Récit de la course : Restonica Trail - 68 km 2011, par LPB

L'auteur : LPB

La course : Restonica Trail - 68 km

Date : 2/7/2011

Lieu : Corte (Haute-Corse)

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Distance : 68km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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La restonica

Préambule.

 

3 juillet 2010, le Tavignanu Trail s’achève, je suis exténué par la fatigue, la chaleur et la technicité du parcours. Je découvre pour la première fois ce que c’est « d’aller se chercher » pour finir une épreuve et pourtant le format de course n’a rien à voir avec celle de mes amis Julien et Jean-Michel, partis défier la montagne Corse pour un périple de 67 Km associé à 5000m de dénivelé .Ils ne la finiront pas, j’ai mal pour eux mais je sais que l’an prochain ce sera mon objectif de l’année ; le Restonica Trail .

Préparation.

 

Je ne m’engagerai pas dans une telle aventure sans une préparation sérieuse. L’engagement est pris, mon plan d’entrainement se profile au fur et à mesure des semaines.

Je repars en Corse fin août pour 2 jours de course à pied avec Julien et Dumé (un coureur insulaire) qui me feront découvrir le cap, et par la même occasion vont me prodiguer de précieux conseils pour la gestion d’une telle course. C’est l’occasion aussi de « biffler » pour la première fois la blatte, pas dans un bon jour.

Déjà l’automne se profile, je m’engage sur 2 courses supérieures à 40 Km (le Trail des Alpes-Maritimes et Gorbio) qui me donneront un avant-goût d’une épreuve de 7 heures environ. Je finis ces 2 épreuves honorablement, rassuré mais aussi épuisé par cette fin de saison. Ainsi, ma préparation pour la mythique Saintélyon ne durera que 5 jours, le corps ne suivant plus, je ressens une fatigue physique générale intense, et mentale aussi. Le 22 octobre je range soigneusement pour 4 mois mes chaussures de Trail, et m’accorde 2 semaines de relâchement qui sera salvateur.

La période hivernale est beaucoup moins jouissive, finie la montagne, ce seront les tours de piste du stade Charles Ehrmann qui alimenteront mes séances.3 mois de VMA courte, VMA longue, fartlek et cross vont se ponctuer par un retour tant attendu à la course nature, un Trail sur neige à Castérino.

Au printemps, le travail foncier réalisé, il s’agit de choisir les bonnes épreuves pour parfaire la préparation. Ainsi je sélectionne 5 courses minutieusement étudiées, dont le Trail de Mimet (une course dans le massif de l’étoile), que Dumé Luciani , ancien vainqueur de l’épreuve, m’a conseillé de faire pour préparer la Restonica. Le parcours empruntant les sentiers du massif les plus techniques, alternant les traces en crêtes et les fonds de vallons défoncés. Il n’avait pas tort.

Une blessure au dos me contraindra à lever le pied pendant 10 jours. J’ai longtemps pensé que cette satanée blessure ruinerait tous mes espoirs , aussi je commence à comprendre que le surentrainement n’est plus très loin. Je n’avance plus, je régresse même.3 séances sur le mont-chauve se finiront en marchant, l es larmes aux yeux ou assis au bord du sentier la tête entre les mains. Frustration. Je lève sérieusement le pied, me couche à 21 heures le soir, dors 10 heures par nuit pour me régénérer.(Super intéressant pour ma femme !).

Sur les conseils avisés de Julien, je coupe l’entrainement 2 semaines.

Le plus beau reste à venir, le plus long aussi, l’attente du jour J est interminable. Ces longues semaines de préparation m’auront permis de « valider » mon matériel de course, et à moindre mesure la gestion de la nutrition, qui restera néanmoins l’inconnue de l’épreuve, n’ayant jamais couru plus de 7heures 30’.

L’objectif.

Mon inexpérience dans ce format de course m’impose la sagesse. L’objectif sera donc de finir l’épreuve pour ramener le SAINT GRAAL tant convoité, le couteau corse gravé.

Cela dit pour avoir minutieusement préparé le parcours, un temps dans les 13 heures me parait raisonnable. J’ai même secrètement l’espoir de boucler la course en 12 heures. Si je coince nulle part, c’est réalisable. De plus j’ai tous mes temps intermédiaires en tête dans les différents cas de figure. Je pense être incollable !.D’ailleurs cette préparation m’épargnera de visualiser continuellement ma montre en course. Rien n’est paramétré, ni le cardio, ni l’altimètre. Seul le chronomètre fonctionnera.

La course.

 

5h00 du matin, cours Paoli, une haie d’honneur de fumigènes rouges et la chanson officielle du Restonica Trail donnent le départ des 127 coureurs engagés. L’émotion me gagne déjà, mes poils se dressent, ça y est j’y suis.

Je suis étonnement calme et serein, déterminé aussi.

Un départ avec Jean-Michel, mon acolyte de course à pied, nous rassure mutuellement. Nous avons fait une grande partie de notre préparation en commun, nous nous connaissons bien.

La terrible première ascension, une montée sèche de 1500m en 6 Km lance le début des hostilités. Le départ est prudent, la journée va être longue. Il fait encore nuit, je suis émerveillé par le serpentin lumineux qui oscille vers les sommets. Jean-Michel en profite pour jouer les paparazzis en me photographiant copieusement devant l’arche de scandulaghju, étrange curiosité de la nature.

Je pense être dans un bon rythme, aussi nous passons le premier pointage aux bergeries de Padule avec 6’ d’avance sur l’objectif de 12 heures de course. Les 5 kilomètres de piste forestière, la seule partie facile du parcours, nous permettent de discuter et de profiter pleinement des paysages pittoresques qui s’offrent à nous. Déjà 3 heures de course et nous rejoignons le refuge de Séga avec cette fois-ci 9’ d’avance. Un arrêt rapide au ravitaillement ou je remplis ma poche à eau et nous voilà partis en direction du lac de Nino et ses fameuses pozzines (pelouses) d’un vert éclatant ou paissent vaches et chevaux sauvages dans ce cadre idyllique. La montée longue de 12 kilomètres est exténuante car le sentier, très étroit, est bordé de maquis fourni et épineux. Bref, on ne pose jamais les pieds ou on le souhaite. Jean-Michel connaîtra un passage à vide. J’attends quelques minutes mon ami au bout du lac, lieu ou est installé le troisième ravitaillement, et lui dis mon souhait de continuer sans lui, m’étant au préalable rassuré que tout allait bien pour lui.

Après 5 heures d’efforts, je commence à prendre un rythme plus élevé. Il faut dire que le profil de la section qui débute me plait, alternant petites remontées et descentes qui se courent relativement bien dés lors que j’allonge la foulée. Le terrain reste accidenté, je suis vigilant. Je rejoins un coureur local rencontré lors de la dernière ascension, ayant remarqué sa facilité et apprécié sa sympathie, je décide de faire équipe avec lui.

Au refuge de Manganu, la terrible difficulté du jour se profile ; la montée de Punta allé Porta, brèche creusée dans un univers minéral aux crêtes déchiquetées. Me voilà en haute montagne, le sentier d’abord bien dessiné laisse place à une trace hasardeuse parsemée de blocs rocheux. J’attaque la montée ultime, la troisième cheminée simplement guidé par la rubalise et les cris d’encouragement de bénévoles postés au sommet de la brèche. Le souffle est court, les cuisses deviennent lactiques. Je bascule, le temps s’arrête. Le panorama s’ouvre devant une immensité de montagnes, paysage paradisiaque, avec en contrebas les lacs d’altitude de Capitellu et Melu. Quelques minutes de répit pour bien savourer ce moment privilégié et je m’engage dans la vertigineuse descente. Mon cabri Cortenais est déjà loin, il m’a littéralement atomisé !

Voilà l’instant que je redoutais tant, je sais que je ne suis jamais à l’aise dans cet univers minéral avec le vide à mes côtés , pourtant il va falloir dominer ses appréhensions. Il n’y a pas d’autres choix. Une première partie engagée est sécurisée par une chaine métallique permanente, sans doute installée pour les passages de névés habituellement présents même en cette saison. Les fortes chaleurs du printemps et du début de l’été ont fait disparaitre les neiges éternelles, du moins celles présentes sur le sentier. Je me dis que je suis chanceux. Les cordes me rassurent, aussi je n’hésite jamais à les saisir des 2 mains. La présence de 2 guides est sécurisante aussi, ils n’hésiteront pas à prodiguer leurs conseils et à rassurer les coureurs les moins dégourdis. Ils ont bien dû rigoler dans leur langue Corse en me voyant dévaler la pente accroché à la deuxième corde. Le moment est intense, 7 heures de course maintenant, il faut rester concentré pour ne pas finir en tartare dans Capitellu. Les quadriceps commencent à se raidir, il faut sans cesse lever les jambes et éviter les crampes musculaires.

Les encouragements des personnes souvent venues en famille aux abords du lac de mélo rendent les lieux plus hospitaliers, la pente s’adoucit, le terrain est moins accidenté, j’en déduis que le gros ravitaillement de Grutelle (Km 43) n’est plus très loin. Je retrouve ma famille à cet endroit ou j’en profite pour me faire masser les jambes par 2 kinés dévoués. Pendant ce temps ma femme s’occupe de moi et s’inquiète d’alimenter mon sac à dos en eau et gels. Mes enfants sont là, c’est rassurant. La fatigue est là mais je me sens bien, si bien que même avec les 10 minutes perdues à me ravitailler je note une avance de 6’ sur mon prévisionnel. Serais-je un métronome ?

La section suivante me mène à l’auberge « chez César » par un sentier valléen au profil descendant mais ponctué par de brèves remontées usantes. Je suis bien en Corse, les sentiers se courent mal. Je maitrise mes nerfs pour ne pas insulter les pierres qui me font vriller mes chevilles, je commence à moins bien me contrôler et manque parfois de lucidité dans mes choix nutritionnels. Mes premières douleurs gastriques me transpercent le ventre. 9 heures de course, je suis dans l’inconnu, l’alimentation est mal gérée, c’est une certitude maintenant. Pourtant j’alterne le sucré avec le salé et bois régulièrement par petites doses mais mon corps est entrain de me lâcher.

C’est pas le moment de flancher car la longue remontée sur la plateau d’Alzu est déterminante. Comprenez que c’est la dernière grosse ascension, 700 mètres environ, s’ils sont bien négociés, ce sera le chrono qui tombera sous les 12 heures de course. Avant d’attaquer ce col « hors catégorie » je plonge ma tête entière dans un baril d’eau mis à la disposition des coureurs. Je vais avoir besoin de lucidité alors je me gifle le visage, les cuisses, les mollets avec de l’eau pour m’assurer que tous mes organes sont en éveil et répondront présents à l’effort que je vais leur soumettre. J’attaque le sentier le couteau entre les dents, les nombreux lacets en balcon me montrent que personne n’est à mes trousses.

Cependant , l’organisation a fait un double balisage, soit la montagne se gravit droit dans la pente pour les plus forts ou en empruntant le sentier tracé en lacets. Le choix sera loin d’être cornélien, pris de spasmes intestinaux je ne marche plus qu’en titubant. Les vertiges me gagnent, je m’arrête, j’ai la diarrhée. Néanmoins je reste relativement lucide, je pense à bien m’hydrater en eau (ça fait 2 heures maintenant que l’hydrixir ne passe plus), je prends 2 gels « coup de fouet » d’affilée que j’ingurgite sans mâcher pour ne pas vomir et reste stoiquement accroupi au bord du chemin à me vider.

Tel un vieillard, je monte en regardant le sommet qui me parait inaccessible. Je ne sais pas si j’irais au bout de l’effort. Je doute. Un concurrent venu de nulle part me double par la trace la plus directe, me demande si je vais bien. Du tac au tac je lui réponds que oui, que je suis tranquille, que je gère. Non, il ne me prendra pas en pitié, question d’orgueil. Sa venue m’aidera à avoir un coureur en point de mire…il disparaitra très tôt. Deuxième puis troisième arrêt technique, je me vide complètement. Le sommet tant attendu sera franchi après 1 heure et trente minutes d’ascension, alors que j’ai misé tout au plus sur 1 heure dans mes prévisions. Le chrono secrètement espéré s’envole définitivement, il s’agit maintenant de rentrer coûte que coûte, et tant pis pour la performance escomptée. Ma déconvenue et mon abandon à la Transvésubienne 2009 m’a appris qu’on a toujours le temps d’abandonner, qu’une course n’est jamais terminée. Voilà 2 heures maintenant que je suis dans le creux de la vague mais l’arrivée sur le fameux plateau d’Alzu me redonne du courage et la rage nécessaire pour bien finir une course. Le dernier ravitaillement jouxte une bergerie de montagne éponyme ou j’en profite pour demander l’hospitalité des sanitaires. 35 minutes de retard à ma montre, j’ai l’avantage de connaître la trace finale, les gorges du Tavignanu, puisque l’an dernier la fin du parcours était commun. Superbe sentier descendant sous les épineux dans la première partie, puis la trace bascule rive gauche du torrent ou la roche calcaire sans aucune végétation domine. La chaleur est étonnement acceptable, je retrouve le sourire puisqu’à 7 kilomètres de l’arrivée je sais que c’est gagné. Je ne me laisse pas gagner par l’émotion, une entorse ou une chute est si vite arrivée, la fatigue aidant. La dizaine de remontées de ce sentier valléen ne me font même plus mal, l’enthousiasme est là donc les jambes suivent. J’apprivoise mes douleurs intestinales.

Dernier effort,je quitte le sentier pour remonter à la citadelle de Corte, longe celle-ci pour dégringoler une voie pavée ou tout un village m’encourage. Le point gauche serré , je hurle mon bonheur dans les derniers hectomètres ou mes enfants et ma nièce m’attendent. On finit la course ensemble, main dans la main. Je suis fier de moi, j’ai le sentiment du devoir accompli.

Le rêve se réalise. Il est là. Je l’ai fait, je le referai.

Epilogue.

 

12h 38’ de course une 34° place au scratch/ 127 partants et 91 finishers.

Le plus beau reste à venir.

7 commentaires

Commentaire de brague spirit posté le 07-09-2012 à 14:45:32

Hervé,c'était l'an passé,mais à lire,c'est comme si c'était,hier.Tu arrives meme à "me tirer une larme".Sachant,ce que tu as enduré,derriere,c'est encore plus fort.
Un objectif,pour 2013,faire passer la ligne à Dju.Il y aura meme un ultra(+100km),parait il.
Pour completer la collection de couteaux

Commentaire de LPB posté le 07-09-2012 à 18:56:32

C'est vrai qu'il arrive en retard...mais j'en ai profité de mettre à jour mon profil pour le faire partager. Ju est motivé pour le 68 l'an prochain alors du coup je vais peut-être rempiler

Commentaire de Japhy posté le 07-09-2012 à 21:52:58

Haaaa les mises à jour, quelle bonne idée! Super récit.
Bon, je voulais y aller, mais je sens que je vais commencer par le petit parcours, c'est plus sage!

Commentaire de LPB posté le 07-09-2012 à 22:32:13

Le tavignanu est déjà costaud japhy,33 Km pour 2500D+,mais il y a moyen de se faire déjà largement plaisir!!!
Trés bon choix

Commentaire de Arclusaz posté le 09-09-2012 à 10:41:43

Des CR comme ça, ça devrait être interdit !!!!!

ça fait un moment que ce trail me trotte dans la tête mais c'est encore un rêve inaccessible : merci de la précision de la description du parcours qui me permet de bien visualiser.
Bravo pour ta performance et la hargne mise pour finir.

Un jour, peut être, quand je serais grand....

Commentaire de Aiaccinu posté le 10-09-2012 à 08:44:15

C'est un beau et émouvant récit...
Bravo pour ta perf et de nous l'avoir fait revivre par ce cr.
Jean-Noël

Commentaire de Bert' posté le 16-09-2012 à 11:55:54

Après mon expérience 2012, je découvre avec plaisir ton récit qui me remet bien dans l'ambiance... avec un déroulé de course sensiblement plus rapide !
Bravo pour ta très belle course !!

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