par franck de Brignais » 13 Août 2020, 10:48
Crohnique d’une diminution programmée
Chapitre 3 : On m’a coupé mon (gros) bout.
« …Monsieur B….., vous m’entendez ?.... vous êtes en salle de réveil… tout s’est bien passé ».
P… que j’aime pas ce moment là de flottement : tu t’endors, on te réveille… 10x d’affilés… !! ET on te pose toujours la même question : « Vous avez mal ? »
Je sais pas trop quoi répondre en fait, on a dépassé il y a bien longtemps le stade de la douleur… un mal sourd, constant, qui ne me laissera pas une minute de répit durant 9 jours d’affilés. Mais là tout de suite, c’est insupportable, je ne suis bien que lorsque je me rendors… pour quelques minutes.
« Sur une échelle de 1 à 10, comment vous qualifiez votre douleur ? » « cent….vingt…quatre…. »…. Et bim ! un shoot de morphine…. Je déteste cette sensation qui dure quelques secondes, celle de perdre tous mes points d’appuis d’un coup, d’avoir le corps qui se met à flotter… et systématiquement ça me rendort. Je ne me souviens plus trop du nombre d’injections. Je me souviens seulement qu’à un moment l’infirmière a appelé le médecin pour savoir si elle pouvait dépasser la dose max.
Je n’ai pas le souvenir de sortir de la salle de réveil, par contre je revois quelques images de mon trajet sur le brancard dans les couloirs du service de chirurgie. Je revois Thomas et Caro qui sont au pied du lit, dans la chambre. Je continue mon petit jeu de m’endormir toutes les 10 min. Systématiquement je leur demande l’heure qu’il est. C’est mon obsession : combien de temps je suis resté au bloc, je sais que selon celui-ci, les choses se sont plus ou moins bien passées. Le chirurgien m’avait annoncé 2h30 d’anesthésie env. J’y suis finalement resté 3h30. Le chirurgien me confirmera le lendemain matin que c’était plus compliqué que prévu. Il n’y avait pas 2, mais 3 fistules. Ce ne sont donc pas 30cm, mais 70cm de colon qui ont été enlevées. « C’était un peu le bazar, il a fallu prendre beaucoup de temps pour décoller les tissus qui s’étaient collés entre eux … mais tout est ok ».
Tout est ok, il est mignon…. Ça fait la moitié de la tuyauterie quand même !!....
« Il faut aussi vous lever, dès aujourd’hui. Et vous m’arpentez ce couloir, je veux que vous fassiez des km ! ». Je voudrais bien moi aussi !!... mais il est déjà très difficile de se redresser dans le lit. La station debout est pire que tout : ça doit appuyer différemment à l’intérieur… la douleur est tellement vive, que la tête tourne, je transpire. Mais je tiens bon, accroché à la barrière du lit, c’est la seule façon de remettre l’intestin en fonctionnement pour ne pas risquer de complications (….). Je fais des pas de 20 cm, chacun m’arrache une grosse douleur en bas à droite du ventre…. J’avance, je fais des tours de chambre, je ne veux pas prendre le risque de tomber dans les pommes dans le couloir. Dans la chambre, je peux sans arrêt m’accrocher à quelque chose. Je suis courbé en 2 pour limiter les douleurs, les tiraillements de la peau recousue.
Après 2 allers/retours, je suis épuisé par la douleur, j’ai l’impression d’avoir fait une séance de fractionné en plein soleil par 40°… je n’ai pas fait plus de 15m…. je m’assois sur la chaise des visiteurs. Encore un changement de position des organes qui déclenche de violentes douleurs. Je me relève et je remarche encore, et encore. Ce manège va durer les 2 jours de mon hospitalisation. Jours et nuits… oui la nuit ressemble au jour : douleurs intenses qui empêchent de dormir, manège de la marche autour du lit, toutes les heures. Je m’assoupis un peu parfois, sur la chaise.
48h après l’opération, le médecin autorise la sortie. Les résultats d’analyse de sang sont bons. La clinique va m’appeler chaque jour pour vérifier que tout va bien, j’aurai des analyses à faire régulièrement. J’attends ce moment avec impatience… je sais que je serai bien mieux chez moi qu’ici. A la sortie du bâtiment c’est un choc : il fait au moins 40° à l’ombre…. C’était bien finalement cette chambre climatisée !
Caroline prend toutes les précautions possibles en roulant, mais chaque relief de la route est un vrai calvaire. Enfin « home sweet home » !
Mes journées sont rythmées par : canapé / toilettes / table pour manger / lit pour… essayer… de dormir. La douleur est toujours bien présente, elle ne diminue pas. Les anti douleurs font peu d’effets… ils m’ont pourtant donné des trucs pas mal : opium… codéïne… Ah si, j’essaie aussi de faire des tours de pâté de maison, en plusieurs fois. Je progresse : le 1er tour s’est fait à la vitesse stratosphérique de 2,8 Km/h… la dernière en 3,8 !!
J+5, ça commence à aller un peu mieux, la douleur a diminué, les nuits sont un peu plus agréables…. Et je mets moins de 5 min à m’extraire du canap’ !!
Nuit de J+6 : de violentes douleurs se déclenchent à droite. Elles sont aussi violentes qu’en sortie de bloc, je n’arrive presque pas à sortir du lit. La station debout est quasi impossible. Peut-être qu’il y a un blocage quelque part ? C’est ça une pérétonite ?? la fameuse complication post opératoire qu’ils redoutent tant ? 6h00 du matin, je n’y tiens plus, j’appelle les infirmières coordinatrices. « Non de telles douleurs ne sont pas normales, venez au plus vite ».