilo).
Le temps de passer au semi en 1h44 et hop nous dépassons le poteau honni de l’édition 2010. Bientôt, Jean Louis terrassé par des crampes inhabituelles me signale qu’il ne pourra suivre la cadence, pour une fois je serais devant.
Pas que j’en sois particulièrement fier, bien au contraire avoir un soutien dans les derniers kilomètres est toujours bienvenu.
27° kilomètre, la fatigue se fait vraiment sentir, du mal à tenir la moyenne, oh rien d’alarmant, mais je perds 3 à 4’’ par kilomètre. Le parcours rejoint enfin le Vieux Port en travaux, la mairie nous a merveilleusement gratifiés d’un parcours qui longe une voie de circulation, merci pour les gaz d’échappement. Il est vrai que le vieil obèse qui nous sert de maire ne jure que par le football et l’OM (désolé pour ce petit coup de gueule).
Ma petite famille est là, quel réconfort et quel bonheur, ma petite dernière me fait à nouveau promettre de ramener la médaille. J’ai aussi droit aux encouragements des autres kikous (Merci Papyfilou , Riri, Aurore).
Boulevard de la République (33° kilomètre), un long ruban de solitude, pas un brin d’air. Mes douleurs sont en train de virer au cauchemar, bref il ne reste QUE 9 kilomètre. Bon gré, mal gré je reste sur les bases de 3h35, en serrant les dents , je pense ne pas être trop présomptueux pour terminer dans ce temps.
Kilomètre 34 : Un petit coup de moins bien, mais je tiens au moral
Kilomètre 35 : Je m’arrête au ravito, histoire de faire passer mon dernier gel avec un peu d’eau. Mais quelle mauvaise idée !!! Au moment de repartir, un véritable coup de poignard me frappe à la hanche droite, impossible de soulever la jambe. Le moindre pas m’arrache des larmes, pas moyen de repartir, j’essaie de marcher, de m’étirer, rien à faire, je suis tétanisé par la douleur.
Un bénévole puis deux viennent s’enquérir de mon état, lorsque je leur explique la situation, l’un d’eux m’explique qu’il s’agit probablement d’une déchirure et qu’il serait préférable d’abandonner.
ABANDON, le mot terrible est laché. C’est pas vrai je ne vais pas abandonner, pas moi, pas maintenant, pas à 7 kilomètre de l’arrivée. Et pourtant, pourtant, il faut se rendre à l’évidence, même en boitillant, même sur une jambe, je suis bloqué. L’idée fait son chemin, le poste de secours est à 300m, dans un état second, je dégrafe mon dossard, je fais demi-tour, je vais abandonner, je vais abandonner. « Dis Papa, tu ramènes la médaille hein !!! », la promesse à ma fille me revient en mémoire, comment je vais lui expliquer que son papa n’est pas infaillible. Voilà comment une réputation de héros invincible va se terminer.
Ah non, hors de question, inenvisageable, « no way », de décevoir ma fille. Alors je ré-agraffe mon dossard, je ravale ma douleur, un pas, deux pas, une demi foulée une autre demi-foulée, les larmes aux yeux, je me remets à courir, en comptant sur les endorphines pour dompter la douleur. Je sais ce n’est pas raisonnable, de toutes façons il n’y a que des fous autour de moi, alors un peu plus, un peu moins.
10’ pour faire un kilomètre, mon record de lenteur est atteint, mais clopin-clopant je recours, avec l’arrêt inutile de rêver de faire un temps. Terminer pour la médaille, terminer pour la ramener à ma fille, je me le répète comme un mantra. Au fur et à mesure des mêtres parcourus, le corps produit ses propres calmants, je ne cours pas bien vite, mais je cours.
J’aurais au moins eu l’autre fierté d’avoir couru la partie après mon arrêt en accélération croissante de 10’26/kilo à 5’12/kilo.
C’est l’arrivé, épuisé de douleur, mais gavé d’endorphines et d’émotions je recueille LA médaille, le temps je m’en fous éperdument. Je retrouve Stéf/LAPINOU qui « m’avoue » avoir abandonné, mais qui va retrouver son Solitaire qui est à quelques minutes derrière moi.
Ma famille me rejoint, je peux enfin donner le précieux sésame à ma petite dernière qui va la glisser sous son oreiller. Ne serait-ce que pour cela ABANDONNER ne fera pas partie de mon vocabulaire.
Demain viendra le temps de l’analyse, du pourquoi et du comment. Pour l’instant je savoure la fierté de ma fille.
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10 commentaires
Commentaire de CROCS-MAN posté le 27-04-2012 à 21:36:29
Tu l'auras ton 3h30 Bruno, Bravo pour ton courage et désolé de n'avoir rempli qu'à moitié ma mission.
Commentaire de lapinouack posté le 27-04-2012 à 21:41:20
:) Bruno l essentiel est d avoir ta promesse envers ta fille... le chrono tu l auras ... Berlin avec nous ?? Marathon a chrono il parrait :) je ne pense pas sin erement que le marathon de Marseille soit le marathon ideal pour ca ... a bientot j espere :) bises
Commentaire de chanthy posté le 27-04-2012 à 22:25:24
bravo pour ta ténacité,mais ne "casse" pas la machine trop vite!!
je t'ai un peu encouragé vers le 35ième km.si j'avais,su, je restais avec toi plus longtemps.
à bientôt.
Commentaire de Berty09 posté le 27-04-2012 à 22:50:25
Bravo! Un vrai héros ce papa-marathonien. Je me suis tout à fait retrouvé dans ton récit. Bonne récup, en attendant des lendemains qui chantent.
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 28-04-2012 à 08:19:06
Je te comprends... pas facile d'abandonner sur un marathon surtout quand on a sa fille à l'arrivée. Tu n'est pas seul, le Fox, à Paris, il m'est arrivé de faire les 12 derniers Kilomètres en... 2 heures !!!!
Bravo pour ton courage mais ne prends quand même pas trop de risques et gardes-en pour courir longtemps.
Commentaire de RogerRunner13 posté le 28-04-2012 à 16:55:21
Quelle ténacité....... comme quoi la volonté peut permettre de faire de belles choses. Sur un marathon même bien préparé on est jamais sur de rien, ais tu l'auras ce 3h30.....
Commentaire de akunamatata posté le 28-04-2012 à 22:23:17
quelle volonté !
Commentaire de montevideo posté le 29-04-2012 à 08:05:05
la difficulté de cette expérience te sera certainement bénéfique pour ton prochain marathon surement et RDV l'année prochaine pour le 5ème Marseille Marathon
Commentaire de kkris posté le 29-04-2012 à 18:17:59
merci pour ce beau récit, qui nous fait ressentir ta douloureuse expérience.Tu as eu le courage, (ou la folie,c'est pareil), de finir malgré la douleur.bravo, et la prochaine fois,ça ira mieux,car tu auras analysé tout ça.
a bientôt.
Commentaire de KikourOtreize posté le 02-05-2012 à 09:54:49
Il y a des médailles qui pèsent plus que d’ autres, celle qui sanctionnera les 3h30 « voir moins » te semblera plus légère . Bravo pour ton courage et ta volonté de faire plaisir à ton caganis.
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