Je sais que maintenant, je ne peux plus tenir à "4 au kilo" mais je vais quand même me faire plaisir en me jetant hors de la ligne de départ à 16 km/h. Je ne suis pas le seul et je vois la petite Alix et sa queue de cheval aller bon train dix mètres devant. Elle est la seule dans sa catégorie mais n'hésite pas à s'affronter aux plus grandes avec la fraîche insouciance de la jeunesse. Aujourd'hui, la marche est haute. Un petit mot en la passant, 4.04 premier kilomètre et première montée.
Je ne suis pas un grimpeur et si je viens ici, c'est surtout pour Claude et les gars de l'organisation. J'ai pensé à bien dérouler mon pied pour bénéficier de l'effet de poussée de fin de foulée et je change de style pour aborder la première côte. Maintenant, c'est seulement l'avant du pied qui attaque et me procure un effet ressort. Ça tire sur les mollets, j'aurai des courbatures demain lors de la séance de fractionnés avec les filles mais c'est assez efficace ; le talon au sol en montée, ça vous scotche au bitume ...
Tiens, des cadets du club, le faux plat me permet de récupérer et de retrouver mon déroulé. Benoît semble avoir du mal et je le passe non sans l'avoir encouragé. Le ravitaillement se trouve juste avant la descente et je prends un gobelet par principe. J'ai trop vu de gens exploser lors d'Alençon-Médavy, cette année.
Descendre, je sais faire : une petite poussée de la cuisse à chaque foulée me fait légèrement bondir, ce qui agrandit considérablement mon allonge. Seize km/h à nouveau. Sur ces cinquante mètres herbeux, je gagne quelques places mais maintenant, il va falloir les garder car la remontée par la ligne de départ est aussi sévère que courte. Trois cents mètres à vous brûler les poumons. Douze km/h en haut et je bascule pour repasser à quinze durant une petite minute.
Trois km et premier petit tour. Les rangs se clairsèment. Je ne vois plus la tête de course, Vincent finira premier plus de huit minutes devant moi ; un autre monde. Nous avons couru ensemble hier et il s'économisait pour cette épreuve. Il a la simplicité des champions et la moitié de mon âge. Nous ne jouons pas dans la même cour de récréation.
Même petite boucle et même technique. Je ne descends pas en dessous des "5 au kilo" et je frise encore le 16 km/h lors des descentes. Une bouteille de 50 cl au ravitaillement, ça va être nécessaire. J'avise des inconscients qui ne boivent pas. Nouvelle descente en bondissant, nouvelle montée. Le cœur sous la gorge.
Descente du verger conservatoire, je frise les 17 à l'heure, vais-je tenir ? Je stabilise ensuite à quinze à l'heure. Bruno claudique devant moi. Il est habituellement largement sous les 40' au 10 km mais il ne semble pas avoir récupéré de la fournaise de Médavy. Je l'encourage. Le bourg et un peu de plat puis ça remonte.
Il n'a pas l'air bien jeune celui-ci, mais malgré sa petite taille et son côté un peu enveloppé, il vient cependant de me rattraper puis de me passer. Je l'avais pourtant décollé lors de ma descente du verger mais, en véritable athlète, il ne s'en est pas laissé conter et m'a doublé à la première petite butte. Je le félicite :
"Belle remontée, tu dois être au niveau du podium V3 !"
Signe de déniement, deux doigts agités ensemble, j'ai fait une gaffe. Cet opiniâtre concurrent a mon âge. J'oublie trop souvent que dans moins de trois ans, j'aurai soixante années échues.
Je passe du respect teinté d’admiration au respect teinté d'agressivité. On ne se refait pas.
Il reste un kilomètre et j'ai tout donné dans le dernier faux-plat descendant pour dépasser à nouveau ce pugnace V2. J'aborde la dernière côte à 11,5 à l'heure, plutôt rincé.
Depuis deux mois et demi, j'entraîne trois filles pour le marathon du Futuroscope. Une vraie responsabilité, un vrai travail, un vrai plaisir. Je vais bien voir si tout ce travail sur le rythme paie vraiment.
Quatre séances par semaine depuis début mars et la course d'Hérouville il y a trois jours. Un bon entraînement transcende la fatigue.
Jean-Yves, un excellent V1 de l'ASPTT va me servir de point de mire six secondes devant moi. Je passe à 12 puis 13 à l'heure alors que la route ne cesse de grimper vers l'arche d'arrivée. Le panneau des 10 km est dépassé.
A trente mètres de l'arrivée, j'aperçois un V1 qui essaie de terminer devant moi. Pas question. Je bondis et pousse un ou deux cris, la machine va-t-elle répondre ? 14km/h en côte, c'est vraiment très dur mais les jambes priment sur l'esprit et je décolle littéralement pour atterrir sur la ligne.
Je me retourne, mon challenger en V2, il s'appelle Claude, n'est que quelques mètres derrière. Il n'a rien lâché.
43min 35 s, je n'ai pas couru cette épreuve aussi vite depuis 2007. Sur du plat, cela me mettrai à 40 min sur dix kilomètres pile. La concentration et la technique, cela ne me ressemble pas mais ce fut efficace ce 8 mai.
Photo Lydie et Christian Coulange
6 commentaires
Commentaire de JLW posté le 11-05-2013 à 10:58:53
Pas vraiment de poutrage mais un récit "presque" aussi sérieux que la gestion de course menée de main (euh de pied) de maître.
Bravo le lutin, un équivalent 40mn aux 10km, j'en rêve en ce moment.
Au fait cela doit faire un bon classement ds la catégorie ?
Commentaire de Mustang posté le 11-05-2013 à 11:11:59
Quelle pugnacité!
Commentaire de peky posté le 11-05-2013 à 21:58:04
Bravo, ça carbure au super là!
Faudra que j'applique la technique mais 40' même pas en réve.
Commentaire de Dom 61 posté le 12-05-2013 à 13:17:12
Bravo Thierry, tu te bonifie avec l'âge !
Commentaire de caro.s91 posté le 12-05-2013 à 16:08:26
Ah cette fois-ci c'est du sérieux, pas comme la rigolade 3 jours avant !!! Bravo Thierry ! Bises, Caro
Commentaire de Jean-Phi posté le 22-05-2013 à 14:54:27
Quelle belle course, chapeau !
M'en vais essayer la technique de pied, des fois que ça me donnerait des ailes ! ^^
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