NZUNGU ROCKET - CR Marathon de Kampala - 25/11/18
Mais c’est quoi ce bordel !?!
Je reconnais cet endroit : je suis à proximité de l’arrivée…qui doit être à moins de 2 kilomètres alors que je n’ai fait que 33 kilomètres ! Misère de misère… Je me résigne à faire demi tour en trottinant vers la direction que je crois être la bonne.
Bon, en même temps, ce marathon, depuis le 27ème kilomètre, on ne peut pas dire qu’il ressemble à grand chose, sportivement parlant j’entends. Car pour le reste…le marathon de Kampala tient toutes ses promesses !
Comment en suis-je arrivé là ?
Lorsqu’en février dernier, mon pote Olivier qui vit en Ouganda depuis 2 ans me propose de participer à cette course, les arguments pour franchir le pas sont nombreux :
- Retourner en Afrique, dans un pays que je ne connais pas encore
- En Afrique de l’Est, à proximité du Kenya, terre des meilleurs coureurs de tous les temps. Quitte à participer à un premier marathon, autant aller se frotter aux meilleurs, non ?
- Retrouver Olivier, mais aussi Moraki, en provenance du Botswana, pays où nous nous sommes rencontrés tous les 3 il y a 20 ans alors que j’y étais expatrié.
Bref, une opportunité unique qu’il était difficile de laisser passer !
Voilà comment, après une prépa sérieuse de 9 semaines, je me retrouve sur cette ligne de départ le 25/11/2018. En France, avec une température idéale de 10 / 15°, je viserais les 4 heures mais ici…il est 6h45, le soleil se lève et j’ai déjà chaud. Ah oui, et puis il y aura 400 m de D+ et on est à 1100 m d’altitude et il y a tous ces coureurs affutés comme des lames…
Euh, je suis là debout à attendre le top départ et mon cardio est déjà à 100 pulsations ! On se calme, on se calme…
PAN !
Ouh punaise, c’est quoi ce départ ?!? Au bout de 2 minutes, j’ai l’impression d’être complètement déposé par les Ougandais et les Kenyans qui semblent partir pour un faire un 10 km ! MAMAAAN !!!
Bon, allez, ça va bien se passer !
La première portion est commune au 10 km sur lequel vont s’élancer 25 000 personnes ! Après 3 kilomètres, j’ai évacué le stress du départ et je m’installe mentalement dans ma course, tout heureux de vivre cette expérience unique.
On rejoint le tracé dédié au semi et au marathon. Ah, donc à partir de maintenant, il n’y a plus d’espace dédié aux coureurs ?!? On se mêle à la circulation des bodas bodas (motos taxis), des matatus (mini-bus), des voitures et des passants. Jubilatoire !
Tiens, un prédicateur exalté s’est installé au milieu du boulevard pour clamer des bondieuseries dans son micro amplifié.
Tiens, ce marathon n’est pas balisé…mais des signaleurs indiquent la direction à prendre à certaines intersections. Je me dis qu’il faudra être vigilant et mémoriser cette 1ère boucle que je devrai faire une 2ème fois avant le tronçon final de 5 kilomètres. Car, voyez-vous, je doute qu’il y ait autant de signaleurs à mon deuxième passage dans 3 bonnes heures….
Je découvre Kampala avec bonheur au gré de ces nombreuses collines : des rues commerçantes déjà bien animées, des quartiers pauvres aux maisons traditionnelles construites en briques de boue séchée, une zone industrielle, un quartier résidentiel ponctué de ministères et d’ambassades, des rassemblements religieux dominicaux où règnent une ferveur incroyable ! Je trouve ce que je suis venu chercher : une course dépaysante sur ce continent auquel je suis si attaché.
Vers le 16ème kilomètre, sous les effets de la chaleur et d’un début de déshydratation, je commence à être dans le dur lorsque je me fais dépasser par le groupe de tête du semi-marathon. Ils sont une douzaine à courir ensemble de manière très resserrée. J’assiste à ce spectacle, car c’en est un, totalement médusé par leur vitesse mais surtout par la beauté et la fluidité de leur foulée. Vraiment très impressionnant…et totalement plombant !!
Ça y est, je suis à mi-parcours après 2h04 de course. Ce n’est finalement pas trop catastrophique !
La température affichée est maintenant de 31° et après 27 kilomètres, il faut se rendre à l’évidence : je suis déshydraté. Cela fait déjà longtemps que j’ai fait le deuil de tout objectif chronométrique et je me mets à marcher. Je vais boucler cette affaire en profitant au maximum de Kampala !
Et donc, je marche tout en buvant abondamment dans l’ambiance du quartier populaire où je me trouve. A mon passage, j’entends à plusieurs reprises le mot ‘nzungu’, qui signifie «le blanc» en swahili. C’est sûr que je ne passe pas inaperçu : j’ai droit à des encouragements de passants qui croisent mon regard mais aussi à quelques remontrances « hey, come on ! you have to run now! ».
NON ?!?!.
..alors que j’aborde une longue ligne droite en montée, je vois devant moi un coureur qui interpelle un boda-boda et qui monte allègrement à l’arrière de la moto ! Oh punaise, un deuxième fait pareil !!! Rooooh, je pensais en voir des vertes et des pas mûres, mais là, j’en reste baba !
Au bout de 3km de marche et après avoir bien bu, ça va mieux et, à la faveur d’une descente, je me remets à courir ou plutôt à trottiner.
Bon, ça fait longtemps que je n’ai pas vu un signaleur, ni un coureur que je pourrais suivre (normal, ils prennent des motos !). Je me dirige avec la mémoire de la 1ère boucle car je vous le rappelle : CE MARATHON N’EST PAS BALISE ! J’hésite à 2 ou 3 endroits et demande mon chemin à des passants. Certains passages de rond-points sont vraiment rock’n roll au milieu du trafic !!
C’est alors que je dépasse un coureur ! Je ne suis donc pas seul ! A mon passage, il me crie « Do you have glucose ? ». Non, je n’ai pas un de ces sachets de glucose que je vois régulièrement par terre sur le parcours. Je m’arrête et lui donne une barre de pâte d’amande. C’est alors que je vois qu’il ne porte pas le dossard de la course, mais un vieux machin tout froissé qui pendouille à l’aide d’une seule épingle à nourrice. (Je comprends alors qu’il fait ce marathon « en candidat libre » avec un vieux dossard qu’il a gardé d’une course précédente). Damned !…et moi qui pensais que je venais de gagner une place au classement !
Je continue à courir sur 2 ou 3 kilomètres et…. me retrouve donc au début de ce récit avec 33 km à ma montre essayant de retrouver le parcours de ce marathon !
Je finis par le rejoindre mais je pense avoir coupé au moins 2 kilomètres. Un peu dégoûté, j’aborde en marchant cette looooongue montée, tellement longue et tellement désagréable, le long d’une des plus grosses artères de la ville, que je finis par me demander si je suis bien sur le parcours…
Je suis rassuré à la vue d’un ravitaillement en eau où je me fais confirmer la fin du parcours. « You turn left right here, then you go straight up there, then you turn left again, then you go straight til the finish line »
Je tourne left, je go straight jusque là-haut, je tourne left, je fais 500m et what the fuck ?!?…je me retrouve déjà devant le couloir qui mène à la ligne d’arrivée alors que j’ai 36,5 km à ma montre.
Je pourrais faire demi-tour à nouveau, essayer de retrouver mon chemin mais, sans signaleur, il est probable que je ne réussisse qu’à tourner en rond à traîner ma misère…
Je m’engage donc dans ce couloir d’arrivée avec des sentiments mêlés : la frustration de ne pas faire 42 km, de ne pas devenir marathonien malgré la prépa exigeante que j’avais faite sérieusement, mais conscient de la chance d’avoir pu vivre cette expérience unique !
Sur cette ligne droite, je suis encouragé de nombreuses fois. Le speaker présente de façon théâtrale les coureurs d’un podium. C’est un Ougandais qui monte sur la plus haute marche et c’est alors que retentit l’hymne national au moment même où je passe la ligne d’arrivée de mes 37 km en 4h27. Il fallait bien un hymne pour cet exploit !
J’hésite franchement à récupérer ma médaille Finisher…mais en repensant à ces 2 coureurs qui ont pris un boda-boda, je me dis que je n’ai vraiment pas de scrupule à avoir !
Je profite de la grosse ambiance des podiums successifs partagés entre Ougandais et Kenyans avant de retrouver mes deux compères avec qui je passerai quelques jours dans ce pays et pour lequel j’ai eu un véritable coup de coeur.
Il ne me reste plus qu’à choisir un marathon à faire en 2019…pour devenir marathonien !