L'auteur : Mog
La course : L'Echappée Belle - 145 km
Date : 28/8/2015
Lieu : Vizille (Isère)
Affichage : 3409 vues
Distance : 145km
Objectif : Terminer
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A la demande de Benjamin, un petit retour sur ma course. Je suis désolé, je n'ai pas beaucoup de photos ou d'illustration à mettre... que du texte passablement chiant (je n'ai pas le talent de comteur de l'ami Benji)... mais voilà l'aventure que j'ai vécue.
Avant…
Il y a quelques mois, après ma non-retenue à l'UTMB, Benjamin m'avait conseillé en remplacement l'EB en me vantant la beauté du parcours et le coté haute montagne sauvage... il m'avait prévenu que c'était difficile, mais bon ça, c'est pas le genre d'infos auxquelles je fais attention.
Donc en tant que traileur bordelais, je me suis préparé comme j'ai pu… en grande partie loin des montagnes (deux we de prépa dans les pyrénéens seulement), mais assez en suivant un plan d’entrainement quand même (sessions seuil, fractionné, sortie longue, vélo…). A quelques jours du départ, je me demandais si mon choix pour l’EB était vraiment pertinent pour ma première expérience sur un ultra de plus de 100 km en montagne… mais j’étais impatient aussi.
Première partie – De Vizille au Pleynet
Vendredi 5h50, je rejoins la ligne de départ… mon seul objectif étant de rallier l’arrivée sans considération pour mon classement ou mon temps, et connaissant le fort taux d’abandon, je décide de me placer dans le milieu du peloton. Je ne verrais pas Benjamin au départ, dommage…
C’est parti… je me sens pas trop mal, le terrain est roulant, je fais la première étape de Vizille à Arselle avec de bonnes sensations, à une bonne vitesse, mais sans m’enflammer ; je sais que c’est juste de l’échauffement. Je continue sur la même lancé jusqu’à La Pra, même si le parcours devient plus technique… Là, je remarque mes limites, surtout en descente… C’est sûr que moi, le pied montagnard, je ne l’ai pas… à la place, j’adopterai durant toute la course le pied prudent. Ma logique est d’assurer avant tout ma sécurité sur les parties techniques quitte à ralentir et à dépenser plus d’énergie. Mais je gère bien ce début de course ; je vois au ravito, Seb, un coéquipier bordelais, bien plus fort et expérimenté en trail que moi. S’il est là avec moi, ce qu’il n’est pas au mieux de sa forme ou que je suis trop rapide sur mon début de course. D’ailleurs il me dit : « T’as vu comment ils sont partis devant ? On dirait qu’il parte pour un 40 bornes. » Je le laisse repartir devant… à chacun son niveau et je continue sur mon petit rythme…
Puis, vient la montée vers Belledonne… Là, je commence à bien saisir toute la difficulté du parcours. Dans la montée, je double des traileurs ; j’ai quand même la caisse et ne semble pas trop souffrir de l’altitude. Par contre, dans les descentes (surtout techniques), tout le monde me repasse. Je vois que sur ce point là, il y a comme un manque dans ma préparation. Malgré cela, je gère bien ce début de course et arrive au Col de Freydane vers 12h20 ; soit plus rapidement que dans mon prévisionnel.
En tout cas, dans toute cette partie, je profite pleinement du paysage qui est magnifique (et qui le sera sur la plupart du parcours). C’est pour moi la plus belle partie du trail. J’arrive à Jean Collet deux heures plus tard après m’être fait remonté par pas mal de coureurs, mais je n’y prends pas gare ; je me souviens des mots prononcés au départ pour réussir son EB : gestion, gestion, gestion. C’est mon mantra que je me répète dès qu’un coureur remonte à mon niveau.
La partie de la Brèche est bien difficile pour moi (je suis déjà gavé de cailloux), mais porté par le très beau paysage, j’avance à mon rythme. La encore, dans la montée je me débrouille pas mal ; je double Seb qui semble à bout, terrassé par le combo chaleur/altitude. En déscente, je suis sur la défensive… et me fait doubler. J’arrive au pas de la Coche à 17h aux environs de la 100ième position.
Petite pause tranquille et je repars plein de motivation pour la suite… Comme pour les cols précédents, la montée passe bien, et la descente est plus difficile. Toutefois arrivé vers le chalet du Gleyzin, je peux commencer à accélérer… le terrain est plus facile et je suis pressé d’arriver à la base de vie ; mon challenge est d’atteindre le ravito sans avoir à allumer ma frontale. Et en poussant un peu sur les km de plat de la fin, j’y arrive (vers 21h).
Deuxième partie – De Pleynet à Super Collet
Changement de chaussette, de T-shirt, remplacement de la casquette par la frontale, un plat de spaghetti bolognaise, très bon, mais un peu dur à digérer sur le moment, un peu de repos et à 22h me voilà reparti. J’avais prévu de prendre mon temps au ravito, donc l’heure passée ici ne me parait pas abusive, et puis j’ai mangé un bon plat de pâte.
Le moral est bon et je suis encore assez en forme. Sur la première partie (celle qui sert de départ au 80km), je peux tranquillement courir en m’habituant à l’obscurité brisée par ma frontale. Les spaghettis me pèsent un peu tout de même (avec pour résultat un petit point de coté) ; je regrette un peu ma grosse plâtré de pâtes. Je double quand même quelques traileurs et je profite de la fraicheur de la nuit. Bien requinqué par ma longue pause au Playnet, la montée du Valloire se passe sans encombre et j’arrive au chalet du Leat (a peu près à mi-course) un peu avant 1h du mat. Dans la montée je partage la route avec un autre traileur (dont j’ai oublié le nom) ; notre association durera un paquet d’heures et me portera bien loin (mille merci à lui donc). C’est aussi pour ces échanges et partages, que ce soit avec les autres traileurs ou les bénévoles, que j’aime les trails. Je trouve que ce coté, l’EB est un must avec une galerie de personnes agréables et attachantes.
La descente vers Gleyzin ne pose pas particulièrement de problème ; j’arrive à courir un peu et repasse deux coureurs. Il est 1h45 du matin et le Moretan nous attend. On nous conseille au ravito de Gleyzin de bien nous reposer, voir d’attendre le jour pour affronter la prochaine étape, mais je suis impatient de voir ce qu’il en est et la nuit me réussit bien. Je repars avec mon coéquipier pour la montée. Finalement, hormis le final (bien délicat), la montée du Moretan passe très bien. Elle ne nous a pas paru si terrible... même si elle nous a quand même pris près de 3h. La descente par contre, nous a paru très longue. Elle est raide, je ne suis pas à l’aise (je me traine quoi) et quand enfin, on a l’impression d’avoir passé toutes les difficultés, il reste le plat dans les rochers… interminable… Mais petit à petit, même en galérant, on arrive à Périoule. Qui se sera bien fait attendre.
Ca y est, on passé la plupart des grosses difficultés de la course. Prochaine étape, Super Collet. C’est un ravito que j’attends particulièrement. D’une part, c’est une base de vie (donc, changement de vêtement, refill en nourriture, etc.), mais surtout, c’est le point de départ du 47km. Or, ma copine, Eléonore, le fait. Mon nouvel objectif auquel mon coéquipier adhère est d’arriver à la base de vie avant le départ du 47km (10h du matin). A notre départ de Périoule, je jour commence à se lever (il est environ 6h), le moral est très bon, on avance de bonne grâce jusqu’à Super Collet, d’autant que cette étape n’a rien de difficile. On arrive à la base de vie à 8h53 ; on a réussi notre objectif !
Troisème partie – De Pleynet à Super Collet
Je peux voir Eléonore et me repose pendant 45 min à la base de vie avec mon coéquipier. On décide de repartir un peu avant le 47km. La première montée, vers la piste de ski, se déroule bien, même si je commence à bien ressentir de la fatigue. Pendant la montée, on se fait doubler par les fusées du 47km. Puis de nombreux autres traileurs du 47km nous doublent dans la descente suivante (y compris Eléonore) ; c’est surtout là que l’on voit la différence de fraicheur. La descente qui suit me paraît très longue et il commence à faire chaud… mais le pire reste à venir. Alors que cette étape n’avait pas du tout retenu mon attention dans le roadbook, j’explose dans la montée vers les crêtes. Il fait très chaud, il n’y a presque pas d’air… et ma fatigue me revient comme un coup de boule. J’ai l’impression d’y vider toute mon énergie… les sommets ne semblent jamais venir. J’atteins le refuge de Férice à midi et demi mais je suis épuisé. Je n’avance plus… je demande à mon coéquipier qui rêve de faire entre 40 et 42h et un top 50 de m’abandonner. Gentiment, il rechigne à le faire, mais il finira par partir devant (et je suis sûr qu’il a atteint son objectif). La suite jusqu’à Val pelouse est un enfer. Je finis par arriver, défait, à Val Pelouse. Eléonore m’a attendu. Elle regarde mon visage, inquiète, mais bon, elle sait que je lâcherai rien. Je lui dis de repartir de suite. Moi, je fais une bonne pause pour essayer de recharger les batteries, si cela est encore possible. Je me dis qu’il ne me reste plus grand chose à faire ; la plupart des difficultés sont derrière moi… les trois mots clefs me reviennent : gestion, gestion, gestion. Alors, voilà, plus qu’à gérer avec le peu qui me reste…
Je repars tout seul vers le sommet des crêtes. Je monte doucement ; dans le milieu de la montée, je m’arrête pour discuter et plaisanter avec un bénévole. On parle de la performance du trio de tête (trop la classe benjamin). Ca fait du bien, et je peux finir cette montée sans encombre. La descente vers la source est sympa mais très lente pour moi. Je ne peux plus courir à ce moment de la course ; j’essaie de marcher à la vitesse que je peux. Puis vient la montée du Col de la Perche… A priori rien de difficile, mais je suis tellement défait, que je mets un temps infini à la faire, faisant des pauses tous les 100m. Après une petite descente vient l’une des dernières montées, celle du Sommet du Chat. Heureusement, elle est courte, même si je me fais avoir (comme à chaque fois en pensant qu’on est arrivé alors que c’est le sommet d’à coté).
Il reste la longue descente vers le Pontet. Je marche dans la descente et me fais encore doubler… mais cela n’a plus beaucoup d’importance, je pense surtout à finir ce trail. A quelques km de l’arrivée (juste au moment ou j’arrive sur la route), je reçois un coup de fil d’Eléonore qui m’informe qu’elle m’attend au ravito du Pontet et qu’il ne me reste que de la route/chemin facile à faire. Je décide d’essayer de recourir et ça marche… Je dois faire du 7km/h en courant comme un boiteux, mais ça tient (à ma surprise)… le temps me paraît très long. La nuit tombe, je dois rallumer ma frontale. Ca semble ne jamais vouloir finir… derniers traquenards des orgas alors que je pensais arriver enfin au ravito : la foret boueuse et le chemin en faux plat montant interminable (alors que l’on entend les bruits ravito à coté ; le truc qui tue trop quand on est dedans). Je finis par arriver au Pontet à 21h51 (je suis en 80ième position).
Eléonore m’a attendu en profitant de la yourte de repos. Pour ma part, je commence à me ravitailler puis je la rejoins 10 min sans trouver le sommeil ou le repos. Mais ça doit pas faire de mal avant de repartir pour l’ultime étape de nuit. On décide de finir ensemble cette aventure. On repart tous les deux dans la nuit après s’être bien informé du profil topo de la fin de parcours auprès d’un bénévole. Le départ du ravito est un peu dur pour moi. Je souffle comme un boeuf asthmatique même en marchant sur le plat ; j’ai l’estomac en vrac et les yeux qui pleurent (faudra que je trouve une nouvelle solution pour mes lentilles de contact la prochaine fois). La dernière montée dans la forêt est longue, un peu monotone et parfois raide. Mais je trouve mon rythme (en maitrisant mon souffle). Je pose la cadence et Eléonore suit. Je suis tout en mental et je ne veux plus m’arrêter jusqu’au sommet. Et ça passe… même si je ne vois le Fort de Mongilbert. Mais je ne vois plus grand chose, surtout dans la nui (sauf parfois quelques halu de fatiques). Des bénévoles nous attendent avant la dernière descente. Un petit café pour moi et c’est reparti pour le (laborieux) finish. Le début du chemin est un peu raide et je ne peux courir, mais dès que l’on passe dans des sections plates (ou presque), je propose à Eléonore de courir. Ma course est toujours aussi fastidieuse, mais j’arrive à garder le rythme. On désespère d’arriver… C’est megaaa looonnng. Jamais sur une course, je n’ai eu l’impression que l’approche finale n’était aussi longue (et pas du tout intéressante). On finit par courir juste parce qu’on veut arriver… Au bout d’un très long moment, on arrive enfin à Aiguebelle où sur une dernière facétie, on fait un petit tour en ville. On arrive proche du parc… enfin… bientôt l’arrivé. Des frontales se rapprochent derrière, je vois les coureurs derrières qui veulent nous dépasser en sprint sur les derniers 100m. Je suis carpette, mais piquer dans mon honneur, je propose à Eléonore d’accélérer un peu ; on ne va pas se laisser doubler après plus de 40h de course (pour moi) à 50m de l’arrivée quand même. On finit carrément sur un sprint de routier (j’avais l’impression qu’on était à 15 km/h, enfin, c’était mon impression), main dans la main… et on franchit la ligne devant nos poursuivants (ouf l’honneur est sauf !)
Résultat final
J’aurai mis 43h58 min pour finir l’Echapée Belle (en 80ième position). La course a été dure, très dure. Je n’ai jamais donné autant physiquement de ma vie. Je n’ai jamais non plus était aussi fatigué. Mon corps sera me le rappeler avec une belle éruption de bouton dès le lendemain (un beau retour de mon adoslescence). Mes collègues seront dès le lundi me faire remarquer mes kilos perdus (eniron 3 kg en 40h, pas mal), mon teint terne et mes valises sous les yeux (oui, ils sont charmants).
En tout cas, ça a été une super belle aventure. Il me tarde déjà l’an prochain pour me lancer dans une nouvelle aventure que ce soit l’UTMB ou un autre ultra. Un grand merci à Benjamin qui m’a proposé ce trail.
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6 commentaires
Commentaire de arnauddetroyes posté le 04-09-2015 à 20:07:23
Tout simplement Bravo,être finisher de l EB c est pas rien.
Commentaire de bubulle posté le 04-09-2015 à 20:16:40
"on avance de bonne grâce jusqu’à Super Collet, d’autant que cette étape n’a rien de difficile"....GRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRR
Essaie de la faire à midi....:-)
Franchement, bravo, une très belle gestion et, je ne sais pas si tu réalises bien que moins de 44h pour un premier trail de montagne de plus de 100km c'est juste énorme..:). Et le coup de viser juste pile pour arriver à finir avec ta copine, là, c'est tip-top....
Un peu plus tard, quand j'aurai fini, on comparera nos CR..;-)
Commentaire de TomTrailRunner posté le 05-09-2015 à 08:46:35
Pour une première en montagne sur ce genre de format, c'est une superbe réussite...
Sinon....pour le sprint final, j'en suis la cause : ayant pris le même mantra "gestion, gestion, gestion", je suis arrivé relativement frais sur la fin et ai bien accéléré pour doubler du monde jusqu'au au 81et82 final que j'ai rattrapé en arrivant sur le plat ; c'est là qu'ils ont voulu me repasser pour la place et se sont mis à gambader comme des fous jusqu'à venir vous menacer tous le deux ;) j'ai suivi ce combat de duo en rigolant en me disant que j'étais bien content que ton duo arrive à les contenir. ....
Au final, tu me bas de 10s et 3 places ; suis vachement vexé ;))))
Commentaire de Arclusaz posté le 05-09-2015 à 09:02:19
super perf. Et tu dois être un vraiment bon compagnon de route pour que ton co-équipier mystère puis Eléonore tiennent à rester avec toi !!!!!!
Commentaire de Benjamin73 posté le 05-09-2015 à 11:37:34
Bravo Franck.
Je rejoins ce qui a été dit plus haut. Pour une première c'est vraiment une bonne perf. D'autant que tu n'étais pas préparé de manière optimale. Avec une bonne prepa, tu serais passé sous les 40H, c'est sur ! T'as fait preuve d'un sacré mental. Chapeau !
Pour les boutons, ça me fait la même chose. J'ai le dos d'un adolescent en pleine monté d'hormone. Je pense que ça vient des quantités de sucres ingérées sui sont, en ce qui me concerne, assez considérables !!!
Pour la suite du programme, j'aimerai bien aller à l'UTMB l'année prochaine. Il me manque 2pt... Je suis en train de voir où les récupérer d'ici la fin de l'année. Peut être la Saintelyon...
A une prochaine assurément !
Commentaire de Trimoreo posté le 07-09-2015 à 21:39:30
On ne finit pas très loin (on a dû se croiser dans les derniers kilomètres) mais avec des courses totalement différentes qui m'ont empêché de partager un bout de course ensemble. Une prochaine fois. J'ai eu aussi droit à un retour à l'adolescence post course ;). Belle aventure
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