Récit de la course : Restonica Trail - 68 km 2011, par Shostag

L'auteur : Shostag

La course : Restonica Trail - 68 km

Date : 2/7/2011

Lieu : Corte (Haute-Corse)

Affichage : 2648 vues

Distance : 67km

Objectif : Terminer

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Un long week-end corse

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Trace GPS

Statistiques : 68 km (GPS), +/- 3.800 m (baromètre)

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Pour cette édition 2011, nous nous sommes regroupés à trois azuréens : Jean-Michel (brague spirit), Hervé (LPB) accompagné de sa petite famille et moi-même. Nous séjournerons dans une maison de village, gracieusement prêtée, située à Poggio di Venasco non loin du départ.

La Corse s'avère surprenante pour les continentaux que nous sommes : pas de sans plomb 98 dans les stations services (trop cher ?), les hypermarchés fermés le dimanche matin, le nom français des localités effacé/barré sur les panneaux de signalisation à l'approche de Corte (pardon Corti) mais aussi des plages magnifiques sur un littoral sauvage et une gastronomie aux saveurs très particulières.

Sortant tout juste d'une sevére gastro-entérite, je ne me présente pas au mieux : 5h d'entrainement, sans qualité, sur les deux dernières semaines et aucune réserve énergétique, n'ayant pas eu le temps de reprendre la plupart des kilos perdus, trois kilos en dessous de mon poids de forme.

Dès les premiers mètres, le rythme cardiaque est anormalement elevé et le demeure. Je me retrouve sans surprise bon dernier dans cette grande montée (1.400 m de D+ en 6 km), suivi de très près par trois sympathiques mais envahissants serres-file, leurs souffles rauques sur ma nuque.

 

Je bénéficie de leur conversation en langue/patois Corse, je n'ai pas tout compris mais cela devait être du genre : "je te parie un saucisson qu'il n'ira pas au bout celui-là", "regarde son grand chapeau et son pantacourt, il se croit à la plage" ou "on devrait lui dire que ce n'est pas le 33 km". J'ai aussi droit en avant-première aux nouvelles des PC course : "127 partants", "Dawa Sherpa en 2h02 à Sega"  ah oui déjà !

 

Bien sûr, les montées ne sont ni directes ni régulières, le sentier prend bien soin de contourner d'énormes amas rocheux avec autant de descentes / traversées en balcon, comprend des portions bien raides nécessitant de mettre les mains et de nombreux marches surélévées. Il ne faudrait pas que cela soit trop facile quand même.

Miracle, j'aperçois un t-shirt rouge. Oui, c'est un bien un autre coureur, je vais peut-être pouvoir passer avant dernier. Je profite du ravitaillement, pour le doubler (1 !) ainsi que deux féminies et un vétéran (4 !) qui ont manifestement plantés la tente. 

 

Tous me reprennent rapidement sur la piste (1 puis 0 !) qui suit, de même que les serres-files qui me dépassent et distancent : celle-là, on ne me l'avais jamais faite, suis-je officiellement hors course ?

 

Le gars en rouge soufflait comme un boeuf quand il m'a passé. Comment cela va, rythme pas trop rapide ? Non, c'est juste mon surpoids, cela ira mieux dans quelques heures. Mais bien sûr, toi tu es en hyperventilation et tu ne vas pas finir la journée ...

 

Nous allons jouer au yoyo un petit moment avec tout ce petit monde, je reprends un peu de terrain en montée (rythme cardiaque toujours trop elevé, tant pis, sinon j'avance pas) et en perds sur le plat et en descente.

 

Ca y est, cette piste interminable est terminée, c'est 100 % single jusqu'à l'arrivée. Je suis devant M. Rouge (1 !) et nous entamons la plongée vers le Refuge de Sega. Je trottine un peu et cela devient rapidement incourable, marche rapide.

Je reviens tôt sur une 1ère féminine qui a peur de se faire une entorse (2 !), puis la 2ème féminine (3 !), le vétéran qui les accompagne (4 !) et un gars en noir, quasiment arrêté que je prends pour un randonneur (5 !).

Je remplis le camel, me ravitaille vite fait bien fait (gros morceau de fromage, saucisson) et démarre en mangeant une banane. Grace à ce pit-stop record, je passe trois campeurs (8 !) dont deux mecs en blancs qui reviendront sur moi (6 !).

 

 

Leur stratégie de course est bizarre, ils s'épuisent à essayer de courir - moi je marche, je ne vais pas me fatiguer - et font de fréquentes et longs arrêts - 2/3 min toutes les 20 minutes. Bref, je les reprends pendant qu'ils regardent un arbre, enfin je pense, je ne préfère pas savoir, et je ne les reverrai plus (8 !).

 

 

Peu après, je tombe sur un autre mec en blanc assis sur un rocher. Cela va ? Tu as tout ce qu'il faut ? Déshydraté ? Oui, pas de problème. Ok, à tout à l'heure alors (9 !).

 

 

Plus personne en vue jusqu'au Lac Nino, c'est du faux plat de chez faux plat, famille interminable, où je n'arrive pas à trottiner. Je prends bien soin de mouiller la tête et le chapeau à chaque ruisseau, pas envie d'attraper une insolation comme l'autre, même si la chaleur est supportable avec environ 30°.

 

 

Le Lac Nino est un coin très joli, un peu gaché par les bouses de vaches. Les coureurs se croisent, on aperçoit en face ceux à rattraper ou distancer. C'est découragent à l'aller, encourageant au retour.

  

Ravitaillement express et j'attaque une descente après un nouveau faux plat. J'arrive à trottiner un peu mais je ne suis pas vraiment à l'aise. Rapidement, le terrain devient trop technique pour trottiner régulièrement et je vais alterner avec de la marche rapide.

Malgré une pause technique, je double un (10 !), deux (11 !), trois gars (12 !) et aperçois un groupe de quatre au loin. Je reviens petit à petit sur eux quand cela remonte et grâce à un nouveau ravitaillement F1, je les passe (16 !) avant d'attaquer le juge de paix, la terrible montée à la Brèche Capitello.

J'accélère légèrement dans cette montée, revenant sur un autrichien (17 !), dossard 89, qui a du mal à s'orienter. C'est à droite ! Je ne parle pas français. Do you speak English ? Yes. Follow me.

Il va profiter du guide, je vais profiter de la rubalise course, le balisage GR20 n'étant pas évident. Le terrain devient franchement rustique avec de jolis murs et de l'escalade facile. Putain, comment Kilian Jornet a pu mettre 33h pour traverser toute la Corse et de nuit, c'est un mystère !

Je me retourne régulièrement pour voir si le groupetto revient mais c'est bon, ils perdent du terrain et ont l'air de faire quelques arrêts alors que j'enchaine tout d'une traite. Juste avant la brèche, j'arrive enfin à décrocher définitivement l'autrichien (il n'aurait pas du suivre, il perdra sur moi près de 2h d'ici l'arrivée) et me rapproche même de deux gars en bleu.


Les bénévoles nous encouragent à vive voix sur les derniers mètres, cela fait chaud au coeur. La vue est splendide sur les lacs en contrebas mais je m'éternise pas (19 !).

 

La descente est engagée et particulièrement technique, impossible de courir. Je double un groupe de quatre dont une féminime (23 !) avant un passage en désescalade dans une cheminée. Deux randonneurs bloquent le chemin, je jette mes batons par dessus et passe à gauche, le corps en avant, sans utiliser la chaine. Une photographe a immortalisé la scène, j'ai hâte de la voir celle-là.

J'aperçois ensuite une nouvelle féminime en haut d'une trouée. Une corde y a été aménagée mais je ne l'utiliserai pas : personnellement, je préfère les ressauts à des passages en roche lisse, forcément glissants et présents en nombre sur le chemin de corde.

 

Personne n'a manifestement le pied montagnard et surement pas cette féminime (24 !) qui me voit débouler, complètement arrêtée et effrayée, bien avant la fin de la trouée.

 

Où sont les sangliers Corses ? Je creuse sans difficulté des écarts énormes sur la suite de la descente (plus d'une dizaine d'autres concurrents doublés, je ne compte plus !) jusqu'à Grottelle qui reste dans la même veine.

 

 

 

L'alimentation devient difficile, le solide ne passe plus et je me rabats au ravitailllement sur le doublé magique Coca / gel. Je laisse reposer en paix encore pas mal de monde dans ce havre bienvenu ou cet enfer, c'est selon : il parait même qu'il y avait des kinés mais je ne les ai pas vus et on ne m'a rien proposé.

Je ressors derrière deux gars en blanc et vert du même club qui font l'épreuve ensemble. Pardon ! Tu peux encore courir, vas-y passe. Ca ne va pas durer longtemps, à tout à l'heure (+ 2 places !) ... D'autant que le sentier valléen qui suit, censément descendant est terrible dans le genre monta-cala, cela ne s'arrête pas de remonter.

 

 

Je relance en trottinant quand je peux, c'est à dire pas souvent. Après un calvaire sans fin, enfin la délivrance, "chez César" qui fait office d'unique barrière horaire, limite 15h de course. Ouf, je suis en avance de plus d'une heure, je vais peut-être bien finir après tout.

Nous sommes cinq au ravitaillement, dont les deux blanc et vert qui m'ont rejoint et ont retrouvé ma crème solaire (- 2 !). Je repars comme à l'accoutumée en premier (+ 4 !) après avoir fait le plein d'eau.

C'est la dernière grosse montée jusqu'au plateau d'Alzo. On a le choix entre un sentier en lacets, à la pente régulière et relativement peu prononcée, balisé en orange ou dré dans le pentu, avec de la rubalise. Je choisis les lacets, même plus envie d'essayer tout droit.

Je m'installe dans un faux rythme, entrecoupé de brèves accélérations quand j'aperçois de temps en temps un des concurrents quelques minutes en contrebas. J'ai par moment le souffle court, probables réminiscences de la gastro-entérite.

 

Je ne sais pas où sont les autres, apparemment loin. C'est d'autant plus étonnant que je n'avance pas, doublé même par un randonneur et son gros sac. Je n'ai plus trop envie de faire de photos ...

 

 

Au plateau d'Alzo, je retrouve un peu de vigueur. Les montées sont derrière moi, le plus dur est fait. J'essaie de courir et non plus de trottiner, cela passe. Ah, la psychologie ...

Toujours pas possible de m'alimenter en solide à la bergerie. Les bénévoles m'égaient d'une histoire corse : il parait qu'une vache noire sauvage a attaqué trois coureurs un peu plus loin. Ils étaient habillés en rouge ? Non en bleu. Mince, comme moi !

Je cours de plus en plus dans la descente sur les gorges du Tavignanu et petit à petit je trouve un rythme correct, ne marchant désormais plus que dans les montées. Je m'attends à retomber sur le refuge de Séga mais apparemment nous empruntons un sentier plus direct, sur les traces du petit parcours, ce que va me confirmer un gars en noir qui marche ou plutôt boite (+ 1 !) et n'essaie même pas de s'accrocher.

 

Juste après, je croise une vache noire au beau milieu du sentier. Merde, elle a l'air agressive : c'est surement la vache tueuse, ce n'était pas une blague !  Impossible de passer par le bas, c'est une falaise, j'essaie le haut, en équilibre précaire sur un tronc tombé à même le sol. Sage ! Ne bouge pas ! C'est bon, je suis passé, je trace et ne me retourne pas.

 

 

 

Je traverse la rivière sur un pont en bois haut perché et je continue sur ma lancée. De temps en temps, j'aperçois un autre t-shirt noir une centaine de mètres devant. C'est bien un concurrent, le numéro 130, il avance vite le bougre et il me faudra vingt minutes de course-poursuite pour faire la jonction.

Cela fait plaisir de trouver quelqu'un de sympathique et qui a le même rythme, nous allons nous motiver mutuellement et finir ensemble. Nous revenons avec mon guide, local de l'étape, qui connait le parcours comme sa poche, sur trois concurrents que nous déboitons juste avant la Citadelle et l'entrée de ville.

Ils ne peuvent pas réagir, d'autant plus que nous en remettons une couche, à balle dans le final des escaliers et au sprint sous l'arche pour le plaisir, le GPS affiche 19 km/h.

 

Voilà, 15h35 pour une inattendue 63ème position, il y a dû avoir beaucoup de casse devant et derrière. Hervé et Jean-Michel sont déjà là et douchés, ils ont eu le temps de manger au restaurant, appeler la France entière, voir un film au cinéma, ...

 

Pour ma part, je ne peux plus rien avaler et je pars me coucher. Je reprendrai des forces le lendemain, les jambes lourdes ont presque disparues à J+2.

 

Bilan positif après deux ans sans ultra : l'effort à bien été géré, j'ai été manifestement un peu en dedans toute la journée et fini avec un très léger négative split. Très mauvaise gestion de course de l'ensemble des traileurs, les temps intermédiaires du classement sont particulièrement révélateurs.

Prochaine course, probablement un 100 km, 6.000 m de D+, l'année prochaine et en pleine forme cette fois j'espère. Le Mercantour par miracle sinon le Verdon ou le Beaufortain.

 

5 commentaires

Commentaire de Jay posté le 05-07-2011 à 11:41:01

Bravo pour ta gestion de course et merci pour ce récit avec une façon de raconter et de photographier que j'aime bien aussi :-)
Bonne récup' et bonne continuation ,
Jay
Nota : c'est marrant , t'es de Mouans Sartoux, j'y étais hier pour le boulot :-)

Commentaire de totoro posté le 05-07-2011 à 13:19:41

Merci pour ce superbe récit dans une région tout aussi superbe ! Et puis quelle gestion de course : ça sent l'expérience ! Bravo !

Commentaire de Tomcat posté le 05-07-2011 à 15:21:15

Très belle course, bien gérée malgré les difficultés. Les photos reflètent parfaitement la difficulté du parcours. Je te trouve bien dur avec la partie aux alentours du lac de Ninu : pour moi, c'était un des rares endroits plats et parfaitement confortables pour courir à petite foulée, à l'économie.
Le Corse est néanmoins susceptible, enfin il paraît ;-). Alors, il faut savoir que l'on parle de langue corse, pas de patois et que depuis Alzu, on redescend par la Vallée du Tavignagnu, pas de la Restonica. La Restonica, c'est celle qu'on a empruntée depuis les Bergeries de Grutelle dont le ruisseau éponyme est nourri par les eaux des lacs de Capitellu et Melu.
Bonne continuation !

Commentaire de philkikou posté le 08-07-2011 à 06:49:30

belles photos, belle ile , bonne gestion , de l'humour (corse) , : du bo, du bon récit .... bravo

Commentaire de akunamatata posté le 10-07-2011 à 12:08:55

bravo pour ta reprise, tu as choisi une course bellisima et poutaing' quécédoura ! merci pour les photos

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