L'auteur : Spir
La course : L'Echappée Belle - 85 km
Date : 29/8/2015
Lieu : Vizille (Isère)
Affichage : 4660 vues
Distance : 85km
Matos : Chaussures Salomon Fellraiser, batons Camp Xenon, Sac Lafuma Speedtrail, Frontale Petzl Nao
Objectif : Terminer
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un petit résumé vidéo ci-dessous
Il est 8h18. Le ciel est déjà bleu quand nous franchissons enfin, main dans la main, la ligne d'arrivée. FranckdeBrignais a conjuré le mauvais sort, et moi, j'ai passé pour la première fois plus de 24h sur un trail. Mais l'Echappée Belle ne peut pas se résumer à ça. D'ailleurs, est-il possible de résumer l'Echappée Belle ?
Préparation
Découverte de l'Echappée Belle – Deux trails de préparation et une première expérience de la déshydratation – Préparation du RoadBook et du sac
La première fois que j'ai entendu parler de l'Echappée Belle, c'était en août 2014 avec une très belle affichette montrant un paysage de montagne dans des tons verts et jaunes et de petits personnages courant sur la ligne de crête. Après seulement deux éditions, la course avait déjà la réputation d'être magnifique et technique. Je connaissais un peu Bellodonne pour y avoir randonné l'hiver, et vaguement grimpé. Largement de quoi rêver pendant une année ! N'ayant à ce moment là aucune expérience au delà de la SaintéLyon, je ne me voyais certainement pas me lancer sur une course technique où il faudrait passer deux nuits dehors. Me voilà donc inscrit dès l'ouverture, le 15 décembre 2014, à la formule 85 km.
Début juillet, le bilan est clair : il faut s'y mettre ! J'avais dans les pattes la SaintéLyon, mais ça datait de décembre. Plus récemment, j'avais couru les 105km de l'UTCO. Deux courses qui n'ont pas vraiment le même profil que l'Echappée Belle. Et depuis, plus rien à part deux cross de 2,4 et 3 km en juin... Heureusement, nous avions prévu de passer 15 jours en chalet d'alpage dans les Hautes-Alpes, au milieu des Edelweiss et du génépi. Le terrain idéal pour préparer un trail de montagne ! La route du col du Lautaret étant toujours fermée, il faut passer par Montgenèvre pour partir en vacances, le jour de la SkyRace ! Je m'inscris. C'est un bon départ : 37 km pour 2700m de D+ qui se passent correctement. J'en retiens surtout (en dehors des paysages magnifiques), que le café des hôtels tenus par des anglais ne me convient absolument pas au petit-déjeuner. Il m'a fallu deux heures pour le digérer et j'ai franchement pensé à bacher le temps que ça passe. Pour le dernier jour des vacances, je participe au Vars Mountain Trail, 43 km pour 3100mD+, qui a failli être mon premier trail en Crocs. Heureusement, je me suis aperçu de l'oubli de mes chaussures de course suffisamment rapidement pour pouvoir retourner les chercher. Autre bonne expérience : après un bon départ, un poil rapide, je me retrouve complètement déshydraté et je finis à l'agonie en mettant trois heures pour faire 12 km. C'est la première fois que j'explose en vol et que je vis une (petite) déshydratation, laquelle, accessoirement, me fait passer du premier quart au dernier dixième de la course et vomir tout ce que mon estomac contenait d'eau sur la flore alentour (dont certaines espèces probablement protégées...).
Sur l'hydratation, je me mets une petite note dans un coin de la tête que je surligne au stabilo. Et puis je la souligne tiens, tant qu'à faire.
A part ces deux trails, pas grand chose en fait. Je trottine un peu en montagne, je me balade avec les enfants, mais je ne cumule guère plus de 40 km/semaine les deux mois avant l'épreuve, sachant que je n'avais quasiment pas couru le mois de juin. Mais comme disait ArthurBaldur pendant un off dans les Monts d'Or, ce qui compte sur une course comme ça, c'est d'être frais. Là pour le coup, j'étais super frais.
Cette Échappée Belle cumule un paquet de première pour moi : première fois que je vais faire 6000mD+, très probable première nuit dehors, première course avec base de vie et sac d'allègement, première course avec une liste de matériel obligatoire aussi importante. Je m'attelle donc à récupérer la trace de la course et à mouliner le tout dans le fabuleux Course Generator de Pierre Delore. Il se trouve que le profil par défaut m'a donné des estimations bien fiables pour la SaintéLyon, l'UTCO ou même la SkyRace. Problème, même en reprenant le profil de vitesse de la reconaissance du Col du Morétan faite début juillet, le logiciel me prédit des temps qui ne me semblent pas tenables. Je bidouille le tout pour le caler sur 21h de course. Je sens qu'il ne va pas trop me servir ce roadbook, mais bon, je le prends quand même.
La trace couvre la totalité de la carte IGN Top 25 3433 OT. La To-ta-li-té : on part du bas à gauche (que certains appellent le sud-ouest) pour filer tout en haut à droite, l'arrivée étant un peu en dehors de la carte. Rien qu'en suivant l'itinéraire, j'en ai des courbatures.
Je prépare mon sac 15 jours avant pour le tester pendant un footing. Je fais une liste pour être sûr de ne rien oublier (sac de course et sac d'allègement). Je fais même une sortie pour vérifier la longueur des dragonnes et le positionnement de la pipette d'eau. Si j'avais vu quelqu'un d'autre faire ça, je lui aurait dit « tu flippes ». Mais moi je ne flippe pas, je me prépare.
Doucement les jours passent. Et puis un jour, on y est.
Le Pleynet – Lac du Léat – 15,7km et 1458m de D+
(les indications de distance et de dénivellé sont à titre indicatif et un poil sous-estimées)
Rencontre avec les kikous - Gestion conseillée - Départ en bonne compagnie – Assistance au Léat
Ma chérie préférée a tenu à m'accompagner au départ. Elle trouvait que dormir dans la voiture pour prendre la navette d'Aiguebelle n'était pas une très bonne idée. "Et puis, est-ce que tu serais capable de conduire pour rentrer ?" qu'elle me dit. Je mets sur le compte de la fatigue son manque de confiance dans mes capacités hors du commun, mais au fond de moi, je sais bien qu'elle a raison et puis c'est toujours une bonne heure de sommeil de gagné dans un vrai lit.
Le Pleynet est envahi de gens secs comme des biscuits, phare lumineux sur la tête et sac sur le dos. Pas mal de féminines par rapport à d'autres courses et une ambiance plutôt décontractée. Je croise Florian, un collègue de boulot. Il s'est tapé le genou la semaine précédente, mais ça va. Je pose mon sac d'allègement dans le camion et file au café pour profiter du petit déjeuner proposé par l'organisation. Tout au fond de la salle, FranckdeBrignais est attablé avec Patrovite69, sa femme, et une moitié de ses enfants. On discute et j'en profite pour leur piquer de la crème solaire (note pour plus tard : ajouter la crème solaire à la "check list").
L'heure du départ approche. On se dirige vers le sas où, pour rentrer, un bénévole demande de montrer un élément du matériel obligatoire. Je tombe sur "gobelet". Trop facile. ArthurBaldur et Biscotte grillée sont là. Briefing de pré-course : « les coureurs du 144 ont très mal géré. Il y a déjà plus de 50 % d'abandons. Alors faites attention ». Bon, on va faire attention. Tiens, pourquoi il compte à rebours le speaker ? Ah oui, le départ...
« Allons-y let's go, c'est parti les amis »Dora l'exploratriceJe mets en branle les 1000 et quelques euros de matériel que je porte sur le dos, plus ou moins à hauteur de Franck et d'Arthur. On veut faire croire que l'EB est une course très technique, mais honnêtement, le sentier est très bon (et même bitumé). Contrairement au 144 qui descend directement dans la vallée, nous faisons un détour par le Col de Merdaret, 350m plus haut (réalisé 43min / roadbook 40min) pour redescendre ensuite vers le Collet où nous rattrapons le tracé des adultes. Le jour se lève à peine et c'est déjà magnifique. Surtout ne pas s'enflammer dans ces chemins faciles, parce qu'on est pas rendu.
Du Collet (1h27/RoadBook:1h32) on part pour un km vertical en direction des Chalets de Valloire. Je laisse Franck vers le pied de la côte et je poursuis à mon rythme. Au premier chalet (2h36/RoadBook:2h44), je recroise Arthur qui filme le paysage. De l'autre côté de la vallée, on voit le Col de Merdaret. C'est très beau. Je repars avec le son de l'hélico de secours venu chercher quelqu'un avec la cheville en vrac.
SMS à Arcelle qui a la gentillesse de relayer les nouvelles via Kikourou « Salut, ai vu Arthur et Biscotte aux chalet valloire grand sourire Suis pas loin lac leat Cest superbe Spir ». En réponse un « Yes, go ! »
Le sentier chemine en balcon sans grandes difficultés jusqu'au Deuxième Chalet de Tigneux, puis en descente vers le ravito du Lac du Léat. Ce lac est splendide. 3h et demi qu'on se balade dans le monde des bisounours (3h25/RoadBook:3h47).
Au lac, je retrouve Biscotte et Patrovite. Patrovite est en mode "assistante de choc" avec son fils et Alex propose de m'aider à remplir les bidons. Ils attendent Franck qui ne devrait pas tarder à arriver. Après 6 bonnes minutes de pause, j'y retourne.
Lac du Léat – Périoule – 9,2km et 977mD+
Le vrai Belledonne commence – Col du Morétan – Le son du canon – du Biscotte au ravito
On quitte encore une fois l'itinéraire des adultes qui ont le bonheur de descendre aux Gleyzins pour remonter ensuite. Nous, on coupe direct vers le refuge de l'Oule. Après un petit raidillon, on aborde un sentier en crête qui descend d'abord lentement, puis plus franchement. C'est humide et ça devient pierreux. Ça commence à déraper devant et derrière et même à pester sur l'état du sentier. Houlàà les gars, on est pas encore dans le "vrai" Belledonne !
On rejoint le sentier d'accès à l'Oule en bas de la descente. Nous revoilà sur l'itinéraire des grands. A partir de maintenant, c'est tout pareil qu'eux, sauf qu'eux auront 60 bornes et 5000mD+ dans les gambettes en plus.
Tiens, d'ailleurs, je croise mon premier "144" dans la montée. Enfin, dans la montée pour moi, parce que lui est dans la descente. Au Col du Morétan, ça n'allait pas et les bénévoles lui ont conseillé de redescendre vers le Gleyzin (heureusement, parce que du Morétan, on est pas rendu à Super Collet. Mais ça, je ne le sais pas encore...).
Refuge de l'Oule où je ne m'arrête pas (4h25/RoadBook:4h34), parce que sait-on jamais, si les 150 personnes devant moi abandonnent, c'est un podium que je suis en train de jouer. En plus, y'a des Patoux qui aboient et j'aime pas les chiens.
Ca y est, on est dans Belledonne ! Ce subtil mélange de pierres, de roches, de cailloux, de pavasses... C'est aussi une sacré merde à monter en plein cagnard. Pas une goutte d'ombre pour se planquer, ni un brin d'air pour souffler. Tu m'étonnes que personne ne fasse ce col l'été. Un truc comme ça, c'est les skis aux pieds que ça se monte. Mais enfin, comme dit l'adage :
"Là où il y a des fanions, il y a un chemin"Règlement de l'Echappée Belle Helly HansenA force de zigzaguer entre les blocs, j'arrive en haut de la pente (5h34/RoadBook:5h40). Des bénévoles nous pointent. Je ne sais pas si je l'ai déjà dit, mais la vue est magnifique et mérite bien 10-12 min d'arrêt. Note pour plus tard : prévoir des pauses touristiques dans le RoadBook...
La descente est très belle, esthétiquement. Parce que pratiquement, c'est plutôt chaotique. Le névé a quasiment disparu, et c'est bien dommage parce que j'avais adoré le descendre en luge sur les fesses début juillet. Je découvre enfin la fameuse « arête » sur la moraine, équipée de cordes fixes. Quand j'étais venu, j'étais resté sur la neige en contrebas. L'arête plonge assez raide sur les lacs du Morétan. L'organisation, qui décidément prend soin de nous, a équipé toute l'arête de cordes fixes !Je ne les utilise pas, mais c'est vraiment appréciable. Le son du canon résonne au loin pour éloigner les loups. Un gars me demande « c'est le bruit des voiles de parapentes quand elles s'ouvrent ? ». Je comprends pas bien, parce que le parapentiste, quand il saute, sa voile est déjà ouverte. En référence subtile à « Hunger Games » je lui répond que non, c'est quand on abat un concurrent du 144 qui n'a pas passé la BH. Le concurrent du 144 qui me talonne, ça ne le fait pas rire.
En bas de la moraine, on pourrait croire qu'on va courir, mais non. Ça reste chaotique. Dans les lacs, des baigneurs se baignent pendant qu'autour les traileurs trailent.
Enfin arrive la belle vallée de Périoule et, au milieu, la tente-ravito éponyme (6h44/RoadBook:6h40). 19 bonnes minutes de pause à discuter avec Biscotte grillée, à boire un coup, à manger un peu et à tenter d'envoyer un SMS qui, je le sais, va rester au fond du téléphone.
Périoule – Super-Collet – 9,8km et 627m de D+
Un calvaire vertical – De l’eau bien fraîche – Mes enfants – On recharge les batteries – Assistance de choc
C'est reparti pour la longue descente en balcon dans la forêt (en passant, il faut que ce soit dit, par Tirequeue), avant d'attaquer, juste avant le Chalet de Planet, la montée vers Super Collet.
A ce moment-là de l'histoire, je ne savais pas que cette montée était un traquenard. C'est un bon chemin, pas trop accidenté, couvert d'herbe jaunie… et qui monte. Qui monte beaucoup, genre 30%. Il est en plein soleil et totalement abrité du vent. C’est un calvaire, en mode vertical. J'avance avec mes bâtons en mode « déambulateur » : je plante les deux devant, et j'attends que mes pieds arrivent à leur hauteur avant de recommencer. D'ailleurs, ça discute pas trop dans cette montée et tout le monde escalade péniblement le sentier pendant que le soleil nous tape dessus comme autant de petits clous.
Tout à mes pensées, je croise Zecrazytux qui prend une pause. Sur le coup, il n'a pas l'air frais. Comme il dit « je suis en mode gestion depuis le km40 ». On échange deux-trois mots et je retourne à ma pente en mode marche automatique et esprit au repos : pied gauche/main droite – pied droit/main gauche – on recommence...
"Change pas de main, je sens que ça vient"Les grands préceptes de marche nordiqueMais quel est l'imbécile qui a planqué le refuge de la Pierre du Carré ? Pourquoi ça n'en termine jamais ? Ca fait des heures qu'on grimpe. Devant moi, quelqu'un demande « tu crois que ça existe, des pentes qui s'arrêtent jamais ? ». Ben ouais, et on y est.
Enfin, ce couillon de refuge est là (8h57/RoadBook:8h16). Grandiose, des bénévoles distribuent de l'eau bien fraîche sortie de la source qui nous fait (presque) oublier la côte. Tous sourires, ils nous attendent et nous encouragent. J'aurais envie de les prendre dans mes bras suants et maigrichons.
- C'est encore long, Super-Collet ?
- Non, y'a 2km8. Vous devriez y être d'ici une heure et quart !
Grand sourire qu’il me dit ça. Je suis sûr qu'il voulait être gentil. J'espère qu'il n'a pas vu les lueurs assassines dans mes yeux.
Bon an mal an, je me cale dans un petit groupe mené par Biscotte. Tout le monde mouille la casquette dans le moindre ruisseau qui traverse le chemin. Ça dure un moment, mais on finit par arriver à Super Collet (9h35/RoadBook:9h27).
Dans la descente vers la station, j'entends au loin deux petites voix que je connais bien : mes deux garçons, mes chéris à moi qui sont venus me retrouver. Grégoire, mon cadet, en profite pour se prendre un bon vol plané en voulant me suivre en descente, poursuivant le travail déjà entamé en glissant dans les myrtilles. Je croise aussi Patrovite, en position d'attaque pour l'arrivée de Franck.
Du coup, grosse pause (1h15) à la base de vie en famille, les pieds à l'air, avec ma femme qui, telle une abeille, va et vient entre le ravito et moi pour me rapporter du coca, de la soupe, des gâteaux, des tucs, de l'eau pour se laver les pieds et le visage... une assistance digne des élites ! Je branche ma montre sur une petite batterie avec sortie USB et le téléphone est remis à charger dans le ravito. Bref, tout le monde recharge les batteries.
Super-Collet – Refuge des Férices – 9,2km et 940m de D+
Une descente en solitaire – Montée aux Férices – Une proposition indécente
SMS à Arcelle « Salut Arcelle ! Je repars de super colet en forme. Biscotte était juste devant moi et franck pas très loin derrière il me semble. Ai vu zecrazytux dans la montée vers refuge pierre carré. Montée très dure et il faisait très chaud. Il était dans le dur... »,
J'envoie mon SMS au moment où Franck passe me voir. Il est déjà prêt à repartir ! Je remballe tout dans les sacs et on fait un bout de chemin ensemble, rythmé par les rappels de Franck de ne pas l’attendre si j’ai envie d’avancer. La remontée de la piste de ski n’est pas le plus beau morceau du parcours, mais il fait bon. On croise d’autres participants et ça discute tranquillement. Petit à petit je prends de l’avance, et je bascule seul au Col de Clarant. La descente vers les Chalets de Pré Nouveau se fait moitié en marchant, moitié en trottinant dans un petit chemin forestier bien agréable. J’ai l’impression que tout le monde a disparu depuis le Col de Clarant : personne devant, personne derrière. Heureusement qu’il n’y a pas de problème de balisage, sinon, c’est moi qui commencerait à baliser.
A Pré Nouveau, des bénévoles me pointent. Je m’installe sur le banc pour boire un peu et on raconte tout et n’importe quoi. Au moment où je me lève, 7 ou 8 minutes plus tard, Franck arrive. C’était bien la peine de pas descendre ensemble !
C’est reparti en direction du Refuge des Férices maintenant. Un très bon chemin, mais qui grimpe. Ça me rappelle la montée de la Pierre du Carré, la chaleur en moins. Je rattrape un peu de monde et on échange deux-trois mots avant de continuer. C’est agréable cette course, tout le monde discute et la plupart des gens ont le sourire.
Par contre, chaque fois que je bois, il me faut 5-10 minutes pour qu’une désagréable sensation de creux dans l’estomac disparaisse.
Les refuges et ravitos ont une foutue habitude sur l'échappée belle : ils n'arrivent jamais. Sur le papier, la montée aux Férices est une formalité. 450m de D+ à tout casser sur 2 km. Le genre de montée efficace et sans histoire, du moins quand la voiture est garée au pied et qu'on vient de partir.
Au détour d'un virage, deux bénévoles sont assis sur un caillou (belledonien le caillou, de la taille d'un petit bus). Ah ben si en plus vous le planquez le refuge... Il est là cet andouille, tout tranquille au fond d'une petite terrasse avec une vue à faire se damner un saint.
Ne dérogeant pas aux principes qui m'ont conduits jusqu'ici, je me pose comme si j'avais la journée devant moi. Barres de céréales, un peu d'eau, deux-trois mots échangés. En 10 min, cet endroit quasi vide se retrouve peuplé de tout un paquet de participants. Et là arrive... Franck.
Cet homme, c'est un peu comme le camion dans « Duel » de Spielberg, le sourire en plus et le côté inquiétant en moins. Il réapparaît toujours ! Pour avoir lu et relu son CR de l'an dernier, je me souviens qu'il n'avait pas apprécié plus que ça la portion qui nous attends. Et puis franchement, c'est un peu nouille de faire le yoyo comme ça alors qu'on pourrait profiter de la course ensemble. Tout le monde se prépare pour y retourner, j'attends l'ouverture et je balance : « Franck, je crois qu'on est parti pour passer la nuit ensemble ». Et hop ! Emballé !
Refuge des Férices – Val Pelouse – 8,1km et 506m de D+
Nuit étoilée en bonne compagnie – Un col qui se dérobe – Micheline à la descente – Un coureur qui frime – On loupe Bubulle à rien – Envie de se coucher – Assistance de choc (bis)
Petit coup de nouvelles en envoyant un texto à Arcelle : « Salut on est au refuge ferices avec Franck en mode ballade champêtre. Tt le monde va bien. Nos équipes d'assistance sont au top!! Sylvain » et petit encouragement en retour « super, continuez comme ça ! »
On repart sur un très joli sentier en balcon ascendant. D'après le profil, ça grimpe jusqu'au col d'Arpingon pour descendre ensuite à Val Pelouse. Ça discute tranquillement. On double une fille qui nous montre son mari au loin. C'est elle qui l'a motivé pour participer à la course alors qu'il ne se sentait pas super bien. Du coup, il boude et avance devant. Je les avais déjà vu dans la montée, et c'est vrai qu'il n'avait pas l'air super en forme...
Franck, qui connaît chaque caillou par son prénom ici, m'explique qu'on pensera avoir franchi le col, mais qu'en fait non, le col sera plus loin. Je médite sur les merveilles de la géographie montagnarde que cette phrase laisse soupçonner. Effectivement, on passe quelque chose qui ressemble vraiment à un col, à savoir un point bas entre deux pointes, sauf que derrière, ça continue de monter... Un peu plus loin, nous voilà à ce qui ressemble vraiment à ce col qui n'en est pas un. Sur la droite, un chemin dévale dans la vallée et un coureur et son pacer sont assis.
C'est curieux ce pacer. Il parle au coureur du 144 comme un guide parlerait à son client. Je pensais que les pacers étaient des copains qui se dévouaient pour vous supporter pendant 47 bornes alors que vous ne faites plus que râler, mais il y a peut être des gens qui se sont portés volontaires pour aider des inconnus.
Le pacer se lève et commence à trottiner. En voyant son dossard rouge, Franck change de couleur : « après 100 bornes, il arrive encore à faire ça ? ». Je lui fais remarquer l'inscription sur son dossard : même couleur que les adultes, mais il n'a que 10 bornes dans les pattes, alors heureusement qu'il galope !
« Allons en paix frères, allons en pacer »Mess des officiersLe soleil se couche. Du coup, la nuit se lève. En vrais pros on se change, on boit un peu, on mange, et on y retourne. Maintenant qu'il y a du réseau, j'envoie un sms vers 20h20 « Col d'Arpingon, on avance tranquillement ».
Le chemin est caillouteux, mais rien de dramatique, c'est un chemin de montagne. La température a bien chuté et le redémarrage est difficile : il faut bien 10 min pour arrêter de frissonner. Je me demande si je n'aurais pas dû garder la veste...
Au final, non. Après le « col », on continue de monter. Les fanions se voient vraiment bien, mais il faut prendre l'habitude de les chercher. En plus, parfois, la petite bande réfléchissante n'est pas tournée du bon côté. On part un peu trop sur la droite et des bénévoles nous rappellent à l'ordre « c'est sur la gauche ! ». Bof, ça passe aussi par là. De toute façon, les cailloux de gauche ressemblent aux cailloux de droite.
Ils font quoi les bénévoles, ici ? Mince, c'est le col ! Enfin, le vrai col... SMS à 20:56 « En fait, c'était pas le col. Mais là, on y arrive ! ». Le bénévole nous prévient : la descente est un peu moyenne au début, mais après ça va. Bon, y'a plus qu'à alors.
La descente, c'est un petit chemin terreux/pierreux assez raide. En fait, ça va bien, mais il ne faut pas planter les talons sinon les pieds glissent. D'ailleurs, j'entends glisser. « Ça va ? » Franck : « ouais, mais tu vas un peu vite pour moi là ». On descend tranquillement, les pieds à 10h10. Petit à petit, on rattrape un groupe de « 144 » pas au top. Ils entrent dans leur deuxième nuit, ça doit commencer à tirer sévère pour eux. Derrière nous, ça arrive aussi. Finalement, c'est un vrai train de nuit qui descend, façon Micheline poussive. On arrive vers l'endroit où Franck avait glissé et s'était fait peur l'an dernier. C'est vrai qu'il y a une belle pente sur notre gauche. Avec les frontales, du monde, et une nuit parfaitement claire, ce n'est pas très impressionnant, mais j'imagine facilement que dans le brouillard et seul on puisse voir les choses très différemment.
Notre groupe progresse vers la vallée. Un gars s'écarte pour nous laisser passer (merci, merci, bon courage, aller courage, merci...) mais celui de devant reste ostensiblement au milieu du chemin. C'est trop étroit pour le déborder par la gauche ou la droite. C'est pas qu'on est pressé, mais avec une dizaine de personnes derrière qui bouchonne, il pourrait nous laisser y aller quand même...
A la faveur d'un passage plus large, un coureur passe... en courant. Histoire de montrer que nous aussi, on sait faire, nous lui emboîtons le pas. Franck : « t'as la caisse dis donc ! ». Lui « ohh, c'est juste pour la frime ! ». Frime ou pas, nous voilà à pulvériser nos moyennes horaires. D'après Franck, on doit se rapprocher du ravito. Sauf qu'il fait nuit noire et qu'on ne voit pas le début du commencement d'une vague lumière.
On passe le refuge de la Perrière. Une petite pensée masochiste quand on sait que l'on va passer par le col du même nom, à 700m et 170mD+ au bout de ce petit chemin à droite, mais dans 5 km pour nous car il va falloir d'abord aller jusqu'à Val Pelouse. Sauf qu'à Val Pelouse, il y notre assistance de choc, et que ça va faire du bien de les voir !
Le sentier continue sa descente. On sort de la forêt et là, en bas, de la lumière ! « Kikourou ? » C'est ma femme ! On est arrivé au ravito ! Non seulement Ingrid, Caro et Alex sont là, mais ma cousine et sa fille ont également fait le déplacement. Et là, qui voit-on ? Elisabeth ! « Bubulle vient de partir ! » Elle l'appelle. Effectivement, au loin, quelqu'un semble se retourner avant d'être avalé par la nuit. D’après Elisabeth, il n’est pas au mieux. C’est sûr qu’on ne s’attendait pas à « presque » le croiser ici…
Évidemment, tout le monde est aux petits soins. C'est incroyable. Les tucs, gâteaux et autres s’empilent sous mon nez. Pas le temps d'en manger un que trois autres apparaissent ! En plus, ma chère et tendre m’a rapporté une bouteille d’eau gazeuse ! Alléluia ! Faut dire que de l’eau gazeuse, ça fait bien longtemps qu’il n’y en a plus aux ravitos ! Je branche ma montre sur un petit pack batterie pour la recharger un peu. Ingrid m'explique que les cousins lui ont organisé un lit trois étoiles à l'arrière de notre puissante Passat pour qu'elle puisse dormir. Je trouve qu'elle devrait aller se reposer, qu'on se retrouverait à Aiguebelle demain matin mais non. « De toute façon je dormirais mal, alors autant suivre, c'est plus sympa ».
C’est à ce ravito que Franck avait bâché l’an dernier. Et à dire vrai, ça ne m’aurait pas dérangé que la course s’arrête maintenant. Je dis à Ingrid : « Tu vois, ça me dérangerait pas de m’arrêter là ». Enfin, je crois que je lui ai dit en tout cas. Les jambes vont bien, je n’ai mal nulle part, je me suis baladé toute la journée dans de superbes paysages, mais l’idée de repartir pour plus de 4h en pleine nuit ne m’enchante pas. Faut dire aussi qu’il est presque 11h du soir, et qu’à cette heure-là, en temps normal, on va se coucher… En fait, je prends conscience que tout ce bazar va nous emmener au-delà des 24h de courses et c’est un cap que là, tout de suite, j’ai du mal à passer.
Val Pelouse – Le Pontet – 18,1km et 815m de D+
Montée hypnotique – Je donne le « meilleur » de moi-même – L’occupant mystère de la tente au col – Les bénévoles, quel bon thé - Bubulle nous pique Angelika – Un convoi humanitaire – Le ravito qui n’arrive jamais – Assistance de choc (ter) – Off à Lyon
Franck me sort de ma torpeur. On y retourne. On rassure Elisabeth en lui disant qu’on va rattraper Bubulle et l’accompagner jusqu’au Pontet. Aller, c’est reparti en côte dans les alpages, au milieux des vaches qui avaient agressé Franck l’an dernier. Je passe devant, enfin je crois, mais part un peu trop sur la gauche. Des coureurs nous rappellent à droite. Je leur explique que je ne me suis pas trompé, mais que je voulais observer une variété particulièrement rare de buisson. On reprend le vrai chemin et je me cale derrière Franck.
"...paupières en panne,C’est dur de se relancer après le ravito. J’ai moins froid qu’aux redémarrages précédents, mais le défilement des cailloux sous les pieds à la lueur de la frontale a quelque chose d’hypnotique. J’ai les yeux qui se croisent un peu. Bref, je suis en plein coup de barre.
L’impression nauséeuse chaque fois que je prends une gorgée passe difficilement. J’ai dû trop boire au ravito et avaler un peu n’importe quoi.
On arrive au col de la Perrière. Sur la gauche, un chemin descend vers le refuge du même nom où nous sommes déjà passé. Nous, c'est à droite. La descente est bonne. Malgré la nuit, on ne voit pas des masses de lumières. Ne surtout pas penser que je pourrais être en train de dormir tranquillement dans mon lit à cette heure-là...
Fond du vallon. On va partir pour l'antépénultième montée de la course. Il reste le col de la Perche, le grand Chat et puis, plus loin, la dernière montée vers le fort de Montgilbert. Petite pause en bas de la montée où deux coureurs nous dépassent. Je comate un peu et la vague impression nauséeuse ne passe pas.
Je crains le début de déshydratation. Je me suis fait avoir comme un bleu pour la première fois un mois plus tôt pendant un trail à Vars. J'étais parti un peu vite et il faisait très chaud. Je pointais 26ème après une grosse vingtaine de km et 2000mD+. Ça a commencé par les jambes qui ne répondaient plus. J'avais mis ça sur le compte du manque d’entraînement. Et puis dans la bosse suivante, tout est sorti d'un coup et je me suis traîné les 15 derniers km en devant me poser toutes les 5 min...
Les premiers lacets sont raides. Ils nous amènent au fond d'une grande combe qui monte en pente douce vers le col de la Perche. Au pied de cette combe, je reprend une grande rasade d'eau. L'erreur ! Ça ne passe pas du tout. Quelques pas plus loin, je me mets à penser aux gels énergétiques. Et là, grosse sensation d'écoeurement. L'estomac se révolte, se révulse et blahh voilà mère Nature chaudement arrosée. Sûr que d'ici quelques mois, des espèces étonnantes pousseront à cet endroit...
Un kikou nous dépasse (philippe.u comme je l'apprendrai plus tard). Cette course, c'est juste comme un Off kikou géant en fait.
Contrairement à Vars, je me sens vraiment mieux après. Par contre, je n'ose pas me remettre à boire tout de suite. On s'assied un peu le temps que je me remette, je me rince la bouche, pique un peu de mélange coca/eau à Franck et on repart.
Au col, ça va vraiment mieux. Les bénévoles sont là, bien installés. Certains sont vers une tente tandis qu'une bénévole est assise sur un énorme cairn. Je lui dit qu'elle s'est faite avoir !
Toujours pas de Bubulle en vue ! Le bougre, Elisabeth nous disait pourtant qu'il n'était pas super en forme ! OK, on a pas établi un record de montée mais quand même ! il a dû prendre des trucs une fois sorti du ravito... On en est là de nos discussions quand une voix derrière nous dit « Bubulle, il est resté dormir un peu au col ».
Ben, déjà, t'écoutais par dessus mon épaule, et puis comment tu connais Bubulle ? « Je m'appelle Cyril, Cyss sur kikourou ». Est-ce qu'il y a des participants à cette course qui ne sont pas sur kikourou ?
On l'a donc bien rattrapé le Bubulle. Je suis un peu déçu, parce que j'aurais été content de le croiser « en vrai ». On discute et on déconne en descendant. Il descend rudement bien le gars Cyss avec ses 100 et quelques bornes dans les jambes ! Par contre, dans les côtes, c'est un peu plus dur et on finit par le distancer dans la montée vers le sommet du Grand Chat (l'avant dernière côte, donc).
De nouveau seuls, sous les étoiles. La pleine lune éclaire le Mont Blanc. De jour, la vue doit être fabuleuse : c'est un vrai 360 sur les massifs alentours. Enfin, seuls... Une féminine du 144 nous demande « it's possible to go down with you ? » Instantanément, je comprends qu'elle n'est pas française. Bien sûr que c'est possible. C'est sa deuxième nuit dehors, et on peut comprendre qu'elle n'ait pas envie d'être seule sur les crêtes.
La descente se fait donc à son rythme. On fait plusieurs pauses pour que Angelika (c'est son nom) nous rattrape. Cyss fini par recoller aussi.
Au Col du Champet, c'est un véritable camp de scouts ! Des bénévoles nous pointent. Ils ont une tente, des voitures et un magnifique feu de camp. Ce n'est pas un ravito et pourtant on nous propose à boire. Une bénévole me propose du thé. Le top ! Une boisson chaude, c'est l'idéal pour se remettre à boire. C'est que je commence à être bien sec depuis mon dépôt de gerbe au trailer inconnu.
On profite gentiment du feu quand un furieux déboule du chemin. Gants lumineux qui brassent dans tous les sens, deux-trois phrases balancées, juste le temps que Franck et Cyss s'exclament « Bubulle » et il disparaît dans la brousse en embarquant Angelika !
Trois mâchoires tombent. On se demande s'il était vraiment en train de dormir sous la tente, au col. Un grand merci aux bénévoles et on file à sa poursuite.
Mais c'est qu'il file le bougre ! Avec ses gants lumineux, j'ai l'impression de poursuivre un des frères Jacques à travers la forêt. Sous ecstasy le frère...
On le rattrape enfin sauf que, même s'il marche, il flotte comme l'impression qu'il n'y a pas de lumière à tous les étages. « Ca va Bubulle ? » « ouais, fatigué mais ça va ». Il est cohérent, mais à peine audible.
On se met en formation dans cette descente qui n'en finit pas. C’est plus une course, c’est un convoi humanitaire. Les sentiers coupent parfois des routes forestières, parfois les suivent. Ça n'en termine jamais. J'attends qu'on passe la Baraque à Michel, mais je ne la verrai jamais.
Enfin, nous voilà sur la grande piste forestière. En principe, on longe la départementale et on arrive au ravito. Mais la végétation est dense. On ne voit pas les villages, ni la route. En fait, on ne voit rien. A part les frontales, ce qui brille le plus, ce sont les gants de Bubulle. La piste non plus n'en finit pas. Je jette un œil sur le GPS, quasiment la première fois depuis le début de la course. On aurait déjà dû arriver au ravito. « Bubulle, faut que tu te poses un peu au Pontet ». « Faut que je dorme, je pourrai jamais faire 15 bornes dans cet état là ». C'est un automate, mais au moins il est cohérent.
SMS de Ingrid « Comment ca va ??? Je suis autour du feu au Pontet bisous ».
Moi « On est tt à côté on arrive »
Ingrid « Avec Bubulle ? »
Moi « Oui dans un état second mais il avance bien »
Toujours pas de lumières, toujours ce chemin qui avance tout droit. J'en fini par me demander si on l'aurait pas loupé, ce foutu ravito. Et puis en fait non, il est là. « Kikourou ? » oui, c'est nous.
Caro, Ingrid et Elisabeth sont là mais Bubulle a stoppé net au croisement. Franck lui demande ce qu'il fait « Attends, j'attends quelqu'un ! ». Non mais dit, y'a personne à attendre derrière ! « Allez-y j'arrive, faut que je l'attende ».
Finalement, tout le monde rentre au ravito. Bubulle s'appuie lourdement sur le mur, épuisé. Franck et moi allons boire et manger.
Une fois de plus, nos suiveuses filent dans tous les sens. Les soupes au bœuf arrivent, les flasques se remplissent, et tout ça alors qu’on est en plein milieu de la nuit. Incroyable cette débauche d’énergie ! Ingrid cherche une prise pour mon téléphone et me donne la batterie USB histoire que je recharge encore un peu la montre. Elle file avec ma caméra pour prendre un petit film du coffre de notre voiture transformé en dortoir. Arthur Baldur arrive tous sourires, Taldius est là aussi. Ce « off kikou » est en train de se transformer en « off à Lyon »…
Ce ravito a une saveur particulière parce que c’est le dernier. Dans une petite quinzaine de kilomètres, c’est l’arrivée. Juste une bosse à passer et plus de sentiers difficiles. Et puis le jour va bientôt se lever. On embrasse nos valeureuses chéries en leur donnant rendez-vous dans quelques heures à Aiguebelle.
"Though I'm past one hundred thousand milesLe Pontet – Aiguebelle – 13,4km et 447m de D+
Fort de Montgilbert – La descente qui n’en finit pas – Rave Party – On court (si si !) No passaran pour les bretons – Arrivée
Et c’est parti ! La montée au Fort de Montgilbert se fait régulièrement sur un chemin large. La nuit rend progressivement du terrain. Finalement, ils passent plutôt bien ces 400m D+ et des brouettes. Clairement, la civilisation est de retour. Il n'y a plus de cailloux sur les chemins. On rencontre même du... bitume ! Par contre, la descente n’en finit pas. Le chemin est bon, la pente n’est pas trop forte, mais la vue est complètement bouchée par la forêt.
De la musique se fait entendre, mais c’est un peu trop tôt pour Aiguebelle. Y’a une rave dans le coin ? Ça semble venir d'un champ, derrière le hameau des Bugnons. On n'en saura jamais rien vu que la route (oui... une route) nous emmène à l'opposé, plein nord.
La forêt s'éclaircie, mais on ne sait toujours pas où on en est. Autour de nous, ça court de plus en plus. Tout le monde sent l'écurie (au sens figuré, comme au sens propre). Je motive Franck pour prendre un petit trot, histoire qu'on en finisse avec cette descente. Il n'a pas l'air trop motivé au début et puis tiens, si, finalement.
Faut dire qu'on est retombé sur nos bretons entre temps, et qu'il est hors de question qu'ils arrivent avant nous !
Sauf qu'à galoper comme ça, on est en train d'exploser notre timing, et pour une fois dans le sens positif. Parti comme ça, on va arriver avant 8h30, alors qu'on s'était donné rendez-vous pour un bon 9h30-10h... Dilemme : on ne leur dit rien et on toque à la fenêtre des voitures avec les croissants, ou bien on les réveille ? Arrive enfin la route et le panneau Aiguebelle. Notre performance se confirme. Finalement, on s'arrête pour prévenir nos femmes. Après avoir tellement donné toute la nuit, on se dit qu'elles aimeraient peut-être nous voir arriver ! L'autre grosse question existentielle c'est : on enlève les frontales ou pas, vu qu'il fait grand jour ? Bah, on les garde sur la tête, ça fait plus « warrior ».
Le plat final est vite avalé, et sans marcher (alors qu'il faut toujours bien marcher pour digérer son plat). La route, le virage à gauche, la route, on traverse, le parking et tout au bout, l'entrée du parc. La traversée du parc jusqu'à l'arche, l'arche... franchie main dans la main, pour bien marquer que nous avons fait cette course ensemble. Pas de sauts dans tous les sens, pas d'exultation, juste content d'être là avec nos proches et d'avoir bouclé cette belle balade sans bobos et plutôt en bon état.
"C'est gagné !"Dora à son copain BaboucheIl est 8h18. Le ciel est déjà bleu quand nous franchissons la ligne d'arrivée. Franck a conjuré le mauvais sort, et moi, j'ai passé pour la première fois plus de 24h sur un trail. Mais l'Echappée Belle ne peut pas se résumer à ça. D'ailleurs, est-il possible de résumer l'Echappée Belle ?
Conclusion ?
Un mois après, j'ai encore des souvenirs plein la tête. J'ai adoré l'organisation impeccable de cette course (sauf le manque d'eau gazeuse...), les bénévoles parfaits, souriants, l'assistance aux ravitos, et une course sans pression en bonne compagnie.
J'ai beaucoup apris sur cette course : gérer un sac d'allègement, gérer la fatigue, et vu beaucoup de défauts dans ma manière de boire ou de manger (plus de gels sur ce genre de format, ni de barres de céréales, trop pénibles à mâcher), mais finalement, tout s'est très bien passé, à part le "trop-plein" dans la montée du col de la Perche.
ArthurBaldur avait raison, la fraîcheur est primordiale sur ce type de course. Finalement, les jambes ont bien suivi malgré le peu de volume de la préparation. Au final, c'est aux bras que j'ai eu des courbatures à force de pousser sur les batons...
J'ai aussi vu qu'il y avait un gouffre entre nous et ceux du "144". Gérer deux nuits dehors, c'est vraiment un autre monde, et il va falloir encore apprendre avant de s'aventurer sur ces sentiers là...
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9 commentaires
Commentaire de bubulle posté le 29-09-2015 à 07:07:39
Non, non, y'a pas un monde. T'as bien vu, moi je débutais sur "deux nuits" et j'ai géré ça au petit poil. Enfin, au petit poil.....juste quelques absences que vous avez vaguement remarquées;..:-).
Quand j'y repense, quel mufle alors, à ce ravito avant le Pontet. C'est vrai qu'en y repensant, je me vois arriver, embarquer Angelika et hop.....c'était un peu genre l'idée fixe, quoi, que je l'avais abandonnée comme une vielle chaussette au col et que ça se fait pas. Du coup, je mets un gros vent aux amis kikous...:-).
Mais, à part ça, tu me parais tout à fait prêt pour la course des grands. Après tout, ce n'est jamais que quelques cailloux de plus (euh, en fait, pas mal de cailloux : les plus gros, c'est quand même *avant* le Pleynet, mais l'avantage c'est qu'on est encore vaguement frais). Allez, laisse-toi tenter....
Commentaire de Mazouth posté le 29-09-2015 à 13:33:50
Super récit ! Et une course tellement bien réalisée, que tu es obligé de tenter le 144, au moins pour qu'on ai un encore-plus-super récit à lire l'an prochain ;-)
Commentaire de Trixou posté le 29-09-2015 à 13:59:09
Bravo ! Et merci : un bon sandwich, 50 cl d'eau gazeuse, et un excellent CR avec des héros qu'on connait dedans, et voilà une pause de midi agréablement passée.
La comparaison de Franck avec le camion, excellent !
Commentaire de L'Dingo posté le 29-09-2015 à 14:39:22
Récit très bien écrit où se mèlent humeur et humour.
c'est agréable,enlevé et pour une course que je ne connais pas me renvoie à plein d'aventures du même accabit des années passées.
quant aux citations musicales,chapeau !
un chouette CR qui va rejoindre ma florilège-othèque.
Bref, RESPECT comme me "soulait Aretha :-)))
Commentaire de Taldius posté le 30-09-2015 à 09:10:28
Félicitation, tu t'es taper un gros morceau pour un premier ultra.
C'est bien d'avoir terminer et d'être rester conscient.
A bientôt.
Commentaire de franck de Brignais posté le 01-10-2015 à 21:18:41
Merci Sylvain : tu m'as aidé à franchir la ligne d'arrivée à Aiguebelle !
C'est un beau moment (je ne parle pas de la nuit qui a été exceptionnelle...) que j'ai passé à tes côtés. Tu as largement la capacité de rentrer dans le road book que tu t'étais fixé. Au plaisir de prochains moments partagés !!
Commentaire de Arclusaz posté le 01-10-2015 à 21:59:33
J'ai rien compris : Dora elle a fait l'EB avec "sac à dos, sac à dos" ?
Le bénévole du Col d'Arpingon, c'était Pierrot69, t'as raison, c'était "off à Lyon", cette course.
Quant à Bubulle, tu as raison : y a pas la lumière à tous les étages !
Bon, un peu de sériosité, pour te féliciter car c'est un sacré truc que tu as fait : tu as super bien gérer, tu t'es parfaitement adapté à ce format nouveau et surtout supporter autant de temps Franck, y a qu'une sainte comme Caro qui y arrive !
A bientôt à la Tête d'Or, c'est là que se bâtissent les succès de demain....
Commentaire de patrovite69 posté le 01-10-2015 à 22:06:42
Bravo pour cette course, c'était un sacré morceau.Je pense que ta femme vient d'être contaminée par le virus de la suiveuse....
Ca a été un plaisir de partager cette aventure.
A bientôt au détour d'une course.
Commentaire de Cricridamour195 posté le 08-10-2015 à 08:38:29
Excellent texte! Bravo! Et Merci!
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