L'auteur : Mustang
La course : Ultratour de Liège
Date : 16/10/2011
Lieu : Liège (Belgique)
Affichage : 1739 vues
Distance : 67km
Objectif : Pas d'objectif
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avertissement: La publication de ce récit sur Kikouroù a été différée de plusieurs mois dans la mesure où une version "allégée" devait être publiée dans la magazine Ultrafondus. C'est dans le numéro 85 de février 2012 que ce récit est paru. Un grand merci à la rédaction d'Ultrafondus de m'avoir fait l'honneur de publier mon périple autour de la Cité ardente que je dédie à Madness.
Vous trouverez ci-dessous la version originale du récit.
Les photos sont de moi, de ricounet, de l'essuin, de Frenchie, de madness et de l'organisation
Un ultra au goût de bière
Le stade de Cointe est encore plongé dans l’ombre à cette heure matinale. L’air est vif. Une arche noire se dresse dans le virage sud de la piste en cendrée, dominée par un grand bâtiment en briques rouges où est accrochée une enseigne cafétéria Jupiler.
Voilà quatre ans, à cette même heure, elle brillait dans la nuit. Mon équipe de Normands et moi pénétrons dans la salle où règne une activité fébrile : la plupart des coureurs est arrivée. Les uns s’occupent à leurs derniers préparatifs, d’autres attendent assis sur une chaise, calmement. Je parcours la salle à la recherche de têtes connues. Les ch’tis, reconnaissables à leur maillot rouge et noir sont venus en force. Madness et le Crollé sont à la manœuvre. J’avise Astro qui attend au fond de la salle pour passer un examen médical.
En effet, une équipe scientifique a fait appel à des coureurs volontaires afin de leur passer des tests avant et après course pour mesurer l’impact des efforts prolongés sur l’organisme. Runner14, revu en septembre à Ecouché, me raconte ses libations houblonnesques durant la soirée d’hier avec ses amis. Pour notre compte, nous avons été plus sages chez Madness. Je revois avec un réel grand plaisir d’autres Célestes, Mike, la Casta et Gandhi.
L'essuin, Ricounet, Ricounette et -loulou-
L’atmosphère est détendue avec mes compagnons de route, Sylvie et Eric, Sylvain, Jérôme. Je ne lis aucune appréhension sur leur visage pourtant cet UTL est un gros morceau. Seuls, Sylvain et moi sommes en terre connue pour avoir déjà participé à l’édition de 2007. Cette année-là, j’étais en pleine forme et Sylvain qui relevait de blessure avait eu la gentillesse de m’accompagner Outre-quiévrain. J’en avais gardé des images très fortes. Aussi, comme à mon habitude, j’en avais fait la promotion auprès des traileurs d’Ecouvie. Nous aurions pu être plus nombreux mais un calendrier chargé, des baisses de forme ont eu raison des motivations de certains. Tant pis pour eux, ils devront attendre la prochaine édition qui aura lieu en 2013 car, une des particularité de cette épreuve est d’avoir une périodicité biennalle. Etrangement, je suis serein également. Pourtant, je n’ai pas préparé ce trail. Après un été un peu chaotique au niveau forme, je me suis remis à trottiner voilà seulement que quelques semaines. Aussi, j’avais affirmé à mon entourage que je me contenterai d’accompagner mes amis à Liège. Mais l’envie était là, c’était acquis dans ma tête. Addiction comme disent mes chers toubibs ! Ah, les endomorphines ! Les petits 10 km de Bursard courus dimanche dernier m’avaient paradoxalement redonné confiance.
Il est bientôt sept heures, le jour se lève sur la cité ardente. Un à un, les coureurs quittent la salle pour se rassembler derrière l’arche. Certains vont s’échauffer quelques instants sur la cendrée. Le Crollé et Madness rameutent la troupe afin de donner les dernières consignes concernant essentiellement le balisage et le road-book de 4 pages qui contient le descriptif complet du parcours, rue par rue. Pas d’appréhension, rien de ce genre ou tout au moins mon esprit refuse d’accéder à ce stress. Mais, à quelques minutes du départ, je sens sourdre en moi une certaine exaltation. Oui, je suis content, vraiment content d’être là, de tenter ce pari déraisonnable d’accomplir un trail de 65 km sans préparation, certainement par bravade mais surtout aussi pour vivre encore une fois ces sentiments et ces émotions si particuliers que je ressens quand je me retrouve face à moi-même.
Plus de 5 mn ont passé huit heures quand Madness nous libère. Sur ces premiers kilomètres, ça papote, ça s’interpelle. C’est grisant. La température ne doit dépasser le zéro que de quelques degrés mais c’est supportable. Le soleil levant incendie la basilique de Cointe. Le peloton s’étire doucement dans les premières rues puis nous dégringolons le coteau vers la Meuse par marches irrégulières dans une coulée verte. L’allure est tranquille. De toute manière, elle le sera pour moi, mon seul objectif étant de terminer… dans un temps raisonnable ! Nous franchissons la Meuse pour la longer quelques instants et obliquer à droite sur le quai du canal de l’Ourthe où sont amarrées des péniches. Le soleil est face à nous et donne une allure fantasmagorique aux coureurs.
Sylvain a pris le large. Il est en pleine forme, bien remis du GRP. Je suis à quelques mètres Sylvie et Eric mais je sais que tôt ou tard je vais décrocher, leur allure étant un poil plus élevée que celle que j’ai prévue. Des bénévoles nous font traverser en sécurité les rues. Quel luxe ! Il y a 4 ans, ils étaient absents. Cependant, Madness a précisé qu’ils seraient présents que pour les 20 premiers km seulement !
Nous avons à peine parcouru 4 km que nous allons quitter la partie urbaine pour crapahuter sur les coteaux bordant l’Ourthe et la Meuse. Certes, la ville ne sera jamais bien loin, ne serait-ce que par sa rumeur mais le parcours nous fera cheminer le plus souvent à couvert des arbres ou le long d’herbages. C’est cela la magie de ce parcours. Notre hôte nous avait prévenus, le parcours 2011 sera très différent du parcours 2007 sauf sur sa fin. Ainsi, nous allons parcourir le bois Saint-Laurent par des chemins bien pittoresques. La végétation semble refuser de s’abandonner à l’automne. Seule la lumière matinale fait flamboyer les feuillages qui demeurent bien verts. Le chemin serpente dans le sous-bois vallonné, aussi les coureurs , tout au moins ceux avec qui je chemine, n’ont nullement l’intention de s’épuiser inutilement se préservent en marchant sur les pentes plus ou moins relevées. Un « cycliste » nous accompagne. Seulement, son vélo est du genre mini, mini, et c’est un vrai exploit que de grimper les pentes dessus !
Eric s’inquiète pour moi, il le serait à moins. C’est son côté ange-gardien. Cependant, je lui dis de ne pas se ralentir pour moi, qu’il fasse sa course avec Sylvie. Mais pour l’instant, on court ensemble et on prend le temps de se tirer mutuellement le portrait ! Jérôme fait le chien fou !
Ce parcours dans le bois est vraiment agréable. Pour l’instant, j’ai de bonnes sensations. Pourvu que ça dourre ! Mais pas de folie, je vais vivre ce trail km par km ! Nous arrivons bientôt en contrebas des bâtiments universitaires où mon fils est venu travailler quelques mois pour compter les atomes en 2006. Les allées s’élargissent et se macadamisent. Je croise des joggeurs et des cyclistes mais pas de salut ! Je retrouve une partie empruntée naguère, celle qui redescend après le château de Colonster. Je débouche sur une route où la circulation semble vive mais des signaleurs protègent ma traversée. Je ne vais pas loin car des feux rouges annoncent le passage d’un train sur la voie ferrée qui longe la route. Eric a traversé avant que les barrières ne s’abaissent. Je ne suis pas à une minute près surtout que je vois du coin de l’œil le train arriver. Il passe devant moi dans un souffle.
Eric est reparti. Voilà, maintenant, je suis seul, enfin sans coureurs de connaissance. C’est aussi bien. Pas de pression comme ça. Je suis plus tranquille d’esprit pour gérer ma course à mon allure, surtout quand celle-ci est bien modeste ! Pourtant, Eric, j’avais bien apprécié de le retrouver en Drôme pour terminer les 20 derniers des 100 km de Jack, quelle galère ! Pour l’instant, en compagnie de quelques coureurs, je suis l’ancien chemin de halage le long de l’Ourthe. Ah, ce n’est pas celui qui longe la Mayenne que j’ai emprunté en VTT voilà trois semaines ! Car ce chemin est coincé entre la rivière à droite et l’autoroute à gauche ! Mais il a sa propre entité; ce qui file à toute allure à ma gauche est dans un autre monde, assurément, à cet instant.
Il me plaît de penser cependant aux automobilistes qui peuvent nous apercevoir courir sur ce chemin. Que peuvent-ils penser ? Rien ? Lorsque je suis au volant d’une voiture, j’ai toujours un regard pour les joggeurs que je peux apercevoir, sur un trottoir, sur un chemin, sur un pont, pour jauger leur allure, mais aussi simplement pour être satisfait de voir ces gens courir, d’être de connivence avec eux. Je passe sous l’autoroute et reviens en grimpant à couvert le coteau. Les fougères aigles ont brûlé avec les premières gelées. De place en place, des vesses de loup jalonnent le chemin. Je quitte les pentes boisées de chênes et de bouleaux pour déboucher dans un quartier résidentiel d’Embourg. La piste se glisse dans une bande boisée qui encercle la colline où se situe Embourg si bien qu’on se trouve au cœur d’une ville tout en progressant en sous-bois ! Mais son agitation n’est guère loin. Les mugissements à l’américaine des ambulances qui se font entendre sont là pour le rappeler. Ce qui rend encore plus étrange la situation ! Je consulte régulièrement mon Garmin afin de connaître ma progression : 20 km en 2h10, c’est honorable. Le décompte est dans ma tête, très présent, ma volonté est tellement forte de terminer. Est-ce que le corps suivra ? Je débouche sur une rue que me fait traverser un bénévole puis j’oblique en épingle à droite, ça monte. Comme les autres qui sont devant et derrière moi, je commence à marcher mais au bout de quelques instants, je me sens plus à l’aise de trottiner. Arrivé presque en haut, je reprends à gauche un sentier pour retrouver la bande boisée de tout à l’heure. Ce chemin étroit bordé de bouleaux est bien agréable à parcourir. De place en place, des ronds verts indiquent la trace à suivre. Puis je retrouve le quartier résidentiel aux belles villas accrochées aux pentes escarpées qui dominent Liège. Le sentier se glisse entre deux grillages qui limitent ces belles propriétés, la ville proprement dite est à nos pieds.
Après avoir traversé une voie rapide, je passe sous la voie ferrée et rejoins un pont qui enjambe la Vesdre, affluent de l’Ourthe pour gagner les faubourgs de Vaux-sous-Chèvremont. Je suis toujours en compagnie de quelques coureurs. Oups, à gauche, un escalier se présente ! Direction la basilique de Chèvremont. Je suis en compagnie d’un jeune équipé de bâtons de marche. Il est vrai que par moment, les bâtons se révèlent comme une aide précieuse. Je longe un cimetière qui semble abandonné.
De nuit, il ferait un excellent décor pour un film d’épouvante ! Ensuite, c’est le calvaire qui commence ! Enfin au sens chrétien du terme ! Je n’en suis pas encore là ! C’est une large allée recouverte de feuilles mortes, bordées de magnifique chênes qui monte doucement. De place en place, des édicules marquent les différentes stations du chemin de croix. A son terme, point de Golgotha mais tout simplement le premier ravitaillement au km24. Ce n’est pas plus mal !
Je retrouve le Crollé comme agent d’ambiance et tout un groupe de bénévoles aux petits soins des coureurs. Je tends mon camel-back à un d’entre eux afin qu’il fasse le plein pendant que je retire le t-shirt aux manches longues que m’avait prêté Jérôme. Je suis suffisamment réchauffé ainsi que l’air ambiant pour ne poursuivre qu’avec un seul t-shirt manches courtes. Je préfère ainsi car celui-ci, rouge, indique mon appartenance à mon club de trail ornais. Par ailleurs, mon cuissard arbore les couleurs de mon autre club d’Athlé ! Je prends mon temps, le ravito est fait pour ! La Casta et Frenchie arrivent. L’ambiance est vraiment sympathique. J’adore voir des enfants encourager leur papa. La table est bien garnie, je me restaure consciencieusement. J’aperçois du coin de l’œil la caisse de bière. Je n’ose encore sacrifier à Jupiler ! J’ai pris un peu de temps pour moi. Je repars tranquillement sur la route en longeant la basilique. Puis la route ondule dans un paysage bucolique. Des vaches ruminent dans un pré. Le ciel est magnifiquement azuré, la si belle lumière d’automne transcende les couleurs du paysage. La lune s’obstine à demeurer dans cette féérie. Je longe enfin les vignobles dont m’a parlé Madness hier.
Je quitte la route pour continuer sur un chemin qui grimpe tranquillement parmi des près et des petit bois. J’arrive à un carrefour où une inscription peinte sur le sol m’indique que j’en suis au 29e km et à un D+ de 800m. Presque la moitié, je le savais bien sûr ! Mais cette inscription me trouble car elle m’est imposée. D’autres du même genre suivront. C’est étrange comme impression mais j’aurais voulu qu’elles ne soient pas, qu’elles ne soient pas, en quelque sorte, officielles. Même si je consulte régulièrement mon Garmin, j’aurais voulu garder ma progression secrète, car je sais qu’elle m’ait difficile désormais. Troublante machine qu’est l’être humain pris au piège de ses contradictions. L’esprit veut, le corps doute, vraiment troublante schizophrénie. Je gagne maintenant une sorte de piste cyclable en faux plat descendant qui permet une allure confortable. Je croise quelques marcheurs et autres cyclistes. Ils semblent de ne pas me voir, suis-je invisible ? Je passe au-dessus d’une voie large. Un haut grillage double la rambarde du pont. Comme dans un zoo.
Je retrouve cette impression d’être un peu ailleurs, d’être dans une autre dimension où le temps et l’espace n’ont plus les mêmes valeurs. J’ai déjà ressenti cela lors de mes grands trails comme l’UTMB, les 100 km de la Drôme ou au Morbihan. La piste rejoint une large avenue. De là, je gagne un parc boisé. Tout à coup, une arche ruinée se présente devant moi. Voilà 4 ans, je la franchissais avec Sylvain ; Madness avait photographié ce moment. Là, je suis seul. Sic transit gloria mundi. Je passe devant le château de Fayembois et je poursuis par une belle allée descendante dans le parc. J’avise le ravitaillement qui se présente tenue par des jeunes. J’en profite pour refaire le plein de ma poche à eau. Je fais remarquer aux jeunes que les bouteilles d’eau proviennent de ma région. C’est alors qu’ils me font remarquer que ce ravitaillement ne nous est pas destiné mais qu’il est établi pour un autre jogging ! Je ne serai pas le seul à faire la méprise !
Je débouche dans un merveilleux vallon. Le paysage en paraît improbable, l’herbe est tellement verte, le ciel si bleu. Un rude chemin me hisse en haut du coteau. Le lieu a pour nom, la ferme Tambour, étonnant, non ? Je retrouve encore le Crollé. En fait, il est là pour suivre la progression de sa tendre qui est à quelques minutes de moi. Je continue. Ma cheville gauche commence couiner. Il va falloir composer avec. Je traverse plusieurs rues sous l’œil indifférent de signaleurs. Je réalise qu’ils sont là pour l’autre jogging ! Plus loin, je retrouve le jeune aux bâtons. Je reste quelques instants à sa hauteur puis je le devance. A l’entrée de la rue du Bois sauvage - joli nom là encore – j’avise une belle maison de briques décorée pour Halloween. Le jeune et moi poursuivons par un sentier qui rentre dans un bois. La pente est douce, aussi je préfère trottiner pour la gravir, distançant ainsi mon compagnon de circonstance qui préfère marcher. J’atteins un pré où une vue exceptionnelle sur Liège s’offre à moi ! Le Crollé est encore là. Il me présente le panorama et les étapes à venir du parcours : là, à droite, sur la rive, près du grand immeuble blanc, ce sera le ravito du km 42. Derrière, qui dominent, les terrils, et quels terrils ! En remontant plus au nord, la citadelle rouge au km 52, puis plus loin encore la basilique avec la tour Mémorial du départ ! Je contemple les difficultés à venir sans vouloir les analyser vraiment. Je ressens à cet instant juste un peu d’appréhension. Cela semble si loin, si haut. Je repars. Je veux aller jusqu’au bout. A ce moment, je suis sûr d’y arriver. Maintenant, j’aimerais l’accomplir dans un temps raisonnable. Toujours l’orgueil !
le doigt du Crollé !
Je dégringole la pente vers la Meuse. Je me retrouve dans une zone industrielle. Je contourne des tubes entreposés le long du chemin et rejoins un grand carrefour. J’oblique à gauche le long d’un grand boulevard. Je soigne ma foulée pour les automobilistes que je croise. Je scrute les passagers, guettant leur regard. J’atteins ce qui pour moi demeure emblématique le site industriel de Jupiler, en fait les établissements Interbrew. Je passe le long de la grille fermée par où nous avions pénétré il y a 4 ans. Le ravito se tenait là. Sylvain et moi avions fait semblant de trinquer à la bière. Les montagnes de caisses de bière sont toujours là. Leur vue me fait sourire.
Allez, bientôt le 2e ravito. Sur le boulevard, le Crollé passe en me klaxonnant ! Je franchis un pont barrage pour atteindre une île. J’ai des coureurs devant et derrière moi, même s’ils sont très espacés, c’est bon de les savoir là, en limite de ma solitude. Je traverse un autre pont qui donne sur une superbe esplanade à la pointe de l’île Monsin.
Je rejoins la rive et continue le long du boulevard qu’il me faut traverser. Bigre, c’est que le trottoir est bien haut à descendre et à remonter de l’autre côté. A l’entrée du petit parc, des enfants m’encouragent. Cela me fait chaud au cœur ! Ce sont les premiers. Voilà, j’arrive au 2e ravitaillement du km 40. La table est généreuse. Je mange des cacahuètes, des bananes et je bois du coca. J’effectue à nouveau le plein de ma poche à eau. Afin de prévenir tout désagrément, je bois très, très souvent par petites gorgées.
avec Runner14 - un peu entammé!!
Il me faut repartir dans les rues d’un quartier anonyme. Des flèches vertes m’indique d’emprunter un passage dans une sorte de cour. Je remonte ensuite dans une ruelle où des odeurs de cuisine m’assaillent. Je passe sous la voie de chemin de fer pour gagner un passage en escaliers. Je débouche sur une rue montante où des enfants jouent au ballon, semblant indifférents à mon passage. Au terme de cette rue, une inscription sur le sol me fait sourire : « Bienvenue au dist. marathon - courage ». 5h20 pour un marathon ! Là, la piste se dirige à droite dans une épaisse végétation puis le chemin se dégage en grimpant de manière abrupte les pentes de ce premier terril. Zut, je n’ai plus de batterie pour mon appareil photo ! Encore une fois ; la précipitation de ce matin m’a empêché d’effectuer un changement de batterie. Je ne réaliserai que bien plus loin que je peux continuer à photographier mon parcours avec mon téléphone ! Je retrouve l’odeur acide de l’anthracite. La pente est très forte et j’ai très mal sous les pieds. En fait, j’ai deux poulettes sur les talons. Là encore, ce matin, l’onction à la Nok a été insuffisante ! Il va falloir composer avec, en espérant qu’elles vont percer d’elles-mêmes. Mais pour l’instant, je ne suis pas à la noce ! Sur le sol, des parcelles noires brillent au soleil. Enfin, le chemin bascule dans la pente. Plus loin, un paysage reconnu apparaît. Il s’agit du golf que je traverse. Je contourne le terrain puis le practice jonché de petites balles blanches ! Je connais la suite, une rue en forte déclivité est à emprunter à sa sortie. Une vététiste m’encourage. Hum !
Le chemin se poursuit par des chemins, des ruelles pittoresques au profil improbable. A l’arrivée, j’entendrai le nom de San Francisco ! Dans ce quartier pavillonnaire, les maisons sont toujours aussi belles, à l’architecture originale, adaptée au terrai en pente. Des rues sont pavées, le pavé du nord. Le repas dominical est presque terminé. J’entends en provenance des jardins des bruits de tondeuses et de perceuses ! Au loin, des sirènes hurlent leur désespoir. Dans une ruelle, du jus de pomme, à 0,80 € la bouteille, est proposé à la vente ! Ce sera pour plus tard ! Des jardins sont à l’abandon sur certaines pentes. Quelques maisons également. Des oiseaux aux cris étranges se font entendre. Mais comment font-ils pour vivre ici ? Question que je pose à une passante, celle-ci me répond de la manière la plus naturelle « Mais en venant par le haut ! » Effectivement, vu comme ça ! Je prends le temps d’effectuer quelques étirements C’est dur mais les km défilent ! Un pied devant l’autre, c’est tout. Je retrouve encore le Crollé ! Plus loin, un autre paysage se révèle à ma mémoire. Il s’agit d’un terril qu’on va contourner. Il y a 4 ans, un coureur y avait été victime d’une terrible chute qui l’avait ensanglanté. La Casta m’a rejoint dans la précédente montée. Dans mon souvenir, le chemin était plat mais non, il se laisse aller sur les pentes relevées du terril noir. L’odeur est forte. Une végétation luxuriante ombrage le chemin. Ici rien n’a changé, rien n’a changé, sauf moi. Un soleil chaud, agréable, printanier me donne du cœur. Enfin, j’en finis. Quelques centaines de mètres sur le plat. Des gens sur le pas de leur porte me proposent à boire. Puis la piste me conduit dans un bois à flanc de coteau que je descends bien lentement à cause des douleurs aux talons. Un peu de goudron et je remonte par un sentier en lacet vers un oratoire. « Il n’est pas plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » est inscrit à son fronton. J’aperçois Runner14 non loin derrière moi. Une immense villa m’impressionne. Je traverse ensuite un terrain vague où j’aperçois des tentes. Des campeurs, non, certainement des sans-logis, des clandestins. Le campement a l’air saccagé et les humbles effets personnels des occupants ont été entassés le long de la clôture. J’aperçois la Casta qui chemine devant moi. Le chemin continue : une forte pente à gravir en sous-bois ! Mains sur les hanches, je progresse ! Je rejoins un chemin qui borde en surplomb une voie de chemin de fer. Le parcours est familier même s‘il a été emprunté une seule fois voilà 4 ans. Au bout, je descends un peu par des escaliers qui dominent une superbe esplanade où de nombreux badauds se promènent. Un chapiteau coloré indique la présence d’un cirque Sur ma gauche, des joueurs au football sur un terrain synthétique clos. Quelques marches pour remonter et attraper le chemin en lacet qui grimper vers la citadelle. Runner14 m’a rejoint et c’est ensemble que nous avançons tranquillement. L’épouse du Crollé et une copine nous dépassent. Elles ont l’air très en forme ! Un escalier métallique pour en terminer.
Le 3e ravitaillement est en vue. J’y suis accueilli par le Crollé qui me tend une bière. Enfin, je l’ai ! Sur un barbecue, des saucisses grillent. Là encore, l’ambiance est bonne enfant.
La vue est splendide sur Liège. Je ne m’attarde guère. Juste le temps de bien boire et de manger. Je suis pressé d’en finir. Je me sens bien, comme un regain. C’est bien moi, ça ! Les douleurs se sont estompées. On m’indique que je suis dans les cent premiers… sur 150, ce n’est pas si mal que ça. Le premier en a terminé en 5h44 me dit-on également. Il ya 4 ans, j’étais déjà arrivé à cet instant. Runner14 s’est assis pour reposer ses genoux ! Je repars en bonnes foulées. J’arrive à un monument, quelques marches à descendre, puis une rue. Je me laisse aller dans la descente. Tiens, plus de point vert ! Je suis allé trop loin. Je remonte. Effectivement, des flèches vertes sont là, le passage était caché par des voitures garées. Oh ! Bonheur ! Les escaliers de Bueren. Enfin. Il y a 4 ans, une compétition de VTT nous en avait privés. Je descends ces escaliers avec un réel plaisir. Les deux féminines sont devant moi. Je descends toujours, sans me tenir à la rampe centrale.
La prochaine fois, Madness va-t-il inverser le parcours ??? !!! Au pied de l’escalier, un couple de jeunes mariés se fait tirer le portrait par un photographe. Je leur souhaite plein de bonheur. A peine un sourire esquissé en guise de remerciement. Désormais, le parcours va être, me semble-t-il essentiellement urbain. J’emprunte une rue pavée montante. Sur un mur aveugle d’un immeuble, une immense fresque représente un coureur en pleine course. Magnifique. Je continue, ébloui. J’ai vraiment retrouvé un rythme. Les douleurs se sont estompées. Côté urbain, je me suis trompé. Le parcours nous réserve des passages dans un jardin. Puis des vergers où paissent des bœufs blancs.
Puis encore des rues. Des escaliers. J’ai vraiment repris du rythme car je reviens sur des coureurs qui me précédaient. Et je les double ! Les rues succèdent aux rues. Non, encore le Crollé ! Dans un parc en friche, je longe un bassin de décantation, me semble-t-il. Devant moi, deux coureurs sont en train de grimper péniblement un escarpement herbeux. Je l’atteins à mon tour. Boudiou, c’est pentu de chez pentu et glissant ! Je mets les mains pour me hisser en haut ! Plus que quelques km, c’est gagné ! C'est gagné! Je traverse des quartiers populaires. L’air se rafraichit avec la venue du soir. Ce qui importe, c’est l’horizon. L’atteindre. Je viens de dépasser les 60 km ! Je sens l’émotion me gagner. J’ai rejoint deux coureurs, Pascal et Bernard. Je reste un bon moment avec eux. Mais étant plus frais qu’eux, je préfère continuer à mon rythme. Je surveille mon Garmin.
62 km, 63 km… ça ne serait tarder. J’aperçois le toit lumineux de la gare TGV. Puis le dôme de la basilique de Cointe et le Mémorial. Pareil à ce matin, ils flamboient dans les feux du couchant. C’est un signe. Maintenant, je cours en compagnie de la Casta qui salue mon retour. La grille du stade se présente à moi. Quelques marches pour descendre sur la cendrée.
Madness au micro m’annonce. Sylvain est là également, Astro. Ces derniers mètres des 65 km du parcours… toujours ce sentiment d’exaltation où l’esprit s’allège… et où le corps revient !! Non, pas pour l’instant. Bonheur total, je franchis la ligne d’arrivée… les embrassades et je me retrouve avec une bière à la main, la bière des Célestes.
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4 commentaires
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 10-03-2012 à 18:20:35
Depuis le temps qu'on l'attendait ce récit ! Bon, il faudra bien que je fasse un tour en Belgique un jour...
Commentaire de Pegase posté le 10-03-2012 à 18:54:08
Haaa les week-end en Celestie, que du bonheur !!!
Avec la bière, il ya aussi le fromage des Celestes. Nickel pour l'apéro.
Commentaire de robin posté le 14-03-2012 à 11:20:44
" Une végétation luxuriante ombrage le chemin. Ici rien n’a changé, rien n’a changé, sauf moi."
Mais non Mustang tu ne changes pas . Tu nous fait de super compte-rendu. Merci de nous faire découvrir le Made in Belgique !
A +
Commentaire de francois 91410 posté le 24-03-2012 à 16:39:27
des quartiers anonymes aux prés verdoyants en passant par ce beau cimetière, ce fut apparemment un parcours qui ne laisse pas indifférent. La bière doit être une sacrée récompense à l'arrivée !! merci pour ce récit qui, une nouvelle fois, donne envie !
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